Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
1°) Sous le n° 2302908, M. C... E... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 16 mars 2023 par lesquelles la préfète du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi.
2°) Sous le n° 2302909, Mme A... B... épouse D... a demandé au même tribunal d'annuler les décisions du 16 mars 2023 par lesquelles la préfète du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2302908-2302909 du 20 juillet 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 octobre 2023, M. C... E... D... et Mme A... B... épouse D..., représentés par Me Lantheaume, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2302908-2302909 du 20 juillet 2023 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 16 mars 2023 par lesquelles la préfète du Rhône leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de leur délivrer à chacun un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut de réexaminer leurs situations, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à leur conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. et Mme D... soutiennent que :
- le jugement est irrégulier en raison de l'omission à statuer sur le moyen tiré de l'absence de rapport d'un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) dans le cadre de la procédure consultative médicale ;
- les refus de séjour ne sont pas motivés ; ils n'ont pas été édictés après examen de leurs situations ; ils sont entachés de vice de procédure en l'absence de rapport préalable d'un médecin de l'OFII ; c'est par erreur de droit que le préfet s'est cru lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII ; les refus de séjour méconnaissent le 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; ils méconnaissent le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ils sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les obligations de quitter le territoire français sont illégales en conséquence de l'illégalité des refus de séjour ; elles méconnaissent l'article L. 611-3, 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions fixant le délai de départ volontaire doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français ;
- les décisions fixant le pays de renvoi doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français.
La préfète du Rhône, régulièrement mise en cause, n'a pas produit.
Par décision du 4 octobre 2023, M. et Mme D... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme D..., ressortissants algériens nés respectivement le 23 juin 1943 et le 18 juin 1952, ont sollicité la délivrance de titres de séjour en invoquant leur état de santé ainsi que leurs attaches privées et familiales en France. Ils ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 16 mars 2023 par lesquelles la préfète du Rhône leur a refusé la délivrance de titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi. Par le jugement attaqué du 20 juillet 2023, le tribunal a rejeté ces demandes.
Sur la régularité du jugement :
2. Contrairement à ce qu'allèguent les requérants, le tribunal a régulièrement visé, au titre de chacune des demandes de première instance, le moyen de vice de procédure tiré de ce que, dans le cadre de la procédure consultative médicale, aucun rapport n'aurait été préalablement dressé par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ne siégeant pas dans le collège de médecins du même office. Le tribunal a par ailleurs régulièrement répondu à ce moyen à propos de chaque demande de première instance. Les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que le jugement serait entaché d'omission à statuer sur ce moyen.
Sur la légalité des refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, chacune des deux décisions de refus de séjour expose les motifs de droit et de fait sur lesquels elle se fonde. Elles sont, ainsi, régulièrement motivées.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier ainsi que du contenu des décisions que la préfète du Rhône a effectivement examiné la situation de chacun des deux époux avant de statuer sur leurs demandes de séjour. Elle n'était pas tenue de reprendre de façon exhaustive dans son arrêté tous les éléments de leur situation, ni de viser les pièces produites à l'appui des demandes de séjour, et elle a pu se borner à évoquer les points qui ont déterminé ses décisions, sans que cette circonstance caractérise par elle-même ou révèle un défaut d'examen.
5. En troisième lieu, pour éclairer son appréciation sur l'état de santé respectif de M. et Mme D..., la préfète du Rhône s'est référée aux avis spécialement émis par le collège de médecins de l'OFII, dont la consultation est obligatoire. Cette circonstance ne caractérise pas une erreur de droit, dès lors qu'il ressort des termes mêmes de ses décisions que la préfète du Rhône ne s'est pas crue à tort liée par ces avis mais a régulièrement exercé son pouvoir d'appréciation.
6. En quatrième lieu, il ressort des attestations émanant du directeur de l'OFII, précises et circonstanciées, que les avis émis par le collège de médecins de cet office ont été rendus après qu'un autre médecin de l'Office ait établi, conformément aux articles 3 à 5 de l'arrêté susvisé du 27 décembre 2016, un rapport sur chacun des dossiers médicaux soumis à l'Office. Le moyen tiré du vice de procédure en l'absence de rapport préalable à l'avis doit, en conséquence, être écarté.t
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
8. D'une part, s'agissant de M. D..., il ressort de l'avis du collège de médecins de l'OFII dont la préfète du Rhône s'est approprié la teneur, que, si l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, cette prise en charge est disponible dans son pays d'origine, l'Algérie, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé algérien, et il peut voyager pour s'y rendre sans risque médical. Si les certificats médicaux produits en première instance par M. D... confirment le sérieux de cet état de santé, qui a en particulier nécessité l'opération d'un cancer et qui est marqué par plusieurs pathologies, il n'en résulte en revanche pas qu'une prise en charge médicale appropriée ne serait pas disponible en Algérie. La préfète du Rhône n'a dès lors pas méconnu les stipulations précitées du 7° de l'accord franco-algérien en refusant à M. D... la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement.
9. D'autre part, s'agissant de Mme D..., la préfète du Rhône s'est également appuyée sur un avis du collège de médecins de l'OFII, qui, tout en relevant le sérieux de l'état de santé de l'intéressée, indique qu'une prise en charge adaptée est disponible en Algérie et qu'elle peut voyager pour s'y rendre sans risque médical. Les pièces médicales produites par Mme D..., et en particulier un compte rendu d'hospitalisation en hôpital de jour du 30 avril 2021, ainsi que d'autres pièces médicales plus récentes, font état notamment d'un déficit neurocognitif en voie d'aggravation, du type d'une maladie d'Alzheimer, mais n'évoquent pas de prise en charge médicale appropriée qui ne serait pas disponible en Algérie. De même que pour M. D..., la préfète du Rhône n'a dès lors pas méconnu le 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien en refusant à Mme D... la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement.
10. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
11. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D... sont nés en Algérie respectivement en juin 1943 et juin 1952 et qu'ils sont tous deux de nationalité algérienne. Mme D... est entrée en France le 28 janvier 2020, à l'âge de 67 ans, sous couvert d'un visa de court séjour et s'y est maintenue irrégulièrement. Son époux l'a rejoint le 24 avril 2021, âgé de 77 ans, également sous couvert d'un visa de court séjour. A la date de la décision de refus de séjour, Mme D... résidait ainsi en France depuis 3 ans et son époux depuis moins de 2 ans. Si M. et Mme D... font valoir, d'une part, leur état de santé dégradé, ainsi qu'il a été dit précédemment, et notamment la perte d'autonomie avérée de Mme D..., et, d'autre part, la présence en France de leurs enfants, dont deux ont acquis la nationalité française, ils ont toutefois vécu en Algérie la quasi-totalité de leur existence, sans que cela ne les empêche de conserver des liens avec leurs enfants, et ils y disposent nécessairement d'attaches privées et familiales importantes et fortement ancrées dans la durée. Il a par ailleurs été exposé précédemment que M. et Mme D... ont la possibilité de bénéficier en Algérie d'une prise en charge médicale appropriée. Eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. et Mme D..., la préfète du Rhône n'a dès lors pas, en l'espèce, en leur refusant la délivrance de titres de séjour, porté une atteinte excessive à leur droit au respect de leur vie privée et familiale au regard des buts que ces décisions poursuivent. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent en conséquence, être écartés. La préfète du Rhône n'a pas davantage, pour les mêmes motifs, entaché ses décisions d'erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur les situations personnelles de M. et Mme D....
Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit sur la légalité des décisions portant refus de séjour que M. et Mme D... ne sont dès lors pas fondés à exciper de leur illégalité.
13. En deuxième lieu, eu égard à ce qui a été dit aux points 8 et 9 sur la possibilité pour M. et Mme D... de bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée en Algérie, ainsi que sur la possibilité pour eux de voyager pour s'y rendre, le moyen tiré de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, doit être écarté.
14. En troisième lieu, en l'absence d'argument particulier, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions d'éloignement sur la situation personnelle de M. et Mme D... doivent être écartés pour les motifs qui ont été exposés au point 11 du présent arrêt.
Sur la légalité de la fixation du délai de départ volontaire :
15. Il résulte de ce qui vient d'être dit sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français que M. et Mme D... ne sont dès lors pas fondés à exciper de leur illégalité.
Sur la légalité de la fixation du pays de renvoi :
16. Il résulte de ce qui a été dit sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français que M. et Mme D... ne sont dès lors pas fondés à exciper de leur illégalité.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... D... et Mme A... B... épouse D..., ainsi qu'au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
Le rapporteur,
H. Stillmunkes
Le président,
F. Pourny
La greffière,
B. Berger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY03353