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09/10/2003 | FRANCE | N°99MA00067

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre - formation a 3, 09 octobre 2003, 99MA00067


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 15 janvier 1999 sous le n° 99MA00067, présentée pour la Société à Responsabilité Limitée (S.A.R.L.) CERETANA, ayant son siège 11 Avenue Rahur à Bourg Madame (66760) par la SCP d'avocats CONSTANS-GALIAY-HENRY ;

La société CERETANA demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 93-2906, en date du 9 novembre 1998, par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a annulé, à la demande de la Fédération pour les Espaces Naturels et l'Environnement Catalan (FENEC), l'Assoc

iation Cerdagne Notre Terre et M. et Mme Y, le permis de construire qui lui a ét...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 15 janvier 1999 sous le n° 99MA00067, présentée pour la Société à Responsabilité Limitée (S.A.R.L.) CERETANA, ayant son siège 11 Avenue Rahur à Bourg Madame (66760) par la SCP d'avocats CONSTANS-GALIAY-HENRY ;

La société CERETANA demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 93-2906, en date du 9 novembre 1998, par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a annulé, à la demande de la Fédération pour les Espaces Naturels et l'Environnement Catalan (FENEC), l'Association Cerdagne Notre Terre et M. et Mme Y, le permis de construire qui lui a été délivré le 13 août 1993 par le maire d'ESTAVAR ;

2°/ de condamner l'Association Cerdagne Notre Terre et M. et Mme Y à lui payer une somme de 3.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Classement CNIJ : 68-03-03-01-01

C

Elle fait valoir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé le permis qui lui avait été délivré, pour la construction de trois bâtiments comportant 24 logements à usage d'habitation, sur le moyen tiré de la violation de l'article L.145-3-III du code de l'urbanisme ;

Elle soutient, en premier lieu, que le jugement est fondé sur une appréciation inexacte de l'état des lieux ; qu'en effet, l'urbanisation de la commune d'ESTAVAR était constituée, indépendamment du vieux village, de plusieurs ilôts d'habitations et qu'eu égard à cette situation les auteurs du plan d'occupation des sols (POS) avaient opté au titre des principales options d'aménagement pour le rétablissement progressif d'une continuité ; que le permis de construire en litige s'inscrivait dans cette perspective ;

Elle soutient, en deuxième lieu, que le tribunal a fait une interprétation erronée de la loi dite Montagne en consacrant une interprétation purement statique du principe de continuité allant à l'encontre de l'objectif du législateur qui était d'empêcher le mitage des sites montagneux ; qu'elle développera ces moyens dans un mémoire ampliatif ;

Vu le mémoire ampliatif, enregistré le 14 octobre 1999, présenté pour la société CERETANA et par lequel elle conclut aux mêmes fins que sa requête et par les mêmes moyens ;

Elle fait valoir, en outre, qu'il ressort des documents produits en première instance, que le terrain d'assiette de la construction projetée jouxte une ligne de cinq parcelles construites à la date de délivrance du permis contesté et que, dans le même secteur, quelques mètres en contrebas de cette ligne de construction, une deuxième ligne comprenant six parcelles construites existait également à cette date ; qu'ainsi il y avait bien continuité avec le bâti existant ; que la Cour pourrait s'assurer de cette situation de fait en nommant un expert ou en se transportant sur les lieux ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 décembre 1999, présenté pour la commune d'ESTAVAR, représentée par son maire en exercice, par Me COURRECH, avocat et par lequel, d'une part, elle indique à la Cour qu'elle s'associe aux conclusions formulées par la société CERETANA et, d'autre part, demande que la FENEC, l'Association Cerdagne Notre Terre et M. et Mme Y soient condamnés à lui payer une somme de 5.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle fait valoir, en premier lieu, que c'est à tort que le Tribunal administratif a considéré que le permis de construire en litige était contraire aux dispositions de la loi Montagne dès lors que si le terrain d'assiette est distant de 750 m du vieux village, l'espace séparant le vieux village de ce terrain n'est pas vierge de toute construction mais est au contraire entièrement bâti de façon continue ; qu'ainsi, le permis en litige est conforme aux dispositions de l'article L.145-3 III du code de l'urbanisme ainsi qu'en a jugé la Cour de céans dans un arrêt du 28 décembre 1998 ;

Elle fait valoir, en deuxième lieu, sur les autres moyens invoqués devant le tribunal administratif, que ceux-ci ne sont pas fondés ; que, s'agissant du moyen tiré de la violation par le POS de l'article L.145-2 du code de l'urbanisme et de l'article L.111-1-1 du même code, ce moyen n'est pas fondé dès lors que cette disposition ne fait elle-même l'objet d'aucune sanction et qu'elle ne fixe aucune disposition normative ; que l'illégalité du POS au regard des dispositions des articles L.145-3 I, II et III de ce code, en l'absence de toutes justifications, n'est pas établie ; qu'il en est de même du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R.111-21 du code de l'urbanisme ; que le moyen tiré de l'absence de desserte du terrain par les réseaux publics d'eau, d'assainissement et d'évacuation des eaux pluviales manque en fait ; que les arguments relatifs à l'insuffisance de la station d'épuration sont sans effet sur le permis ici contesté et non étayés ; qu'enfin le moyen tiré de la violation de l'article L.145-9 du code de l'urbanisme n'est pas fondé dès lors qu'aucune autorisation d'unité touristique nouvelle n'était requise ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2000, présenté par la Fédération pour les Espaces Naturels et l'Environnement Catalan (F.E.N.E.C.), représentée par son président, l'Association Cerdagne Notre Terre, représentée par sa présidente et M. et Mme Y et par lequel ils concluent au rejet de la requête et à ce que la commune d'ESTAVAR soit condamnée à payer à chacun d'entre eux la somme de 3.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Ils soutiennent que le permis de construire en litige, qui prévoit des affouillements des sols, méconnaît l'article 1er du règlement de la zone 1 NA du POS de la commune ; qu'il méconnaît également l'article 11 de ce même règlement dès lors qu'il autorise la construction d'un immeuble de quatre niveaux dans une zone vierge de constructions sur le flanc d'une colline dans sa partie élevée ; que, contrairement à ce que soutient la commune, la parcelle d'assiette n'était pas desservie par les réseaux et n'était accessible que par un chemin de terre d'une largeur très inférieure à celle indiquée dans l'avis du maire ainsi qu'il ressort d'un constat d'huissier ; que le permis en litige a été délivré sans respecter les règles imposées pour l'ouverture à l'urbanisation des zones NA ; qu'en outre, le permis en litige ne respecte pas le principe de continuité puisque le projet se situe au Nord de la départementale qui va d'ESTAVAR à Font-Romeu et est séparé de la zone 1 NAa où sont éparpillées les quatre constructions existantes, ne pouvant être regardées comme constituant un hameau, par un autre chemin ; qu'en accordant ledit permis de construire, le maire a commis une erreur manifeste d'appréciation quant à l'atteinte aux sites et paysages naturels ; qu'enfin, le permis de construire est entaché de détournement de pouvoir dès lors qu'aucun motif d'urbanisme ne justifiait sa délivrance et que les parcelles achetées par la société CERETANA appartiennent toutes à des élus ou à leur proche famille ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en vigueur jusqu'au 31 décembre 2000, ensemble le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2003 :

- le rapport de Mme BUCCAFURRI, premier conseiller ;

- les observations de M. Paul Y ;

- et les conclusions de M. HERMITTE, premier conseiller ;

Considérant que la société à responsabilité limitée (S.A.R.L.) CERETANA relève régulièrement appel du jugement en date du 9 novembre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a annulé, à la demande de la Fédération pour les Espaces Naturels et l'Environnement Catalan (F.E.N.E.C.), l'Association Cerdagne Notre Terre et M. et Mme Y, le permis de construire qui lui avait été délivré le 13 août 1993 par le maire de la commune d'ESTAVAR en vue de la réalisation de trois bâtiments de 24 logements sur un terrain sis au lieu-dit La Duro sur le territoire de ladite commune ;

Sur la recevabilité de da demande de première instance :

Considérant que la demande de première instance a été présentée conjointement par la Fédération pour les Espaces Naturels et l'Environnement Catalan (F.E.N.E.C.), l'Association Cerdagne Notre Terre et M. et Mme Y ; que ces derniers, en leur qualité de voisins du terrain d'assiette de la construction projetée, justifiaient de ce fait d'un intérêt à contester le permis de construire en date du 13 août 1993 ; que la F.E.N.E.C., qui a notamment pour but la connaissance, la défense et la gestion éventuelle du patrimoine architectural, des sites, des espaces et milieux naturels régionaux, la défense et la mise en valeur de l'environnement catalan pris dans tous ses aspects, naturels et économiques, culturels ou sportifs, ruraux ou urbains, sociaux ou économiques, justifiait également au regard de son objet statutaire d'un intérêt à agir à l'encontre dudit permis autorisant la construction de trois bâtiments dans un site montagneux de la commune d'ESTAVAR ; qu'il en est de même de l'Association Cerdagne Notre Terre dont l'objet statutaire est notamment de défendre le site de Cerdagne, la géophysique externe et interne de son environnement, sa qualité de vie : de protéger son patrimoine naturel (faune, flore, paysage) ; que la présidente de cette association qui avait été dûment habilitée, en vertu de l'article 13 des statuts et d'une délibération du conseil d'administration en date du 19 septembre 1993, avait de ce fait qualité à agir devant les premiers juges ; qu'il en est de même de la présidente de la F.E.N.E.C. qui justifiait d'une telle qualité en vertu de l'article 14 des statuts de cette association ;

Sur la légalité du permis de construire du 13 août 1993 :

Considérant que, pour annuler le permis de construire susvisé, le tribunal administratif s'est fondé sur le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L.145-3 III du code de l'urbanisme ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.145-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi susvisée du 9 janvier 1985 applicable au présent litige et dont il n'est pas contesté qu'il s'applique au territoire de la commune d'ESTAVAR constituant une zone de montagne : I Les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières sont préservées...II. Les documents et décisions relatives à l'occupation des sols comportent les dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard. III. L'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants, sauf si le respect des dispositions prévues aux I et II ci-dessus ou la protection contre les risques naturels imposent la délimitation de hameaux nouveaux intégrés à l'environnement... ; qu'en vertu de l'article L.145-2 du même code les conditions d'utilisations et de protection de l'espace montagnard au nombre desquelles figurent le principe de continuité énoncé par les dispositions précitées du III de l'article L.145-3 sont applicables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux et de toutes constructions ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que le terrain d'assiette du projet contesté, comprenant les parcelles cadastrées section A 1624 et pour partie section A 1553, 1513 et 1608, est distant de 750 mètres du village existant d'ESTAVAR et n'est, par suite, pas situé en continuité avec ce village ; qu'il ressort également des pièces du dossier, et notamment tant des plans que des documents photographiques versés au dossier, que le terrain d'assiette de la construction projetée s'insère dans une zone vierge de toute construction ; que s'il existe à proximité dudit terrain quatre constructions, il ressort des pièces du dossier qu'il en est en séparé par un chemin et que les quatre constructions sont implantées de façon éparse et ne peuvent être regardées comme caractérisant un hameau de montagne ; qu'il suit de là que le terrain d'assiette du projet contesté n'était ni en continuité avec un bourg ou village ni avec un hameau existants ; qu'il n'est en outre pas soutenu ni même allégué, et il ne ressort pas des pièces du dossier, que le projet contesté répondrait aux conditions fixées par les dispositions sus-rappelées pour la délimitation de hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ; que, par suite, le permis de construire contesté est intervenu en violation des dispositions de l'article L.145-3 III du code de l'urbanisme ; que, dès lors, la société CERETANA n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif en a prononcé l'annulation ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la F.E.N.E.C., l'association Cerdagne Notre Terre et M. et Mme Y, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à payer à la société CERETANA et à la commune d'ESTAVAR une somme au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de condamner la commune d'ESTAVAR à payer à la F.E.N.E.C., l'association Cerdagne Notre Terre et M. et Mme Y, pour chacun d'entre eux, la somme de 450 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la S.A.R.L. CERETANA est rejetée.

Article 2 : La commune d'ESTAVAR est condamné à payer, d'une part à la F.E.N.E.C, d'autre part à l'Association Cerdagne Notre Terre et enfin à M. et Mme Y pour chacun d'entre eux une somme de 450 euros (quatre cent cinquante euros) sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions formulées par la commune d'ESTAVAR sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la S.A.R.L. CERETANA, à la Fédération pour les Espaces Naturels et l'Environnement Catalan (FENEC), à l'Association Cerdagne Notre Terre, à M. et Mme Y, à la commune d'ESTAVAR et au ministre de l'équipement, des transports, du logement , du tourisme et de la mer.

Délibéré à l'issue de l'audience du 25 septembre 2003, où siégeaient :

M. ROUSTAN, président de chambre,

M. CHERRIER et Mme BUCCAFURRI, premiers conseillers,

assistés de Mme GUMBAU, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 9 octobre 2003.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Marc ROUSTAN Isabelle BUCCAFURRI

Le greffier,

Signé

Lucie GUMBAU

La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N°99MA00067 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99MA00067
Date de la décision : 09/10/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: Mme BUCCAFURRI
Rapporteur public ?: M. HERMITTE
Avocat(s) : SCP CONSTANS-GALIAY-HENRY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-10-09;99ma00067 ?
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