Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... C... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2019 par lequel le maire de la commune de Jongieux a refusé de leur accorder un permis de construire pour la rénovation d'une ancienne habitation de berger avec création d'une terrasse.
Par un jugement n° 1908324 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 29 août 2022 et 28 septembre 2023, M. et Mme C..., représentés par Me Poncin, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 juin 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2019 par lequel le maire de la commune de Jongieux a refusé de leur accorder un permis de construire pour la rénovation d'une ancienne habitation de berger avec création d'une terrasse ;
3°) d'enjoindre au maire de Jongieux de délivrer le permis de construire sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Jongieux le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu que le projet méconnaissait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de l'article 3.1 du règlement de la zone A du plan local d'urbanisme ;
- le projet ne contrevient pas aux dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires enregistrés le 4 mai 2023 et le 20 octobre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Jongieux, représentée par Me Duraz, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des requérants le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 6 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 23 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mauclair, présidente assesseure ;
- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique ;
- les observations de Me Poncin représentant M. et Mme C... et D... représentant la commune de Jongieux.
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de la commune de Jongieux a, par un arrêté du 10 juillet 2019, refusé à Mme A... C... le permis de construire qu'elle a sollicité pour la rénovation d'une ancienne habitation de berger, avec création d'une terrasse, située sur des terrains cadastrés section ..., qu'elle a ensuite transmis par donation le 22 octobre 2019 à son fils M. B... C.... M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 28 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. D'une part, à supposer même que la donation par laquelle Mme C... a transmis la propriété des terrains d'assiette du projet à son fils ne lui permettrait plus de mener à terme son projet de rénovation, elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté du 10 juillet 2019 du maire de Jongieux qui rejette la demande de permis de construire qu'elle a présentée. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Jongieux ne peut être accueillie.
3. D'autre part, dès lors que la recevabilité d'une requête collective est assurée lorsque l'un au moins des requérants est recevable à agir, la circonstance, à la supposer établie, selon laquelle M. C... aurait introduit tardivement sa requête devant le tribunal administratif de Grenoble, est sans incidence sur la recevabilité de la requête en tant qu'elle est présentée par Mme C....
Sur la légalité de l'arrêté du 10 juillet 2019 :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Aux termes de l'article 3.1 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Jongieux : " (...) / Les accès et voiries doivent permettre la desserte aisée pour les véhicules de secours ou de services (...) ".
5. Pour s'opposer à l'opération portée par M. et Mme C..., le maire de la commune de Jongieux a indiqué, au visa des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de l'article 3.1 du règlement du PLU, que la construction est actuellement desservie par une voie d'une largeur de 2,80 mètres à 3 mètres, constituée à la fois de terre et empierrée en partie, qui ne présente pas des caractéristiques satisfaisantes pour permettre une desserte aisée des véhicules de secours et que la sécurité des usagers ne peut donc être assurée.
6. Il est constant que le projet envisagé par M. et Mme C... porte sur la rénovation d'une ancienne bergerie à usage partiel d'habitation, pour une surface de plancher de 140 m² avec création d'une terrasse surélevée de 20 m², dans un secteur de coteaux. L'accès unique repose sur le chemin rural dit chemin des Côtiers. La portion de chemin en cause, qui est en outre empierrée, n'a qu'une longueur d'environ 400 mètres, rejoignant ensuite le chemin de l'Etang qui est, quant à lui, bitumé, et elle dispose d'une largeur comprise entre 2,80 mètres et 3 mètres. Si ce chemin comprend une bande enherbée en son milieu et présente un profil dont la pente, à quelques endroits, s'élève jusqu'à 17,35 %, il ressort des photographies versées au dossier que ce chemin, par ailleurs utilisé régulièrement par des engins agricoles, est en bon état et facilement carrossable. Dans ces conditions, aucun élément du dossier ne permet d'estimer que les caractéristiques de cette voie ne garantiront pas une desserte aisée du projet pour les véhicules de secours et de lutte contre l'incendie. De plus, en admettant même que la voie serait susceptible d'être périodiquement enneigée, ce qui ne ressort toutefois pas des pièces du dossier le projet étant situé à moins de 350 mètres d'altitude, ou qu'elle serait partiellement verglacée en période hivernale, ces circonstances ne permettent pas d'établir que la desserte présenterait une dangerosité particulière ou qu'elle méconnaîtrait les dispositions précitées du document d'urbanisme. Par ailleurs, si la commune soutient que l'aménagement de ce chemin nécessiterait une autorisation ministérielle en ce qu'il est situé en site classé, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un tel aménagement serait nécessaire pour permettre une desserte aisée des véhicules de secours. Enfin, le règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie relève d'une législation distincte de celle de l'urbanisme, et n'est pas directement opposable aux demandes de permis de construire. Dans ces circonstances, le maire de la commune de Jongieux a commis une erreur d'appréciation en estimant que cette voie d'accès, par ses dimensions et ses caractéristiques, ne permet pas une desserte aisée par les véhicules de secours et d'incendie de la construction à usage d'habitation à rénover et que le projet aggraverait ainsi l'absence de conformité de la construction existante aux dispositions précitées.
7. En second lieu, aux termes de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés (...) ".
8. Les dispositions de l'article L. 111-11 poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement, sans prise en compte des perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité. Un permis de construire doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et que, d'autre part, l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation.
9. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la notice descriptive du dossier de permis de construire qu'" un raccordement au réseau électrique communal sera prévu bien que cela implique 300 mètres linéaires de création de réseau ". Il ressort par ailleurs de la motivation de l'arrêté contesté que, pour s'opposer aux travaux projetés par M. et Mme C..., le maire de Jongieux a relevé, sur le fondement de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, que l'habitation n'était pas desservie par un réseau public d'électricité, que sa desserte en électricité nécessitait une extension du réseau public de 350 mètres et que l'autorité compétente n'était pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux devaient être exécutés.
10. Le maire a interrogé le gestionnaire du réseau électrique, Enedis, qui a indiqué par courrier du 19 octobre 2018 que le raccordement du projet, lequel n'est pas actuellement desservi par le réseau public d'électricité, nécessitait une extension de 350 mètres de ce réseau. Ce courrier, qui comportait l'indication de la nature des travaux, précisait en outre que leur montant s'élevait à 17 965,80 euros HT et qu'ils pouvaient être réalisés dans un délai de quatre à six mois après l'ordre de service de la collectivité en charge de l'urbanisme et l'accord du client. Dans ces conditions, alors que les dispositions de l'article L. 111-11 poursuivent notamment le but d'intérêt général rappelé au point précédent, et dès lors que l'accord de la commune au financement des travaux d'extension du réseau public d'électricité n'était pas établi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire entendait prendre en charge cette extension ni qu'il était en mesure d'indiquer dans quel délai ces travaux devaient être exécutés. Le maire de Jongieux était, par suite, tenu de refuser le permis de construire sur le fondement des dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, et sans qu'il lui fût besoin d'établir que le projet ne correspondait pas aux besoins de la commune compte tenu de ses perspectives d'urbanisation et de développement ou que le coût de l'équipement projeté serait hors de proportion avec les ressources communales. Le maire étant en situation de compétence liée, il aurait pris la même décision de refus en se fondant sur ce seul motif, et l'illégalité de l'autre motif de refus de permis de construire qu'il a opposé est ainsi sans incidence sur la légalité de ce refus.
11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du 10 juillet 2019.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Jongieux, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. et Mme C... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces derniers la somme demandée sur ce même fondement par la commune de Jongieux.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Jongieux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., représentant unique désigné en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, et à la commune de Jongieux.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente assesseure,
Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.
La rapporteure,
A.-G. Mauclair La présidente,
M. E...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 22LY02666 2