Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par une demande enregistrée sous le n° 2104304, la société La Bourse de l'Immobilier a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 7 mai 2021 par laquelle le maire de la commune de Champagne-au-Mont-d'Or l'a mise en demeure, sur le fondement de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme, de régulariser la situation de son local commercial.
Par une demande enregistrée sous le n° 2106305, la société La Bourse de l'Immobilier a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 1er mars 2021 par laquelle le maire de la commune de Champagne-au-Mont-d'Or s'est opposé à la déclaration préalable qu'elle a déposée le 23 novembre 2020 en vue de remplacer les baies vitrées de son local commercial.
Par une demande enregistrée sous le n° 2106307, la société La Bourse de l'Immobilier a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 10 juin 2021 par laquelle le maire de la commune de Champagne-au-Mont-d'Or a prononcé une astreinte de 350 euros par jour jusqu'à satisfaction des termes de la décision de mise en demeure du 7 mai 2021.
Par une demande enregistrée sous le n° 2109210, la société La Bourse de l'Immobilier a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler le titre exécutoire émis le 26 octobre 2021 par le maire de la commune de Champagne-au-Mont-d'Or en vue du recouvrement de l'astreinte prononcée le 10 juin 2021, pour la période allant du 19 juin au 19 septembre 2021, et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 25 000 euros mise à sa charge.
Par un jugement n°s 2104304, 2106305, 2106307 et 2109210 du 19 juillet 2022 le tribunal administratif de Lyon a annulé la mise en demeure du 7 mai 2021, l'arrêté du 10 juin 2021 et le titre exécutoire émis le 26 octobre 2021, a déchargé la société La Bourse de l'Immobilier de l'obligation de payer la somme de 25 000 euros et a rejeté les conclusions en annulation de la décision portant opposition à déclaration préalable du 1er mars 2021.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 septembre 2022 et le 14 juin 2024, la commune de Champagne-au-Mont-d'Or, représentée par Me Doitrand, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 juillet 2022 en tant qu'il a annulé la mise en demeure du 7 mai 2021, l'arrêté du 10 juin 2021 et le titre exécutoire émis le 26 octobre 2021 ;
2°) de déclarer irrecevable l'appel incident formé par la société la Bourse de l'Immobilier, devenue la société Human Immobilier et, en tout état de cause, de le rejeter ;
3°) de mettre à la charge de la société la Bourse de l'Immobilier le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que les mesures fixées par la mise en demeure étaient des mesures de remise en état des lieux ne pouvant être ordonnées en application des dispositions de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme ; la situation de la société La Bourse de l'Immobilier n'étant pas régularisable, seules des mesures tendant à la mise en conformité des aménagements réalisés pouvaient être édictées et aucune des mesures prononcées ne s'apparente à une démolition ; en tout état de cause, ces mesures ont pour seul objet de rétablir les lieux dans leur situation antérieure ;
- l'arrêté du 10 juin 2021 et le titre exécutoire émis le 26 octobre 2021 sont réguliers ; notamment, le titre exécutoire indique clairement les bases de la liquidation et est suffisamment motivé ; il comporte la mention des voies et délais de recours, conformément aux exigences des dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ; la qualité de la personne ayant émis le titre exécutoire est parfaitement connue de la société ;
- les conclusions présentées par la société Human Immobilier tendant à l'annulation du jugement du 19 juillet 2022 en ce qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision portant opposition à déclaration préalable du 1er mars 2021 sont irrecevables en raison de leur tardiveté ; en tout état de cause, cette décision est légale ; en effet, dès lors que les travaux exécutés ont eu pour objet d'installer une agence immobilière aux lieu et place d'une pharmacie entraînant ainsi un changement de sous-destination, les dispositions du plan local d'urbanisme et de l'habitat (PLU-h) de la Métropole de Lyon relatives au linéaire commercial sont opposables au projet en litige et ne méconnaissent pas les dispositions de l'article L. 151-16 du code de l'urbanisme ; les travaux exécutés nécessitaient l'obtention d'un permis de construire en vertu des dispositions du c) de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire, enregistré le 2 décembre 2022, la société La Bourse de l'Immobilier, représentée par l'AARPI Rivière Avocats Associés, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) au titre de l'appel incident, à l'annulation du jugement du 19 juillet 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er mars 2021 portant opposition à déclaration préalable et de la décision rejetant son recours gracieux ;
3°) à ce qu'il soit enjoint au maire de la commune de Champagne-au-Mont-d'Or de lui délivrer une décision de non-opposition à déclaration préalable ou, à défaut, de procéder à une nouvelle instruction de sa demande sur le fondement de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme ;
4°) de mettre à la charge la commune de Champagne-au-Mont-d'Or la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'annulation de la mise en demeure du 7 mai 2021 devra être confirmée, le maire ayant, en exigeant la remise en état du local et plus encore, excédé les pouvoirs qu'il détient au titre de la police de l'urbanisme, et qui ne l'autorisent qu'à exiger une " mise en conformité " au regard de l'autorisation obtenue ou le dépôt d'une demande d'autorisation ; les pouvoirs du maire sont limités à une simple mise en conformité, et non une remise en état, cette dernière ne pouvant relever que du juge judiciaire en raison de l'atteinte au droit de propriété qu'elle impliquerait ; la mise en demeure ne pouvait inclure, sans porter atteinte au droit de propriété du bailleur et du preneur à bail, une résiliation du bail commercial, pour lequel le maire ne dispose en outre pas de pouvoir lui permettant de le connaître ou d'en exiger la communication ;
- l'arrêté de mise en demeure étant irrégulier, l'annulation de l'arrêté de mise en recouvrement de l'astreinte du 10 juin 2021 et du titre exécutoire émis le 26 octobre 2021 devra être confirmée, dès lors que la mise en demeure est la base légale de l'arrêté de mise en recouvrement du 10 juin 2021, qui est lui-même le fondement du titre exécutoire émis le 26 octobre 2021 ;
- au titre de l'appel incident, la décision d'opposition à déclaration préalable du 1er mars 2021 est entachée d'irrégularité ; en retenant une violation des dispositions de l'article 1.1.2.1.1 du PLU-H de la métropole de Lyon, les juges de première instance n'ont pas tiré les conséquences de l'absence de changement de destination faisant obstacle à la nécessité d'obtention d'un permis de construire ; l'interdiction de réaliser une activité de service en rez-de-chaussée prévues par les dispositions de l'article 1.1.2.1.1 du PLU-H de la métropole de Lyon est illégale ; le dossier de déclaration préalable était complet.
Par un mémoire distinct, enregistré le 7 juillet 2023, la société Human Immobilier a demandé à la cour, sur le fondement de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire, enregistré le 11 septembre 2023, la commune de Champagne-au-Mont-d'Or conclut au rejet de la demande de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Human Immobilier.
Par une ordonnance du 4 octobre 2023, la présidente de la 1ère chambre de la cour a transmis au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme.
Par une décision n° 488749 du 13 décembre 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Human Immobilier.
Par ordonnance du 5 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 juillet 2024.
Par un courrier du 15 juillet 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées, par la voie de l'appel incident, par la société la Bourse de l'Immobilier (devenue Human Immobilier) tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon n°s 2104304, 2106305, 2106307 et 2109210 du 19 juillet 2022 en tant qu'il a confirmé la légalité de l'arrêté du 1er mars 2021 portant opposition à la déclaration préalable déposée le 23 novembre 2020 en vue de remplacer les baies vitrées de son local commercial, dès lors qu'elles soulèvent un litige distinct de celui qui résulte de l'appel principal et qu'elles ont été présentées après l'expiration du délai d'appel.
La société Human Immobilier a produit des observations en réponse au moyen d'ordre public, qui ont été enregistrées le 18 juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mauclair, présidente assesseure ;
- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique ;
- les observations de Me Doitrand pour la commune de Champagne-au-Mont-d'Or et de Me Morot pour la société Human Immobilier.
La société Human Immobilier a présenté une note en délibéré qui a été enregistrée le 3 septembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. La société La Bourse de l'Immobilier a pris à bail un local commercial situé au 42 avenue Lanessan à Champagne-au-Mont-d'Or, sur un terrain cadastré section ... et classé en zone UCe3a du plan local d'urbanisme et de l'habitat (PLU-H) de la Métropole de Lyon. Elle a déposé, le 23 novembre 2020, une déclaration préalable portant sur le remplacement des deux baies vitrées de la façade sur rue. Le maire s'est, par un arrêté du 1er mars 2021, opposé à la déclaration préalable de travaux qu'elle avait déposée et la société en a demandé l'annulation au tribunal administratif de Lyon par une requête enregistrée sous le n° 2106305. La société avait toutefois entrepris les travaux sans attendre l'autorisation d'urbanisme et le maire de Champagne-au-Mont-d'Or a dressé un procès-verbal d'infraction le 14 janvier 2021. Il a ensuite adressé à la société, sur le fondement de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme, une mise en demeure du 1er février 2021 de régulariser la situation de son local commercial. Le maire l'a ensuite, le 7 mai 2021, à nouveau mise en demeure, sur le fondement des articles L. 481-1 et suivants du code de l'urbanisme, de ne pas ouvrir l'agence au public, de résilier le bail commercial en cours, le cas échéant de fermer le local, d'évacuer l'ameublement intérieur et de supprimer les enseignes apposées sans autorisation et/ou la signalisation visible depuis l'extérieur. La société La Bourse de l'Immobilier a demandé l'annulation de cette mise en demeure au tribunal administratif de Lyon par une requête enregistrée sous le n° 2104304. La société n'ayant pas satisfait à la mise en demeure du 7 mai 2021, le maire a prononcé, par un arrêté du 10 juin 2021, une astreinte de 350 euros par jour jusqu'à satisfaction des termes de celle-ci, arrêté dont la société a demandé l'annulation au tribunal administratif par une requête enregistrée sous le n° 2106307. Enfin, à la suite de l'émission par le maire de Champagne-au-Mont-d'Or d'un titre exécutoire le 26 octobre 2021 aux fins de recouvrement de l'astreinte prononcée le 10 juin 2021, pour la période allant du 19 juin au 19 septembre 2021, la société La Bourse de l'Immobilier en a demandé, au tribunal administratif de Lyon par une requête enregistrée sous le n° 2109210, son annulation ainsi que la décharge de son obligation de payer la somme de 25 000 euros mise à sa charge.
2. Par un jugement n°s 2104304, 2106305, 2106307 et 2109210 du 19 juillet 2022, le tribunal administratif de Lyon a annulé la mise en demeure du 7 mai 2021, l'arrêté du 10 juin 2021 et le titre exécutoire émis le 26 octobre 2021, a déchargé la société La Bourse de l'Immobilier de l'obligation de payer la somme de 25 000 euros et a rejeté les conclusions en annulation de l'opposition à déclaration préalable du 1er mars 2021. La commune de Champagne-au-Mont-d'Or demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé la mise en demeure du 7 mai 2021, l'arrêté du 10 juin 2021 et le titre exécutoire émis le 26 octobre 2021. La société La Bourse de l'Immobilier demande, au titre d'un appel incident, l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 juillet 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er mars 2021 portant opposition à déclaration préalable. Par une décision du 13 décembre 2023, le Conseil d'Etat n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Human Immobilier, qui est venue aux droits de la société La Bourse de l'Immobilier.
Sur l'appel principal de la commune de Champagne-au-Mont-d'Or :
En ce qui concerne la mise en demeure du 7 mai 2021 :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire ". Aux termes de l'article L. 481-1 du même code : " I.- Lorsque des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 ", c'est-à-dire ceux soumis à permis de construire, permis d'aménager, permis de démolir ou déclaration préalable ou ceux qui, par dérogation, en sont dispensés, " ont été entrepris ou exécutés en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ainsi que des obligations mentionnées à l'article L. 610-1 ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable et qu'un procès-verbal a été dressé en application de l'article L. 480-1, indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l'infraction constatée, l'autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3-1 ", c'est-à-dire l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir ou pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable, " peut, après avoir invité l'intéressé à présenter ses observations, le mettre en demeure, dans un délai qu'elle détermine, soit de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction, de l'aménagement, de l'installation ou des travaux en cause aux dispositions dont la méconnaissance a été constatée, soit de déposer, selon le cas, une demande d'autorisation ou une déclaration préalable visant à leur régularisation. / II.- Le délai imparti par la mise en demeure est fonction de la nature de l'infraction constatée et des moyens d'y remédier. Il peut être prolongé par l'autorité compétente, pour une durée qui ne peut excéder un an, pour tenir compte des difficultés que rencontre l'intéressé pour s'exécuter. / III.- L'autorité compétente peut assortir la mise en demeure d'une astreinte d'un montant maximal de 500 € par jour de retard. / L'astreinte peut également être prononcée, à tout moment, après l'expiration du délai imparti par la mise en demeure, le cas échéant prolongé, s'il n'y a pas été satisfait, après que l'intéressé a été invité à présenter ses observations. / Son montant est modulé en tenant compte de l'ampleur des mesures et travaux prescrits et des conséquences de la non-exécution. / Le montant total des sommes résultant de l'astreinte ne peut excéder 25 000 € (...) ".
4. D'une part, il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique dont elles sont issues, que, dans le but de renforcer le respect des règles d'utilisation des sols et des autorisations d'urbanisme, le législateur a entendu, que, lorsqu'a été dressé un procès-verbal constatant que des travaux soumis à permis de construire, permis d'aménager, permis de démolir ou déclaration préalable ou dispensés, à titre dérogatoire, d'une telle formalité ont été entrepris ou exécutés irrégulièrement, l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme puisse, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale et indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l'infraction constatée, mettre en demeure l'intéressé, après avoir recueilli ses observations, selon la nature de l'irrégularité constatée et les moyens permettant d'y remédier, soit de solliciter l'autorisation ou la déclaration nécessaire, soit de mettre la construction, l'aménagement, l'installation ou les travaux en cause en conformité avec les dispositions dont la méconnaissance a été constatée, y compris, si la mise en conformité l'impose, en procédant aux démolitions nécessaires. Le pouvoir ainsi mis en œuvre a pour seul objet de rétablir les lieux dans leur situation antérieure aux opérations entreprises ou exécutées irrégulièrement. Il en résulte que, si la remise en état a pour effet de priver le propriétaire de l'usage du bien tel qu'il l'avait irrégulièrement aménagé, elle n'a pas pour effet de conduire à une privation du droit de propriété garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
5. D'autre part, la remise en état ne peut être prononcée que pour mettre fin à une méconnaissance des dispositions d'urbanisme et suppose, comme le prévoit expressément l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme, que la personne concernée ait été mise à même de présenter ses observations et qu'un délai lui soit laissé pour régulariser la situation. Enfin, la démolition des constructions ou aménagements réalisés ne peut être prononcée que si la mise en conformité l'impose. Ainsi, les limitations apportées par l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme à l'exercice du droit de propriété sont justifiées par le motif d'intérêt général s'attachant au respect des règles d'urbanisme et sont proportionnées à cet objectif.
6. Pour juger que la mise en demeure du 7 mai 2021 était illégale, le tribunal administratif de Lyon a retenu, au motif que les mesures permises par l'article L. 481-1 ne peuvent comprendre la remise en état des lieux ou la démolition d'un ouvrage, laquelle ne peut être ordonnée, sauf dispositions législatives contraires, que par une décision du juge judiciaire, que la régularisation du projet de la société requérante consistant à " ne pas ouvrir l'agence au public, à résilier le bail commercial en cours, le cas échéant à fermer le local, à évacuer l'ameublement intérieur, à supprimer les enseignes apposées sans autorisation et/ou la signalisation visible depuis l'extérieur " méconnaissait les dispositions de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme. Cependant, les mesures préconisées par la mise en demeure du 7 mai 2021, telles que précédemment rappelées, correspondent uniquement en la remise des lieux dans leur état initial, aucune démolition n'étant au demeurant prescrite. Ainsi, ces mesures n'excèdent pas les pouvoirs conférés au maire par les dispositions de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme. Il en résulte que la commune de Champagne-au-Mont-d'Or est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la mise en demeure du 7 mai 2021 ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du 10 juin 2021 et le titre exécutoire émis le 26 octobre 2021.
7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Human Immobilier devant le tribunal administratif.
8. En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-14 du CU : " Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires : (...) c) Les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s'accompagnent d'un changement de destination entre les différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 (...) ". Selon l'article R. 151-27 du même code : " Les destinations des constructions sont : / (...) 3° Commerce et activités de service (...) ". L'article R. 151-28 du même code dispose : " Les destinations de constructions prévues à l'article R. 151-27 comprennent les sous-destinations suivantes : (...) / 3° Pour la destination " commerce et activités de service " : artisanat et commerce de détail, restauration, commerce de gros, activités de services où s'effectue l'accueil d'une clientèle, cinéma, hôtels, autres hébergements touristiques (...) ".
9. Il résulte de la combinaison des dispositions réglementaires précitées qu'un permis de construire doit être demandé pour effectuer des travaux de modification de la façade d'un bâtiment en cas de changement tant de la destination de ce bâtiment au sens de l'article R. 151-27 que de la sous-destination de ce même bâtiment au sens de l'article R. 151-28.
10. En l'espèce, il est constant que l'officine de pharmacie qui occupait précédemment le local pris à bail par la société Human Immobilier relève de la catégorie de commerce de détail, contrairement à l'activité de cette dernière qui appartient à la catégorie des activités de service où s'effectue l'accueil d'une clientèle. Ainsi, le maire de Champagne-au-Mont-d'Or pouvait sans commettre d'erreur de droit exiger de la société Human Immobilier qu'elle dépose une demande de permis de construire pour réaliser des travaux de remplacement des baies existantes de la façade extérieure sur rue du local en cause et pour changer la destination de ce local dont la sous-destination initiale était à usage artisanal et de commerce en détail en locaux à usage d'activité de service où s'effectue l'accueil d'une clientèle. Il est également constant que les travaux de remplacement des baies vitrées du local loué par la société Human Immobilier ont été réalisés sans autorisation d'urbanisme. Dans ces conditions, alors que l'infraction à la règlementation d'urbanisme a effectivement été constatée le 14 janvier 2021, ladite société pouvait légalement faire l'objet d'une mise en demeure prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme.
11. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la partie de l'avenue Lanessan, où se situe le local en litige, s'inscrit sur un linéaire identifié au PLU-H en application des dispositions de l'article L. 151-16 du code de l'urbanisme selon lesquelles " Le règlement peut identifier et délimiter les quartiers, îlots et voies dans lesquels est préservée ou développée la diversité commerciale, notamment à travers les commerces de détail et de proximité, et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer cet objectif ", où sont autorisées les destinations et sous-destinations " artisanat " et " équipements d'intérêts collectifs et services publics ". Par ailleurs, il ressort du rapport de présentation du PLU-H que les linéaires commerciaux ou artisanaux correspondent à une obligation d'affectation du rez-de-chaussée des constructions à des activités de commerce, de production artisanale ou de services, ainsi qu'à des règles morphologiques favorisant la fonction commerciale et " visent à concentrer les commerces et à éviter des ruptures du cheminement commercial ", en vue de " favoriser, sur les rues ou portions de rues pour lesquelles l'enjeu d'animation urbaine est prépondérant, l'implantation d'activités avec vitrines animant la rue (commerces, activités artisanales) et y éviter l'installation en nombre d'activités aux façades " non animées " ". L'identification d'un tel linéaire commercial ou artisanal, qui n'a pas été établie, contrairement aux allégations de la société Human Immobilier, immeuble par immeuble, mais sur une portion suffisamment significative de l'avenue Lanessan, ne méconnaît pas le caractère de la zone UCe3a dans laquelle il s'inscrit, et qui est définie comme correspondant à des tissus urbains marqués par une forte mixité de l'habitat et des activités économiques. En outre, il ressort du cahier communal de la commune de Champagne-au-Mont-d'Or qui possède une morphologie de " village-rue ", le centre bourg s'étant développé de part et d'autre de l'avenue Lanessan, que le projet d'aménagement et de développement durables a fixé comme objectif de conforter le centre bourg et son attractivité notamment en confortant la morphologie commerciale de l'avenue Lanessan. Il est également prévu, par le rapport de présentation du cahier communal, s'agissant de l'économie de la commune, que le principal objectif est d'accompagner et de renforcer le dynamisme économique du territoire par, notamment, le maintien et le développement de l'offre commerciale de proximité dans le centre bourg, ainsi que par la préservation de l'artisanat et des PME. Ainsi, la mise en place du linéaire artisanal et commercial en litige, parallèlement à l'identification de linéaires " toutes activités ", est suffisamment justifiée par le PLU-H et ne porte aucune atteinte disproportionnée à la liberté de commerce ni ne crée une rupture d'égalité injustifiée entre les différentes activités et les professionnels qui en ont la charge. Enfin, la circonstance que le local en litige se trouve à l'angle de l'avenue Lannesan et de la rue Dellevaux est sans incidence sur l'application du linéaire commercial ou artisanal auquel doit être exclusivement affecté le niveau du rez-de-chaussée de l'immeuble du 42 avenue Lanessan. Par suite et en tout état de cause, l'interdiction de la sous-destination " activité de service où s'effectue l'accueil de la clientèle " sur le linéaire en cause n'est pas irrégulière au regard de l'article L. 151-16 du code de l'urbanisme, ni n'est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne l'arrêté du 10 juin 2021 :
12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6, 10 et 11 que l'arrêté du 10 juin 2021 par lequel le maire de la commune de Champagne-au-Mont-d'Or a prononcé une astreinte de 350 euros par jour jusqu'à satisfaction des termes de la décision de mise en demeure du 7 mai 2021 n'est pas entaché d'illégalité.
En ce qui concerne le titre exécutoire émis le 26 octobre 2021 :
13. En premier lieu, l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales prévoit que " En application des articles L. 111-2 et L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours ".
14. D'une part, le titre exécutoire émis le 26 octobre 2021 comporte les nom et prénom de la personne qui l'a émis, à savoir M. B... A..., sans toutefois que sa qualité ne soit précisée. Toutefois, la société Human Immobilier ne conteste pas, ainsi que le soutient la commune de Champagne-au-Mont-d'Or, avoir reçu les titres exécutoires émis les 28 mai 2021, 8 juin 2021 et 17 juin 2021 sur lesquels ses nom, prénom et qualité figuraient expressément, à l'encontre desquels elle a exercé des recours contentieux enregistrés au tribunal administratif de Lyon sous les n°s 2105161, 2107471 et 2107411, préalablement à l'émission du titre en litige. Par suite, la société Human Immobilier ne peut être regardée comme ignorant que le titre en litige a été émis par l'adjoint aux finances de la commune sur l'identité duquel il n'existe aucune ambigüité.
15. D'autre part, est sans influence sur la régularité de ce titre la circonstance qu'il ne mentionne pas l'ordre de juridiction compétent pour connaître de sa contestation.
16. En deuxième lieu, aux termes de l'article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". Pour satisfaire à ces dispositions, un état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.
17. Le titre exécutoire du 26 octobre 2021 en litige indique tant l'ordonnateur que le redevable, le montant global à percevoir et mentionne comme descriptif " arrêté municipal portant mise en recouvrement astreintes du 19 juin 2021 au 19 septembre 2021 ", cet arrêté indiquant que le montant de l'astreinte était fixé à 350 euros par jour. Il en résulte que la société requérante a été régulièrement informée des bases et éléments de calcul de la créance dont le titre de perception en litige cherche à assurer le recouvrement.
18. En troisième lieu, pour soutenir que le titre exécutoire n'est pas fondé, la société Human Immobilier soutient qu'aucune infraction n'est établie. Elle soutient également que la mise en demeure prévoit des mesures disproportionnées et excédant les pouvoirs du maire de Champagne-au-Mont-d'Or. Or, pour les motifs qui ont été exposés aux points 4, 5, 6, 10 et 11, et en tout état de cause, une telle argumentation ne peut qu'être écartée. Au surplus, la circonstance selon laquelle le local était fermé au public n'est pas de nature à établir une éventuelle disproportion du titre exécutoire.
19. En dernier lieu, le procès-verbal de constatation d'une infraction aux règles d'urbanisme, qui est un préalable à l'intervention de l'arrêté du maire, présente le caractère d'un acte de police judiciaire dont la régularité ne peut être appréciée que par l'autorité judiciaire dans le cadre de la procédure pénale. Il est protégé par le secret de l'enquête et de l'instruction selon les dispositions prévues à l'article 11 du code de procédure pénale. Les personnes qui concourent à cette procédure sont tenues au secret professionnel, dont la violation est susceptible de peines d'emprisonnement et d'amende prévues à l'article 226-13 du code pénal. La communication de ce procès-verbal ne peut s'opérer qu'au bénéfice du contrevenant ou de son avocat, par l'intermédiaire de l'autorité judiciaire dans les conditions prévues par le 2° de l'article R. 155 du code de procédure pénale. Par suite, la société Human Immobilier, laquelle n'établit au demeurant pas avoir sollicité la communication dudit procès-verbal, n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que le titre exécutoire serait irrégulier faute pour elle de ne pas s'être vue communiquer le procès-verbal d'infraction.
20. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Champagne-au-Mont-d'Or est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la mise en demeure du 7 mai 2021, l'arrêté du 10 juin 2021 et le titre exécutoire émis le 26 octobre 2021 et a déchargé la société La Bourse de l'Immobilier de l'obligation de payer la somme de 25 000 euros.
Sur l'appel incident de la société Human Immobilier :
21. Ainsi qu'il a été dit au point 2, la requête d'appel de la commune, eu égard à la teneur de ses écritures, doit être regardée comme dirigée contre le jugement uniquement en tant qu'il a fait droit partiellement aux conclusions de la société Human Immobilier. Il suit de là que les conclusions de cette société tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision portant opposition à déclaration préalable du 1er mars 2021, laquelle ne constitue au demeurant pas la base légale de la mise en demeure du 7 mai 2021, de l'arrêté du 10 juin 2021 et du titre exécutoire émis le 26 octobre 2021, soulèvent un litige distinct de celui soulevé par l'appel de la commune et s'analysent donc comme des conclusions d'appel principal, tardives car présentées après l'expiration du délai d'appel, et par suite irrecevables comme telles.
Sur les frais liés à l'instance :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de la commune de Champagne-au-Mont-d'Or, qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Human Immobilier le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Champagne-au-Mont-d'Or.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 juillet 2022 est annulé en tant qu'il a partiellement fait droit aux conclusions de la société Human Immobilier et les conclusions correspondantes de la société Human Immobilier présentées en première instance sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions de la société Human Immobilier présentées par la voie de l'appel incident, ainsi que les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La société Human Immobilier versera à la commune de Champagne-au-Mont-d'Or une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Champagne-au-Mont-d'Or et à la société Human Immobilier.
Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente assesseure,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 septembre 2024.
La rapporteure,
A.-G. Mauclair La présidente,
M. C...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 22LY02812 2