Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... et M. A... D... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler, d'une part, un acte du 8 juin 2021 par lequel le directeur régional des finances publiques Auvergne-Rhône-Alpes leur imposerait de reverser les sommes de 5 328 euros, 10 000 euros et 1 500 euros, d'autre part, deux décisions du 4 août 2022 portant rejet de leurs recours gracieux formés à l'encontre d'un titre de perception du 29 mars 2022 d'un montant de 5 328 euros, un autre titre de perception du même jour d'un montant de 10 000 euros et un troisième titre de perception du 25 mai 2022 d'un montant de 1 500 euros, émis à leur encontre par la direction régionale des finances publiques Auvergne-Rhône-Alpes, correspondant à des indus d'aides exceptionnelles perçues pour, respectivement, octobre 2020, novembre 2020 et décembre 2020, au titre du fonds de solidarité institué à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19.
Par un jugement n° 2207447 du 2 avril 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 juin 2024, M. B... C... et M. A... D..., représentés par le cabinet Elab Avocats, agissant par Me Boisis, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2207447 du 2 avril 2024 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler l'acte du 8 juin 2021 par lequel le directeur régional des finances publiques Auvergne-Rhône-Alpes leur imposerait de reverser les sommes de 5 328 euros, 10 000 euros et 1 500 euros ainsi que les décisions du 4 août 2022 portant rejet de leurs recours gracieux formés à l'encontre des titres de perception des 29 mars et 25 mai 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C... et M. D... soutiennent que :
- en s'abstenant de prendre en considération leur perte de chiffre d'affaires excédant 50 % et en appliquant de façon impersonnelle la condition d'interdiction d'accueil du public, alors qu'en raison des déprogrammations d'interventions chirurgicales prescrites par l'agence régionale de santé, ils ne pouvaient pas exercer leur métier de chirurgien, le tribunal a violé le principe de non-discrimination basé sur le principe constitutionnel d'égalité ;
- comme ils étaient éligibles au fonds de solidarité en tant que personnes physiques, l'administration fiscale aurait pu rectifier leur demande, formulée de manière erronée au titre de la société créée de fait entre eux, si bien que la demande de restitution de l'indû apparaît disproportionnée au regard du contexte ;
- en octobre, novembre et décembre 2020, leur chiffre d'affaires a baissé de plus de 50 % par rapport à 2019 car ils n'ont pas pu, en raison de la crise sanitaire et des mesures prises par l'agence régionale de santé, réaliser les interventions chirurgicales non urgentes qui étaient programmées et qui représentent l'essentiel de ce chiffre d'affaires ;
- leur exclusion du bénéfice de l'aide les discrimine par rapport à d'autres professions qui en sont bénéficiaires.
Le ministre chargé de l'économie et des finances, régulièrement mis en cause, n'a pas produit d'observations.
Par ordonnance du 5 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 5 décembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gros, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C... et M. A... D..., chirurgiens, ont fait objet de trois titres de perception de montants respectifs de 5 328 euros, 10 000 euros et 1 500 euros, émis par la direction régionale des finances publiques Auvergne-Rhône-Alpes, en récupération d'aides " covid " indûment perçues pour les mois, respectivement, d'octobre 2020, novembre 2020 et décembre 2020. Par jugement du 2 avril 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces titres de perception. Ils relèvent appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Le moyen tiré de ce que le tribunal, en ne prenant pas en considération leur perte de chiffre d'affaires de plus de 50 % et en appliquant " de façon impersonnelle la condition d'interdiction d'accueil du public ", aurait " violé le principe de non-discrimination qui est basé sur le principe constitutionnel d'égalité " relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.
Sur l'étendue du litige :
3. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale. Il suit de là que les conclusions de M. C... et M. D... tendant à l'annulation des décisions du 4 août 2022 portant rejet de leurs recours gracieux dirigés contre les deux titres de perception du 29 mars et contre celui du 25 mai 2022 doivent être regardées comme également dirigées contre ces trois titres de perception.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. L'ordonnance susvisée du 25 mars 2020 a institué un fonds de solidarité ayant pour objet le versement d'aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation. Son article 3-1 prévoit que les agents de la direction générale des finances publiques, notamment, " peuvent demander à tout bénéficiaire du fonds communication de tout document relatif à son activité, notamment administratif ou comptable, permettant de justifier de son éligibilité et du correct montant de l'aide reçue, pendant cinq années à compter de la date de son versement " et qu'" En cas d'irrégularités constatées, d'absence de réponse ou de réponse incomplète à la demande (...), les sommes indûment perçues font l'objet d'une récupération selon les règles et procédures applicables en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine ".
5. Aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 30 mars 2020 pris en application de l'article 3 de l'ordonnance du 25 mars 2020 : " I. - Le fonds mentionné par l'ordonnance du 25 mars 2020 susvisée bénéficie aux personnes physiques et personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique, ci-après désignées par le mot : entreprises (...) ". Selon les articles 3-10, 3-12, 3-14 et 3-15 du même décret, ces entreprises bénéficient d'une aide financière compensatrice de perte de chiffre d'affaires lorsqu'elles ont, parmi d'autres conditions, " fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public intervenue entre le 25 septembre 2020 et le 31 octobre 2020 " ou " entre le 1er novembre 2020 et le 30 novembre 2020 " ou " entre le 1er décembre 2020 et le 31 décembre 2020 ", ou, alternativement, et parmi d'autres conditions également dont l'une relative à l'exercice de l'activité principale, lorsqu'" Elles ont subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % " durant chacun des mois d'octobre 2020, novembre 2020 et décembre 2020. Les articles 3-12, 3-14 et 3-15 définissent cette perte de chiffre d'affaires comme la différence entre le chiffre d'affaires du mois de 2020 pour lequel l'aide est demandée et celui du mois correspondant de l'année 2019 ou le chiffre d'affaires mensuel moyen de cette année 2019.
6. Il ressort des pièces du dossier que le docteur C... a déposé trois demandes d'aide " covid " au titre des mois d'octobre 2020, novembre 2020 et décembre 2020, pour le compte de la société créée de fait, en juin 2015, avec le docteur D.... Or, si une telle société exerce une activité économique, elle ne constitue pas une personne morale de droit privée et n'est donc pas éligible au fonds de solidarité institué par l'ordonnance du 25 mars 2020. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'administration n'était pas tenue de rectifier les demandes en ce qu'elles pouvaient être présentées par chacun des médecins, personnes physiques susceptibles d'être éligibles à ce fonds.
7. En outre, d'une part, si l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes avait demandé aux établissements de santé " de procéder à la déprogrammation de toute activité chirurgicale et interventionnelle non urgente, et sans perte de chance avérée à court terme pour les patients, pour une durée de 15 jours ", ce dès le 21 octobre 2020, puis, à compter du 23 octobre suivant, de déprogrammer également " l'activité de chirurgie ambulatoire ", une reprogrammation étant permise à compter du 30 novembre 2020, de telles mesures ne peuvent pas être regardées comme des mesures d'interdiction d'accueil du public au sens des dispositions citées au point 5, ouvrant droit au bénéfice de l'aide financière.
8. D'autre part, les requérants produisent en appel, des documents intitulés " synthèses des recettes ", relatifs aux seuls mois de novembre 2019, novembre 2020 et décembre 2020 qui ne font apparaître aucune baisse de chiffre d'affaires supérieure à 50 % pour chacun des médecins. Ils produisent également deux " relevés d'honoraires ", non nominatifs, pour les exercices 2019 et 2020, qui, pareillement, d'un exercice à l'autre, ne font apparaître aucune baisse de la sorte. Les requérants ne remplissaient donc pas la condition alternative tenant à la baisse de chiffre d'affaires prévue par les dispositions précitées pour se voir attribuer les aides financières sollicitées.
9. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les requérants, parce qu'ils ont dû déprogrammer les activités chirurgicales et interventionnelles non urgentes durant la période du 21 octobre au 30 novembre 2020, sans pouvoir bénéficier de l'aide, auraient subi une discrimination " par rapport aux autres professions ".
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions dirigées contre l'acte du 8 juin 2021, que M. C... et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
11. L'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par les requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... et M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et M. A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques Auvergne-Rhône-Alpes.
Délibéré après l'audience du 27 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY01595