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10/07/2025 | FRANCE | N°24LY02718

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 10 juillet 2025, 24LY02718


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler les décisions du 29 janvier 2024 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à 30 jours le délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et, d'autre part, d'enjoindre au préfet

de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 30 jours à compter de la notifica...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler les décisions du 29 janvier 2024 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à 30 jours le délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 30 jours à compter de la notification du jugement ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2403351 du 4 juillet 2024, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 septembre 2024, Mme A... B..., représentée par la SARL JBV Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement ° 2403351 du 4 juillet 2024 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler les décisions du 29 janvier 2024 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, ainsi que la décision du même jour par laquelle il l'aurait signalée aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision méconnait les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est contraire aux dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ainsi que d'une erreur de droit faute d'avoir apprécié la possibilité d'une mesure de régularisation ;

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

- ces décisions sont dépourvues de base légale à raison de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

- elles sont contraires aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

- cette décision est dépourvue de base légale à raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dans l'application de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle n'a fait l'objet d'aucune condamnation pénale ;

- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur son signalement dans le système d'information Schengen :

- il doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de l'interdiction de retour sur le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit.

Par une décision du 4 septembre 2024, Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 3 mars 1991, est entrée en France le 5 septembre 2015 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa court séjour. Elle a obtenu un titre de séjour, valable du 24 novembre 2015 au 23 novembre 2016, en qualité de conjointe d'un ressortissant français, dont elle a sollicité le renouvellement en juillet 2018. Par un arrêté du 10 février 2020, le préfet de l'Isère lui a refusé le titre sollicité, assortissant ce refus d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours. La légalité de ces décisions a été confirmé par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 juin 2020. Le 24 février 2023 elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 29 janvier 2024 le préfet de l'Isère lui a opposé un refus assorti de décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 4 juillet 2024, dont Mme B... interjette appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 29 janvier 2024.

Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien (...) dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Mme B... se prévaut d'une durée de séjour en France d'un peu plus de huit ans à la date de la décision contestée. Cependant, il est constant qu'elle a fait l'objet, le 10 février 2020, d'une obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 juin 2020 devenu définitif, qu'elle n'a pas exécutée. Il est également constant qu'elle est séparée de son époux depuis le 14 novembre 2016 et qu'aucun enfant n'est né de leur union. Les circonstances qu'elle se soit investie dans le milieu associatif, ait disposé de promesse d'embauche en 2018 puis en 2020 et qu'elle dispose d'un contrat à durée indéterminée à temps complet en qualité d'agent de service depuis le 5 octobre 2022, ce qui demeure récent à la date de la décision, ne sont pas de nature à démontrer une insertion sociale et professionnelle stable et durable sur le territoire français. Par ailleurs, elle dispose d'attaches personnelles et familiales en Algérie où résident notamment ses parents et sa fratrie et où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de 24 ans. Dès lors et compte tenu des conditions du séjour en France de Mme B..., le préfet de l'Isère n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour a été prise. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent par conséquent être écartés.

4. En second lieu, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoit qu'une carte de séjour temporaire peut être délivrée à l'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cependant, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

5. D'une part, il résulte de ce qui a précédemment été énoncé que Mme B... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne lui sont pas applicables.

6. D'autre part, au regard de ce qui a été dit au point 3 du présent arrêt, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Isère aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier et notamment des termes de l'arrêté préfectoral que le préfet n'a pas omis d'examiner la situation personnelle de Mme B... et n'a pas exclu par principe la possibilité d'une régularisation.

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

7. En premier lieu, au regard de ce qui a été exposé aux points 2 à 6 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fiant le pays de destination seraient illégales à raison de l'illégalité, soulevée par la voie de l'exception, de la décision refusant un titre de séjour à Mme B..., doit être écarté.

8. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés, en l'absence d'argument spécifique, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été exposé aux points 7 et 8 que le moyen tiré de l'illégalité, par la voie de l'exception, de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

11. Mme B... fait valoir qu'elle réside en France depuis 2015 et n'a jamais eu un comportement de nature à troubler l'ordre public. Cependant, ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, elle a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement en février 2020, qu'elle n'a pas exécutée, et elle ne justifie ni de l'existence d'attaches familiales en France, ni d'une insertion sociale et professionnelle stable et durable sur le territoire national. Les critères définis par les dispositions précitées de l'article L. 612-10 conduisent à évaluer globalement la situation de l'intéressée et, contrairement à ce qu'elle soutient, la seule circonstance qu'elle n'a pas fait l'objet d'une condamnation pénale est à elle seule sans incidence sur la faculté ouverte à l'autorité préfectorale d'envisager l'adoption d'une interdiction de retour sur le territoire français. Au regard de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle et familiale, tels qu'ils ont été précédemment rappelés, le préfet de l'Isère, qui n'était pas tenu de mentionner formellement dans sa décision l'ensemble des critères énumérés au premier alinéa de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'absence de condamnation pénale n'était pas par elle-même un motif de sa décision, n'a commis ni erreur de droit ni erreur d'appréciation en prononçant à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an. Pour les mêmes motifs, il n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur le signalement dans le système d'information Schengen :

12. Il résulte de ce qui a été dit sur la légalité des décisions portant interdiction de retour sur le territoire français et obligation de quitter le territoire français que Mme B... n'est pas fondée à exciper de leur illégalité. Au demeurant, la seule information donnée, en application de l'article L. 613-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le système d'information Schengen, dont la gestion ne relève pas de l'autorité préfectorale, ne présente pas de caractère décisoire mais seulement informatif.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 4 juillet 2024, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761_1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2025, à laquelle siégeaient :

M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,

M. Gros, premier conseiller,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

H. Stillmunkes

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY02718


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02718
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. STILLMUNKES
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : JBV AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;24ly02718 ?
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