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03/07/2025 | FRANCE | N°24LY02552

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 03 juillet 2025, 24LY02552


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



1°) Sous le n° 2005163, le département de la Savoie et son assureur la société MS Amlin insurance SE ont demandé au tribunal administratif de Paris, qui a transmis l'affaire au tribunal administratif de Grenoble par une ordonnance n° 2011686 du 3 septembre 2020, de condamner la société Gaz réseau distribution France (GRDF) à leur verser, en réparation des préjudices résultant d'un incendie survenu le 13 mai 2018 sur le pont Albertin à Grignon, les sommes respecti

ves de 1 509 003,65 euros pour la société Amlin et 100 849 euros pour le département de la Savo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

1°) Sous le n° 2005163, le département de la Savoie et son assureur la société MS Amlin insurance SE ont demandé au tribunal administratif de Paris, qui a transmis l'affaire au tribunal administratif de Grenoble par une ordonnance n° 2011686 du 3 septembre 2020, de condamner la société Gaz réseau distribution France (GRDF) à leur verser, en réparation des préjudices résultant d'un incendie survenu le 13 mai 2018 sur le pont Albertin à Grignon, les sommes respectives de 1 509 003,65 euros pour la société Amlin et 100 849 euros pour le département de la Savoie.

Par un jugement n° 2005163 du 4 juillet 2024, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la société GRDF à verser la somme de 1 509 003,65 euros à la société Amlin et rejeté les conclusions indemnitaires du département de la Savoie.

2°) Sous le n° 2107232, la société GRDF a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le département de la Savoie et ses assureurs les sociétés MS Amlin insurance SE, CNA insurance company, Lloyd's Londres, Lloyd's France et Lloyd's insurance company, à lui verser, en réparation des préjudices résultant d'un incendie survenu le 13 mai 2018 sur le pont Albertin à Grignon, la somme de 233 355,18 euros, outre intérêts et capitalisation.

Le département de la Savoie a présenté des conclusions d'appel en garantie dirigées contre les sociétés Amlin, Lloyd's Londres, Lloyd's France et BEAC SAS.

La société Amlin a appelé en garantie des sociétés Lloyd's Londres, Lloyd's France, Lloyd's insurance company et CNA assurance.

Par un jugement n° 2107232 du 4 juillet 2024, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de la société GRDF.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête enregistrée le 9 septembre 2024 sous le n° 24LY02552, ensemble un mémoire complémentaire enregistré le 20 janvier 2025, la SA Gaz réseau distribution France (GRDF), représentée par la SCP Riva et associés agissant par Me Vacheron, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2005163 du 4 juillet 2024 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter les conclusions indemnitaires de la société MS Amlin insurance SE ;

3°) de mettre à la charge de la société Amlin une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société GRDF soutient que :

- les conclusions indemnitaires de la société Amlin sont irrecevables en raison de la renonciation de sa part à tout recours envers toute autre personne gérant un service public et disposant des locaux du département, souscripteur du contrat d'assurance ;

- subsidiairement, les dommages ne résultent pas de ses installations de distribution de gaz mais de l'incendie qui a pris naissance dans un ouvrage public relevant du département ;

- le fait du tiers n'est pas exonératoire ;

- le département a commis un défaut d'entretien normal et une faute en ne faisant pas évacuer le local et en ne condamnant pas son accès alors qu'il avait été averti de la présence d'occupants irréguliers ;

- elle n'a elle-même commis aucune faute.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 novembre 2024, la société européenne de droit belge MS Amlin insurance SE, représentée par la SELARL Savinien agissant par Me Sobol, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la société GRDF sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Amlin soutient que :

- la clause de renonciation prévue à l'article 5.24 du contrat d'assurance qu'elle a conclu avec le département de la Savoie ne trouve pas à s'appliquer et, subsidiairement, elle peut être écartée avec l'accord du département en application de l'article 5.24.1 ;

- la société GRDF est responsable sans faute des dommages causés par son réseau aux tiers ;

- aucune faute exonératoire du département n'est établie ;

-l'explosion n'est pas imputable à l'ouvrage public départemental mais à l'incendie provoqué par un tiers conjugué avec les canalisations de gaz relevant de la société GRDF ;

- la société GRDF a en outre commis une faute en ne sécurisant pas davantage son réseau de gaz ;

- elle justifie des sommes qu'elle a dû exposer pour la réparation des dommages causés par l'explosion, ainsi que du montant exposé au titre de l'expertise judiciaire.

Par ordonnance du 20 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 20 janvier 2025 à 16h30. Par ordonnance du 20 janvier 2025, la clôture d'instruction a été reportée au 20 février 2025 à 16h30.

Un mémoire complémentaire, présenté pour la société Amlin et enregistré le 12 février 2025, n'a pas été communiqué en l'absence d'éléments nouveaux.

II°) Par une requête enregistrée le 9 septembre 2024 sous le n° 24LY02553, ensemble un mémoire complémentaire enregistré le 17 février 2024, la société GRDF, représentée par la SCP Riva et associés agissant par Me Vacheron, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2107232 du 4 juillet 2024 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de condamner le département de la Savoie et ses assureurs les sociétés Amlin, CNA insurance company, Lloyd's de Londres, Loyd's France et Loyd's insurance company SA à lui verser la somme de 233 355,18 euros, outre intérêts au taux légal et capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge du département de la Savoie et des sociétés Amlin, CNA insurance company, Lloyd's de Londres, Loyd's France et Loyd's insurance company la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société GRDF soutient que :

- elle n'a pas la qualité d'usager du pont mais de tiers, le département étant dès lors responsable sans faute des dommages causés par cet ouvrage public ;

- le fait du tiers n'est pas exonératoire ;

- subsidiairement, l'explosion est dû à un défaut d'entretien normal du pont ;

- elle n'a pour sa part commis aucune faute ;

- la nature et le montant des dommages ont été établis par l'expert.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 novembre 2024, ensemble un mémoire complémentaire enregistré le 18 février 2025, la société Amlin, représentée par la SELARL Savinien agissant par Me Sobol, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) subsidiairement, à ce que " le Lloyd's " et la société CNA insurance company la garantissent de la moitié des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle ;

3°) à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de " toute succombante " sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Amlin soutient que :

- c'est à juste titre que le tribunal a jugé que le département n'était pas responsable ;

- la société GRDF a en outre commis une faute exonératoire en ne sécurisant pas suffisamment ses installations de gaz ;

- le département n'est pas fondé à l'appeler en garantie alors que le dommage ne relève pas de la police d'assurance souscrite avec elle ;

- subsidiairement, elle appelle en garantie la société Lloyd's insurance company, assureur du département en matière de responsabilité civile alors qu'elle-même intervient essentiellement pour les dommages aux biens ;

- infiniment subsidiairement, cette garantie doit jouer dans un cadre de cumul d'assurances au sens de l'article L. 121-4 du code des assurances, soit une garantie pour moitié, sans que des exclusions de garantie puissent être opposées par la société Lloyd's insurance company.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 janvier 2025, le département de la Savoie, représenté par la SELARL Cabinet Sébastien Plunian agissant par Me Plunian, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) subsidiairement, à ce que la société Amlin et solidairement les sociétés Lloyd's de Londres, CNA insurance company, Lloyd's France, Lloyd's insurance company et BEAC SAS soient condamnées à le garantir des condamnations qui pourraient être prononcées contre lui ;

3°) à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge solidaire des sociétés GRDF, Amlin, Lloyd's de Londres, CNA insurance company, Lloyd's France, Lloyd's insurance company et BEAC sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le département de la Savoie soutient que :

- c'est à juste titre que le tribunal a constaté que la société GRDF avait la qualité d'usagère du pont et jugé qu'il n'a commis ni faute ni défaut d'entretien normal ;

- la société GRDF a en outre commis une faute exonératoire en ne sécurisant pas suffisamment ses canalisations de gaz ;

- subsidiairement, les montants demandés ne sont pas suffisamment justifiés et les plus-values liées à des améliorations devraient être déduites ;

- subsidiairement, il appelle en garantie ses assureurs ainsi que son courtier la société BEAC, sans que des exclusions de garantie puissent lui être opposées.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 janvier 2025, la SA CNA insurance company, l'association d'assureurs Lloyd's de Londres, la SAS Lloyd's France et la société de droit belge Lloyd's insurance company SA, représentées par la SELARL Cornet Vincent Ségurel agissant par Me Jakob, concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que la somme de 3 000 euros, à verser à la société CNA, soit mise à la charge de la société GRDF sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les sociétés CNA, Lloyd's de Londres, Lloyd's France et Lloyd's insurance company soutiennent que :

- c'est à juste titre que le tribunal a écarté toute responsabilité du département ;

- subsidiairement, elles opposent des exclusions de garantie à la société Amlin et au département.

Par ordonnance du 20 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 20 janvier 2025 à 16h30. Par ordonnance du 15 janvier 2025, la clôture d'instruction a été reportée au 17 février 2025 à 16h30. Par ordonnance du 17 février 2025, la clôture d'instruction a été reportée au 17 mars 2025 à 16h30.

Des mémoires complémentaires, présentés pour la société GRDF, pour le département de la Savoie, et pour les sociétés CNA, Lloyd's de Londres, Lloyd's France et Lloyd's insurance company, et enregistrés respectivement les 12 mars 2025, 13 mars 2025 et 17 mars 2025, n'ont pas été communiqués en l'absence d'éléments nouveaux.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code des assurances ;

- le code civil ;

- le code de la commande publique et notamment son article L. 6 ;

- le code de l'énergie et notamment son article L. 433-3 ;

- le code de la voirie routière et notamment son article L. 113-3 ;

- l'arrêté du 13 juillet 2000 portant règlement de sécurité de la distribution de gaz combustible par canalisations et notamment son article 13 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- les observations de Me Vacheron, représentant GRDF,

- les observations de Me Sobol, représentant la société Amlin insurance,

- les observations de Me Plunian, représentant le département de la Savoie,

- et les observations de Me Verrier, représentant les sociétés Lloyd's insurance company, Lloyd's Londres, Lloyd's France et CNA insurance company.

Considérant ce qui suit :

1. Le 13 mai 2018, une explosion de gaz a partiellement détruit le pont Albertin, dans la commune de Grignon, sur lequel passe la RD 925 et qui constitue un ouvrage public relevant du département de la Savoie. Par les deux jugements attaqués du 4 juillet 2024, le tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, condamné la société Gaz réseau distribution France (GRDF) à verser à la société Amlin, assureur du département de la Savoie, une somme de 1 509 003,65 euros en remboursement des montants que la société Amlin a pris en charge au titre de la réparation du pont et de la voie routière départementale et, d'autre part, rejeté les conclusions indemnitaires formées par GRDF à l'encontre du même département.

2. Les deux requêtes formées par GRDF contre chacun de ces deux jugements présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur le principe de la responsabilité :

3. D'une part, une collectivité publique peut en principe s'exonérer de la responsabilité qu'elle encourt à l'égard des usagers d'un ouvrage public victimes d'un dommage causé par l'ouvrage si elle apporte la preuve que ledit ouvrage a été normalement aménagé et entretenu. Sa responsabilité ne peut être engagée à l'égard des usagers, même en l'absence de tout défaut d'aménagement ou d'entretien normal, que lorsque l'ouvrage, en raison de la gravité exceptionnelle des risques auxquels sont exposés les usagers du fait de sa conception même, doit être regardé comme présentant par lui-même le caractère d'un ouvrage exceptionnellement dangereux.

4. D'autre part, le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.

5. Il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise diligentée par ordonnance du 26 juin 2018 du juge des référés du tribunal judiciaire d'Albertville, que lors de travaux d'élargissement du tablier du pont réalisés en 1998 et 1999, deux canalisations du réseau de distribution de gaz relevant de la société GRDF, dont l'une composée de polyéthylène dans un simple fourreau métallique léger et non étanche, ont été installées sous le tablier. Un local technique, qualifié de " chambre de visite " ou d'" alvéole ", avait par ailleurs été aménagé à hauteur de la première pile d'appui du pont sur la rive du côté de Grignon. Les canalisations de gaz qui couraient sous le tablier, passaient notamment au plafond de ce local. Un incendie s'est déclenché dans ce local, dans des conditions non déterminées, le 13 mai 2018 vers 19h, l'expert estimant qu'il est d'origine humaine et n'excluant pas l'hypothèse d'un incendie volontaire. Des effets divers laissent supposer la possibilité d'un occupant irrégulier. Le feu a pris naissance sous les canalisations et l'élévation de température a entrainé la fusion du polyéthylène, qui intervient à partir d'une température de 140°C, générant une fuite de gaz. Le gaz s'est répandu et est à l'origine des deux explosions successives constatées par les services d'incendie et de secours.

6. Le local technique en cause, affecté à la maintenance, est situé dans une zone qui n'est pas ouverte au public et n'est pas aisément accessible. Il s'agit d'une simple alvéole technique délimitée sous le tablier et sans sensibilité particulière, où le département n'entreposait aucun matériel. Elle est fermée par une porte, l'expert ayant relevé qu'un jeu de clefs a notamment été donné le 11 mars 1999 à la société GRDF, qui ne peut dès lors sérieusement alléguer que la porte aurait été installée par des squatters. Le pont fait l'objet de visites de suivi régulières organisées par le département, dont la matérialité est établie et n'est d'ailleurs pas contestée. Si une occupation irrégulière du local avait été constatée en 2016 après que l'entrée ait été forcée, un feu de tapis étant alors survenu, il est constant qu'elle a pris fin dès que les faits ont été connus et que les occupants irréguliers en sont partis ainsi que le font apparaitre les informations fournies par les services de police. Une porte pleine en bois et fermée par une serrure a été rétablie. Les visites périodiques de contrôle réalisées ultérieurement n'ont relevé aucune difficulté particulière concernant le local technique. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le département de la Savoie aurait été destinataire d'informations signalant une nouvelle occupation irrégulière du local, l'expert n'ayant pour sa part relevé aucun signalement postérieur à 2016. Le compte-rendu de visite de maintenance de la société GRDF du 7 juillet 2017 fait d'ailleurs état de ce qu'il n'y a pas d'accès à la partie inférieure du pont, sans contenir aucune autre remarque concernant le local. Une riveraine, interrogée par la police le 29 mai 2018, a indiqué qu'à sa connaissance il n'y avait plus de squatteurs mais que " des jeunes y passaient de temps en temps " sans autre précision. La circonstance que les berges serviraient notamment de décharge sauvage est sans lien de causalité avec l'incendie dans le local et l'explosion. Enfin, les conditions dans lesquelles un incendie a été déclenché ne sont pas déterminées mais rien ne permet de les imputer au département. Compte tenu de la nature du local en cause, des informations dont le département de la Savoie disposait et des mesures de sécurisation et de surveillance de l'ouvrage qu'il avait mises en œuvre et qui n'apparaissent pas inadaptées ni insuffisantes, il doit être regardé comme justifiant de l'entretien normal de l'ouvrage et notamment du local technique.

7. La société GRDF, qui bénéficie de l'ouvrage public que constitue le pont pour les besoins du passage de son réseau de distribution de gaz, a dès lors la qualité d'usagère de cet ouvrage. L'entretien normal de l'ouvrage étant établi, elle n'est en conséquence pas fondée à rechercher la responsabilité du département de la Savoie au titre des dommages causés à son réseau.

8. Le département de la Savoie constitue en revanche un tiers au regard de la portion du réseau général de distribution de gaz installée sous le pont. Il est ainsi fondé à rechercher, même sans faute, la responsabilité de la société GRDF au titre des dommages causés au pont par l'explosion de gaz. Le fait du tiers n'étant pas exonératoire, la circonstance que l'incendie a été déclenché par un ou des tiers non identifiés est sans incidence à cet égard. Enfin, ainsi qu'il vient d'être dit, aucune faute exonératoire dans l'entretien de l'ouvrage n'est imputable au département. Au surplus, il résulte de l'instruction que la canalisation de gaz, qui n'était pas enterrée mais laissée accessible, n'était pas suffisamment garantie notamment contre les variations de température, alors même que la société GRDF connaissait l'existence d'un feu accidentel provoqué par un occupant irrégulier en 2016 et a ainsi commis une négligence en ne sécurisant pas en conséquence ses installations, fragiles à la chaleur et qui présentent par nature un danger évident.

9. Il résulte de ce qui précède que la société GRDF a seule engagé sa responsabilité, en raison de l'explosion de gaz, à l'égard du département de la Savoie.

Sur les conclusions indemnitaires de la société Amlin :

10. La société Amlin, assureur dommages aux biens mobiliers et immobiliers du département de la Savoie, agit en tant que subrogée dans les droits et actions de ce dernier, à hauteur des montants qu'elle justifie lui avoir versés pour la réparation du pont et l'expertise judiciaire, dont le chiffrage n'est pas contesté.

11. Aux termes de l'article 5.24 des conditions particulières du contrat d'assurance conclu par le département de la Savoie avec la société Amlin : " 5.24 - L'assureur renonce à recours contre l'ensemble des personnes placées sous la garde ou la responsabilité du souscripteur (représentants légaux, agents, vacataires, stagiaires d'une façon générale, enfants), ainsi que toute personne bénéficiant d'un logement de fonction ou toute association ou établissement public, parapublic ou toute personne gérant un service public et disposant des locaux du souscripteur sans qu'il soit nécessaire d'en indiquer la liste. / 5.24.1 - L'assureur pourra toutefois exercer son recours, avec accord du souscripteur, si le responsable de l'évènement dispose d'une assurance personnelle, dans la limite des garanties du contrat dont il est titulaire ".

12. S'il est constant que le département a laissé la société GRDF utiliser le pont pour le passage de canalisations du réseau de distribution de gaz, il ne résulte pas de l'instruction que le local technique en litige, qui était affecté aux besoins du suivi et de la maintenance de l'ouvrage public que constitue le pont, aurait été mis à la disposition de GRDF au sens des stipulations du contrat d'assurance citées au point précédent. La société GRDF n'est dès lors pas fondée à soutenir que les conclusions indemnitaires présentées par la société Amlin devraient être rejetées comme relevant des prévisions de cette clause de renonciation à recours.

Sur les appels en garantie :

13. Aucune condamnation n'étant prononcée à l'encontre du département de la Savoie et de la société Amlin, leurs conclusions d'appel en garantie présentées à titre subsidiaire sont sans objet.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société GRDF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et fait droit aux conclusions indemnitaires de la société Amlin.

Sur les frais de l'instance :

15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de la société GRDF sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société GRDF, au département de la Savoie, à la société MS Amlin insurance SE, à la société Lloyd's Londres, à la société Lloyd's France, à la société Lloyd's insurance company, à la société CNA insurance company et à la société BEAC.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2025.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au préfet de la Savoie, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY02552-24LY02553


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02552
Date de la décision : 03/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

67-02-02 Travaux publics. - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. - Régime de la responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SAVINIEN AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-03;24ly02552 ?
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