Vu, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 24 mai 2000, sous le n° 00MA01094, la requête présentée pour M. Fethi X, demeurant chez ... ;
M. X demande à la Cour :
1'/ d'annuler le jugement du Tribunal Administratif de Marseille du 4 mai 2000, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet des Bouches du Rhône de lui délivrer un titre de séjour ;
2°/ d'annuler la décision préfectorale du 5 février 1998 ;
3°/ d'ordonner au préfet des Bouches du Rhône la délivrance d'un titre de séjour sous astreinte de 1.000 francs par jour de retard ;
4°/ de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20.000 francs en application de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Classement CNIJ : 335-01-03
C
Il soutient : qu'à la mort de ses parents, il a été recueilli par son frère Ridha qui vit en France depuis 1978 ; qu'il est installé en France dans le cadre du regroupement familial de 1989, alors qu'il était encore mineur au regard de la loi tunisienne ; que son oncle paternel vit également à Marseille ; qu'il n'a plus d'attache en Tunisie ; que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est méconnu par la décision préfectorale ; qu'il vit en concubinage déclaré à la mairie de Martigues depuis 1993 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense présenté le 21 octobre 2000 par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête par adoption des motifs des premiers juges ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention franco-tunisienne du 17 mai 1988 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2003 :
- le rapport de M. CHAVANT, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. TROTTIER, premier conseiller ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1°/ Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°/ Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit, que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Fethi X, ressortissant tunisien né le 4 juin 1971, a été pris en charge au décès de ses parents par son frère Ridha qui vit régulièrement en France avec sa femme et ses enfants ; que le requérant, entré en France en 1989, vit en concubinage déclaré depuis 1993 ; qu'il soutient sans être contredit qu'il n'a plus aucune attache avec la Tunisie ; que, par suite, la décision du préfet des Bouches du Rhône du 5 février 1998 lui refusant un titre de séjour porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale, au sens des dispositions sus rappelées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il y a lieu pour ce motif d'annuler le jugement du Tribunal Administratif de Marseille du 4 mai 2000, ensemble la décision du préfet des Bouches du Rhône du 5 février 1998 ;
Sur les autres conclusions de M. X :
Considérant que M. X demande à la Cour d'ordonner au préfet des Bouches du Rhône de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 1.000 francs par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il y a lieu en application des dispositions de l'article L.911-1 du code de justice administrative d'ordonner au préfet des Bouches du Rhône de délivrer à M. X un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction de l'astreinte sollicitée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de condamner l'Etat à verser à M. X la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal Administratif de Marseille du 4 mai 2000 est annulé.
Article 2 : La décision du préfet des Bouches du Rhône du 5 février 1998 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches du Rhône de délivrer à M. Fethi X un titre de séjour dans le délai d'un mois.
Article 4 : l'Etat (le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales) est condamné à verser 1.000 euros à M. X au titre des frais irrépétibles.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches du Rhône.
Délibéré à l'issue de l'audience du 12 juin 2003 , où siégeaient :
M. DARRIEUTORT, président de chambre,
M. GUERRIVE, président assesseur,
M. CHAVANT, premier conseiller,
assistés de M. BOISSON, greffier ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 26 juin 2003.
Le président, Le rapporteur,
Signé signé
Jean-Pierre DARRIEUTORT Jacques CHAVANT
Le greffier,
signé
Alain BOISSON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
N°00MA01094 2