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17/04/2025 | FRANCE | N°24LY02146

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 17 avril 2025, 24LY02146


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 26 juin 2024 par lesquelles le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a désigné son pays de renvoi, lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an et l'a assigné à résidence dans l'arrondissement de Chambéry pour une durée de 45 jours.



Par un jugement n° 2404617 du 2 juillet 2024, le

magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision d'inter...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 26 juin 2024 par lesquelles le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a désigné son pays de renvoi, lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an et l'a assigné à résidence dans l'arrondissement de Chambéry pour une durée de 45 jours.

Par un jugement n° 2404617 du 2 juillet 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision d'interdiction de retour, enjoint au préfet de la Savoie de supprimer le signalement de M. B... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, condamné l'Etat à lui verser une somme de 900 euros au titre des frais de procès et rejeté le surplus des conclusions de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 juillet 2024, M. A... B..., représenté par la SELURL cabinet Bouzol, agissant par Me Bouzol, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2404617 du 2 juillet 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble en ce qu'il a rejeté sa demande d'annulation des décisions portant obligation de quitter sans délai le territoire français, désignant son pays de renvoi et portant assignation à résidence et d'annuler ces décisions préfectorales du 26 juin 2024 ;

2°) de lui accorder le plus large délai de départ volontaire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- la mesure d'éloignement n'est pas fondée sur un refus de séjour en méconnaissance de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entraîne des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation ;

- la décision le privant d'un délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et il a besoin d'un délai de départ volontaire pour pouvoir se marier ;

- la décision d'assignation à résidence l'empêche de travailler, de subvenir à ses besoins et à ceux de sa compagne.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Gros, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 2025.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de son interpellation par la gendarmerie nationale, M. A... B..., ressortissant algérien né le 30 mars 1992, s'est vu notifier une mesure d'éloignement, prise le 26 juin 2024 par le préfet de la Savoie, lequel ne lui a pas accordé de délai de départ volontaire, a désigné son pays de renvoi et lui a interdit tout retour pendant un an. Par un autre arrêté du 26 juin 2024, le préfet l'a assigné à résidence. Par jugement du 2 juillet 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé la seule décision d'interdiction de retour. M. B... relève appel de ce jugement en ce que le magistrat désigné n'a pas annulé les autres décisions du 26 juin 2024, mesure d'éloignement, privation de délai de départ volontaire, désignation d'un pays de renvoi et assignation à résidence.

Sur la mesure d'éloignement :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour (...) ".

3. Si aucun refus de délivrance d'un titre de séjour n'a été opposé à M. B..., ce dernier ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français et n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Par suite, le préfet pouvait, comme il l'a fait, éloigner cet étranger sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La mesure d'éloignement n'est donc pas privée de base légale.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. L'activité entrepreneuriale d'entretien et de nettoyage de locaux, débutée en juillet 2022, et qui a procuré à M. B... des revenus de 7 578 euros en 2022 et de 27 105 euros en 2023, ne suffit toutefois pas à établir une particulière insertion professionnelle du requérant. Si M. B... se prévaut de la présence en France d'un frère aîné, titulaire d'un certificat de résidence d'un an, qui réside à Saint-Etienne, ainsi que d'une relation, débutée à une date indéterminée, avec une ressortissante française qu'il envisage d'épouser, il n'est pas dépourvu d'attaches en Algérie, qu'il aurait quittée en 2021 et où il a donc vécu jusqu'à l'âge de 29 ans. Par suite, quand il décide, le 26 juin 2024, d'éloigner M. B..., le préfet de la Savoie ne porte pas d'atteinte excessive au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale, au regard des buts que sa décision poursuit. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations visées ci-dessus de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté. Pour les mêmes motifs, la mesure d'éloignement n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....

Sur les autres décisions :

6. Il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité de la mesure d'éloignement articulée à l'encontre de la décision privant M. B... d'un délai de départ volontaire doit être écartée.

7. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour / (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

8. M. B... n'est pas entré régulièrement sur le territoire français et n'a jamais sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Il a déclaré lors de son audition vouloir rester en France auprès de sa compagne. Si, en dépit de ce qu'a énoncé le préfet, M. B... détient un passeport valide, il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes car, hébergé depuis peu par sa compagne, il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente en France. Le risque de fuite étant ainsi établi, et cette décision ne faisant pas obstacle au projet de mariage du requérant, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet l'a privé d'un délai de départ volontaire.

9. Aux termes de l'article R. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : / 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; / 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; / 3° Elle peut lui désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside. ".

10. M. B... est assigné à résidence au domicile de sa compagne, dans l'arrondissement de Chambéry, dont il ne peut pas sortir sans autorisation, il doit se présenter les lundi, mercredi et vendredi entre 16h00 et 16h30 auprès des services de gendarmerie de sa commune de résidence et il doit demeurer à domicile de 13h00 à 16h00 quotidiennement. Si M. B... soutient que ces mesures l'empêchent d'exercer son activité professionnelle hors de l'arrondissement de Chambéry, il est constant qu'il ne détient pas d'autorisation de travail. Ainsi, et au vu de la situation personnelle de M. B... telle qu'elle est décrite au point 5, les mesures prononcées par l'arrêté préfectoral du 26 juin 2024 portant assignation à résidence ne présentent pas de caractère disproportionné au regard de l'objectif d'éloignement poursuivi.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation des décisions préfectorales du 26 juin 2024 portant obligation de quitter sans délai le territoire français, désignant un pays de renvoi et portant assignation à résidence. Par suite, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, celles tendant à ce que la cour lui accorde " le plus large délai de départ volontaire ", ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 31 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 avril 2025.

Le rapporteur,

B. Gros

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY02146


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02146
Date de la décision : 17/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Bernard GROS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : LAPORTE & BOUZOL

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-17;24ly02146 ?
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