Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société La Française de l'Automobile a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions des 11 octobre 2021, 19 octobre 2021, 27 août 2021, les deux décisions du 1er octobre 2021 et la décision du 21 juin 2021 du directeur général des finances publiques refusant de lui attribuer, pour les mois, respectivement, de décembre 2020, janvier 2021, février 2021, mars 2021, avril 2021 et mai 2021, l'aide exceptionnelle au titre du premier volet du fonds de solidarité, instituée à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19, aide totalisant un montant de 850 796 euros.
Par un jugement n° 2107473 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 septembre 2023, la société La Française de l'Automobile, représentée par Me Lugand, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2107473 du 7 juillet 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler les décisions du directeur général des finances publiques des 11 octobre 2021 et 19 octobre 2021, refusant de lui attribuer l'aide pour les mois respectifs de décembre 2020 et janvier 2021, et, par voie de conséquence, les décisions des 27 août 2021, 1er octobre 2021 et 16 août 2021, portant refus d'attribution de cette aide pour les mois de février à mai 2021, pour un total de 850 796 euros.
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société La Française de l'Automobile soutient que :
- sa demande présentée devant le tribunal était recevable ;
- les décisions attaquées ne sont pas motivées ;
- elle devait se voir attribuer les aides sollicitées car :
* elle remplissait les conditions posées par les dispositions du 1° au 5° du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;
* s'agissant de l'aide au titre des mois de décembre 2020, janvier 2021 et février 2021, elle exerçait une activité principale de location de courte durée d'automobiles qui figurait à l'annexe 1 du même décret ;
* s'agissant de l'aide au titre des mois de mars, avril et mai 2021, elle a été empêchée de poursuivre son activité dans des conditions normales, n'ayant pas pu, suite aux mesures d'interdiction prises par l'administration, accueillir de public dans les locaux qu'elle louait, de mars 2021 au 19 mai 2021, étant limitée aux seuls rendez-vous.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Le ministre fait valoir que les moyens invoqués par la société La Française de l'Automobile ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 18 novembre 2024 :
- le rapport de M. Gros, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Aux titre de chacun des six mois de la période s'étendant de décembre 2020 à mai 2021, la société La Française de l'Automobile a sollicité auprès du service régional de la direction générale des finances publiques le versement de l'aide destinée aux entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19, pour des montants s'élevant respectivement à 167 182 euros, 141 368 euros, 131 323 euros, 139 056 euros, 141 564 euros et 130 303 euros. La direction générale des finances publiques lui a opposé six refus correspondants, en date des 11 octobre 2021, 19 octobre 2021, 27 août 2021, 1er octobre 2021, 1er octobre 2021 et 21 juin 2021. La société La Française de l'Automobile interjette appel du jugement du 7 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. L'article 1er de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 a institué " un fonds de solidarité ayant pour objet le versement d'aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation ". Selon l'article 1er du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020, ce fonds " bénéficie aux personnes physiques et personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique, ci-après désignées par le mot : entreprises ".
En ce qui concerne le moyen commun tiré du défaut de motivation :
3. Les décisions attaquées exposent chacune la raison pour laquelle l'aide sollicitée est refusée, et mentionnent le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 dont elles font application, auquel il est d'ailleurs expressément fait référence dans les formulaires de demande d'aide remplis par la société requérante. Le moyen tiré d'une absence de motivation de ces décisions doit en conséquence être écarté.
En ce qui concerne la demande d'aide pour les mois de décembre 2020, janvier 2021 et février 2021 :
4. Aux termes de l'article 3-15 du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020, applicable : " I.- a) Les entreprises mentionnées à l'article 1er du présent décret bénéficient d'aides financières prenant la forme de subventions destinées à compenser la perte de chiffre d'affaires subie au cours du mois de décembre 2020, lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes : (...) 2° Ou elles ont subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er décembre 2020 et le 31 décembre 2020 / (...) / c) Les entreprises mentionnées au présent I qui exercent leur activité principale dans un secteur mentionné à l'annexe 1 dans sa rédaction en vigueur au 30 janvier 2021 perçoivent une subvention (...) / IV.- La perte de chiffre d'affaires au sens du présent article est définie comme la différence entre, d'une part, le chiffre d'affaires au cours du mois de décembre 2020 et, d'autre part, le chiffre d'affaires de référence défini comme : - le chiffre d'affaires durant la même période de l'année précédente, ou le chiffre d'affaires mensuel moyen de l'année 2019, si cette option est plus favorable à l'entreprise (...) ".
5. Aux termes de l'article 3-19 du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020, applicable : " I. - A. - Les entreprises mentionnées à l'article 1er du présent décret, n'ayant pas fait l'objet d'un arrêté pris par le préfet de département ordonnant la fermeture de l'entreprise (...) bénéficient d'aides financières prenant la forme de subventions destinées à compenser la perte de chiffre d'affaires subie au cours du mois de janvier 2021, lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes : (...) 2° Ou elles ont subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er janvier 2021 et le 31 janvier 2021 et elles appartiennent à l'une des trois catégories suivantes : a) Elles exercent leur activité principale dans un secteur mentionné à l'annexe 1 dans sa rédaction en vigueur au 10 février 2021 / b) Ou elles exercent leur activité principale dans un secteur mentionné à l'annexe 2 dans sa rédaction en vigueur au 10 février 2021 (...) / c) Ou elles n'exercent pas leur activité principale dans un secteur mentionné à l'annexe 1 ou à l'annexe 2 (...) et exercent leur activité principale dans le commerce de détail, à l'exception des automobiles et des motocycles (...) / IV. - La perte de chiffre d'affaires au sens du présent article est définie comme la différence entre, d'une part, le chiffre d'affaires au cours du mois de janvier 2021 et, d'autre part, le chiffre d'affaires de référence défini comme : - le chiffre d'affaires réalisé durant le mois de janvier 2019, ou le chiffre d'affaires mensuel moyen de l'année 2019, si cette option est plus favorable à l'entreprise (...) ".
6. Aux termes de l'article 3-22 du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020, applicable : " I.- A.- Les entreprises mentionnées à l'article 1er du présent décret, n'ayant pas fait l'objet d'un arrêté pris par le préfet de département ordonnant la fermeture de l'entreprise (...) bénéficient d'aides financières prenant la forme de subventions destinées à compenser la perte de chiffre d'affaires subie au cours du mois de février 2021, lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes : (...) / 2° Ou elles ont subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er février 2021 et le 28 février 2021 et elles appartiennent à l'une des quatre catégories suivantes : a) Elles exercent leur activité principale dans un secteur mentionné à l'annexe 1 dans sa rédaction en vigueur au 9 mars 2021 / b) ou elles exercent leur activité principale dans un secteur mentionné à l'annexe 2 dans sa rédaction en vigueur au 9 mars 2021 (...) / c) Ou elles n'exercent pas leur activité principale dans un secteur mentionné à l'annexe 1 ou à l'annexe 2 (...) et exercent leur activité principale dans le commerce de détail, à l'exception des automobiles et des motocycles (...) / IV.- La perte de chiffre d'affaires au sens du présent article est définie comme la différence entre, d'une part, le chiffre d'affaires au cours du mois de février 2021 et, d'autre part, le chiffre d'affaires de référence défini comme : - le chiffre d'affaires réalisé durant le mois de février 2019, ou le chiffre d'affaires mensuel moyen de l'année 2019, si cette option est plus favorable à l'entreprise (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions que les entreprises peuvent notamment bénéficier de subventions destinées à compenser une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % pour chacun des mois de décembre 2020, janvier 2021 et février 2021, sous réserve de satisfaire aux autres conditions posées par les textes précités. La perte de chiffre d'affaires est définie comme la différence entre, d'une part, le chiffre d'affaires du mois concerné et, d'autre part, le chiffre d'affaires de référence, défini comme le chiffre d'affaires durant la même période de l'année 2019 ou le chiffre d'affaires mensuel moyen de l'année 2019, si cette option est plus favorable à l'entreprise. L'entreprise doit exercer son activité principale dans un secteur mentionné à l'annexe 1 ou à l'annexe 2 du décret n° 2020-371 du 25 mars 2020, ou, sinon, ne pas exercer une activité principale de vente au détail de véhicules.
8. Il résulte de l'instruction que la société La Française de l'Automobile a, en décembre 2020, janvier 2021 et février 2021, réalisé un chiffre d'affaires inférieur de 50 % à celui des mois correspondants de l'année 2019. Toutefois, cette société, créée en juillet 2015, avec pour objet social " achats, dépôts et ventes de véhicule d'occasion ", a, en 2019, réalisé un chiffre d'affaires de référence de 7 818 192 euros, constitué à 99,94 % par la vente de véhicules. Ainsi, son activité principale est la vente de véhicules, non la " location de véhicules automobiles de courte durée ", tel que figurant dans son objet social issu de la modification de statuts du 8 décembre 2020. Cette activité principale de vente de véhicules ne figure pas dans l'annexe 1 ni dans l'annexe 2 du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 et est exclue des activités de commerce de détail éligibles. Par suite, c'est à bon droit que la direction générale des finances publiques a pu, pour ce motif, refuser de verser à la société l'aide que cette dernière sollicitait au titre des mois de décembre 2020, janvier 2021 et février 2021.
En ce qui concerne la demande d'aide pour les mois de mars 2021, avril 2021 et mai 2021 :
9. Aux termes de l'article 3-24 du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020, applicable : " I. - A. - Les entreprises mentionnées à l'article 1er du présent décret, n'ayant pas fait l'objet d'un arrêté pris par le préfet de département ordonnant la fermeture de l'entreprise (...) bénéficient d'aides financières prenant la forme de subventions destinées à compenser la perte de chiffre d'affaires subie au cours du mois de mars 2021, lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes :1° Elles ont fait l'objet : a) D'une interdiction d'accueil du public sans interruption du 1er mars 2021 au 31 mars 2021 et ont subi une perte de chiffre d'affaires (...) d'au moins 20 % durant la période comprise entre le 1er mars 2021 et le 31 mars 2021 / b) D'une interdiction d'accueil du public au cours d'une ou plusieurs périodes comprises entre le 1er mars 2021 et le 31 mars 2021 et ont subi une perte de chiffre d'affaires (...) d'au moins 20 % durant la période comprise entre le 1er mars 2021 et le 31 mars 2021 (...) ".
10. Aux termes de l'article 3-26 du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020, applicable : " I. - A. - Les entreprises mentionnées à l'article 1er du présent décret, n'ayant pas fait l'objet d'un arrêté pris par le préfet de département ordonnant la fermeture de l'entreprise (...) bénéficient d'aides financières prenant la forme de subventions destinées à compenser la perte de chiffre d'affaires subie au cours du mois d'avril 2021, lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes :
1° Elles ont fait l'objet : a) D'une interdiction d'accueil du public sans interruption du 1er avril 2021 au 30 avril 2021 et ont subi une perte de chiffre d'affaires (...) d'au moins 20 % durant la période comprise entre le 1er avril 2021 et le 30 avril 2021 / b) D'une interdiction d'accueil du public entre le 1er avril 2021 et le 30 avril 2021 et ont subi une perte de chiffre d'affaires (...) d'au moins 20 % durant la période comprise entre le 1er avril 2021 et le 30 avril 2021 (...) ".
11. Aux termes de l'article 3-27 du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020, applicable : " I. - A.- Les entreprises mentionnées à l'article 1er du présent décret, n'ayant pas fait l'objet d'un arrêté pris par le préfet de département ordonnant la fermeture de l'entreprise (...) bénéficient d'aides financières prenant la forme de subventions destinées à compenser la perte de chiffre d'affaires subie au cours du mois de mai 2021, lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes : 1° Elles ont fait l'objet : a) D'une interdiction d'accueil du public sans interruption du 1er mai 2021 au 31 mai 2021 et ont subi une perte de chiffre d'affaires (...) d'au moins 20 % durant la période comprise entre le 1er mai 2021 et le 31 mai 2021 / b) D'une interdiction d'accueil du public entre le 1er mai 2021 et le 31 mai 2021 et ont subi une perte de chiffre d'affaires (...) d'au moins 20 % durant la période comprise entre le 1er mai 2021 et le 31 mai 2021 (...) ".
12. Il résulte de ces dispositions que les entreprises peuvent bénéficier de subventions destinées à compenser la perte de chiffre d'affaires subie au cours des mois de mars 2021, avril 2021 et mai 2021, lorsqu'elles ont fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public, associée à une perte de chiffre d'affaires d'au moins 20 %.
13. Il résulte de l'instruction que la société La Française de l'Automobile a domicilié son siège social à Paris, au 34 avenue des Champs Elysées, à compter du 1er décembre 2020, acquittant un tarif mensuel de 26,10 euros HT, sans louer aucun bureau ou autre local. Si, à compter du 26 avril 2021, elle a loué, sur le territoire de la commune savoyarde de La Bathie, un local de 100 m² et un bureau de 8 m², elle n'établit pas que ces locaux, dans l'hypothèse où ils auraient été soumis à des restrictions d'accès en application du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020, auraient fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public, même partiellement durant les mois considérés. La condition tenant à une telle interdiction, prévue par les dispositions précitées aux points 9 à 11 n'étant pas satisfaite, c'est à bon droit que la direction générale des finances publiques a pu, pour ce motif, refuser de verser à la société requérante l'aide qu'elle sollicitait au titre des mois de mars, avril et mai 2021.
14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en première instance, que la société La Française de l'Automobile n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande.
Sur les frais d'instance :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société La Française de l'Automobile demande au titre des frais qu'elle a exposés non compris dans le dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société La Française de l'Automobile est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société La Française de l'Automobile et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,
M. Gros, premier conseiller,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
H. Stillmunkes
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 23LY02936