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11/07/2024 | FRANCE | N°23LY02351

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 11 juillet 2024, 23LY02351


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



L'EURL Immobilière Thierry Desserey a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015, 2016 et 2017 et des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2201249 du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête, enre

gistrée le 17 juillet 2023, et un mémoire, enregistré le 6 juin 2024, non communiqué, l'EURL Immobilière Thierry Desserey, re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL Immobilière Thierry Desserey a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015, 2016 et 2017 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2201249 du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2023, et un mémoire, enregistré le 6 juin 2024, non communiqué, l'EURL Immobilière Thierry Desserey, représentée par Me de Stefano, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'EURL Immobilière Thierry Desserey, soutient que :

- l'administration a méconnu son droit à un débat oral et contradictoire et le principe du respect des droits de la défense en se bornant à demander la communication de documents sans discussion sur les points qu'elle envisageait de retenir et en refusant d'engager un dialogue avec son conseil régulièrement désigné avant la clôture des opérations de contrôle ;

- l'administration l'a privée du bénéfice du recours hiérarchique demandé le 24 avril 2019 et ne lui a pas notifié l'avis de dégrèvement et son intention de l'imposer à nouveau avant de remettre les impositions en recouvrement.

Par un mémoire, enregistré le 22 décembre 2023, le ministre de l'économie et des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 21 mai 2024 la clôture de l'instruction a été fixée au 6 juin 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laval, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Immobilière Thierry Desserey, qui donnait en location des locaux commerciaux dans la galerie marchande attenante à un supermarché situé à Venarey-lès-Laumes (Côte-d'Or), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. A l'issue de ce contrôle, l'administration a, notamment, remis en cause l'exonération prévue à l'article 44 sexies du code général des impôt en faveur des entreprises nouvelles implantées dans une zone de revitalisation rurale sous le bénéfice de laquelle la société s'était placée. En conséquence de ce contrôle, l'EURL Immobilière Thierry Desserey a été assujettie, selon la procédure contradictoire, à des compléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2015, 2016 et 2017 par un avis de mise en recouvrement du 31 juillet 2019. L'EURL Immobilière Thierry Desserrey relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

2. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration. ". La charte des droits et obligations du contribuable vérifié prévoit, dans sa version applicable à la procédure en litige, que : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal. ". Ces dispositions assurent au contribuable qui en fait la demande la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de rectification, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur dans les conditions qu'elles précisent. La mise en œuvre de cette garantie doit être demandée par le contribuable avant la décision d'imposition, c'est-à-dire la date de mise en recouvrement d'une imposition supplémentaire résultant des opérations de contrôle entrant dans le champ de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié.

3. Si aucune disposition du code général des impôts ne fait obstacle à ce que l'administration, après avoir reconnu, à la suite notamment d'une réclamation contentieuse du contribuable, l'irrégularité de la procédure de redressement suivie, reprenne cette procédure dans la seule mesure nécessaire à sa régularisation et dans le délai imparti par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, afin de parvenir à la fixation de l'imposition dans des conditions régulières et établir, sur les mêmes bases, une nouvelle imposition, cette faculté ne lui est cependant ouverte qu'autant, d'une part, qu'elle a expressément constaté l'irrégularité de la première procédure en notifiant le dégrèvement de l'imposition précédente et, d'autre part, informé le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer.

4. Il résulte de l'instruction que l'administration a informé l'EURL Immobilière Thierry Desserey de son intention de remettre en cause l'exonération de l'article 44 sexies du code général des impôts appliquée pour l'imposition des résultats des exercices clos en 2015, 2016 et 2017 par une proposition de rectification du 7 décembre 2018. La société a présenté ses observations en réponse à cette proposition de rectification par un courrier du 19 février 2019. Par un courrier portant réponse aux observations du contribuable du 12 mars 2019, l'administration a confirmé les rectifications envisagées. Par une lettre du 24 avril 2019, parvenue à l'administration le 26 avril 2019, le conseil de l'EURL Immobilière Thierry Desserey a demandé la saisine du supérieur hiérarchique. Les impositions supplémentaires consécutives au contrôle ont été mises en recouvrement par avis de mise en recouvrement du 30 avril 2019. Par une lettre du 17 mai 2019, reçue le 21 mai 2019, l'inspecteur principal lui a proposé plusieurs dates pour un rendez-vous, fixé en définitive au 3 juin 2019 après plusieurs échanges de mails les 23 et 24 mai 2019. Le 31 mai 2019, l'EURL Immobilière Thierry Desserey a réceptionné un commandement valant mise en demeure de payer ces impositions en date du 15 mai 2019, délivré par le comptable public en charge du recouvrement. Le 1er juin 2019, l'EURL Immobilière Thierry Desserey a présenté une réclamation contentieuse contre ces impositions, en indiquant qu'elle ne se rendrait pas au rendez-vous fixé pour le recours hiérarchique compte tenu de la mise en recouvrement des impositions. Par une lettre du 4 juin 2019, à laquelle était annexé un bulletin de situation fiscale, daté du 3 juin 2019, l'inspecteur principal a informé le conseil de l'EURL Immobilière Thierry Desserey d'un dégrèvement de ces impositions intervenu le 20 mai 2019 et lui a proposé de nouvelles dates pour un rendez-vous avec le supérieur hiérarchique. Par une décision du 5 juin 2019, l'administration a rejeté la réclamation contentieuse en précisant que le dégrèvement d'office prononcé le 20 mai 2019 avait pour objet de permettre l'exercice du recours hiérarchique et ne valait pas reconnaissance du mal-fondé des impositions, lesquelles étaient susceptibles de faire l'objet d'une nouvelle mise en recouvrement. Par une lettre du 20 juin 2019, l'EURL Immobilière Thierry Desserey a réclamé la copie de l'avis de dégrèvement et rappelé qu'elle allait contester le rejet de sa réclamation contentieuse devant le tribunal administratif de Dijon. Le 28 juillet 2019, l'EURL Immobilière Thierry Desserey a saisi le tribunal administratif de Dijon d'une demande de décharge des impositions mises en recouvrement le 30 avril 2019. Les impositions supplémentaires consécutives au contrôle ont été, à nouveau, mises en recouvrement par avis de mise en recouvrement du 31 juillet 2019. Par une ordonnance n° 1902197 du 29 octobre 2019, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de décharge des impositions mise en recouvrement le 30 avril 2019 comme étant irrecevable au motif qu'elles avaient été dégrevées par décision du 15 mai 2019.

5. Il résulte de ce qui précède que, si l'EURL Immobilière Thierry Desserey a été informée de ce que les impositions mises en recouvrement le 30 avril 2019, avaient donné lieu à une décision de dégrèvement pour permettre l'exercice du recours hiérarchique dont elle avait été privé et de ce que l'administration persistait dans son intention de l'imposer, la décision de dégrèvement des impositions mises en recouvrement le 30 avril 2019 ne lui a pas été notifiée avant le 31 juillet 2019, date à laquelle elles ont été à nouveau mises en recouvrement, cette décision lui ayant été transmise pour la première fois, en pièce jointe annexée au mémoire en défense de l'administration dans l'instance introduite contre les impositions, mises en recouvrement le 30 avril 2019, ayant conduit à l'ordonnance de rejet pour irrecevabilité. Si le ministre fait valoir que l'EURL Immobilière Thierry Desserey a reçu, avant la mise en recouvrement des impositions en litige, un bordereau de situation fiscale, ce document, qui a pour objet de constater l'état des dettes et des créances entre un contribuable et le Trésor, ne peut tenir lieu de la décision de dégrèvement dont la notification préalable au contribuable est une condition de la régularisation de la procédure irrégulière suivie à son encontre. L'absence de notification préalable de la décision de dégrèvement, qui n'a pas permis à l'EURL de s'assurer que l'administration avait, sans nul doute possible, reconnu l'irrégularité de la procédure d'imposition pour la reprendre, ensuite, dans des conditions régulières a privé l'EURL Immobilière Thierry Desserey de la garantie tenant à l'exercice du recours hiérarchique. Elle est, par suite, fondée à soutenir que les impositions auxquelles elle été assujettie ont été établies à l'issue d'une procédure irrégulière.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il besoin d'examiner l'autre moyen invoqué, que l'EURL Immobilière Thierry Desserey est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à l'EURL Immobilière Thierry Desserey au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2201249 du tribunal administratif de Dijon du 16 mai 2023 est annulé.

Article 2 : L'EURL Immobilière Thierry Desserey est déchargée des compléments d'impôt sur le revenu auxquels elle a été assujettie au titre des années 2015, 2016 et 2017.

Article 3 : L'Etat versera à l'EURL Immobilière Thierry Desserey une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la EURL Immobilière Thierry Desserey et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2024.

Le rapporteur,

J-S. Laval

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 23LY02351


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