Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 20 octobre 2022 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné son pays de renvoi.
Par un jugement n° 2304746 du 10 octobre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 janvier 2024, Mme C... F..., représentée par Me Vray, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2304746 du 10 octobre 2023 du tribunal administratif de Lyon et les décisions préfectorales du 20 octobre 2022 ;
2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire de réexaminer sa situation, l'ensemble dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à venir, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous 8 jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code justice administrative.
Mme F... soutient que :
- le préfet a méconnu les stipulations du 7°) de l'article 6 de l'accord franco-algérien car, étant sans ressource, elle ne peut pas accéder à un suivi médical en Algérie et ne bénéficie d'aucune aide matérielle ou financière pour se rendre à des rendez-vous médicaux ;
- le préfet a également méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 13 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 4 novembre 2024 :
- le rapport de M. Gros, premier conseiller ;
- et les observations de Me Naili, représentant Mme F....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... F..., ressortissante algérienne née en 1959, a sollicité, le 15 décembre 2021, la délivrance d'un titre de séjour en invoquant son état de santé. Le préfet du Rhône, par des décisions du 20 octobre 2022, lui a opposé un refus, l'a obligée à quitter le territoire français, lui impartissant pour ce faire un délai de trente jours et a désigné son pays de renvoi. Mme F... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 octobre 2023 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions préfectorales du 20 octobre 2022.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Pour refuser de délivrer à Mme F... le certificat de résidence qu'elle sollicitait, la préfète du Rhône s'est appuyée sur l'avis rendu le 20 avril 2022 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), lequel a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des pièces du dossier que Mme F... présentait, en janvier 2019, à l'œil droit, un glaucome néo vasculaire secondaire à une occlusion de la veine centrale de la rétine, et, à l'œil gauche, un glaucome primitif par fermeture de l'angle. Cet état ophtalmologique nécessite l'administration quotidienne de collyres et un suivi trimestriel. La requérante qui se borne à faire état de son impécuniosité et de ce qu'elle serait isolée en Algérie, n'établit pas une impossibilité de bénéficier en Algérie d'une assurance sociale ou d'un dispositif de solidarité existant au bénéfice notamment des personnes sans emploi, indigentes ou handicapées. Elle n'est, par ailleurs, pas isolée en Algérie. Par suite, en refusant de délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade à Mme F..., le préfet du Rhône n'a pas méconnu les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Mme F..., mariée en 1989 et divorcée en 2001, est mère de neuf enfants, nés entre 1978 et 1993. Elle se prévaut de la présence en France de six enfants mais seuls deux d'entre eux, son fils aîné B..., qui l'hébergerait à Villeurbanne, et sa fille aînée Alima épouse D..., mère de deux enfants nés en 2018 et 2019, domiciliée à Oullins, résidaient régulièrement en France à la date de la décision attaquée du 20 octobre 2022, sous couvert de certificats de résidence de dix ans. Son fils E... n'a été muni d'un récépissé de demande de titre de séjour qu'en 2023. Quant à son autre fille, A..., elle a acquis la nationalité belge en 2021. Mme F..., qui déclare être entrée en France pour la dernière fois en 2016, n'est pas dépourvue d'attaches en Algérie, où se trouve au moins l'un de ses enfants, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 57 ans et où elle peut se rendre et être soignée. Par suite, le préfet du Rhône n'a pas, en prenant l'arrêté en litige du 20 octobre 2022, porté d'atteinte excessive au droit de Mme F... au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit en conséquence être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant au versement de frais de procès doivent en conséquence être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
F. Pourny
La greffière
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 24LY00065 2