Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 1er septembre 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande de reconnaissance de la qualité d'apatride.
Par un jugement n° 2200883 du 25 avril 2023, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 4 septembre 2023, Mme B..., représentée par Me Delbes, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 avril 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 1er septembre 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande de reconnaissance de la qualité d'apatride ;
3°) de lui reconnaître la qualité d'apatride ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat et de l'OFPRA le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour son conseil de renoncer à la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
- son identité et son parcours sont suffisamment établis par les pièces produites, en particulier le fait qu'elle a dû fuir l'Azerbaïdjan pour la Russie avec sa famille et qu'elle n'a pas pu s'y enregistrer de façon définitive, en dépit des démarches effectuées en 1998 et en 2009, ce qui a fait obstacle à ce qu'elle acquière la nationalité russe ;
- elle n'a pas non plus pu bénéficier du statut de réfugié en Fédération de Russie ;
- sa seule présence sur le territoire russe à la date d'entrée en vigueur de la loi du 26 novembre 1991, le 6 février 1992, ne permet pas d'obtenir la citoyenneté russe, en ce qu'il faut apporter la preuve du " désenregistrement " d'Azerbaïdjan, être enregistré et justifier de la qualité de locataire d'un logement ;
- elle n'a par ailleurs ni la nationalité azerbaïdjanaise, qu'elle a sollicitée en vain, ni la nationalité arménienne, ses seules origines étant insuffisantes à cet égard.
Par un mémoire enregistré le 16 février 2024, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, représenté par Me Lewy, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions à fin d'injonction sont irrecevables dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif d'accorder ou de refuser le statut d'apatride ;
- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 19 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 avril 2024.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention relative au statut des apatrides, signée à New-York le 28 septembre 1954 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mauclair, présidente-assesseure ;
- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La requérante déclare s'appeler Mme A... B..., être née le 10 mars 1945 au Nakhitchevan, dans la République socialiste soviétique d'Azerbaïdjan, qui est désormais la République d'Azerbaïdjan, avoir rejoint en décembre 1989 la République socialiste de la Fédération de Russie (RSFS), sans réussir à y régulariser sa situation depuis lors, et être entrée définitivement sur le territoire français en 2011. Elle a saisi le 24 juillet 2019 l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) d'une demande tendant à la reconnaissance de la qualité d'apatride. Elle relève appel du jugement du 25 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er septembre 2021 par laquelle le directeur général de l'OFPRA lui a opposé un refus.
2. Aux termes de l'article L. 582-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention ". Aux termes de l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides : " (...) Le terme " apatride " désigne une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation (...) ". La reconnaissance de la qualité d'apatride implique d'établir que l'Etat susceptible de regarder une personne comme son ressortissant par application de sa législation ne le considère pas comme tel. Il incombe à toute personne se prévalant de la qualité d'apatride d'apporter la preuve qu'en dépit de démarches répétées et assidues, l'Etat de la nationalité duquel elle se prévaut a refusé de donner suite à ses démarches.
3. Pour rejeter la demande de reconnaissance de la qualité d'apatride formée par Mme B..., le directeur général de l'OFPRA a retenu que l'identité de celle-ci n'était pas établie par les documents qu'elle produisait, dont aucun ne comporte de photographie d'identité permettant de faire le lien entre l'état civil allégué et la personne qui s'en prévaut, ni son parcours, mais en examinant toutefois en tout état de cause ce dernier au vu des déclarations de l'intéressée. Il a ainsi, en premier lieu, considéré que les indications de l'intéressée quant aux démarches qu'elle soutenait avoir accomplies en vue de régulariser sa situation en Russie étaient trop vagues et qu'elle n'a apporté aucun élément probant pour démontrer qu'elle n'avait pu faire valoir ses droits à la nationalité russe, alors même, d'une part, qu'elle aurait vécu en Fédération de Russie entre 1988 et 2011 et entrait ainsi dans le champ de la loi n° 1948-1 du 28 novembre 1991 reconnaissant comme ressortissants russes tous les citoyens de l'ex-URSS résidant en permanence sur le territoire de la Fédération de Russie à la date d'entrée en vigueur de cette loi, soit le 6 février 1992, à moins d'avoir expressément décliné cette nationalité dans le délai d'un an à compter de cette date, et, d'autre part, qu'elle aurait pu, en outre, revendiquer la nationalité russe compte tenu de sa longue résidence en Fédération de Russie, en application des dispositions de la loi russe sur la nationalité du 31 mai 2002. Le directeur général de l'OFPRA a ensuite, en deuxième lieu, relevé que Mme B... aurait pu, sur la base de ses seules origines arméniennes, solliciter la reconnaissance de la nationalité arménienne, en vertu de l'article 13 de la loi sur la nationalité de la République d'Arménie du 6 novembre 1995. Enfin, il a estimé que les démarches de l'intéressée en vue de se voir reconnaître la nationalité azerbaïdjanaise étaient dépourvues de toute pertinence compte tenu de ce qu'elle ne pouvait prétendre à cette nationalité au regard du parcours allégué.
4. Si Mme B... estime tout d'abord que son identité est suffisamment établie, elle n'en justifie pas de manière suffisamment probante en se prévalant des mêmes pièces que celles produites en première instance, c'est-à-dire une simple copie d'un certificat de naissance ne comportant pas de photographie d'identité et différentes pièces relatives à des personnes qui seraient, sans en justifier, de sa famille. Si elle produit en appel un récépissé de demande de titre de séjour comportant une photographie, délivré le 31 décembre 2019, ce document est établi au vu de ses propres déclarations et n'est ainsi pas de nature à établir son identité. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté ce moyen.
5. S'agissant de la possibilité de solliciter la nationalité arménienne, dont les conditions sont fixées par la loi sur la citoyenneté arménienne promulguée le 6 novembre 1995 et amendée le 26 février 2007 et l'article 47 de la Constitution de la République d'Arménie adoptée le 6 décembre 2015, qui ouvrent très largement la nationalité arménienne aux personnes d'origine arménienne, Mme B... ne conteste pas sérieusement le motif qui lui a été opposé en se bornant à soutenir que l'accès à la nationalité arménienne n'est pas automatique, sans préciser pourquoi elle ne remplirait pas les conditions pour l'obtenir. Au surplus les courriers envoyés en novembre 2022 au consulat de la République d'Arménie, rédigés en des termes très imprécis et non assortis de documents justificatifs, ne peuvent être regardés comme révélant des démarches sérieuses, répétées et assidues en vue d'obtenir cette nationalité.
6. S'agissant de la possibilité d'accéder à la nationalité russe en application de la loi du 28 novembre 1991 sur la nationalité de la République socialiste fédérative soviétique de Russie ou encore de la loi du 31 mai 2022 sur la citoyenneté de la Fédération de Russie telle que modifiée en janvier 2006, la requérante reprend en appel des éléments de contexte général pour expliquer qu'elle n'a pu l'acquérir, et notamment la nécessité de s'enregistrer, l'existence de discriminations dans l'application des lois de nationalité ou encore la corruption administrative, mais sans apporter des éléments personnalisés suffisants sur les démarches qu'elle aurait entreprises. Par ailleurs, les justificatifs qu'elle produit, dont le tribunal administratif a estimé, sans qu'elle le conteste en appel, qu'ils présentent des anomalies, sont dépourvus de toute valeur probante. Dans ces conditions, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir qu'elle aurait accompli des démarches répétées et assidues et qu'elle se serait heurtée à un refus. Les courriers envoyés postérieurement à la décision en litige au consulat de Russie ne permettent pas davantage de l'établir.
7. S'agissant, enfin, de la nationalité azerbaïdjanaise, la loi sur la citoyenneté azerbaïdjanaise du 30 septembre 1998 dispose que la reconnaissance de la citoyenneté est conditionnée à une résidence administrative en Azerbaïdjan au jour de son entrée en vigueur ou à la date d'indépendance du pays, le 31 août 1991, la seule naissance sur ce territoire ne permettant pas d'être éligible à cette nationalité. Or la requérante indique avoir quitté l'Azerbaïdjan en 1998. Dans ces conditions, la circonstance que des démarches en vue de se faire reconnaître cette nationalité seraient restées vaines est inopérante, ayant été entreprise à l'égard d'un pays dont elle ne pouvait revendiquer la nationalité.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, à les supposer recevables, et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente-assesseure,
Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.
La rapporteure,
A.-G. MauclairLa présidente,
M. C...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 23LY02892 2