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10/07/2025 | FRANCE | N°24LY02667

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 10 juillet 2025, 24LY02667


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, d'annuler les décisions du 2 novembre 2022 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de réexaminer son dossier dans un délai de d

eux mois à compter de la notification du jugement et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, d'annuler les décisions du 2 novembre 2022 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de réexaminer son dossier dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2300407 du 27 juin 2024, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 septembre 2024, Mme C... B... épouse D..., représentée par Me Habiles, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2300407 du 27 juin 2024 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) d'annuler les décisions du 2 novembre 2022 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision lui refusant un titre de séjour est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'erreur de droit dès lors que la délivrance du titre prévu à l'article 7 bis, b) de l'accord franco-algérien n'est pas conditionnée par la détention d'un visa de long séjour ; elle méconnait l'article 7 bis b) précité dont elle remplit les conditions ; elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée ; elle est illégale dès lors qu'elle a droit au séjour sur le fondement de l'article 7 bis b) de l'accord franco-algérien ; elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme qui n'a pas produit.

Par une décision du 4 septembre 2024, Mme C... B... épouse D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... épouse D..., ressortissante algérienne née le 1er mars 1943, est, selon ses déclarations, entrée en France en dernier lieu le 16 octobre 2016 sous couvert de son passeport assorti d'un visa de court séjour multi-entrées. Le 16 décembre 2020, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du b) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 2 novembre 2022, le préfet du Puy-de-Dôme lui a opposé un refus, assorti de décisions portant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Par un jugement du 27 juin 2024, dont Mme B... épouse D... interjette appel, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande tendant à l'annulation de ces décisions.

2. En premier lieu, l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 2 novembre 2022 vise notamment les stipulations du b) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien et les dispositions de l'article L. 611-1 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne par ailleurs, de manière suffisamment détaillée, les circonstances de faits sur lesquelles se fondent d'une part, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme B... épouse D... et, d'autre part, la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces décisions doit donc être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien : " Les ressortissants algériens visés à l'article 7 peuvent obtenir un certificat de résidence de dix ans s'ils justifient d'une résidence ininterrompue en France de trois années. Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence dont ils peuvent faire état, parmi lesquels les conditions de leur activité professionnelle et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande. / Le certificat de résidence valable dix ans, renouvelé automatiquement, confère à son titulaire le droit d'exercer en France la profession de son choix, dans le respect des dispositions régissant l'exercice des professions réglementées. / Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : / (...) / b) À l'enfant algérien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge (...) ".

4. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existante à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

5. Pour refuser de délivrer le certificat de résidence sollicité par Mme B... épouse D... le 16 décembre 2020, le préfet du Puy-de-Dôme s'est fondé sur le fait que l'intéressée ne justifiait pas de la détention d'un visa de long séjour. Cependant, les stipulations des articles 7 bis, b) et 9 de l'accord franco-algérien ne prévoient pas que les ressortissants algériens qui sollicitent la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du b) de l'article 7 bis de cet accord doivent justifier de la détention d'un tel visa. Toutefois, le préfet du Puy-de-Dôme a fait valoir en première instance que l'intéressée ne justifiait pas de la régularité de son séjour à la date à laquelle elle a présenté sa demande de titre de séjour et qu'elle n'avait présenté aucun élément justifiant de ses ressources et, par suite, qu'elle ne remplissait pas les conditions permettant une admission au séjour sur le fondement des stipulations de l'article 7 bis b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

6. L'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à la délivrance d'un certificat de résidence au bénéfice d'un ressortissant algérien qui fait état de sa qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français, peut légalement fonder sa décision de refus sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son descendant, dès lors qu'il dispose de ressources propres, que son descendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins, ou qu'il ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.

7. Mme B... épouse D... soutient qu'elle est à la charge de ses enfants résidant en France, notamment de sa fille, Mme A... D... épouse E... de nationalité française, qui l'héberge à titre gratuit à son domicile. Toutefois, la requérante n'a produit aucun élément de nature à justifier de l'insuffisance de ses ressources propres et la seule attestation établie par sa fille le 25 novembre 2022,produite en première instance et attestant de la prise en charge et de l'hébergement de Mme B... épouse D... à son domicile depuis le 26 décembre 2021, n'est pas de nature à justifier que cette dernière aurait fait l'objet d'une prise en charge régulière de la part de sa fille avant son entrée sur le territoire français. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que Mme B... épouse D... aurait résidé régulièrement en France le 16 décembre 2020, date de sa demande de titre de séjour, alors notamment que dans un courrier adressé à la préfecture le 27 décembre 2021 elle a déclaré résider en France depuis le 26 décembre 2021. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que les motifs justifiant la demande de substitution du préfet du Puy-de-Dôme sont de nature à fonder la décision de refus de séjour contestée et que le préfet aurait pris la même décision en se fondant sur ces motifs. Il y a donc lieu de faire droit à la substitution de motifs demandée qui ne prive Mme B... épouse D... d'aucune garantie procédurale. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations du b) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement méconnaitrait le droit au séjour dont la requérante bénéficierait sur le fondement des mêmes stipulations doit également être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Si Mme B... épouse D... fait valoir qu'elle réside en France depuis le 16 octobre 2016, il ressort cependant des pièces du dossier, et notamment du courrier adressé par ses soins à la préfecture le 27 décembre 2021 comme de l'attestation établie par sa fille le 25 novembre 2022, qu'elle réside habituellement en France seulement depuis le 26 décembre 2021, soit depuis un peu moins d'un an à la date de l'arrêté attaqué. Par ailleurs, si elle fait valoir que quatre de ses enfants et son frère disposent de la nationalité française et résident en France et qu'un de ses fils réside en Allemagne, elle ne conteste pas que deux de ses enfants résident en Algérie. En outre, si les deux certificats médicaux produits en première instance mentionnent que son état de santé impose un suivi régulier et la poursuite de traitements adaptés, notamment pour la prise en charge de ses troubles de l'humeur, ces documents ne sont pas de nature à établir qu'elle ne pourrait bénéficier d'un suivi médical et d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine où elle a habituellement résidé jusqu'à l'âge de 78 ans. Dans ces conditions, ni le refus de séjour ni la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des motifs qui les fondent. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... épouse D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... épouse D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2025, à laquelle siégeaient :

M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,

M. Gros, premier conseiller,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

H. Stillmunkes

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY02667


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02667
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. STILLMUNKES
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : HABILES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;24ly02667 ?
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