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05/11/2024 | FRANCE | N°22LY02970

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 05 novembre 2024, 22LY02970


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme B... A... D... a contesté devant le tribunal administratif de Dijon le titre exécutoire établi à son encontre le 30 juin 2021 par le maire de Joigny en vue du recouvrement de la somme de 50 499,83 euros correspondant au coût de travaux réalisés d'office sur un immeuble sis ....



Par une ordonnance n° 2201049 du 10 août 2022, le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande, sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice ad

ministrative.

Procédure devant la cour

Par une requête sommaire et un mémoire, enregistré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... D... a contesté devant le tribunal administratif de Dijon le titre exécutoire établi à son encontre le 30 juin 2021 par le maire de Joigny en vue du recouvrement de la somme de 50 499,83 euros correspondant au coût de travaux réalisés d'office sur un immeuble sis ....

Par une ordonnance n° 2201049 du 10 août 2022, le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande, sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête sommaire et un mémoire, enregistrés les 10 octobre 2022 et 6 janvier 2023, Mme Leal Farinha, représentée par Me Supplisson, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 10 août 2022 ;

2°) d'annuler le titre exécutoire établi à son encontre le 30 juin 2021 par le maire de Joigny en vue du recouvrement de la somme de 50 499,83 euros correspondant au coût des travaux réalisés d'office sur un immeuble sis ... et de la décharger de son obligation de payer cette somme ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner la désignation d'un expert en vue de déterminer si les travaux mis à la charge de l'appelante ont bien été effectués, s'ils étaient conformes aux arrêtés de périls des 1er et 8 juillet 2016, aux règles de l'art et à la réglementation d'urbanisme en secteur sauvegardé et si leur montant était conforme aux prix du marché ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Joigny le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance est irrégulière dès lors qu'il n'est pas précisé les raisons pour lesquelles le moyen tiré de ce que le montant des factures de l'entreprise Moresk ne correspondaient pas à des travaux effectivement réalisés serait inopérant, en méconnaissance des dispositions de l'article

L. 9 du code de justice administrative ; en tout état de cause, ce moyen n'est pas inopérant ;

- l'ordonnance est irrégulière dès lors qu'il n'est pas précisé en quoi les pièces produites par la requérante étaient insuffisantes pour apprécier le bien-fondé des moyens soulevés ;

- le titre exécutoire est entaché d'incompétence ;

- il méconnaît les dispositions des articles L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales et les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- il mentionne de façon insuffisamment précise les bases de liquidation et est insuffisamment motivé ;

- le bien-fondé du titre en litige n'est pas établi dès lors que les factures émises ne correspondent pas à ce qui a été effectivement réalisé ni à ce qui était prescrit par l'arrêté de péril de 2016.

Par un mémoire enregistré le 10 juin 2024, la commune de Joigny, représentée par Me Tissier-Lotz, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de Mme Leal Farinha le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme Leal Farinha ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er juillet 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

-le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mehl-Schouder, présidente-rapporteure ;

- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique ;

- les observations de Me Picard, représentant la commune de Joigny.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite du constat réalisé le 23 juin 2016 par un agent assermenté de la commune de Joigny portant notamment sur l'effondrement des planchers de l'immeuble situé 8 ..., lequel avait déjà fait l'objet d'arrêtés de péril, ainsi que de l'expertise diligentée par le tribunal administratif de Dijon et du rapport d'expertise déposé le 30 juin 2016, le maire de la commune de Joigny a, par arrêtés des 1er et 8 juillet 2016, constaté l'état de péril imminent de l'immeuble et mis en demeure les propriétaires de réaliser avant le 30 septembre 2016 les mesures conservatoires de consolidation de l'immeuble qu'il a listées, faute de quoi les mesures seraient exécutées d'office par la commune à leurs frais. Compte tenu de la carence des propriétaires, la commune de Joigny a exécuté d'office les travaux prescrits par les arrêtés des 1er et 8 juillet 2016. Mme Leal Farinha, devenue propriétaire de l'immeuble par succession le 28 juillet 2017, a été destinataire d'un titre exécutoire d'un montant de 50 499,83 euros émis à son encontre le 31 décembre 2017. Par un arrêt n° 19LY02135 du 16 mars 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce titre exécutoire, insuffisamment motivé en méconnaissance des dispositions de l'article 24 du décret n° 2022-1246 du 7 novembre 2012. La commune de Joigny a alors émis un nouveau titre exécutoire le 30 juin 2021 d'un montant de 50 499,83 euros, en y joignant l'ensemble des justificatifs. Mme Leal Farinha a contesté cet état exécutoire devant le tribunal administratif de Dijon. Elle relève appel de l'ordonnance du 10 août 2022, prise sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, par laquelle le président du tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. D'une part, contrairement à ce que soutient Mme Leal Farinha, le président du tribunal administratif de Dijon n'a pas écarté comme inopérant le moyen tiré de ce que les travaux réalisés ne correspondraient pas aux factures produites, mais il y a répondu, au point 3 de l'ordonnance en litige, en relevant que Mme Leal Farinha ne l'avait pas assorti " de précisions suffisantes pour permettre au tribunal d'en apprécier le bien-fondé ".

4. Mme Leal Farinha soutient, d'autre part, que, eu égard à la motivation du point 3 de l'ordonnance, le président du tribunal administratif de Dijon a entaché l'ordonnance en litige d'une insuffisance de motivation dès lors qu'il aurait dû préciser les raisons pour lesquelles sa demande était insuffisante pour apprécier le bien-fondé des moyens soulevés et tirés de de ce que les travaux réalisés d'office par la commune sont demeurés inachevés et ne correspondent ni à ce qui est mentionné sur les factures y afférentes, ni aux prescriptions des arrêtés de péril imminent de 2016. Toutefois, le premier juge, qui s'est effectivement prononcé sur ces moyens et a indiqué que la requérante n'avait produit aucune facture, n'a pas, eu égard à la teneur de l'argumentation qui était développée devant lui et des pièces produites, entaché son ordonnance d'une insuffisante motivation en les écartant au motif que Mme Leal Farinha ne les avait pas assortis de précisions suffisantes pour permettre au tribunal d'en apprécier le bien-fondé.

Sur les conclusions à fin d'annulation et de décharge :

5. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge.

En ce qui concerne la régularité du titre exécutoire :

6. En premier lieu, le titre exécutoire d'un montant de 50 499,83 euros, émis le 30 juin 2021 à l'encontre de Mme Leal Farinha et adressé à cette dernière, a été compétemment établi par le maire de la commune de Joigny, en vertu des pouvoirs propres qui lui sont impartis au titre de la police des immeubles menaçant ruine.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " (...) En application des articles L. 111-2 et L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. / Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation (...) ". Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation ".

8. En l'espèce, contrairement aux allégations de la requérante, les nom, prénoms et qualité du maire de la commune, avec sa signature électronique, ont été indiqués sur le bordereau de titre de recette, et ce titre comprend les bases de liquidation de la créance, avec un renvoi à des références précises des documents dont Mme D... a été destinataire et comprenant les éléments de calcul sur lesquels il se fonde. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées, à les supposer recevables en ce qu'ils procèdent d'une cause juridique nouvelle, ne peuvent, dès lors, qu'être écartés.

En ce qui concerne le bien-fondé de la créance :

9. Aux termes de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction alors applicable : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. / Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. / Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. En ce cas, le maire agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 de ce code dans sa rédaction alors applicable : " Les frais de toute nature, avancés par la commune lorsqu'elle s'est substituée aux propriétaires ou copropriétaires défaillants, en application des dispositions des articles L. 511-2 et L. 511-3, sont recouvrés comme en matière de contributions directes. Si l'immeuble relève du statut de la copropriété, le titre de recouvrement est adressé à chaque copropriétaire pour la fraction de créance dont il est redevable (...) ". L'article R. 511-5 du code dispose dans la même rédaction que : " La créance de la commune sur les propriétaires ou exploitants née de l'exécution d'office des travaux prescrits en application des articles L. 511-2 et L. 511-3 comprend le coût de l'ensemble des mesures que cette exécution a rendu nécessaires, notamment celui des travaux destinés à assurer la sécurité de l'ouvrage ou celle des bâtiments mitoyens, les frais exposés par la commune agissant en qualité de maître d'ouvrage public et, le cas échéant, la rémunération de l'expert nommé par le juge administratif ".

10. Par les arrêtés des 1er et 8 juillet 2016 de péril imminent, le maire de la commune de Joigny a prescrit le renforcement de la charpente, le remaniement partiel de la couverture de la zinguerie, l'évacuation des gravats divers afin d'éviter une pression sur les murs latéraux, la dépose des anciennes menuiseries pour éviter leur chute sur la chaussée et le domaine public mais également l'obturation des baies de la façade sur rue par des panneaux de bois, l'installation d'une protection en porte-à-faux située en dessous de la corniche, la découverture de l'immeuble n° 8 et la mise en place de protections en couvertines des murs périphériques et en partie verticale du mur mitoyen ainsi que l'engagement du renforcement de certains éléments de charpente. Mme Leal Farinha ne conteste pas la nécessité de ces travaux, ni d'ailleurs la légalité des arrêtés des 1er et 8 juillet 2016, lesquels avaient pour seul objet de mettre fin aux risques d'atteinte à l'intégrité des personnes et des biens et non de rénover l'immeuble.

11. En l'espèce, Mme Leal Farinha conteste la réalisation des interventions conservatoires de nature à assurer la protection et le couvert de l'immeuble. Elle ne peut toutefois fonder ses allégations sur le rapport d'expertise rendu le 10 février 2022 dans le cadre de la mise en œuvre, le 7 janvier 2022, par la commune de Joigny, d'une procédure de mise en sécurité prévue par les articles L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation. Outre que cette procédure est distincte de la précédente procédure au terme de laquelle le titre exécutoire en litige a été émis, le rapport d'expertise a été établi au vu de constats intervenus plus de quatre ans après la réalisation des travaux, alors que l'état de l'immeuble semble s'être de nouveau dégradé. Ainsi, il ne peut, en tout état de cause, pas établir la mauvaise réalisation des travaux prescrits en 2016 ou leur absence.

12. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, notamment du constat réalisé le 4 avril 2018 par Me Teboul, huissier de justice, que les tuiles et ardoises ont été déposées et remplacées par une couverture en bac acier avec faîtière et arêtière en tôle, que la lucarne a été démolie, qu'il a été procédé, après démolition des cloisons et des planchers de toute nature sur trois niveaux, à l'étaiement des façades et au blindage des baies en madrier, seule l'obturation des baies de la façade sur rue ayant au demeurant été prescrite. Une structure tubulaire métallique supportant la charpente a également été installée. Si Mme A... D... soutient que les opérations de déblaiement n'auraient pas été achevées dès lors que des gravats sont présents sur une hauteur supérieure à un mètre sur l'ensemble du rez-de-chaussée et à l'intérieur de la cave, il résulte de l'instruction que seule l'évacuation des gravats propre à éviter une pression sur les murs latéraux a été prescrite par l'arrêté du 1er juillet 2016 et qu'il a été procédé à leur évacuation pour un volume de près de 80 m3, dont il n'est ni établi ni invoqué qu'elle aurait été insuffisante. Enfin, en se bornant à soutenir que deux poutres dépassent du mur sans protection et que la toiture n'est pas pourvue de gouttières, l'appelante n'apporte aucun élément de nature à établir que les travaux n'auraient pas été réalisés conformément aux règles de l'art, d'autant qu'ils visaient uniquement à consolider en urgence le bâtiment afin de remédier au danger qu'il occasionnait et qu'il ne résulte pas des arrêtés de péril que la sécurisation de l'immeuble impliquait de réparer les gouttières et de remettre en état les locaux.

13. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que Mme Leal Farinha n'est pas fondée à se plaindre de ce que le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur les frais d'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme Leal Farinha, partie perdante, tendant à la mise à la charge de la commune de Joigny des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme Leal Farinha la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Joigny au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme Leal Farinha est rejetée.

Article 2 : Mme Leal Farinha versera à la commune de Joigny la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... D... et à la commune de Joigny.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Agathe Duguit-Larcher, présidente-assesseure,

Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.

La présidente-rapporteure,

M. Mehl-Schouder La présidente-assesseure,

A. Duguit-Larcher

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY02970 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02970
Date de la décision : 05/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

49-05-001 Police. - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Monique MEHL-SCHOUDER
Rapporteur public ?: Mme DJEBIRI
Avocat(s) : SCP CASADEI-JUNG ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-05;22ly02970 ?
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