Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A..... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 2 842 765,43 euros en réparation de préjudices consécutifs à une vaccination contre le virus de l'hépatite B.
Par un jugement n° 2108886 du 6 juin 2023, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'ONIAM à verser à Mme A..... une somme de 517 772,34 euros, outre une rente trimestrielle de 1 420,20 euros, revalorisée en application des coefficients prévus par l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 juillet 2023, ensemble un mémoire complémentaire enregistré le 4 janvier 2024, l'ONIAM, représenté par la SELARL Birot-Ravaut et associés agissant par Me Birot, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 2108886 du 6 juin 2023 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de rejeter la demande et les conclusions incidentes de Mme B... A..... ;
3°) subsidiairement et en tant que de besoin, de diligenter une nouvelle expertise médicale.
L'ONIAM soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- aucun lien de causalité entre la vaccination contre l'hépatite B et la myofasciite à macrophages ne peut être regardé, en l'état actuel des connaissances scientifiques, comme ayant une probabilité suffisante d'exister pour fonder un droit à indemnisation ;
- subsidiairement, il n'y a pas de corrélation suffisante entre les injections vaccinales et la symptomatologie pour caractériser, en l'espèce, un lien de causalité ;
- au surplus les symptômes invoqués sont évocateurs de plusieurs pathologies et notamment une maladie de Behcet ;
- très subsidiairement, l'incertitude médicale sur la causalité, et au surplus sur la consolidation et l'évaluation des préjudices, ne pourrait être levée que par le recours à une expertise complémentaire ;
- c'est à tort que le tribunal a procédé à une indemnisation définitive alors que l'expert n'avait évalué les préjudices que pour une période temporaire ;
- à titre infiniment subsidiaire, les montants supplémentaires demandés par Mme A..... en appel ne sont pas justifiés.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 novembre 2023 et un mémoire complémentaire enregistré le 9 février 2024, Mme B... A..... épouse C..., représentée par Me Priou-Alibert, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à titre incident, à ce que la somme que l'ONIAM a été condamné à lui verser soit portée à 2 789 658,23 euros
3°) à ce que la somme de 8 000 euros soit mise à la charge de l'ONIAM sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme A..... soutient que :
- c'est à juste titre que le tribunal a reconnu son droit à indemnisation ;
- subsidiairement et en tant que de besoin, elle ne s'oppose pas à une expertise médicale complémentaire, qui devrait être confiée à un spécialiste de médecine interne ;
- le tribunal a en revanche procédé à une évaluation insuffisante de ses préjudices ;
- elle a subi et subira un déficit fonctionnel, des souffrances, un préjudice scolaire, un préjudice esthétique, un préjudice professionnel, un préjudice sexuel, un préjudice d'agrément, et elle devra supporter des frais divers, des frais liés aux dépenses de santé ainsi que des frais liés au besoin d'assistance par une tierce personne.
Par ordonnance du 7 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 5 janvier 2024 à 16h30. Par ordonnance du 9 janvier 2024, la clôture d'instruction a été reportée au 9 février 2024 à 16h30. Par ordonnance du 9 février 2024, la clôture d'instruction a été reportée au 11 mars 2024 à 16h30.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 2 août 2013 fixant les conditions d'immunisation des personnes mentionnées à l'article L. 3111-4 du code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur ,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique ,
- et les observations de Me Priou, représentant Mme A......
Considérant ce qui suit :
1. Mme A....., née le 6 janvier 1990, qui suivait des études d'infirmière, a fait l'objet d'une vaccination obligatoire contre l'hépatite B. Selon le protocole vaccinal, elle a ainsi fait l'objet d'injections du vaccin Engerix les 30 août, 24 septembre et 24 octobre 2010, avec un rappel le 8 décembre 2011. Elle impute à cette vaccination l'apparition d'une myofasciite à macrophages, dont elle a demandé l'indemnisation à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). Par le jugement attaqué du 6 juin 2023, le tribunal administratif a reconnu son droit à indemnisation sur le fondement de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique et a condamné l'ONIAM à lui verser une somme de 517 772,34 euros, outre une rente trimestrielle de 1 420,20 euros,
Sur le droit à indemnisation par la solidarité nationale :
2. Aux termes de l'article L. 3111-4 du code de la santé publique : " Une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l'exposant ou exposant les personnes dont elle est chargée à des risques de contamination doit être immunisée contre l'hépatite B (...) / Tout élève ou étudiant d'un établissement préparant à l'exercice des professions médicales et des autres professions de santé dont la liste est déterminée par arrêté du ministre chargé de la santé, qui est soumis à l'obligation d'effectuer une part de ses études dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, doit être immunisé contre les maladies mentionnées à l'alinéa premier du présent article (...) ". Aux termes de l'article L. 3111-9 du même code : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent titre, est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales institué à l'article L. 1142-22, au titre de la solidarité nationale (...) ".
3. Saisi d'un litige individuel portant sur les conséquences pour la personne concernée d'une vaccination présentant un caractère obligatoire, il appartient au juge, pour écarter toute responsabilité de la puissance publique, non pas de rechercher si le lien de causalité entre l'administration du vaccin et les différents symptômes attribués à l'affection dont souffre l'intéressé est ou non établi, mais de s'assurer, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant le juge, qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe. Il appartient ensuite au juge, après avoir procédé à la recherche mentionnée au point précédent, soit, s'il en était ressorti, en l'état des connaissances scientifiques en débat devant lui, qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe, de rejeter la demande indemnitaire, soit, dans l'hypothèse inverse, de procéder à l'examen des circonstances de l'espèce et de ne retenir alors l'existence d'un lien de causalité entre les vaccinations obligatoires subies par l'intéressé et les symptômes qu'il avait ressentis que si ceux-ci étaient apparus, postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, ou s'étaient aggravés à un rythme et une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de son état de santé antérieur ou de ses antécédents et, par ailleurs, qu'il ne ressortait pas du dossier qu'ils pouvaient être regardés comme résultant d'une autre cause que ces vaccinations.
4. En premier lieu, il est constant que, chez les personnes ayant bénéficié de l'injection d'un vaccin contenant un adjuvant aluminique, il peut, dans certains cas, être constaté la persistance d'une quantité microscopique d'aluminium au site d'injection pendant des années après l'injection. Des recherches médicales ont émis l'hypothèse que, dans un tel cas et de façon très exceptionnelle, peut survenir un syndrome qualifié de myofasciite à macrophages, qui associe myalgies, arthralgies et asthénie. Pour soutenir qu'aucune probabilité d'un lien entre ce syndrome et l'injection ne peut être retenue, l'ONIAM se prévaut de plusieurs analyses scientifiques et notamment, en dernier lieu, d'une note de l'académie nationale de médecine du 22 septembre 2022. Il résulte toutefois de l'ensemble des analyses médicales produites et en particulier de cette note que si, en l'état actuel de la science, le lien entre l'injection et ce syndrome n'a pas été établi de façon certaine, la probabilité de ce lien n'a pas été scientifiquement exclue, l'hypothèse médicale qui a été émise sur ce point n'ayant pas été démontrée mais n'ayant pas davantage été définitivement infirmée. Ainsi, dès lors que cette probabilité n'est pas exclue dans le dernier état des connaissances scientifiques, même si elle n'est pas établie de façon certaine, il appartient au juge de procéder à l'examen des circonstances de l'espèce pour rechercher si elles sont telles que le syndrome puisse en l'espèce être regardé comme résultant de la vaccination, pour l'application individuelle du régime d'indemnisation par la solidarité nationale des accidents consécutifs à une vaccination obligatoire.
5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise du 18 novembre 2019, diligentée par l'ONIAM dans le cadre de l'instruction de la demande d'indemnisation présentée par Mme A....., conformément au deuxième alinéa de l'article L. 3111-9 et à l'article R. 3111-29 du code de la santé publique, qu'à la suite des injections d'un vaccin obligatoire contenant un adjuvant aluminique, les 30 août, 24 septembre et 24 octobre 2010 et le 8 décembre 2011, Mme A..... a été atteinte d'une lésion musculaire nodulaire au point d'injection, avec présence de sels d'aluminium liés aux injections vaccinales. L'ONIAM en admet la matérialité, qui est corroborée par une biopsie et que confirme l'expertise. Mme A..... a par ailleurs été victime, dans la période qui a suivi, de douleurs musculaires et articulaires ainsi que d'une grande fatigue. Il n'est pas contesté que l'apparition de ces symptômes s'est faite dans un délai qui doit être regardé comme normal au regard des caractéristiques du syndrome de myofasciite à macrophages, l'expert évoquant à cet égard un délai de quelques mois à dix ans entre la lésion nodulaire et les symptômes.
6. D'une part, ainsi que l'a exposé de façon très circonstanciée l'expert, Mme A..... a été examinée par de nombreux praticiens, qui ont formulé un ensemble important d'hypothèses sur l'origine de ses symptômes. Aucune de ces hypothèses, et notamment pas celle de la maladie de Behcet, n'a toutefois été retenue. La seule référence sommaire par l'ONIAM à des descriptifs généraux de la maladie de Behcet ne suffit pas à établir que Mme A..... serait effectivement atteinte de cette pathologie, qu'aucun médecin et notamment l'expert n'a caractérisée, que les examens pratiqués n'ont pas corroborée et qu'au moins un médecin a formellement exclue. Plusieurs praticiens qui ont examiné Mme A..... ont au demeurant plutôt évoqué le diagnostic de myofasciite à macrophages et l'expert, tout en rappelant que le lien de causalité n'est pas établi de façon certaine, ne retient aucun autre diagnostic.
7. D'autre part, l'expert relève que Mme A..... avait fait, antérieurement à sa vaccination obligatoire contre l'hépatite B, l'objet d'autres vaccinations contenant des adjuvants aluminiques en 2003, 2008 et 2009. Il relève également la trace, sous une forme très limitée, de symptômes antérieurs à la vaccination en litige. Il constate toutefois que le syndrome ne s'est développé dans toute son ampleur qu'après la vaccination en litige. A cet égard, l'expert s'interroge sur l'hypothèse d'une sensibilisation issue d'un cumul vaccinal. Il résulte de ces éléments que la vaccination en litige doit être regardée comme ayant entrainé l'aggravation de symptômes légers et diffus, à un rythme et avec une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de l'état de santé antérieur de la patiente.
8. Il résulte de ce qui vient d'être dit que, compte tenu des circonstances de l'espèce, Mme A..... doit être regardée, pour l'application de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, comme ayant été victime, en raison de la vaccination obligatoire dont elle a fait l'objet, d'un syndrome de myofasciite à macrophages qui n'était encore que latent et uniquement potentiel.
9. En troisième lieu, l'expert relève que Mme A..... est atteinte, d'une part, de symptômes qui se rattacheraient au syndrome myopathique, mais également, d'autre part, d'autres affections, essentiellement cutanées, abdominales et digestives, attestées antérieurement et pour lesquelles aucun lien de causalité avec la vaccination obligatoire ne peut être retenu. Seules les séquelles se rattachant à la myofasciite à macrophages ainsi délimitée peuvent être regardées comme en lien avec la vaccination. L'expert précise que, pour un niveau de déficit fonctionnel de l'ordre de 50 %, la myofasciite à macrophages représenterait un déficit de l'ordre de 30 %, les autres pathologies entrainant un déficit fonctionnel de 20 %.
10. Il résulte de l'ensemble de ce qui vient d'être exposé, sans qu'il apparaisse utile à la date du présent arrêt de diligenter une expertise complémentaire, que Mme A..... peut faire valoir un droit à indemnisation par la solidarité nationale, sur le fondement de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, au titre des seuls préjudices se rattachant au syndrome de myofasciite à macrophages, sous la forme de myalgies, d'arthralgies et d'asthénie.
Sur les préjudices :
11. Ainsi qu'il a été indiqué au point 9, Mme A..... présente de nombreux symptômes, qui correspondent au cumul d'un syndrome de myofasciite à macrophages, en lien avec la vaccination obligatoire, et de pathologies autres, en partie préexistantes et qui ne sont pas en lien avec cette vaccination. A titre d'ordre de grandeur, à la date de l'expertise, l'expert évalue le cumul de myalgie, d'arthralgie et d'asthénie lié à la myofasciite à macrophages à un déficit fonctionnel de l'ordre de 30 %, le reste de l'état de Mme A..... résultant d'atteintes principalement cutanées, abdominales et digestives, pour un déficit fonctionnel de l'ordre de 20 %. Seule la partie des préjudices corporels en lien avec la vaccination obligatoire relève du droit à indemnisation sur le fondement de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique.
En ce qui concerne la consolidation :
12. L'expert relève que le médecin conseil de la caisse primaire d'assurance maladie avait proposé une date de consolidation au 1er décembre 2017, compte tenu de la stabilisation apparente de la pathologie et dans un but de simplification. Toutefois, l'expert expose précisément que l'état de la patiente est en réalité susceptible d'amélioration ou d'aggravation et que ses préjudices ne peuvent être évalués de façon fiable au-delà d'une durée maximale de cinq ans, l'expertise ayant été achevée le 18 novembre 2019. Il ajoute que les préjudices devront être réévalués au terme de ce délai et qu'il lui apparait impossible de se prononcer de façon définitive sur le cas d'une jeune femme atteinte d'un syndrome dont l'analyse médicale est particulièrement délicate et qui pourrait être évolutif. Dans ces circonstances, aucune date de consolidation ne peut être retenue à la date du présent arrêt. La cour se prononçant à proximité immédiate de la date à laquelle l'évaluation de l'état de la patiente cesse d'être fiable et un réexamen de ses préjudices devant être envisagé dans la période qui suivra, il y a lieu, dans le cadre de la présente instance, d'indemniser Mme A..... au titre de ses préjudices établis à la date du présent arrêt, qui doivent être regardés à cette date comme toujours temporaires, sans préjudice de la possibilité qui est ouverte à Mme A..... d'obtenir une indemnisation complémentaire au titre de ses préjudices ultérieurs, sous réserve d'un réexamen médical préalable de son état.
En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux à la date du présent arrêt :
13. En premier lieu, s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise précitée, complétée de précisions apportées par Mme A..... sur les périodes d'hospitalisation, que Mme A..... a subi un déficit temporaire total le 16 septembre 2013, le 1er juillet 2014, du 7 au 11 juillet 2014, du 2 au 6 février 2015 et du 16 au 29 mars 2016, soit une durée totale d'un peu moins d'un mois. Pour le reste, en extournant les dates précitées, elle a subi un déficit partiel, au taux de 20 % du 18 février 2011 au 6 juillet 2014, au taux de 33 % du 12 juillet 2014 au 29 mars 2015 et, enfin, au taux de 45 % du 30 mars 2015 au 1er décembre 2017. Par ailleurs, à compter de cette dernière date, ce que l'expert qualifie de déficit fonctionnel permanent est, ainsi qu'il a été exposé au point précédent, un déficit fonctionnel temporaire, d'un taux de 50 %, dont une partie correspondant à un taux de 30 % est seule imputable. Ce dernier taux doit être retenu jusqu'à la date du présent arrêt. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice, à la date du présent arrêt, en l'évaluant à la somme de 26 000 euros. Ce poste de préjudice englobe le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pour leur partie temporaire à la date du présent arrêt.
14. En deuxième lieu, s'agissant des souffrances endurées, l'expert les évalue à hauteur d'une intensité de 4 sur une échelle de 7, soit des souffrances de niveau moyen, mais portant sur une période longue. Il en sera fait une juste appréciation en les évaluant, à la date du présent arrêt, à la somme de 8 000 euros.
15. En troisième lieu, s'agissant du préjudice esthétique temporaire, l'expert l'évalue à 2 / 7, mais en le rapportant aux éruptions cutanées, c'est-à-dire à une pathologie qui n'est pas en lien avec la vaccination obligatoire. Aucun préjudice esthétique n'est, ainsi, caractérisé de ce fait en lien avec cette vaccination. Mme A..... fait toutefois valoir, pour sa part, que le syndrome de myofasciite à macrophages, compte tenu des douleurs musculaires et articulaires qu'elle subit, la contraint à marcher avec l'aide d'une canne, alors qu'elle avait 21 ans lors des premiers symptômes et est âgée de 34 ans à la date du présent arrêt. Il sera, compte tenu de cette circonstance, fait une juste appréciation du préjudice esthétique temporaire en lien en l'évaluant en l'espèce, compte tenu de sa nature et de sa durée, à la somme de 4 000 euros.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux à la date du présent arrêt :
16. En premier lieu, Mme A..... indique n'avoir gardé à sa charge aucune dépense de santé, à la seule exception d'une somme de 337,50 euros correspondant à des franchises et participations forfaitaires entre 2017 et 2023, justifiées et d'ailleurs non contestées.
17. En deuxième lieu, s'agissant des frais divers, Mme A..... fait tout d'abord valoir qu'elle a dû effectuer de très nombreux déplacements en voiture pour les besoins des examens médicaux répétés que son état de santé a nécessité. Le principe n'en est pas sérieusement discuté. En revanche, elle ne justifie pas du détail des distances et a, par ailleurs, utilisé un barème kilométrique récent pour majorer le coût afférent, sans lien avec les dépenses réellement engagées. Dans ces conditions, compte tenu des explications non sérieusement contestées qu'elle fournit, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 9 000 euros.
18. Mme A..... fait également valoir que son état de santé a nécessité l'acquisition de petits matériels, pour un montant total de 555,15 euros, pour un casque à cheveux utilisable malgré ses gênes physiques, un robot ménager qui lui permet de réaliser des opérations nécessitant une force physique qu'elle peut difficilement mettre en œuvre, des cannes, un tabouret physiologique et le montant resté à charge de barres d'accès au bain et de barres redressement au lit. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de retenir ce montant.
19. Il résulte des deux points qui précédent que les frais divers en lien s'élèvent à 9 555,15 euros.
20. En troisième lieu, s'agissant du besoin temporaire d'assistance par une tierce personne, l'expert l'évalue à une heure par jour, tous les jours, depuis le 1er décembre 2017. Il ne le retient en revanche pas pour la période antérieure, en relevant expressément une absence de besoin d'aide et il ne résulte pas de l'instruction que les seules gênes liées au syndrome en lien avec la vaccination, qui se sont développées progressivement, auraient à elles seules généré immédiatement un besoin d'assistance. Il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction que Mme A..... aurait été hospitalisée ou prise en charge dans une institution entre le 1er décembre 2017 et la date du présent arrêt, soit une période de 2 498 jours. Il y a lieu, compte tenu de la nature de l'aide ménagère courante qui est requise, en tenant compte d'un niveau de rémunération qui ne peut être inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des cotisations sociales dues par l'employeur, avec les majorations de rémunération dues les dimanches et jours fériés, ainsi que les congés payés, de retenir en l'espèce un taux horaire moyen, pour la période de 2017 à 2024, de 16 euros sur une année de 412 jours, ce qui correspond à un taux horaire de 18,06 euros pour une année de 365 jours. Le préjudice lié au besoin d'assistance par une tierce personne doit, ainsi, être évalué à 45 113,88 euros à la date du présent arrêt. Enfin, Mme A..... a attesté sur l'honneur le 8 février 2024 n'avoir jamais perçu la prestation d'aide humaine en compensation du handicap, ce que corrobore le plan de compensation du handicap qu'elle a produit en première instance et qui exclut formellement cette prestation, et aucun élément ne fait apparaitre qu'elle aurait perçu d'un tiers payeur une somme en lien avec ce préjudice, qui doit donc être regardé comme resté intégralement à sa charge.
21. En quatrième lieu, s'agissant du préjudice scolaire et professionnel, Il résulte de l'instruction que Mme A..... suivait des études d'infirmière, en deuxième année, lorsqu'elle a été vaccinée et n'avait pas encore d'activité professionnelle. Compte tenu de ses douleurs et de sa fatigabilité, elle a dû se réorienter. Elle s'est inscrite en brevet de technicien supérieur (BTS) de communication et a été engagée en août 2012 par contrat de professionnalisation en qualité d'agent administratif chargé de communication. En janvier 2015, elle a été recrutée par une autre entreprise en qualité de chargée de communication, par contrat à durée déterminée. Son état de santé a toutefois perturbé ses activités professionnelles et elle a été reconnue inapte par la médecine du travail le 29 juin 2015. Elle n'a pas repris d'activité et a perçu à compter du 20 janvier 2017 une pension d'invalidité versée par la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire.
22. D'une part, pour la période allant jusqu'à la reconnaissance d'inaptitude professionnelle, Mme A..... doit être regardée comme ayant subi un préjudice d'incidence scolaire et professionnelle, dont il sera fait en l'espèce une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 15 000 euros pour cette période de moins de quatre ans durant laquelle elle s'est réorientée.
23. D'autre part, pour la période courant à compter de la reconnaissance d'inaptitude professionnelle et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme A..... aurait été en mesure de retrouver une autre activité dans les conditions usuelles, elle doit être regardée comme ayant subi un préjudice de perte de revenus. Il résulte de l'instruction et notamment du contrat à durée déterminée conclu le 2 janvier 2015, que Mme A..... percevait un salaire mensuel de 1 020 euros pour une durée de travail à temps partiel de 91 heures mensualisées. Au titre de la période allant du 29 juin 2015 à la date du présent arrêt, soit 112 mois, la perte de revenus s'élève ainsi à 114 240 euros. Mme A..... a, en outre, subi pour la même période un préjudice d'incidence professionnelle tenant à la perte de ses perspectives d'évolution professionnelle. Il en sera fait une juste appréciation en retenant, pour cette période de plus de neuf ans, un préjudice professionnel total s'élevant à 200 000 euros.
24. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment des indications circonstanciées et non contestées fournies par Mme A....., ainsi que des pièces justificatives afférentes qu'elle a produites sous la forme d'une attestation de paiement de la caisse primaire d'assurance maladie et d'un relevé de prestations, qu'elle a perçu, au titre de son préjudice professionnel, des indemnités journalières pour un montant total de 55 572,96 euros. Il résulte également de l'instruction que Mme A..... a perçu, à compter du 1er janvier 2017, soit 94 mois à la date du présent arrêt, une pension d'invalidité d'un montant annuel de 5 543,10 euros, soit un montant total échu de 43 420,95 euros à la date du présent arrêt. Enfin, il résulte de l'instruction que Mme A..... a par ailleurs perçu à compter du 2 décembre 2017 une rente d'accident du travail. Il n'apparait toutefois pas que le syndrome de myofasciite à macrophages pourrait être regardé comme un accident du travail survenu à la date du 16 juillet 2014 qui est évoquée dans des documents et rapports relatifs à cette rente, cette rente n'ayant dès lors pas à être prise en compte en l'absence de lien établi avec le préjudice précis en litige. Les sommes imputables versées par des tiers-payeurs en lien avec le préjudice professionnel issu de la vaccination obligatoire s'élèvent donc à 98 993,91 euros.
25. Il résulte des points 22 à 24 qui précèdent que le montant total du préjudice scolaire et professionnel resté à la charge de Mme A..... s'élève, à la date du présent arrêt, à 116 006,09 euros.
26. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'ONIAM est uniquement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon n'a pas limité les sommes que l'ONIAM a été condamné à verser à Mme A..... au montant total de 209 012,62 euros, sans préjudice de ce qui a été dit au point 12 sur la possibilité qui reste ouverte pour Mme A..... d'obtenir, après réévaluation de son état de santé, l'indemnisation de tous ses préjudices postérieurs au présent arrêt, même sans aggravation.
27. L'ONIAM n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par Mme A..... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est condamné à verser à Mme A..... la somme de 209 012,62 euros dans les conditions précisées au point 12 du présent arrêt.
Article 2 : L'article 1er du jugement n° 2108886 du 6 juin 2023 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à Mme B... A......
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
Le rapporteur,
H. Stillmunkes
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY02500