Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... D... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 13 janvier 2022 par laquelle le préfet du Cantal a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2200393 du 20 octobre 2023, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés respectivement le 9 novembre 2023 et le 2 janvier 2024, Mme C... A... D... épouse B..., représentée par Me Jaidane, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2200393 du 20 octobre 2023 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) d'enjoindre au préfet du Cantal de lui délivrer un certificat de résidence, à défaut de réexaminer sa demande, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail, l'ensemble dans le délai d'un mois suivant l'arrêt à venir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, ou, en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, à elle-même, sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme B... soutient que :
- le jugement est irrégulier car le tribunal, qui aurait pu rouvrir l'instruction, n'a pas pris en considération la note en délibéré du 9 octobre 2023 ni le récépissé, dont la production n'a pas été visée, de demande de titre de séjour qui lui a été délivré le 17 octobre 2023 ;
- le préfet a entaché sa décision " portant retrait du titre " d'un défaut de motivation ;
- cette décision est entachée d'une erreur de droit relativement à la procédure suivie ;
- le préfet a commis des erreurs de fait faisant apparaître une étude parcellaire de son dossier ;
- justifiant d'une attestation de pré-inscription en université et de moyens d'existence suffisants, ayant repris ses études momentanément interrompues, elle devait, en application du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, se voir délivrer un certificat de résidence portant la mention " étudiant " ;
- elle devait, sinon, se voir délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 5) de l'article 6 de cet accord ;
- le préfet aurait pu lui délivrer le certificat de résidence portant la mention " visiteur " prévu par l'article 7 du même accord ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par mémoires enregistrés le 11 décembre 2023 et le 28 août 2024, le préfet du Cantal conclut au non-lieu à statuer.
Il fait valoir que la délivrance d'un récépissé par la préfecture du Pas-de-Calais " annule " l'obligation de quitter le territoire français qu'il avait prononcée à l'encontre de la requérante.
La demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme B... a été rejetée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 14 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Gros, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique du 16 septembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A... D..., de nationalité algérienne, est entrée régulièrement en France pour y poursuivre des études. Par un arrêté en date du 13 janvier 2022, le préfet du Cantal a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiante, l'a obligée à quitter sous trente jours le territoire français et a désigné un pays de renvoi. Mme A... D... épouse B... relève appel du jugement du 20 octobre 2023 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de séjour contenue dans l'arrêté préfectoral du 13 janvier 2022.
Sur les conclusions aux fins de non-lieu présentées par le préfet du Cantal, relatives au refus de séjour :
2. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Pas-de-Calais a délivré à Mme B..., le 17 octobre 2023, un récépissé de demande de carte de séjour valant autorisation provisoire de séjour dans l'attente de l'instruction de cette demande, valable jusqu'au 16 avril 2024. Ce récépissé, s'il a été renouvelé, n'a eu pour effet d'abroger l'arrêté en litige du 13 janvier 2022 qu'en tant qu'il faisait obligation à Mme B... de quitter, sous trente jours, le territoire français et en tant qu'il fixait le pays de destination. Par suite, les conclusions de la requête, enregistrée le 9 novembre 2023, dirigées contre la décision de refus de séjour ne sont pas devenues sans objet et il y a toujours lieu d'y statuer.
Sur la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / (...) Mention est également faite de la production d'une note en délibéré (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il est régulièrement saisi, à l'issue de l'audience, d'une note en délibéré émanant de l'une des parties, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant de rendre sa décision ainsi que de la viser.
4. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments qu'elle contient, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.
5. Il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand qu'après l'audience publique qui s'est tenue le 6 octobre 2023, Mme B... a produit une note en délibéré, enregistrée au greffe du tribunal le 9 octobre 2023, soit avant la lecture du jugement. Cette note informait le tribunal de la circonstance que le préfet du Pas-de-Calais avait décidé, le 5 octobre 2023, de délivrer un récépissé à Mme B... suite à la demande de titre de séjour déposée par cette dernière le 1er juin 2023 et qu'un rendez-vous lui était fixé le 17 octobre 2023 pour la remise de ce récépissé. Le visa de cette note par le jugement en litige témoigne de ce que les premiers juges ont pris connaissance du contenu de cette note, en particulier de la délivrance d'un récépissé, document dont la production, le 19 octobre suivant, n'avait pas à faire l'objet d'un visa spécifique. Ensuite (21TL03827, 27/6/24), il ressort de l'analyse de cette note en délibéré que les éléments de fait qu'elle expose n'ont pas été susceptibles d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire. Ainsi, en se bornant à viser la note en délibéré sans procéder à la réouverture de l'instruction ni communiquer le récépissé, les juges de première instance n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
6. En premier lieu, l'arrêté du 13 janvier 2022 expose les éléments de droit et de fait qui fondent le refus de séjour en litige, décision par suite motivée.
7. En deuxième lieu, l'erreur de fait commise par le préfet, qui énonce dans son arrêté du 13 janvier 2022 que la requérante est célibataire, ne révèle aucun défaut d'examen complet de la situation de Mme B..., laquelle n'a informé le préfet du Cantal de son mariage célébré civilement le 11 décembre 2021 que par courrier en date du 24 janvier 2022.
8. En troisième lieu, le préfet du Cantal a opposé à la requérante un refus de délivrance de titre de séjour, sans procéder à aucun retrait de titre qu'elle aurait détenu. Par suite, les développements consacrés à une " illégalité de la décision préfectorale de retrait de titre de séjour ", pour erreur de droit ou " erreur de procédure ", sont inopérants.
9. En quatrième lieu, aux termes du titre III du protocole annexé au premier avenant à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage ou font des études en France et justifient de moyens d'existence suffisants (bourses ou autres ressources) reçoivent, sur présentation, soit d'une attestation de pré-inscription ou d'inscription dans un établissement d'enseignement français, soit d'une attestation de stage, un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention "étudiant" ou "stagiaire" ".
10. Il ressort des pièces du dossier que la requérante était inscrite, pour l'année universitaire 2021/2022, en licence professionnelle " innovation et valorisation des produits alimentaires du terroir " à l'institut universitaire de technologie de l'université Clermont Auvergne. Elle a adressé un courrier au responsable de cette formation l'informant qu'elle abandonnait son cursus, qu'elle estime inadéquat étant titulaire d'un master, et qu'elle ne fréquenterait plus l'établissement à compter du 15 novembre 2021. Sa demande ultérieure de réintégration s'est heurtée à un refus de cet établissement, le 12 janvier 2022. Ayant ainsi renoncé à l'inscription en établissement universitaire dont elle bénéficiait, et ne poursuivant pas d'études, Mme B... ne pouvait pas prétendre à la délivrance d'un certificat de résidence " étudiant ". La décision de refus de séjour attaquée n'a donc pas été prise, le 13 janvier 2022, en méconnaissance des stipulations visées ci-dessus de l'accord franco-algérien.
11. En cinquième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'une des stipulations d'un accord international, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code ou d'une autre stipulation de cet accord, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante a formulé une demande de titre de séjour, ni que le préfet a examiné son droit au séjour, sur un autre fondement que les stipulations de l'accord franco-algérien visées au point 8. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de cet accord et du a) de son article 7 doivent être écartés.
12. En dernier lieu, la requérante est entrée en France le 30 août 2021 âgée 25 ans, s'y est mariée le 11 décembre suivant avec un compatriote titulaire d'un certificat de résidence mention salarié en cours de renouvellement, le couple menant une vie commune depuis le 1er octobre 2021. Dans ces circonstances, aucune atteinte au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale ne peut être imputée au préfet du Cantal quand il refuse, le 13 janvier 2022, de lui délivrer le titre de séjour en qualité d'étudiante qu'elle avait sollicitée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui stipule que " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ", doit, en tout état de cause, être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Cantal et au préfet du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président-assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
F.Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY03484