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15/05/2025 | FRANCE | N°24LY03448

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 15 mai 2025, 24LY03448


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 21 décembre 2020 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a, d'une part, retiré sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours hiérarchique de la société Debonix contre la décision du 16 mai 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle Bassin Annécien de l'unité départementale de Haute-Savoie a refusé d'autoris

er son licenciement et, d'autre part, annulé cette décision et autorisé son licenciement.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 21 décembre 2020 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a, d'une part, retiré sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours hiérarchique de la société Debonix contre la décision du 16 mai 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle Bassin Annécien de l'unité départementale de Haute-Savoie a refusé d'autoriser son licenciement et, d'autre part, annulé cette décision et autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 2101131 du 14 octobre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour avant cassation :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 décembre 2022 et le 14 février 2023, Mme A... B..., représentée par Me Novalic, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2101131 du 14 octobre 2022 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler la décision du 21 décembre 2020 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a, d'une part, retiré sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours hiérarchique de la société Debonix contre la décision du 16 mai 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle Bassin Annécien de l'unité départementale de Haute-Savoie a refusé d'autoriser son licenciement et, d'autre part, annulé cette décision et autorisé son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- la société Debonix n'a pas satisfait à son obligation de reclassement ;

- elle a manqué à son obligation de loyauté dans la mesure où de nombreux postes qu'elle aurait pu accepter étaient disponibles au cours de l'année 2020 mais ne lui ont pas été proposés.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 février 2023, la société Debonix, représentée par Me Chavrier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 15 février 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par un arrêt n° 22LY03621 du 6 juillet 2023, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la requête de Mme B....

Par une décision n° 488033 du 2 décembre 2024, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt précité et a renvoyé l'affaire à la cour où elle a été enregistrée sous le n° 24LY03448.

Procédure devant la cour après cassation :

Par un mémoire, enregistré le 7 janvier 2025 la société Debonix, représentée par la SCP Fromont Briens agissant par Me Chavrier, demande à la cour de rejeter la requête de Mme B... et de mettre à sa charge une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 21 décembre 2020 de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion est parfaitement motivée en droit comme en fait ;

- la réalité du motif économique à l'origine de la mesure de licenciement n'est ni contestable ni contestée ;

- elle a parfaitement rempli ses obligations de reclassement et les obligations résultant des dispositions des articles L. 1233-4 et D. 1233-2-1 du code du travail ont en l'espèce été respectées ;

- la ministre était fondée à prendre en considération les offres de reclassement présentées les 9 et 10 juillet 2020.

Par un mémoire enregistré le 14 janvier 2025, la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles a indiqué s'en remettre à la sagesse de la cour.

Par un mémoire enregistré le 14 février 2025, Mme B..., représentée par la SELARL TN Avocats agissant par Me Novalic, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2101131 du 14 octobre 2022 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler la décision du 21 décembre 2020 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a, d'une part, retiré sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours hiérarchique de la société Debonix contre la décision du 16 mai 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle Bassin Annécien de l'unité départementale de Haute-Savoie a refusé d'autoriser son licenciement et, d'autre part, annulé cette décision et autorisé son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 21 décembre 2020 de la ministre du travail de l'emploi et de la formation est insuffisamment motivée ;

- cette décision se fonde sur les seules observations de l'employeur ;

- la société Debonix n'a pas respecté son obligation légale de recherche loyale et sérieuse de reclassement ;

- la liste des postes disponibles au sein du groupe ne répondait pas aux exigences fixées par les dispositions de l'article D. 1233-2-1 du code du travail ;

- la société ne lui a communiqué la liste des postes disponibles que jusqu'au 8 janvier 2020 ; en outre, de nombreux postes disponibles, adaptés à ses qualifications et souhaits de mobilité, ne lui ont pas été proposés ;

- la circonstance qu'elle n'ait pas candidaté sur d'autres postes figurant sur la liste qui lui a été transmise est sans incidence sur l'obligation de reclassement à la charge de l'employeur ;

- la proposition de reclassement sur un poste d'acheteur du 17 janvier 2020 ne saurait être regardée comme une offre sérieuse et personnalisée de reclassement ;

- les offres de reclassement faites les 9 et 10 juillet 2020 ne pouvaient être prises en compte dès lors qu'elles ont été présentées après la date de la demande d'autorisation de licenciement.

Par une ordonnance du 14 février 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2025 à 16h30.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Novalic, représentant Mme B..., et celles de Me Cottin, représentant la société Debonix.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., salariée depuis le 2 mai 2017 en qualité d'acheteuse- approvisionneuse de la société Debonix, spécialisée dans la vente en ligne d'outillages professionnels et de produits de jardinage, détenait un mandat de membre titulaire du 1er collège du comité social et économique (CSE) de cette société depuis le 21 novembre 2018. Suite à la cessation de son activité le 1er octobre 2019, la société Debonix a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de licencier Mme B.... Par une décision du 16 mai 2020, un inspecteur du travail de l'unité départementale de la Haute-Savoie a refusé l'autorisation sollicitée. Suite au recours hiérarchique présentée par la société Debonix à l'encontre de cette décision, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a, par une décision du 21 décembre 2020, retiré la décision de rejet implicite né du silence gardé sur le recours de l'employeur, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 16 mai 2020 et autorisé le licenciement de Mme B.... Par un jugement du 14 octobre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande présentée par Mme B... tendant à l'annulation de cette décision. Par un arrêt du 6 juillet 2023, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la requête présentée par Mme B... à l'encontre de ce jugement. Par une décision du 2 octobre 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par Mme B..., a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour pour qu'il y soit statué à nouveau.

Sur le cadre juridique applicable :

2. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. / (...) L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. ".

3. Aux termes de l'article D. 1233-2-1 du même code, dans sa rédaction résultant du décret du 21 décembre 2017 relatif à la procédure de reclassement interne sur le territoire national en cas de licenciements pour motif économique : " I.- Pour l'application de l'article L. 1233-4, l'employeur adresse des offres de reclassement de manière personnalisée ou communique la liste des offres disponibles aux salariés, et le cas échéant l'actualisation de celle-ci, par tout moyen permettant de conférer date certaine. / II.- Ces offres écrites précisent : / a) L'intitulé du poste et son descriptif ; / b) Le nom de l'employeur ; / c) La nature du contrat de travail ; / d) La localisation du poste ; / e) Le niveau de rémunération ; / f) La classification du poste. / III.- En cas de diffusion d'une liste des offres de reclassement interne, celle-ci comprend les postes disponibles situés sur le territoire national dans l'entreprise et les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. / La liste précise (...) le délai dont dispose le salarié pour présenter sa candidature écrite. / Ce délai ne peut être inférieur à quinze jours francs à compter de la publication de la liste, sauf lorsque l'entreprise fait l'objet d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire. / Dans les entreprises en redressement ou liquidation judiciaire, ce délai ne peut être inférieur à quatre jours francs à compter de la publication de la liste. / L'absence de candidature écrite du salarié à l'issue du délai mentionné au deuxième alinéa vaut refus des offres. "

4. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié.

5. Pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié protégé, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment de ce que les recherches de reclassement ont débouché sur des propositions précises de reclassement, de la nature et du nombre de ces propositions, ainsi que des motifs de refus avancés par le salarié.

6. En outre, il résulte des dispositions des articles L. 1233-4 et D. 1233-2-1 du code du travail citées aux points 2 et 3 que l'autorité administrative doit, au titre de son contrôle de la précision des offres de reclassement, s'assurer que celles-ci comportent l'ensemble des mentions prévues au II de l'article D. 1233-2-1 et, lorsque l'employeur communique une liste des postes disponibles aux salariés, que ces mentions sont aisément accessibles.

Sur la légalité de la décision du 21 décembre 2020 :

7. Lorsqu'il est saisi, sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail, d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail ayant statué sur une demande d'autorisation de licenciement, le ministre chargé du travail doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler, puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement, compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision.

8. Lorsque le motif de licenciement invoqué par l'employeur fait obligation à l'administration d'apprécier le sérieux des recherches préalables de reclassement effectuées par celui-ci, l'inspecteur du travail doit apprécier les possibilités de reclassement du salarié à compter du moment où le licenciement est envisagé et jusqu'à la date à laquelle il statue sur la demande de l'employeur et, en vertu de la règle rappelée au point précédent, le ministre saisi d'un recours hiérarchique doit, lorsqu'il statue sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail, apprécier le sérieux des recherches de reclassement jusqu'à la date de cette décision. Ce n'est que si le ministre annule la décision de l'inspecteur du travail et se prononce de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement, qu'il doit alors, en principe, apprécier le sérieux des recherches de reclassement jusqu'à la date à laquelle il statue.

9. En premier lieu, il est constant que la société Debonix, spécialisée dans la vente en ligne d'outillages professionnels et de produits de jardinage et appartenant au groupe Descours et Cabaud intervenant dans le domaine de la distribution de fournitures professionnelles à destination des secteurs de l'industrie et du bâtiment, a été placée en cessation totale d'activité à raison des difficultés économiques rencontrées depuis plusieurs années et que cette cessation d'activité a entrainé la suppression de l'ensemble des emplois de cette entreprise. Le motif économique de la demande d'autorisation de licenciement, qui n'est pas contesté, est par suite établi.

10. En deuxième lieu, les seules circonstances selon lesquelles la société Debonix n'appartenait à aucun des trois réseaux de distribution du groupe Descours et Cabaud, qu'elle était l'unique société du groupe à exercer une activité de vente en ligne et que cette activité ne concernait pas la même nature de produits, ni la même clientèle que l'activité commerciale des autres sociétés du groupe, ne suffisent pas à établir que l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation des autres entreprises du groupe ne permettaient pas d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Par suite et contrairement à ce qu'elle soutient, elle était bien tenue à une obligation de reclassement.

11. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la société Debonix a fait parvenir à Mme B..., comme à l'ensemble de ses salariés, les listes de postes disponibles au sein du groupe Descours et Cabaud entre le 29 juillet 2019 et le 8 janvier 2020. Cependant il est constant que si ces listes mentionnaient, pour chaque poste proposé, la " famille métiers ", le libellé du poste, le type de contrat, le salaire de base (ETP), la date de création, la catégorie du poste, le nom de la société ainsi que sa localisation et l'identité du responsable des ressources humaines, elles ne mentionnaient ni la classification des postes, ni leur descriptif. Si la société Debonix fait valoir que ces informations étaient disponibles sur un site internet accessible à l'ensemble de ses salariés, il ressort des pièces du dossier que l'adresse de ce site, si elle était mentionnée par la note économique relative au projet de cessation totale d'activité de la société soumise aux membres du comité social et économique lors de sa réunion du 19 juillet 2019, ne figurait ni sur les listes transmises, ni dans les courriels de transmission de ces listes aux salariés concernés, dont Mme B.... Il ne ressort par ailleurs d'aucune pièce du dossier que la note économique susmentionnée, ou tout autre support comportant l'adresse du site internet, aurait été communiquée aux salariés concernés par l'envoi des listes de postes disponibles au sein du groupe. Dans ces circonstances, l'ensemble des mentions prévues au II de l'article D. 1233-2-1, notamment le descriptif des postes concernés, ne sauraient être regardées, en l'espèce, comme ayant été aisément accessibles. Par suite, au regard du principe énoncé au point 6 du présent arrêt, les offres de reclassement recensées par les listes transmises à Mme B... ne remplissaient l'exigence de précisions prévue par les dispositions des articles L. 1233-4 et D. 1233-2-1 du code du travail. La circonstance que Mme B... était membre du comité social et économique ou la circonstance qu'elle a manifesté son intérêt pour deux postes figurant sur ces listes sont à cet égard sans incidence, le manquement de l'employeur à ses obligations étant établi.

12. En quatrième lieu, si à la date à laquelle l'inspecteur du travail s'est prononcé sur la demande d'autorisation de licenciement, la société Debonix avait communiqué à Mme B... une proposition personnalisée pour un poste d'acheteur au sein de la société Sogedesca à Lyon par un courrier du 17 janvier 2020, ce courrier mentionnait l'existence d'une période d'essai d'un mois. D'autre part, dès le 2 mars 2020, la société Debonix a fait savoir à Mme B... que ce poste ne pouvait lui être confié au regard des compétences requises pour l'occuper et l'a concomitamment informée de son intention de procéder à son licenciement économique. Dans ces conditions, cette unique proposition ne saurait être regardée comme étant une offre loyale et sérieuse de nature à assurer le reclassement de Mme B....

13. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 10 à 12 du présent arrêt que le 16 mai 2020, date à laquelle l'inspecteur du travail a statué sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Debonix, cette dernière ne pouvait être regardée comme ayant satisfait à son obligation de reclassement à l'égard de Mme B.... Par suite, la ministre du travail de l'emploi et de l'insertion ne pouvait considérer que l'inspecteur du travail avait, à tort, refusé l'autorisation de licencier Mme B... pour procéder à l'annulation de cette décision. Par conséquent, et eu égard aux principes énoncés aux points 7 et 8, elle ne pouvait, sans commettre une erreur de droit, s'appuyer sur les offres de reclassement faite à la salariée postérieurement à cette décision pour considérer que l'obligation de reclassement était remplie à la date de sa propre décision.

14. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 14 octobre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 21 décembre 2020 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a, d'une part, retiré sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours hiérarchique de la société Debonix contre la décision du 16 mai 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle Bassin Annécien de l'unité départementale de Haute-Savoie a refusé d'autoriser son licenciement et, d'autre part, annulé ladite décision et autorisé son licenciement.

Sur les frais d'instance :

15. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit à la demande de frais d'instance présentée par Mme B... en mettant à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la société Debonix.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2101131 du 14 octobre 2022 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La décision du 21 décembre 2020, par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a, d'une part, retiré sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours hiérarchique de la société Debonix contre la décision du 16 mai 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle Bassin Annécien de l'unité départementale de Haute-Savoie a refusé d'autoriser le licenciement de Mme B... et a, d'autre part, annulé cette dernière décision et autorisé le licenciement de Mme B..., est annulée.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Debonix sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à la société Debonix et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

F. Pourny

La greffière,

B. Berger

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY03448


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY03448
Date de la décision : 15/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour motif économique.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour motif économique - Obligation de reclassement.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : FROMONT BRIENS & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-15;24ly03448 ?
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