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15/07/2024 | FRANCE | N°23LY01064

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 15 juillet 2024, 23LY01064


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... D..., M. C... A... et Mme E... A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les hospices civils de Lyon (HCL) et leur assureur la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à leur verser, en réparation de séquelles subies par Mme D... dans les suites d'une prise en charge hospitalière, les sommes respectives de 243 911,48 euros pour Mme D..., 12 253,84 euros pour M. A... et 18 022,62 euros pour Mme A....

La caisse primaire d'as

surance maladie (CPAM) du Rhône a présenté des conclusions tendant à la condamnation des HCL à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D..., M. C... A... et Mme E... A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les hospices civils de Lyon (HCL) et leur assureur la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à leur verser, en réparation de séquelles subies par Mme D... dans les suites d'une prise en charge hospitalière, les sommes respectives de 243 911,48 euros pour Mme D..., 12 253,84 euros pour M. A... et 18 022,62 euros pour Mme A....

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône a présenté des conclusions tendant à la condamnation des HCL à lui verser la somme de 219 784,69 euros au titre de ses débours, outre l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 2106056 du 14 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a condamné, d'une part, les HCL et la SHAM à verser les sommes respectives de 41 372,55 euros à Mme D..., 706,65 euros à M. A... et 2 149,34 euros à Mme A... et, d'autre part, les HCL à verser à la CPAM du Rhône la somme de 19 170,57 euros, outre l'indemnité forfaitaire de gestion.

Procédure devant la cour :

I)°Sous le n° 23LY01064, par une requête enregistrée le 24 mars 2023, ensemble un mémoire complémentaire enregistré le 12 avril 2024, Mme B... D..., M. C... A... et Mme E... A..., représentés par la SELARL Cabinet Clapot Lettat, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de réformer le jugement n° 2106056 du 14 février 2023 du tribunal administratif de Lyon en portant les sommes que les HCL et la SHAM ont été condamnés à leur verser à hauteur des montants respectifs de 288 223,74 euros pour Mme D..., 12 166,84 euros pour M. A... et 18 022,62 euros pour Mme A... ;

2°) de mettre à la charge des HCL et de la SHAM une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les requérants soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que :

- c'est à juste titre que le tribunal a retenu la responsabilité pour faute des HCL ;

- la perte de chance n'est pas de 10 % mais de 42,10 % ;

- Mme D... conserve à sa charge des dépenses de santé, des frais divers, des frais d'assistance par une tierce personne, des frais d'adaptation du logement et du véhicule et elle subit un déficit fonctionnel, temporaire puis permanent, des souffrances, un préjudice esthétique, un préjudice sexuel et un préjudice d'agrément ;

- M. A... a engagé des frais de déplacement et subit un préjudice d'affection et des troubles dans ses conditions d'existence ;

- Mme A... a engagé des frais de déplacement et subit un préjudice d'affection et des troubles dans ses conditions d'existence.

Par un courrier enregistré le 2 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique indique que le service des retraites de l'Etat n'est pas en charge du dossier de Mme D....

Par un mémoire enregistré le 29 mars 2024, la CPAM du Rhône, représentée par la SELARL BdL Avocats, conclut :

1°) à la réformation du jugement n° 2106056 du 14 février 2023 du tribunal administratif de Lyon en portant les sommes que les HCL ont été condamnés à lui verser à hauteur du montant de 65 548,34 euros, outre l'indemnité forfaitaire de gestion ;

2°) à ce que soit mise à la charge des HCL une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La CPAM du Rhône soutient que :

- c'est à juste titre que le tribunal a retenu la responsabilité des HCL pour faute ;

- la perte de chance n'est pas de 10 % mais de 30 % ;

- elle a exposé des débours dont elle justifie.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 avril 2024, ensemble un mémoire complémentaire enregistré le 15 mai 2024, les HCL et la SHAM, devenue la société Relyens Mutual Insurance, représentés par le Cabinet Le Prado - Gilbert, concluent :

1°) au rejet de la requête et des conclusions d'appel de la CPAM du Rhône ;

2°) à titre incident, à l'annulation du jugement n° 2106056 du 14 février 2023 du tribunal administratif de Lyon et au rejet des conclusions indemnitaires de première instance et d'appel des consorts D... - A... et de la CPAM du Rhône.

Les HCL et la société Relyens Mutual Insurance soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu sa responsabilité pour faute

- subsidiairement, la perte de chance n'est pas de 10 % mais de 1,36 % ;

- infiniment subsidiairement, les montants sollicités en appel ne sont pas justifiés et les montants accordés en première instance seront réduits.

Par ordonnance du 15 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 avril 2024 à 16h30. Par ordonnance du 29 avril 2024, la clôture d'instruction a été reportée au 29 mai 2024 à 16h30.

Les relevés de la mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN) produits en première instance et non communiqués par le tribunal, ont été spécialement communiqués dans le cadre de la présente instance.

II)°Sous le n° 23LY01282, par une requête sommaire enregistrée le 14 avril 2023, ensemble un mémoire ampliatif enregistré le 9 juin 2023, les HCL et la SHAM, devenue la société Relyens Mutual Insurance, représentés par le Cabinet Le Prado - Gilbert, concluent :

1°) à l'annulation du jugement n° 2106056 du 14 février 2023 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) au rejet des conclusions indemnitaires des consorts D... - A... et de la CPAM du Rhône.

Les HCL et la société Relyens Mutual Insurance soutiennent que :

- le jugement n'est pas motivé ;

- contrairement à ce qu'a retenu, le tribunal, aucune faute n'a été commise, que ce soit dans l'organisation du service en l'absence de lit disponible, ou dans la prise en charge de la patiente en l'absence de thrombolyse plus précoce ;

- subsidiairement, la perte de chance ne peut être évaluée à 10 % mais à 1,36 % ;

- les préjudices ont été évalués de façon excessive par le tribunal, spécialement concernant les dépenses de santé.

Par une ordonnance du 14 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 avril 2024 à 16h30.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale, ensemble l'arrêté du 15 décembre 2023 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2024 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., née le 8 mai 1947, a été victime d'un accident vasculaire cérébral le 16 août 2016. Elle a été prise en charge par l'hôpital Edouard Herriot, qui relève des hospices civils de Lyon (HCL). Elle en conserve des séquelles, qu'elle impute à des fautes dans la prise en charge hospitalière. Par le jugement attaqué du 14 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a condamné, d'une part, les HCL et leur assureur la société hospitalière d'assurance mutuelles (SHAM), devenue la société Relyens Mutual Insurance (Relyens), à verser les sommes respectives de 41 372,55 euros à Mme D..., 706,65 euros à son fils M. A... et 2 149,34 euros à sa fille Mme A... et, d'autre part, les HCL à verser à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône la somme de 19 170,57 euros au titre de ses débours, outre l'indemnité forfaitaire de gestion.

2. Tant Mme D... et ses enfants, d'une part, que les HCL et la société Relyens, d'autre part, interjettent appel du jugement précité. Il y a lieu de joindre leurs requêtes, qui présentent des questions communes à juger, pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur la régularité du jugement :

3. Contrairement à ce que soutiennent les HCL et la société Relyens, le tribunal a régulièrement motivé le jugement.

Sur le principe et l'étendue de la responsabilité :

4. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".

5. Les données médicales du litige sont en particulier éclairées par deux expertises diligentées par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Rhône-Alpes. La première, confiée à un chirurgien orthopédiste et à un neurologue, a été achevée le 4 février 2019. La seconde, qui est une contre-expertise diligentée par la commission pour disposer d'un nouvel éclairage médical global, a été confiée à un neurologue et à un spécialiste en imagerie médicale et a été achevée le 1er septembre 2019.

6. Il est constant que Mme D..., qui avait des antécédents d'hypertension artérielle, s'est réveillée à 4h30 le 16 août 2016 et a ressenti un engourdissement passager du bras gauche. A 6h05, alors qu'elle était sortie et attendait le tramway, elle a chuté et a ressenti une difficulté à parler et à mobiliser son côté gauche. Un accident vasculaire cérébral (AVC) a été immédiatement suspecté par les services de secours, Elle n'a pu être immédiatement amenée dans un service d'urgences neurovasculaires en l'absence de place disponible et a été conduite à l'hôpital Edouard Herriot à 6h50. Un diagnostic d'AVC a été posé, l'incident du réveil étant lui-même regardé comme un probable AVC. La patiente a pu être transférée dans un service de neurologie à 8h44, où elle a fait l'objet d'une thrombolyse.

7. En premier lieu, l'appréciation d'une faute éventuelle dans la prise en charge d'un patient s'apprécie en particulier au regard des moyens dont dispose le centre hospitalier. S'agissant des HCL, qui constituent un ensemble coordonné de services hospitaliers répartis sur des sites différents et dotés de spécialisations propres, les moyens disponibles s'apprécient au regard de l'ensemble des HCL. En l'espèce, la seule circonstance qu'aucun lit n'ait été immédiatement disponible dans le service d'urgences neurovasculaires ne constitue pas en elle-même une faute. Il résulte de l'instruction que l'hôpital Edouard Herriot a pris dans les meilleurs délais l'attache de ce service de neurologie et a transféré la patiente dans un service neurovasculaire dès que cela s'est avéré possible. Aucune faute dans l'organisation et le fonctionnement du service ne peut, dans ces conditions, être caractérisée.

8. En deuxième lieu, en revanche, les experts relèvent que l'incident passager survenu au réveil de Mme D..., compte tenu de son caractère purement transitoire, devait être regardé comme un accident ischémique transitoire et non comme un AVC du réveil, dont les experts soulignent qu'il n'est pas régressif. La prise en charge de l'AVC survenu vers 6h00 impliquait donc la réalisation d'une thrombolyse, qui doit être engagée dans un délai maximal de l'ordre de 4h30 et dont la précocité permet de limiter les effets délétères de l'AVC. Il en résulte nécessairement que, en négligeant de pratiquer une thrombolyse dans les meilleurs délais après que le diagnostic d'AVC ait été posé, au motif erroné d'un AVC du réveil, alors d'ailleurs que l'horaire constaté ne faisait pas obstacle à une thrombolyse, les HCL ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité.

9. En troisième lieu, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue. En l'espèce, les experts ont relevé que la patiente a été prise en charge par les HCL moins d'une heure après la constitution de l'AVC, mais que le principe d'une thrombolyse n'a été posé qu'environ deux heures après sa prise en charge, ce traitement étant, enfin, effectivement réalisé à 9h55 soit de l'ordre de trois heures après la prise en charge initiale. Les experts, après avoir évoqué quelques taux moyens de récupération constatés dans la littérature médicale en fonction de la précocité de la thrombolyse et analysé le cas précis de la patiente, estiment en l'espèce à 10 % la chance de récupération perdue par Mme D... du fait du retard de mise en œuvre d'une thrombolyse dans les conditions réelles en litige. Ce chiffre, qui n'est pas la simple reprise de statistiques générales moyennes mais constitue l'analyse précise du cas concret de la patiente, de façon cohérente avec les données issues de la littérature, doit dès lors être retenu, ainsi que l'a à bon droit fait le tribunal. La faute hospitalière commise par les HCL doit, en conséquence, être regardée comme ayant fait perdre à Mme D... 10 % de chances d'éviter une dégradation de son état.

Sur les préjudices de la victime directe :

10. Les experts s'accordent pour relever que l'AVC dont Mme D... a été victime a entrainé une hémiplégie gauche, affectant particulièrement le bras gauche, pour un déficit fonctionnel permanent évalué à 70 %. Ils s'accordent également pour constater que la consolidation peut être fixée au 16 août 2018.

En ce qui concerne les préjudices personnels :

11. En premier lieu, s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, il résulte de l'instruction que Mme D... a été victime d'un déficit fonctionnel temporaire total du 16 août 2016 au 15 juillet 2017 et du 8 mars au 19 avril 2018. Le déficit fonctionnel temporaire a été partiel pour le reste, à un taux que les experts évaluent comme étant de classe IV, soit de l'ordre de 75 %. Si, par erreur matérielle, les seconds experts évoquent pour une période limitée un déficit de classe III, peu cohérent avec les autres périodes et le déficit fonctionnel permanent de 70 % qui a suivi, il n'y a pas lieu de retenir sur ce point très précis leur chiffrage mais celui, plus précis, des premiers experts. En évaluant ce préjudice à un montant de 10 000 euros, le tribunal n'en a pas fait une inexacte appréciation.

12. En deuxième lieu, s'agissant du déficit fonctionnel permanent, les experts l'évaluent à 70 %, Mme D... étant âgée de 71 ans au jour de la consolidation. En évaluant ce chef de préjudice à hauteur d'un montant de 140 000 euros, le tribunal n'en a pas fait une inexacte appréciation.

13. En troisième lieu, s'agissant des souffrances endurées, tant physiques que psychiques, les experts s'accordent pour les évaluer à 5 sur une échelle de 7. Il en sera fait en l'espèce une juste appréciation en évaluant ce chef de préjudice à hauteur d'un montant de 13 500 euros.

14. En quatrième lieu, s'agissant du préjudice esthétique, les experts l'évaluent à 5 sur une échelle de 7, tant pour la partie temporaire que pour la partie permanente. En évaluant ces préjudices à hauteur des sommes de 6 000 euros pour la période temporaire, relativement brève, et de 12 000 euros pour la partie permanente, soit un montant total de 18 000 euros, le tribunal n'en a pas fait en l'espèce une évaluation inexacte.

15. En cinquième lieu, s'agissant du préjudice sexuel permanent, les premiers experts en ont admis la possibilité, alors que les seconds experts ont relevé qu'il n'a pas été signalé. Compte tenu des séquelles subies par Mme D..., le tribunal n'a pas fait une inexacte appréciation en évaluant en l'espèce ce chef de préjudice à hauteur d'un montant de 2 000 euros.

16. En sixième lieu, s'agissant du préjudice d'agrément, les deux expertises relèvent l'incidence des séquelles sur les activités de loisirs antérieures, une activité de danse étant en particulier relevée. Mme D... fait également valoir des activités antérieures de gymnastique aquatique, des activités physiques dans un club omnisport ainsi que des activités de promenade antérieurement organisées dans un cadre associatif. Le tribunal n'a pas fait une inexacte appréciation du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer ces activités en l'évaluant en l'espèce à hauteur d'un montant de 6 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

17. En premier lieu, s'agissant des dépenses de santé, La CPAM du Rhône expose avoir pris en charge un montant total de dépenses de santé, comprenant des frais hospitaliers, des frais médicaux, des frais pharmaceutiques, des frais d'appareillage et des frais de transport, pour un montant total, hors frais futurs, de 144 673,66 euros au 24 avril 2023. Il ne résulte pas de l'instruction que les chiffres produits ne tiendraient pas compte de l'attestation d'imputabilité dressée par le médecin-conseil de la caisse, qui note qu'il y a lieu d'extourner les frais qui auraient dans tous les cas été exposés et dont il précise la teneur. La caisse évalue par ailleurs les frais futurs, sous la forme de frais pharmaceutiques, de traitement et d'appareillage, au montant annuel de 5 748,39 euros. Une année étant écoulée depuis le relevé des débours produits, les débours échus de la caisse en lien avec la faute s'élèvent ainsi, à la date du présent arrêt, à 150 422,05 euros, outre un montant annuel de frais futurs de 5 748,39 euros. Il résulte également des relevés de la mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN) produits en première instance et spécialement communiqués aux parties dans le cadre de la présente instance faute de l'avoir été par les premiers juges, que cet organisme d'assurance sociale complémentaire a pris en charge un montant total de 18 113,70 euros. Enfin, Mme D... fait valoir avoir conservé à sa charge une somme totale de 5 692,44 euros, suffisamment justifiée et non sérieusement contestée. Le montant total des frais échus à la date du présent arrêt est ainsi de 174 228,19 euros, dont 5 692,44 euros restés à charge.

18. S'agissant des dépenses de santé futures, la caisse justifie, ainsi qu'il vient d'être exposé, d'un montant annuel non sérieusement contesté de 5 748,39 euros. Mme D... fait par ailleurs valoir des frais futurs d'appareillage et de petits matériels, suffisamment justifiés en l'espèce et cohérents avec les indications des experts, pour un montant total de 5 276,91 euros, ce qui, en retenant un renouvellement quinquennal, correspond à un total annuel de 1 055,38 euros. Le montant annuel des dépenses de santé futures est, ainsi, de 6 803,77 euros, dont 1 055,38 euros restés à charge.

19. En deuxième lieu, s'agissant des frais divers, Mme D... a tout d'abord engagé des frais de médecin-conseil, qui ont en l'espèce été utiles, pour un montant justifié total de 2 090 euros. Ensuite, Mme D... doit être regardée comme justifiant en l'espèce de frais de déplacement liés aux opérations d'expertise, pour un montant total de 543,12 euros. Ces frais étant liés au déroulement de la procédure d'indemnisation et non aux séquelles résultant de la faute, ils ne relèvent pas de l'abattement de perte de chance. Enfin, elle justifie également avoir acquis des places pour des spectacles de danse, qui n'ont pu être ni utilisées compte tenu des hospitalisations liées à la faute, ni remboursées, pour un montant de 295 euros. Elle a ainsi exposé des frais divers, pour un montant de 295 euros soumis à l'abattement de perte de chance et pour un montant de 2 633,12 euros qui n'y est pas soumis.

20. En troisième lieu, s'agissant du besoin d'assistance par une tierce personne, les deux expertises en ont admis le principe, tant pour la période temporaire que pour la période postérieure à la consolidation.

21. Tout d'abord, s'agissant de la période antérieure à la consolidation, survenue le 16 août 2018, les experts ont évalué le besoin d'assistance par une tierce personne à deux heures d'aide ménagère par jour. Si les seconds experts ont par ailleurs relevé que la fille de Mme D... a pu lui prodiguer une aide, évaluée à 3 heures par jour, il n'en résulte pas que cet horaire se cumulerait avec le besoin évalué de façon concordante par tous les experts. Pour les motifs retenus par les premiers juges et que la cour fait siens, le coût total doit en être évalué à 10 988,55 euros.

22. Ensuite, s'agissant de la période postérieure à la consolidation et antérieure au présent arrêt, les experts évaluent de façon concordante le besoin permanent à 10 heures par semaine. S'ils notent que le fils de la requérante, qui est infirmier, lui prodigue une aide, ceci ne modifie pas le quantum du besoin tel qu'il vient d'être indiqué. En retenant, compte tenu de la nature de l'aide requise, un taux horaire moyen de 16 euros, sur une année de 412 jours, le coût annuel en est ainsi de 9 417,14 euros. Pour la période de six années écoulée depuis la consolidation, le montant échu est en conséquence de 56 502,84 euros.

23. Enfin, s'agissant de la période postérieure au présent arrêt, le coût annuel est de 9 417,14 euros.

24. En quatrième lieu, s'agissant des frais d'adaptation du logement, dont les experts ont reconnu de façon concordante la nécessité, ils doivent être évalués au montant total de 17 273,39 euros par adoption des motifs des premiers juges.

25. En cinquième lieu, s'agissant des frais d'adaptation du véhicule, les seconds experts en ont admis la nécessité, cohérente avec les séquelles subies par Mme D.... S'agissant de la période échue à la date du présent arrêt, Mme D... évalue, sans être contestée, le surcoût correspondant à 2 000 euros. Eu égard à la durée des équipements en cause, il ne résulte pas de l'instruction qu'un renouvellement devrait être pris en compte. Les frais échus sont donc de 2 000 euros. Pour la période future, en retenant un taux de renouvellement de sept ans, le montant annuel est dès lors de 285,71 euros.

En ce qui concerne les droits respectifs de Mme D... et de la CPAM du Rhône :

26. D'une part, la priorité accordée à la victime sur la caisse et les organismes de protection sociale complémentaire pour obtenir le versement à son profit des indemnités mises à la charge du tiers responsable, dans la limite de la part du dommage qui n'a pas été réparée par des prestations, s'applique, notamment, lorsque le tiers n'est déclaré responsable que d'une partie des conséquences dommageables de l'accident. Dans ce cas, l'indemnité mise à la charge du tiers, qui correspond à une partie des conséquences dommageables de l'accident, doit être allouée à la victime tant que le total des prestations dont elle a bénéficié et de la somme qui lui est accordée par le juge ne répare pas l'intégralité du préjudice qu'elle a subi. Quand cette réparation est effectuée, le solde de l'indemnité doit, le cas échéant, être alloué à la caisse et à l'organisme de protection sociale complémentaire. Toutefois, le respect de cette règle s'apprécie poste de préjudice par poste de préjudice.

27. D'autre part, en cas de concurrence entre une caisse de sécurité sociale et un organisme d'assurance sociale complémentaire, le partage des sommes à allouer doit s'opérer " au marc le franc ".

28. En premier lieu, pour le poste des dépenses de santé qui a été examiné aux points 17 et 18, d'une part, eu égard au taux de perte de chance de 10 % qui a été exposé, les HCL doivent payer la somme totale de 17 422,82 euros au titre des frais échus. Le montant de 5 692,44 euros sera versé à Mme D... au titre des dépenses restées à sa charge. Le surplus, soit 11 730,38 euros sera réparti entre la CPAM du Rhône et la MGEN au marc le franc. Le montant de 10 469,64 euros sera dès lors alloué à la CPAM du Rhône, la MGEN n'ayant pour sa part formé aucune conclusion indemnitaire.

29. D'autre part, s'agissant des dépenses de santé futures, ainsi qu'il a été indiqué le montant annuel des dépenses de santé futures est de 6 803,77 euros, dont 1 055,38 euros restés à charge. Les HCL doivent, compte tenu du taux de perte de chance, verser la somme annuelle de 680,38 euros, qui sera entièrement allouée à Mme D.... Mme D... est âgée de 77 ans à la date du présent arrêt. En utilisant la table de capitalisation du référentiel de l'ONIAM dans sa dernière édition disponible du 22 mai 2023, le taux de capitalisation viagère est de 12,187 euros. La somme capitalisée de 8 291,79 euros sera dès lors allouée à Mme D... au titre des dépenses de santé futures.

30. En second lieu, pour tous les autres postes qui ont été examinés dans les points 11 à 25, hors les points 17 et 18 relatifs aux dépenses de santé, il n'y a pas de concurrence entre Mme D... et un tiers-payeur. Il y a lieu de capitaliser les frais futurs liés au besoin d'assistance par une tierce personne exposés au point 23 et les frais futurs d'adaptation du véhicule exposés au point 25, par application du taux de capitalisation de 12,187 exposé au point précédent, soit les montant respectifs capitalisés de 114 766,69 euros et de 3 481,95 euros. Le montant total des préjudices de Mme D..., hors dépenses de santé, doit dès lors être évalué à 394 808,42 euros, outre un montant de 2 633,12 euros non soumis à l'abattement de perte de chance. Eu égard au taux de perte de chance, les HCL doivent, en conséquence, lui verser la somme de 42 113,96 euros au titre de ces autres postes de préjudice.

31. Il résulte des points qui précèdent que les HCL et leur assureur la société Relyens doivent être condamnés à verser à Mme D... la somme totale de 56 098,19 euros. Les HCL doivent par ailleurs être condamnés à verser à la CPAM du Rhône la somme de 10 469,64 euros au titre de ses débours. En l'absence de toute majoration des débours de la caisse mis à la charge des HCL, il n'y a pas lieu de réévaluer en appel l'indemnité forfaitaire de gestion, déjà allouée par les premiers juges.

Sur les préjudices des proches de Mme D..., victimes par ricochet :

En ce qui concerne les préjudices de M. A..., fils de Mme D... :

32. En premier lieu, M. A... expose avoir dû engager des frais, d'une part, pour rendre visite à sa mère hospitalisée et, d'autre part, pour se loger lorsqu'il l'a l'accompagnée durant les opérations d'expertise. Les frais de logement sont établis. Pour les frais de déplacement, ils sont cohérents avec le domicile de M. A... et la situation de sa mère, dont l'instruction fait apparaitre qu'il a effectivement pris soin. Dans les circonstances de l'espèce, il doit ainsi être regardé comme justifiant ainsi du montant total de 1 106,50 euros invoqué. Au sein de ce dernier montant, la somme de 206,65 euros, liée au logement durant les opérations d'expertise, n'est pas soumise à l'abattement de perte de chance.

33. En deuxième lieu, en évaluant le préjudice moral de M. A... à la somme de 4 000 euros, le tribunal n'en a pas fait en l'espèce, compte tenu des liens effectifs qui les unissent, une inexacte appréciation.

34. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été exposé, que M. A... s'est rendu auprès de sa mère et prend soin d'elle. En évaluant ses troubles dans les conditions d'existence à la somme de 1 000 euros, le tribunal n'en a pas fait en l'espèce une inexacte appréciation.

35. Il résulte de ce qui précède, compte tenu du préjudice total de M. A... et du taux de perte de chance de 10 % qui a été exposé, que les HCL et la société Relyens doivent ainsi être condamnés à lui verser la somme de 796,64 euros, étant rappelé que les frais liés au logement durant les opérations d'expertise ne sont pas soumis à cet abattement.

En ce qui concerne les préjudices de Mme A..., fille de Mme D... :

36. En premier lieu, Mme A..., qui habite dans un département éloigné du domicile de sa mère, justifie avoir dû engager des frais de déplacement pour lui rendre régulièrement visite après la dégradation de son état dans les suites de la faute médicale, pour un montant total non sérieusement contesté de 14 809,08 euros.

37. En deuxième lieu, en évaluant le préjudice moral de Mme A... à la somme de 4 000 euros, le tribunal n'en a pas fait en l'espèce, compte tenu des liens effectifs qui les unissent, une inexacte appréciation.

38. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été exposé, que Mme A... s'est rendue auprès de sa mère et prend soin d'elle. En évaluant ses troubles dans les conditions d'existence à la somme de 1 000 euros, le tribunal n'en a pas fait en l'espèce une inexacte appréciation.

39. Il résulte de ce qui précède que le préjudice total de Mme A... s'élève à la somme de 19 809,08 euros. Eu égard au taux de perte de chance de 10 % qui a été exposé, les HCL et la société Relyens doivent ainsi être condamnés à lui verser la somme de 1 980,91 euros.

40. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... et ses proches sont uniquement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon n'a pas porté aux montants respectifs de 56 098,19 euros pour Mme D... et 796,64 euros pour M. A..., les sommes que les HCL et la société Relyens ont été condamnés à leur verser. Les HCL et la société Relyens sont par ailleurs uniquement fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal n'a pas limité à 10 469,64 euros la somme qu'il a condamné les HCL à verser à la CPAM du Rhône au titre de ses débours et à 1 980,91 euros la somme que les HCL et la société Relyens ont été condamnés à verser à Mme A....

Sur les frais de l'instance :

41. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des HCL et de la société Relyens une somme de 1 500 euros à verser à Mme D... et ses enfants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les HCL n'étant par ailleurs pas partie perdante dans le litige qui les oppose à la CPAM du Rhône, les conclusions présentées par cette dernière sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les hospices civils de Lyon et la société Relyens Mutual Insurance sont condamnés à verser à Mme D... la somme de 56 098,19 euros.

Article 2 : Les hospices civils de Lyon et la société Relyens Mutual Insurance sont condamnés à verser à M. A... la somme de 796,64 euros.

Article 3 : Les hospices civils de Lyon et la société Relyens Mutual Insurance sont condamnés à verser à Mme A... la somme de 1 980,91 euros.

Article 4 : Les hospices civils de Lyon sont condamnés à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône la somme de 10 469,64 euros.

Article 5 : Les articles 1er à 4 du jugement n° 2106056 du 14 février 2023 du tribunal administratif de Lyon sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Les hospices civils de Lyon et la société Relyens Mutual Insurance verseront à Mme D..., M. A... et Mme A... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., à M. C... A..., à Mme E... A..., aux hospices civils de Lyon, à la société Relyens Mutual Insurance, à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la mutuelle générale de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juillet 2024.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01064 - 23LY01282


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01064
Date de la décision : 15/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SARL LE PRADO - GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-15;23ly01064 ?
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