Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier intercommunal d'Albertville-Moutiers à lui verser la somme de 21 189,48 euros en réparation des préjudices résultant pour elle de sa prise en charge du 26 décembre 2005 au 1er janvier 2006.
Par un jugement n° 2004261 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier intercommunal d'Albertville-Moutiers à verser à Mme B... une somme de 4 479,48 euros, a mis à sa charge les frais d'expertise ainsi qu'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 octobre 2022, et un mémoire enregistré le 2 novembre 2023 Mme A... B..., représentée par Me Larcheres, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 2004261 du 28 juin 2022 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier intercommunal d'Albertville-Moutiers à lui verser la somme de 26 189,48 euros en réparation des préjudices résultant pour elle de sa prise en charge du 26 décembre 2005 au 1er janvier 2006 ;
3°) à titre subsidiaire, de fixer son taux de perte de chance à 75 % et de condamner en, conséquence, le centre hospitalier intercommunal d'Albertville-Moutiers à lui verser la somme de 18 904,48 euros ;
4°) de mettre à la charge centre hospitalier intercommunal d'Albertville-Moutiers une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance, notamment les frais d'expertise.
Elle soutient que :
- elle est fondée à rechercher la responsabilité du centre hospitalier à raison d'un manquement à son obligation d'information ainsi qu'à raison des fautes commises durant l'intervention qu'elle a subie ;
- aucune urgence ne justifiait la réalisation d'un curetage, la perforation utérine résulte d'une faute médicale et la réalisation d'une laparotomie par incision médiale sous ombilicale n'était pas conforme aux bonnes pratiques ;
- la responsabilité du centre hospitalier est en outre engagée à raison d'un défaut d'organisation du service ;
- ses préjudices devront être évalués à 1 140 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire, 8 000 euros au titre des souffrances endurées, 5 000 euros au titre de son préjudice esthétique, 4 000 euros au titre de son préjudice moral et 1 949,48 euros au titre des frais d'assistance par un médecin conseil ;
- en outre les frais d'expertise, d'un montant de 1 100 euros devront être mis à la charge du centre hospitalier.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, le centre hospitalier intercommunal d'Albertville-Moutiers, représenté par le cabinet Le Prado-Gilbert, conclut, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement n° 2004261 du 28 juin 2022 du tribunal administratif de Grenoble et, en tout état de cause, au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le défaut d'information ne saurait être retenu compte tenu de l'urgence de la situation médicale de la patiente et dès lors que la perforation utérine est une complication rare du curetage mécanique qui ne justifiait pas la délivrance d'une information sur le risque de survenance, en outre, Mme B... ne comprenant que l'anglais, le centre hospitalier s'est trouvé dans l'impossibilité de remplir son obligation d'information ;
- la perte de chance ne saurait être retenue dès lors que Mme B... n'aurait en tout état de cause pas renoncé à l'intervention ;
- le curetage mécanique était l'indication appropriée à la situation de la patiente et sa réalisation ne pouvait être différée ;
- la perforation utérine est une complication classique, quoique rare de ce type d'intervention, par suite, aucune faute dans le geste opératoire ne saurait être retenue ;
- la laparotomie par incision verticale était justifiée au regard de l'état de santé de la patiente ;
- aucun défaut dans l'organisation du service en lien avec les préjudices de la patiente ne saurait être retenu ;
- en tout état de cause, les indemnisations devront être ramenées à de plus justes proportions.
Par une ordonnance du 2 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 décembre 2023 à 16h30.
Par deux courriers des 17 mai et 27 juin 2024, la cour a demandé à Mme B..., sur le fondement des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de communiquer les coordonnées de l'organisme de sécurité sociale (assurance maladie) auquel elle était affiliée lors de son hospitalisation au centre hospitalier intercommunal d'Albertville-Moutiers en décembre 2005.
Par un courrier du 10 septembre 2024, le conseil de Mme B... a répondu à cette demande.
Par un courrier du 11 septembre 2024 les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrégularité du jugement à raison de l'absence de mise en cause de l'organisme de sécurité sociale auquel Mme B... était affiliée au moment de son hospitalisation.
Par un mémoire enregistré le 17 septembre 2024, des observations ont été présentées pour Mme B... en réponse à cette information sur ce moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeVergnaud, première conseillère,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Larcheres, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante anglaise, née le 24 août 1972, a été hospitalisée le 26 décembre 2005, au centre hospitalier intercommunal d'Albertville-Moutiers pour des douleurs et des saignements modérés alors qu'elle était enceinte de 9 à 10 semaines. L'échographie réalisée ayant mis en évidence l'arrêt de la grossesse, il a été décidé de pratiquer un curetage évacuateur par les voies naturelles. Cette intervention, qui a été effectuée sous anesthésie générale le 27 décembre 2005 à 12h30, s'est compliquée d'un saignement abondant qui n'a pu être contrôlé par les voies naturelles. Il a alors été procédé à une laparotomie par médiane sous-ombilicale et une ligature des artères utérines a permis de stopper l'hémorragie. Dans les suites de cette intervention, Mme B... a bénéficié de transfusions sanguines et est restée hospitalisée au centre hospitalier d'Albertville-Moutiers jusqu'au 1er janvier 2006, puis elle a été rapatriée en Angleterre. Par une ordonnance du président du tribunal administratif de Grenoble du 8 décembre 2010 un expert a été désigné à la demande de Mme B... afin de déterminer les causes des préjudices résultant de sa prise en charge au centre hospitalier d'Albertville-Moutiers et de procéder à leur évaluation. Le rapport d'expertise a été déposé le 10 décembre 2011. Estimant ses préjudices imputables à des manquements dans sa prise en charge, Mme B... a adressé, le 3 novembre 2016, une demande indemnitaire au centre hospitalier. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Par un jugement du 28 juin 2022, dont Mme B... interjette appel, le tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier intercommunal d'Albertville-Moutiers à verser à la requérante une somme de 4 479,48 euros, a mis à la charge du centre hospitalier les frais d'expertise ainsi qu'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
2. Par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier intercommunal d'Albertville-Moutiers demande l'annulation de ce même jugement.
Sur la régularité du jugement :
3. Lorsque la victime d'un accident saisit la juridiction administrative pour obtenir réparation du préjudice subi en faisant état de son affiliation à une caisse de sécurité sociale, il incombe à la juridiction saisie de mettre en cause la caisse dans l'instance, que celle-ci soit au nombre des caisses mentionnées à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ou qu'elle ait son siège à l'étranger. Dans cette seconde hypothèse, il incombe d'abord au juge de vérifier s'il existe une convention internationale de sécurité sociale entre la France et l'Etat du siège de la caisse comportant des règles sur la subrogation des caisses dans les droits des personnes qui y sont affiliées. A défaut, il lui incombe d'inviter la caisse à lui indiquer si la loi de l'Etat dans lequel elle a son siège prévoit une telle subrogation et à lui fournir tous les éléments de droit relatifs à cette subrogation, avec leur traduction. Il lui appartient alors de tirer les conséquences des éléments fournis ou, le cas échéant, de l'absence de réponse de la caisse, pour apprécier les droits de cette dernière à être subrogée dans les droits de la victime.
4. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Grenoble n'a pas mis en cause l'organisme de sécurité sociale à laquelle était affiliée Mme B... au moment de son hospitalisation au centre hospitalier intercommunal d'Albertville-Moutier, ni même demander à la requérante de lui communiquer les coordonnées de son organisme de sécurité sociale. Dans ces conditions, le jugement du 28 juin 2022 est entaché d'irrégularité et doit être annulé pour ce motif.
5. Dans ces circonstances, il y a lieu de renvoyer les conclusions de la demande de Mme B... devant le tribunal administratif de Grenoble pour qu'il statue à nouveau sur cette demande après avoir communiqué la procédure au National Health Service.
Sur les frais liés au litige :
6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Mme B... présentée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2004261 du 28 juin 2022 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : Le jugement de cette affaire n° 2004261 est renvoyé au tribunal administratif de Grenoble.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et centre hospitalier intercommunal d'Albertville-Moutiers.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
F. Pourny
La greffière,
B. Berger
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY03176