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18/10/2024 | FRANCE | N°22LY02965

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 18 octobre 2024, 22LY02965


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... E... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les Hospices Civils de Lyon à leur verser respectivement une somme de 318 166,41 euros et une somme de 10 000 euros, en réparation des conséquences dommageables de la prise en charge médicale de Mme E... le 14 septembre 2016.



La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les Hospices Civils de Lyon à l

ui rembourser, à titre principal, une somme de 26 848,40 euros ou, à titre subsidiaire, une somme de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les Hospices Civils de Lyon à leur verser respectivement une somme de 318 166,41 euros et une somme de 10 000 euros, en réparation des conséquences dommageables de la prise en charge médicale de Mme E... le 14 septembre 2016.

La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les Hospices Civils de Lyon à lui rembourser, à titre principal, une somme de 26 848,40 euros ou, à titre subsidiaire, une somme de 5 071,42 euros au titre de ses débours ainsi qu'une somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par un jugement n° 2102656 du 13 septembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a condamné les Hospices Civils de Lyon à verser à Mme E... et à M. B... respectivement une somme de 13 014,80 euros et une somme de 200 euros, à verser une somme de 7 308,06 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône au titre de ses débours ainsi qu'une somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 octobre 2022, Mme C... E... et M. A... B..., représentés par le cabinet Jerôme Lavocat et associés, demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 2102656 du 13 septembre 2022 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner les Hospices Civils de Lyon à verser à Mme E... une somme de 316 535,02 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices et à M. B... une somme de 10 000 euros au titre de son préjudice personnel, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge des Hospices Civils de Lyon une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les Hospices Civils de Lyon ont commis un manquement à leur obligation d'information, Mme E... n'ayant pas été informée des risques de lésion du nerf tibial et des conséquences de cette complication ;

- par ailleurs, le mauvais positionnement de l'agrafe antérieure lors de la ligamentoplastie est constitutif d'une faute médicale ;

- la lésion peropératoire du nerf tibial lors de cette même intervention est également constitutive d'une faute ;

- en tout état de cause, la perte de chance de refuser l'intervention et, par suite, d'éviter la lésion du nerf tibial doit être évaluée à 50 % ;

- le tribunal a procédé à une insuffisante appréciation des préjudices subis par Mme E... qui s'évaluent à :

* 815,03 euros au titre des dépenses de santé restées à sa charge ;

* 3 796,06 euros au titre des frais d'appareillage restés à sa charge ;

* 807,61 euros au titre des frais divers ;

* 22 485,31 euros au titre des frais d'adaptation de son véhicule ;

* 126 409,80 euros au titre des frais d'assistance par une tierce personne ;

* 50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

* 9 345 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire ;

* 8 000 euros au titre des souffrances endurées ;

* 4 000 euros au titre de son préjudice esthétique temporaire ;

* 51 200 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent ;

* 4 000 euros au titre de son préjudice esthétique permanent ;

* 10 000 euros au titre de son préjudice sexuel ;

* 10 000 euros au titre de son préjudice d'agrément ;

* 20 000 euros au titre de son préjudice d'impréparation ;

- en outre, les préjudices personnels résultant pour M. B... de la perte d'autonomie de sa compagne doivent être évalués à 10 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2023, et un mémoire non communiqué enregistré le 21 septembre 2023, les Hospices Civils de Lyon (HCL), représentés par le cabinet Le Prado - Gilbert, demandent à la cour de rejeter la requête et, par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement n° 2102656 du 13 septembre 2022 du tribunal administratif de Lyon en ramenant les indemnisations à de plus justes proportions.

Ils soutiennent que :

- s'agissant de la faute résultant du mauvais positionnement de l'agrafe, ils s'en remettent à la sagesse de la cour en soulignant toutefois que cette faute n'est que partiellement à l'origine des préjudices de Mme E... ;

- la lésion du nerf tibial est constitutif d'un accident médical non fautif ;

- aucun manquement à l'obligation d'information de la patiente n'est constitué en l'espèce ; en tout état de cause, aucune perte de chance d'éviter le dommage ne saurait être retenue ;

- les conclusions de Mme E... tendant à l'indemnisation des dépenses de santé restées à sa charge devront être rejetées ;

- les frais de déplacement et les frais d'appareillage dont il est demandé le remboursement ne sauraient être mis à la charge des HCL ;

- c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de remboursement des frais d'adaptation du véhicule ;

- la part des besoins d'assistance par une tierce personne en lien avec le positionnement de l'agrafe doit se voir appliquer un taux de perte de chance de 50% et la part des besoins en lien avec la lésion nerveuse doit se voir appliquer le taux de perte de chance de 10% ; en outre, l'état de santé de Mme E... a justifié l'assistance par une tierce personne pour les seules périodes durant lesquelles elle a subi un déficit fonctionnel temporaire de classe 3 ;

- la demande présentée au titre de l'incidence professionnelle devra être rejetée ; à défaut, l'indemnisation allouée à ce titre en première instance devra être confirmée ;

- aucune indemnisation ne saurait être mise à la charge des HCL au titre des périodes d'incapacité temporaire en lien avec la lésion nerveuse et aucune somme ne saurait donc être allouée à Mme E... pour la période allant du 14 septembre au 14 novembre 2016 dès lors que l'expert n'a retenu aucun déficit fonctionnel temporaire imputable aux manquements au titre de cette période ;

- le préjudice subi au titre des souffrances endurées ne saurait être évalué à une somme supérieure à 2 000 euros avant application du taux de perte de chance ;

- les préjudices esthétiques temporaire et permanent sont exclusivement en lien avec la lésion nerveuse ; par suite, aucune somme ne saurait être mise à la charge des HCL à ce titre ; à défaut, les indemnisations allouées à ce titre en première instance devront être confirmées ;

- le déficit fonctionnel permanent dont reste atteinte la patiente est exclusivement en lien avec la lésion nerveuse ; par suite, aucune somme ne saurait être mise à la charge des HCL à ce titre ; en tout état de cause, l'indemnisation allouée pour ce chef de préjudice en première instance devra être confirmée ;

- il en est de même s'agissant des indemnisations du préjudice sexuel et du préjudice d'agrément ;

- aucun préjudice d'impréparation ne saurait être retenu en l'espèce ; à défaut, la somme allouée à ce titre en première instance devra être confirmée ;

- M. B... ne saurait prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral ; à défaut, la somme allouée à ce titre en première instance devra être confirmée ;

- aucun débours en lien avec la lésion nerveuse ne saurait être mis à la charge des HCL.

Par un mémoire, enregistré le 12 septembre 2023, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, représentée par la SELARL BdL Avocats, agissant par Me Philip de Laborie, demande à la cour :

1°) à titre principal, de réformer le jugement n° 2102656 du 13 septembre 2022 du tribunal administratif de Lyon en condamnant les Hospices Civils de Lyon, à lui verser une somme totale de 26 848,40 euros au titre de ses débours et une somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

2°) à titre subsidiaire de confirmer le jugement du 13 septembre 2022 du tribunal administratif de Lyon ;

3°) de mettre à la charge des Hospices Civils de Lyon, une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 26 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 septembre 2023 à 16h30.

Un mémoire non communiqué, enregistré le 10 septembre 2024, a été présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., née le 19 décembre 1986, a été victime d'une lésion du ligament croisé postérieur du genou droit suite à une chute en Roller survenue en février 2016. Le 14 septembre 2016, elle a bénéficié d'une intervention chirurgicale de reconstruction du ligament croisé au centre hospitalier Edouard Herriot de Lyon. Dans les suites de cette intervention, elle a présenté des pertes de sensation du pied droit accompagnées de douleurs et de fourmillements. Suite à une IRM pratiquée en janvier 2017 le matériel a été retiré au cours d'une nouvelle intervention chirurgicale le 5 avril 2017. Les douleurs neuropathiques et un déficit moteur subsistant, Mme E... a sollicité une indemnisation des conséquences dommageables de sa prise en charge auprès des Hospices civils de Lyon (HCL). Une expertise amiable a été réalisée, à la demande de l'assureur des HCL, par un médecin spécialisé en chirurgie orthopédique et traumatologique qui a rendu un rapport le 10 janvier 2020. Sur la base de ce rapport et par l'intermédiaire de son conseil, Mme E... a adressé une réclamation indemnitaire aux Hospices civils de Lyon le 16 décembre 2020 à laquelle il n'a pas été donné suite. Par le jugement attaqué du 13 septembre 2022, dont Mme E... et son compagnon M. B... interjettent appel, le tribunal administratif de Lyon a condamné les Hospices civils de Lyon à leur verser respectivement une somme de 13 014,80 euros et une somme de 200 euros et à verser une somme de 7 308,06 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône au titre de ses débours ainsi qu'une somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Sur le principe de responsabilité :

En ce qui concerne les fautes médicales :

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 10 janvier 2020, que lors de l'intervention du 14 septembre 2016, le positionnement de l'agrafe de ligamentoplastie n'a pas été effectué conformément aux règles de l'art, occasionnant un conflit intra-articulaire à l'origine de douleurs importantes et d'un retard dans la rééducation du genou. La réalisation de ce geste technique opératoire non conforme, qui n'est pas contesté en défense, constitue une faute de nature à engager la responsabilité des HCL.

4. Il résulte par ailleurs de l'instruction que si Mme E... a été victime, après la chirurgie de reconstruction du ligament croisé postérieur du genou droit, d'une atteinte du nerf tibial, l'expert indique que " le compte rendu opératoire ne relate aucun incident peropératoire ", qu'une lésion directe du nerf lors de l'intervention aurait nécessairement entrainé une lésion de l'artère poplitée qui se trouve au contact, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, et que si la compression du nerf tibial par la baguette tibiale de reconstruction a été envisagée, les examens pratiqués ont conduit à écarter cette hypothèse. L'expert en conclut que la lésion isolée du nerf tibial est un accident médical. Les circonstances selon lesquelles Mme E... ne présentait pas d'anomalie anatomique et le risque d'atteinte du nerf tibial après chirurgie de reconstruction du ligament croisé postérieur serait très faible d'après la littérature médicale, ne sont pas de nature à établir l'existence d'un geste médical fautif. En outre l'expert indique que le suivi de la patiente a été conforme aux bonnes pratiques, la lésion nerveuse ayant immédiatement été retenue, un traitement débuté dès le 27 septembre 2016 et une recherche de compression dès le 30 septembre 2016.

5. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité pour faute médicale des HCL est seulement engagée à raison des conséquences directement imputables au mauvais positionnement de l'agrafe de ligamentoplastie.

En ce qui concerne le défaut d'information :

6. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " I. - Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. / (...) ".

7. Lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation. Il appartient à l'hôpital d'établir que l'intéressé a été informé des risques de l'acte médical. En application des dispositions précitées, doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. La faute commise par les praticiens d'un hôpital au regard de leur devoir d'information du patient n'entraîne pour ce dernier que la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé. La réparation du dommage résultant de cette perte doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice qui tient compte du rapprochement entre, d'une part, les risques inhérents à l'acte médical et, d'autre part, les risques encourus en cas de renoncement à cet acte. Lorsque le patient a droit à une réparation partielle des conséquences dommageables d'un accident en raison de la perte de chance qui a résulté pour lui d'un manquement, par les praticiens, à leur devoir d'information, il convient pour le juge de déterminer le montant total du dommage puis de fixer la fraction de ce dommage mise à la charge de l'hôpital à raison de la perte de chance résultant pour le patient de ce manquement au devoir d'information.

8. Le rapport d'expertise du 10 janvier 2020 mentionne que le centre hospitalier n'établit pas avoir, préalablement à l'intervention du 14 septembre 2016, délivré à Mme E... les informations quant aux risques associés à la réalisation d'une opération de reconstruction du ligament croisé postérieur, notamment les risques d'atteinte nerveuse et les conséquences associées, lui permettant de donner son consentement de manière éclairée au regard des complications possibles d'une telle intervention. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, qu'antérieurement à l'intervention, Mme E..., alors âgée de 30 ans, souffrait d'une instabilité de son genou droit, qui bien que sans douleur, constituait une gêne à la marche et s'opposait à la pratique du roller Derby qu'elle pratiquait auparavant 2 à 3 fois par semaine en qualité de licenciée, et que, une lésion du ligament croisé postérieur ayant été diagnostiquée, l'indication opératoire de reconstruction sous arthroscopie était justifiée. L'expert mentionne par ailleurs que les lésions du nerf tibial constituent un accident rare mais connu en ligamentoplastie. Mme E..., âgée de seulement trente ans, étant particulièrement gênée par l'instabilité de son genoux droit dans sa vie quotidienne et sa pratique sportive, il est peu probable, eu égard au faible risque de complication, qu'elle aurait renoncé à cette intervention. Compte tenu de ces éléments, le tribunal administratif de Lyon n'a pas fait une insuffisante évaluation de la perte de chance résultant du défaut d'information en la fixant à 10 %.

Sur les préjudices de Mme E... :

9. Les préjudices résultant du mauvais positionnement de l'agrafe de ligamentoplastie, qui, selon l'expert, ont contribué à la moitié des préjudices subis jusqu'au 2 mai 2017 doivent être intégralement réparés par les HCL. En revanche, les préjudices résultant de la lésion nerveuse, compte tenu du taux de perte de chance résultant du défaut d'information fixé au point 8 du présent arrêt, doivent être indemnisés à hauteur de 10 %.

En ce qui concerne la consolidation de l'état de santé de Mme E... :

10. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, non contesté sur ce point, que, s'agissant des préjudices imputables au mauvais positionnement de l'agrafe de ligamentoplastie, l'état de santé de Mme E... doit être regardé comme consolidé à la date du 2 mai 2017, date de la reprise de son activité professionnelle, et qu'en ce qui concerne l'état imputable à la lésion du nerf tibial la consolidation a été fixée à la date 24 juillet 2019, jour de l'expertise.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des dépenses de santé :

11. D'une part, il résulte du rapport d'expertise que l'hospitalisation de Mme E... pour la période du 5 au 7 avril 2017 était justifiée pour l'ablation du matériel chirurgical, notamment de l'agrafe de ligamentoplastie, et qu'elle est, par suite, entièrement imputable au manquement fautif résultant du mauvais positionnement de cette agrafe. La CPAM du Rhône justifie à ce titre de la prise en charge de frais hospitaliers pour un montant de 1 105,33 euros. Il résulte également de l'expertise que les séances de kinésithérapie effectuées au titre de la période du 14 novembre 2016 au 1er mai 2017 sont imputables au mauvais positionnement de l'agrafe à hauteur de 50 %. La CPAM du Rhône justifie au titre de cette période du remboursement des frais médicaux correspondant à hauteur d'un montant total de 665,97 euros, dont 332,99 euros imputables au manquement fautif qui doivent être mis à la charge des HCL. Une somme d'un montant total de 1 438,32 euros doit en conséquence être mise à la charge des HCL.

12. D'autre part, l'expert indique que les hospitalisations des 11 janvier 2018, 16 mars 2018, 25 mai 2018, 27 juillet 2018, 12 octobre 2018, 18 janvier 2019 et 12 avril 2019 sont exclusivement imputables à la lésion du nerf tibial. Ainsi qu'il a été dit, il résulte par ailleurs de l'expertise que les séances de kinésithérapie effectuées au titre de la période du 14 novembre 2016 au 1er mai 2017 sont imputables pour moitié à la lésion nerveuse et que les séances de kinésithérapie au titre de la période du 2 mai 2017 au 24 septembre 2019 sont exclusivement imputables à la lésion nerveuse. La CPAM du Rhône justifie pour les périodes en cause de la prise en charge des frais hospitaliers pour un montant total de 3 909,60 euros et du remboursement des frais médicaux correspondant aux séances de kinésithérapie pour un montant total de 1 195,35 euros. Compte-tenu du taux de perte de chance d'éviter la lésion nerveuse résultant du défaut d'information, il y a lieu de mettre à la charge des HCL une somme de 510,49 euros au titre de ces frais.

13. Si Mme E... soutient que les frais correspondants aux séances d'isocinétisme, pratiquées par un masseur-kinésithérapeute conformément aux préconisations médicales sont restées à sa charge, il résulte cependant des pièces produites par la requérante à la demande du tribunal administratif de Lyon, notamment des relevés de prestations versées par sa mutuelle, que, la patiente a été intégralement remboursée de ces frais par la caisse d'assurance maladie et sa mutuelle. Par ailleurs si Mme E... produit des factures relatives à trois séances d'ostéopathie les 7 mars 2017, 25 juin 2018 et 2 janvier 2020 et à deux séances de soins énergétiques traditionnels chinois les 29 janvier et 20 février 2020, elle ne produit aucun élément de nature à justifier du lien entre ces soins et les complications résultant de l'intervention du 14 septembre 2016. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à demander le remboursement de dépenses de santé qui seraient restées à sa charge à ce titre.

14. Par ailleurs, Mme E... sollicite le remboursement des frais d'appareillage pour l'acquisition d'un fauteuil roulant dont l'achat pourra être regardé comme étant en lien avec la lésion nerveuse dont elle est atteinte, compte tenu notamment de la pénibilité de la station debout, au regard de l'ordonnance du mois de juillet 2019. Elle justifie à ce titre d'un reste à charge de 50,04 euros dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait été pris en charge par sa complémentaire santé. En revanche, si elle sollicite le remboursement d'un reste à charge pour l'achat de semelles orthopédiques, le relevé des prestations de sa mutuelle révèle qu'elle a obtenu le remboursement total des sommes restées à sa charge à ce titre. Par suite, compte tenu du taux de perte de chance, une somme de 5 euros doit être mise à la charge des HCL au titre des frais d'appareillage restés à la charge de la requérante à la date du présent arrêt. Par ailleurs, pour la période postérieure à la date du présent arrêt, il convient de réparer le préjudice correspondant à la prise en charge des dépenses futures nécessaire au renouvellement d'un fauteuil roulant tous les 5 ans par le versement d'un capital en retenant le barème de capitalisation publié par l'ONIAM le 22 mai 2023. Compte tenu du prix de l'euro de rente viagère de 42,330 pour une femme âgée de 38 ans au jour de la lecture de l'arrêt, selon ce barème, cela représente des dépenses futures d'un montant de 4 233 euros et, compte tenu du taux de perte de chance,une somme de 423,30 euros doit être mise à la charge des HCL à ce titre.

15. Postérieurement à la date de consolidation, la CPAM du Rhône sollicite le remboursement d'une somme annuelle de 241,36 euros au titre des frais médicaux correspondant aux consultations de suivi pour traitement de la douleur, aux médicaments antalgiques et aux appareillages de neurostimulation transcutanée qui sont en lien avec la lésion nerveuse. Par suite, en ce qui concerne la période allant de la date de consolidation des conséquences de la lésion nerveuse à la date du présent arrêt, la CPAM du Rhône est fondée à faire valoir les débours correspondant à cinq années, soit 1 206,80 euros, et compte tenu du taux de perte de chance de 10 %, une somme de 120,68 euros doit être mise à la charge des HCL à ce titre. Par ailleurs, pour la période postérieure à la date du présent arrêt, il convient de réparer le préjudice correspondant à la prise en charge des dépenses de santé futures par le versement d'un capital en retenant le barème de capitalisation précité. Compte tenu du prix de l'euro de rente viagère de 42,330 pour une femme âgée de 38 ans au jour de la lecture de l'arrêt, selon ce barème, et du taux de perte de chance, une somme de 1 021,67 euros sera mise à la charge des HCL à ce titre.

16. Il résulte des points 11 à 15 du présent arrêt que le montant de l'indemnisation à mettre à la charge des HCL au titre des dépenses de santé s'élève à 3 519,46 euros, alors que les dépenses de santé à la charge de la victime s'élèvent à un montant total de 4 283,04 euros.

17. Il résulte de ce qui précède, eu égard au principe de priorité à la victime d'un dommage, que la somme de 3 519,46 euros mise à la charge des HCL au titre des dépenses de santé doit être intégralement versée à Mme E....

S'agissant des pertes de gains professionnels :

18. La CPAM du Rhône justifie avoir versé à Mme E..., qui ne se prévaut d'aucune perte de revenus restée à sa charge, une somme totale de 7 266,20 euros au titre des indemnités journalières pour la période du 14 novembre 2016 au 30 avril 2017. L'expert indique que les arrêts de travail pour cette même période sont imputables pour moitié au mauvais positionnement de l'agrafe de ligamentoplastie et pour moitié à la lésion nerveuse. Par conséquent, s'agissant de cette période, la CPAM a droit au remboursement d'une somme de 3 633,10 euros pour la part imputable au manquement fautif, et compte tenu du taux de perte de chance d'éviter la lésion nerveuse, au remboursement d'une somme de 363,31 euros concernant le surplus des indemnités journalières versées pour la même période. La CPAM justifie également du versement d'indemnités journalières à hauteur de 1 638,04 euros pour la période du 1er mai 2017 au 30 juin 2017, période pour laquelle l'expert indique que les arrêts de travail sont exclusivement imputables à la lésion nerveuse. Ainsi, et compte tenu du taux de perte de chance, la CPAM à droit au remboursement d'une somme de 163,80 euros au titre de cette dernière période.

19. Il résulte de ce qui précède qu'une somme totale de 4 160,21 euros doit être mise à la charge des HCL au titre des indemnités journalières et que cette somme doit être versée à la CPAM du Rhône.

S'agissant de l'incidence professionnelle :

20. Il résulte de l'instruction que les conséquences de l'atteinte au nerf tibial résultant de l'intervention du 14 septembre 2016, caractérisées notamment par des douleurs neurologiques permanentes et une difficulté à s'appuyer sur le pied droit, ont nécessité pour Mme E..., qui exerçait la profession de technicienne en atelier, un changement et un aménagement de poste, une augmentation de la pénibilité dans l'exercice de son activité professionnelle et une dévalorisation sur le marché du travail. Eu égard à son âge à la date du présent arrêt il sera fait une juste appréciation du préjudice subi au titre de l'incidence professionnelle à hauteur de 30 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance, une somme de 3 000 euros doit être allouée à Mme E... à ce titre.

S'agissant des frais divers :

21. Mme E... sollicite le remboursement des frais de déplacement exposés pour se rendre aux consultations et rendez-vous médicaux et de soins entre le 14 septembre 2016 et le 24 septembre 2019 en produisant, pour en justifier, un tableau dont les mentions ne sont pas contestées. Pour la période de septembre 2016 à avril 2017 inclus, elle a droit au remboursement de la somme de 244,47 euros, correspondant aux frais de déplacement, calculés selon le barème mentionné au 3° de l'article 83 du code général des impôts et précisé à l'article 6 B de l'annexe IV à ce code en vigueur au moment des déplacements concernés, pour 430,4 kilomètres et pour la période de septembre 2016 à septembre 2019, compte tenu du taux de perte de chance, au remboursement de la somme de 222,73 euros, correspondant aux frais de déplacement, calculés selon le même barème pour 1 339 kilomètres.

22. Mme E... justifie en outre avoir payé une somme totale 24,22 euros correspondant aux frais postaux exposés en avril 2017 pour demander son dossier médical et aux frais réglés pour la transmission de ce dossier par les HCL en juin 2019. Ces frais, qui résultent entièrement des conséquences dommageables subies, doivent être intégralement remboursés à Mme E....

23. Il résulte de ce qui précède qu'une somme totale de 491,42 doit être mise à la charge des HCL au titre des frais divers de Mme E....

S'agissant des frais d'adaptation du véhicule :

24. Mme E... sollicite une indemnité au titre de l'acquisition d'un véhicule automobile à boite de vitesse automatique, en faisant valoir que son déficit fonctionnel permanent de 20 % ne lui permet pas de conduire sans risque son véhicule à boite manuelle. Si la nécessité de l'adaptation de son véhicule n'a pas été relevée par l'expert, qui s'est borné à indiquer que Mme E... " peut conduire ", il résulte cependant de cette expertise que son déficit fonctionnel permanent résulte de douleur à la jambe droite avec une gêne au niveau de la mobilité du genou et de la cheville. Dans ces conditions, le surcoût lié l'acquisition d'un véhicule équipé d'une boite automatique, évalué à la somme de 2 642 euros, montant qui n'est pas discuté, ouvre droit à indemnisation à hauteur du taux de perte de chance, soit 264,20 euros. Par ailleurs, pour la période postérieure à la date du présent arrêt, il convient de réparer le préjudice correspondant à la prise en charge des dépenses futures nécessaire au renouvellement du véhicule tous les 7 ans par le versement d'un capital en retenant le barème de capitalisation publié par l'ONIAM le 22 mai 2023. Compte tenu du prix de l'euro de rente viagère de 42,330 pour une femme âgée de 38 ans au jour de la lecture de l'arrêt, selon ce barème, et du taux de perte de chance, une somme de 1 597,65 euros doit être allouée à Mme E... à ce titre.

S'agissant des frais d'assistance par tierce personne :

25. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire permettant, dans les circonstances de l'espèce, le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, en prenant en compte, sous la forme d'une année portée à 412 jours, les majorations de rémunération dues les dimanches et jours fériés ainsi que des congés payés, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.

26. Le rapport d'expertise mentionne que l'état de santé de Mme E... a justifié une assistance par une tierce personne de 3 heures par semaine exclusivement durant les périodes du 14 novembre 2016 au 4 avril 2017 puis du 7 avril 2017 au 2 mai 2017, périodes au cours desquelles elle était affectée d'un déficit fonctionnel de 50 % imputable pour moitié au mauvais positionnement de l'agrafe et pour moitié à la lésion nerveuse. Il sera fait application d'un taux horaire moyen de 13,50 euros pour toute la période, correspondant à la moyenne du salaire minimum de croissance pour la même période, augmenté des cotisations sociales patronales, en calculant l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours pour tenir compte des dimanches, jours fériés et congés payés. Ainsi, le besoin total d'assistance par une tierce personne doit être évalué à 1 050,73 euros pour 69 heures indemnisables. Dans ces conditions, Mme E... a droit, au titre des frais d'assistance par une tierce personne, à une somme de 525,36 euros compte tenu de la part imputable au manquement et à une somme de 52,54 euros compte tenu du taux de perte de chance d'éviter la lésion nerveuse pour le surplus des dépenses sur les périodes considérées, soit une indemnité 577,90 euros. Si Mme E... fait état d'un besoin d'assistance par une tierce personne de deux heures par semaine pour la période postérieure à la consolidation, un tel besoin n'a pas été mentionné par l'expert et, en dépit de ses difficultés dans son quotidien, la requérante ne produit, en l'état de l'instruction, aucun élément de nature à justifier d'un tel besoin.

En ce qui concerne les préjudices personnels :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

27. Il résulte du rapport d'expertise que Mme E... a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 5 au 7 avril 2017, période d'hospitalisation justifiée par l'ablation du matériel chirurgical, notamment de l'agrafe de ligamentoplastie, et, par suite, entièrement imputable au manquement fautif résultant du mauvais positionnement de cette agrafe. Elle a également subi un déficit fonctionnel temporaire total au cours des sept journées d'hospitalisation justifiées par ses douleurs neurologiques soit les 11 janvier, 16 mars, 25 mai, 27 juillet et 12 octobre 2018 ainsi que les 18 janvier et 12 avril 2019, qui doit par conséquent être évalué en tenant compte du taux de perte de chance de 10 %. Mme E... a par ailleurs subi un déficit fonctionnel temporaire évalué par l'expert à 50 % et imputable pour moitié au mauvais positionnement de l'agrafe et pour moitié à la lésion nerveuse au cours des périodes du 14 novembre 2016 au 4 avril 2017 puis du 7 avril au 2 mai 2017. Enfin, elle a subi, aux dires de l'expert, un déficit fonctionnel évalué à 25 %, pour la période du 3 mai 2017 au 24 juillet 2019. Dans ces circonstances, compte tenu des périodes imputables en totalité ou pour partie au manquement fautif et compte tenu du taux de perte de chance d'éviter la lésion nerveuse, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme totale de 1 500 euros.

S'agissant du déficit fonctionnel permanent :

28. Selon l'expert, le taux de déficit fonctionnel permanent de Mme E... peut être évalué à 20 % imputable à la lésion nerveuse. Compte-tenu de l'âge de la requérante au jour de la consolidation, soit 32 ans, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 35 000 euros, et, compte tenu du taux de perte de chance, une somme de 3 500 euros doit lui être allouée à ce titre.

S'agissant des souffrances endurées :

29. Les souffrances endurées par Mme E... en lien avec le mauvais positionnement de l'agrafe de ligamentoplastie ont été évaluées à 3 sur une échelle comportant 7 niveaux, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 3 000 euros. Par ailleurs, les souffrances endurées en lien avec la lésion nerveuse ont été évaluées à 3,5 sur la même échelle. Il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 5 000 euros et, compte tenu du taux de perte de chance, une somme de 500 euros sera allouée à Mme E... à ce titre. Par conséquent, la requérante a droit au versement d'une somme totale de 3 500 euros au titre de ses souffrances.

S'agissant du préjudice esthétique :

30. Il résulte du rapport d'expertise que Mme E... a subi un préjudice esthétique temporaire évalué à 2 sur une échelle de 7 et est affectée d'un préjudice esthétique permanent évalué à 1 sur 7 tous deux imputables à la lésion nerveuse. Il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation de ces préjudices en les évaluant à une somme globale de 3 000 euros et, compte tenu du taux de perte de chance, une somme de 300 euros doit lui être allouée à ce titre.

S'agissant du préjudice sexuel :

31. Il sera fait une juste appréciation du préjudice sexuel subi par Mme E..., dont l'existence est relevée par l'expert et la réalité justifiée par une attestation de son compagnon, en l'évaluant à une somme de 5 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance, une indemnité de 500 euros doit être allouée à la requérante en réparation de ce chef de préjudice.

S'agissant du préjudice d'agrément :

32. L'expert indique que Mme E... ne peut plus pratiquer l'activité sportive de Roller derby qu'elle pratiquait auparavant en qualité de licencié à raison de 2 à 3 heures par semaine ; qu'en outre elle ne peut plus pratiquer la marche, la natation ou le sport en salle à raison de la lésion nerveuse dont elle est atteinte. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 5 000 euros et compte tenu du taux de perte de chance, une somme de 500 euros doit lui être allouée à ce titre.

En ce qui concerne le préjudice spécifique d'impréparation :

33. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus lors d'une intervention ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a pu subir du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles. L'existence d'un tel préjudice ne se déduit pas de la seule circonstance que le droit du patient d'être informé des risques de l'intervention a été méconnu et il appartient à la victime d'en établir la réalité et l'ampleur. Cependant, la souffrance morale endurée lorsque le patient découvre, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.

34. Il résulte de l'instruction que Mme E... n'a pas pu, du fait du défaut d'information, se préparer à l'éventualité des conséquences résultant de la lésion du nerf tibial, notamment des douleurs permanentes du membre inférieur droit, une capacité de marche réduite, une boiterie, une allodynie, une hyperesthésie de la plante et du bord latéral du pied, une dyesthésie de la partie inférieure de la face postérieure de la jambe, une griffe des orteils, une atrophie du muscle soléaire, desquelles il résulte un déficit fonctionnel permanent de 20 %. Compte tenu de l'âge de Mme E... à la date de survenue de cette lésion nerveuse, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral d'impréparation subi en l'évaluant à la somme de 5 000 euros.

35. Il résulte de ce qui précède que l'indemnisation allouée à Mme E... pour l'ensemble de ses préjudices s'élève à un montant total de 24 250,63 euros qui sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2020, date de réception de sa demande d'indemnisation préalable par les HCL.

36. Compte tenu de ce qui a été exposé au points 11 à 18 du présent arrêt, il y a lieu de mettre à la charge des HCL une somme de 4 160,21 euros au titre des débours de la CPAM du Rhône. Les sommes allouées à la caisse n'étant pas majorées en cause d'appel, il n'y a pas lieu d'actualiser le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et que le tribunal a fixé à 1 114 euros.

Sur les préjudices de M. B... :

37. Il résulte de ce qui a été précédemment exposé que les conséquences dommageables de l'atteinte du nerf tibial dont a été victime Mme E... ont des conséquences sur la vie quotidienne du couple et qu'il en résulte pour M. B..., son compagnon, des troubles dans ses conditions d'existence et un préjudice moral dont il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation en les évaluant à une somme globale de 3 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance, une somme de 300 euros sera allouée à M. B... en réparation de ses préjudices personnels. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du16 décembre 2020.

Sur les frais d'instance :

38. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées par Mme E... et M. B... sur fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en leur allouant une somme de 2 000 euros et de mettre cette somme à la charge des HCL. Dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de faire droit à la demande que la CPAM du Rhône a présentée sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : Les Hospices civils de Lyon sont condamnés à verser à Mme E... la somme 24 250,63 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2020, en réparation de l'ensemble de ses préjudices.

Article 2 : Les Hospices civils de Lyon sont condamnés à verser à M. B... la somme de 300 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2020 en réparation ses préjudices personnels.

Article 3 : Les Hospices civils de Lyon sont condamnés à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône une somme de 4 160,21 euros au titre de ses débours.

Article 4 : Les Hospices civils de Lyon sont condamnés à verser à Mme E... et à M. B... une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le jugement n° 2102656 du 13 septembre 2022 du tribunal administratif de Lyon est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E..., à M. A... B..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et aux Hospices civils de Lyon.

Délibéré après l'audience du 16 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2024.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02965


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