Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 13 janvier 1999 sous le n° 99NIA000065, présentée pour la commune de VENDRES, représentée par son maire dûment habilité, par Me Y..., avocat ;
La commune demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 15 décembre 1998, rendu dans l'instance n° 94-2279, par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a, à la demande de la S.A. CAMPING DE LA YOLE, annulé la délibération du conseil municipal du 18 avril 1994 classant dans le voirie communale le chemin "des Montilles" ;
2°) de rejeter la demande de la S.A. CAMPING DE LA YOLE ;
3°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement attaqué ;
4°) de condamner la S.A. CAMPING DE LA YOLE et la S.C.I. DOMAINE DE LA YOLE à lui verser une somme de 15.000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de la voirie routière ;
Vu l'ordonnance n° 59-115 du 7 janvier 1959 ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2000 :
- le rapport de Mme NAKACHE, premier conseiller ;
- les observations de Me X... substituant Me Y..., pour la commune de VENDRES ;
- les observations de Me Z... de la SCP COULOMBIE GRAS pour la SA CAMPING DE LA YOLE et la S.C.I. DOMAINE DE LA YOLE ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;
Sur la recevabilité de l'appel :
Considérant que le maire de la commune de VENDRES justifie de sa qualité à agir par habilitation du conseil municipal en date du 31 août 1985 ; que la requête d'appel est donc recevable ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 141-1 du code de la voirie routière "Les voies qui font partie du domaine routier communal sont dénommées voies communales" que selon l'article L. 141-3 du même code : "Le classement et le déclassement des voies communales sont prononcés par le conseil municipal" ; que l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative à la voirie des collectivités locales dispose, en outre, que "la voirie des communes comprend : 1°) les voies communales qui font partie du domaine public ; 2°) les chemins ruraux qui appartiennent au domaine privé de la commune" ; qu'enfin, selon l'article 59 du code rural : "Les chemins ruraux sont des chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public qui n'ont pas été classés comme voie communale" et selon l'article 60 du même code : "L'affectation à l'usage du public peut s'établir notamment par la destination du chemin jointe soit au fait d'une circulation générale et continue, soit à des actes réitérés de surveillance et de voirie de l'autorité municipale" ;
Considérant, en l'espèce, que par la délibération litigieuse du 18 avril 1994, le conseil municipal de VENDRES a classé dans le domaine public de la voirie communale le chemin "des Montilles", lequel figurait au tableau des chemins ruraux établis le 12 mars 1971 ;
Considérant qu'il résulte des dispositions législatives et réglementaires précitées qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges un chemin affecté à l'usage du public n'est incorporable au domaine publie de la commune, par la voie du classement, que dans la mesure où cette collectivité en est indiscutablement le propriétaire ;
Considérant que le tribunal administratif a relevé, à juste titre, que la S.A. CAMPING DE LA YOLE et la S.C.I. DOMAINE DE LA YOLE ont produit des documents notariés de 1880, dont ni l'authenticité, ni le caractère probant ne sont contestés et qui établissent à cette date la propriété privée dudit chemin ; que la commune soutient devant la Cour que ledit chemin a pu acquérir depuis, en l'absence de titre de propriété postérieur, le caractère de propriété communale par prescription en raison de son affectation continue à la circulation publique, des actes réitérés de voirie accomplis par la commune et de sa mention au tableau récapitulatif des chemins ruraux établi en 1971 ;
Considérant, en premier lieu, que la commune ne produit aucun titre juridique postérieur à ceux fournis par les société s demanderesses justifiant de la propriété communale du chemin litigieux ; que celle-ci ne saurait notamment résulter de la seule application de l'article L. 161-3 du code rural qui n'institue, pour les chemins affectés à l'usage du public, qu'une prescription simple de propriété communale jusqu'à preuve du contraire résultant en l'espèce des documents notariés susmentionnés, ni de l'inscription du chemin litigieux au tableau des chemin ruraux qui ne constitue également qu'une présomption et dont la légalité peut être contestée au moins par voie d'exception ; que la propriété communale ne saurait non plus résulter d'une mention dans un jugement du tribunal administratif en date du 11 mai 1994 relatif à la légalité d'une cession gratuite au profit du domaine public communal d'une bande de terrain le long du chemin litigieux, qualifié dans les motifs du jugement de "chemin rural", dans la mesure où cette mention, qui n'est pas le support indispensable du jugement dont s'agit, n'est pas revêtue de l'autorité absolue de chose jugée ;
Considérant, en second lieu, que si la commune de VENDRES soutient avoir acquis, par prescription trentenaire, la propriété dudit chemin, elle n'établit pas s'être conduite en propriétaire paisible depuis plus de 30 ans par la seule production devant la Cour d'un arrêté du 27 juin 1996 réglementant la circulation sur le chemin "des Montilles", au demeurant postérieur à la délibération litigieuse, d'un courrier du 29 août 1984 émanant d'un riverain du chemin "des Montilles" et lui demandant d'en assurer l'entretien ou de diverses attestations établissant l'affectation dudit chemin à la circulation publique, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté, mais non la propriété de la commune, dans la mesure où celle-ci tient des dispositions législatives et réglementaires applicables du code de la voirie routière ou du code des communes puis, du code général des collectivités territoriales, le pouvoir d'intervenir également sur les chemins privés, qui sont la propriété de particuliers, dès lors que ces chemins sont affectés à la circulation publique ; qu'en l'état du dossier soumis, tant aux premiers juges qu'à la Cour, la question de la propriété du chemin "des Montilles" ne soulève donc pas de difficultés sérieuses, que la juridiction judiciaire serait seule compétente pour trancher ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de VENDRES qui ne justifie pas avoir obtenu la maîtrise de l'assiette foncière du chemin litigieux, préalablement à la mise en oeuvre de la procédure de classement, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montpellier a annulé la délibération du conseil municipal du 18 avril 1994 ;
Sur l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que la commune de VENDRES, partie perdante, bénéficie du remboursement de ses frais d'instance ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la commune de VENDRES à payer à chacune des sociétés intimées, la S.A. CAMPING DE LA YOLE et la S.C.I. DOMAINE DE LA YOLE, la somme de 3.000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : La requête de la commune de VENDRES est rejetée.
Article 2 : La commune de VENDRES est condamnée à verser à chacune des sociétés intimées, la S.A. CAMPING DE LA YOLE et la S.C.I. DOMAINE DE LA YOLE, la somme globale de 3.000 F (trois mille francs) au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de VENDRES, à la S.A. CAMPING DE LA YOLE, à la S.C.I. DOMAINE DE LA YOLE et au ministre de l'intérieur.