Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Les Pierres Plates a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 5 juillet 2021 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de la Savoie a rejeté sa demande d'aide exceptionnelle pour le mois de janvier 2021 présentée au titre du fonds de solidarité institué à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19.
Par un jugement n° 2105904 du 12 juillet 2024, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 septembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour d'annuler le jugement n° 2105904 du 12 juillet 2024 du tribunal administratif de Grenoble.
Le ministre soutient que :
- le montant de l'aide est calculé par différence entre le chiffre d'affaires de référence réalisé en 2019 par une entreprise et celui réalisé en 2020 ou 2021 par la même personne morale, quelle que soit l'évolution de cette entreprise ; c'est ainsi au prix d'une erreur de droit que le tribunal a reconstitué fictivement le chiffre d'affaires de référence de la société nouvelle Les Pierres Plates, issue de l'absorption de la société préexistante de même nom par la société Dallery et cie, en additionnant les chiffres d'affaires de ces deux dernières ;
- le patrimoine transmis par la société absorbée à la société Les Pierres Plates absorbante ne comportait pas, au 31 décembre 2020, de droit à percevoir l'aide au titre du mois de janvier 2021.
La société Les Pierres Plates, régulièrement mise en cause, n'a pas produit d'observations.
Par ordonnance du 22 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 24 février 2025.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code du commerce ;
- l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 31 mars 2025 :
- le rapport de M. Gros, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.
- et les observations de Me Demosthene, représentant la société Les Pierres Plates.
Considérant ce qui suit :
1. La société Les Pierres Plates, n° siren 420870883, a été absorbée, au 31 décembre 2020 avec effet rétroactif au 1er juillet 2020, par la société Dallery et cie, laquelle a alors été renommée société Les Pierres Plates, n° siren 328178959. Cette dernière a sollicité auprès du service de la Savoie de la direction générale des finances publiques le versement de l'aide destinée aux entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19, pour un montant de 39 514 euros, au titre du mois de janvier 2021. Ce service lui a opposé un refus par un courriel du 5 juillet 2021. Par jugement du 12 juillet 2024, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision de refus. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. L'article 1erde l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 a institué " un fonds de solidarité ayant pour objet le versement d'aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation " Aux termes de l'article 1er du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 pris en application de l'article 3 de l'ordonnance du 25 mars 2020, applicable : " I. - Le fonds mentionné par l'ordonnance du 25 mars 2020 susvisée bénéficie aux personnes physiques et personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique, ci-après désignées par le mot : entreprises, remplissant les conditions suivantes : 1° (abrogé) / 2° Elles ne se trouvaient pas en liquidation judiciaire au 1er mars 2020 / (...) ". Aux termes de l'article 3-19 du même décret : " I. - A. - Les entreprises mentionnées à l'article 1er du présent décret (...) bénéficient d'aides financières prenant la forme de subventions destinées à compenser la perte de chiffre d'affaires subie au cours du mois de janvier 2021, lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes : / 1° Leur activité principale a fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public sans interruption du 1er janvier 2021 au 31 janvier 2021 (...) / 4° Elles ont débuté leur activité avant le 31 octobre 2020 / B. - Les entreprises mentionnées au 1° du A du I perçoivent une subvention égale soit au montant de la perte de chiffre d'affaires dans la limite de 10 000 euros soit à 20 % du chiffre d'affaires de référence mentionné au IV du présent article. Les entreprises bénéficient de l'option qui est la plus favorable / (...) / IV. - La perte de chiffre d'affaires au sens du présent article est définie comme la différence entre, d'une part, le chiffre d'affaires au cours du mois de janvier 2021 et, d'autre part, le chiffre d'affaires de référence défini comme : - le chiffre d'affaires réalisé durant le mois de janvier 2019, ou le chiffre d'affaires mensuel moyen de l'année 2019, si cette option est plus favorable à l'entreprise (...) ".
3. Aux termes de l'article 1844-4 du code civil : " Une société, même en liquidation, peut être absorbée par une autre société ou participer à la constitution d'une société nouvelle, par voie de fusion (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 236-3 du code de commerce : " I. - La fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l'état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l'opération. Elle entraîne simultanément l'acquisition, par les associés des sociétés qui disparaissent, de la qualité d'associés des sociétés bénéficiaires, dans les conditions déterminées par le contrat de fusion ou de scission ".
4. Le refus d'attribution de l'aide en litige repose sur le motif que le chiffre d'affaires de référence déclaré par la société nouvelle Les Pierres Plates ne pouvait pas intégrer le chiffre d'affaires de l'ancienne société Les Pierres Plates, qu'elle avait absorbée.
5. Ainsi qu'il a été indiqué au point 1, la société requérante Les Pierres Plates est issue, via la société Dallery et cie, de la fusion-absorption, au 31 décembre 2020, de la société également dénommée Les Pierres Plates qui exploitait depuis plusieurs années un restaurant d'altitude sur le territoire de la commune iséroise de Méribel les Allues. La société Dallery et cie quant à elle exerçait une activité de location de terrain et autres biens immobiliers. Cette fusion-absorption a entraîné la transmission universelle du patrimoine de l'ancienne société Les Pierres Plates, qui ne se trouvait pas en liquidation judiciaire ou amiable, à la nouvelle société Les Pierres Plates. Eu égard aux effets d'une telle transmission, la société Les Pierres Plates nouvelle, en tant que société absorbante, ne peut pas être considérée comme distincte de la société absorbée et doit être regardée comme ayant poursuivi l'activité d'exploitation du restaurant d'altitude. Eu égard à l'objectif du décret du 30 mars 2020, qui tend à compenser, au profit des entreprises éligibles, les conséquences d'une interdiction d'accueil du public à raison de la survenue de l'épidémie de covid-19, l'appréciation de l'évolution de la situation économique de l'entreprise demanderesse, par comparaison à la période de référence précédant la survenue de cette épidémie, implique de tenir compte, pour le calcul de l'aide demandée, du périmètre de son exploitation, lequel inclut l'entreprise qu'elle a absorbée au 31 décembre 2020. La société Les Pierres Plates nouvelle était par suite fondée à déclarer comme chiffre d'affaires de référence, au sens des dispositions de l'article 3-19 du décret du 30 mars 2020 susvisé, applicables aux demandes d'aides formées au titre du janvier 2021, le chiffre d'affaires réalisé par l'ancienne société Les Pierres Plates dans le cadre de l'exploitation du restaurant d'altitude, quand bien même le patrimoine de cette dernière n'aurait pas comporté, au 31 décembre 2020, de droit à subvention au titre de janvier 2021 pouvant être transmis. Par suite, en opposant le refus en litige du 5 juillet 2021, l'administration a inexactement appliqué les dispositions de l'article 3-19 du décret du 30 mars 2020.
6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble, qui n'a pas reconstitué un chiffre d'affaires de référence de la société Les Pierres Plates nouvelle par addition de ceux de la société Dallery et cie et de la société Les Pierres Plates ancienne, a annulé la décision du 5 juillet 2021 portant rejet de la demande d'aide exceptionnelle présentée par la société Les Pierres Plates pour le mois de janvier 2021 au titre du fonds de solidarité institué pour aider les entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19.
DECIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société Les Pierres Plates.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques Auvergne-Rhône-Alpes.
Délibéré après l'audience du 31 mars 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 avril 2025.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY02645