Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SCI Fonvan a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 26 juin 2020 par laquelle le maire de la commune d'Annecy a exercé le droit de préemption urbain sur les lots appartenant à Mme A... situés ... à Annecy (Cran-Gevrier), ensemble la décision du 11 mars 2021 refusant de retirer la décision de préemption.
Par un jugement n° 2003829 du 11 décembre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 janvier 2024 et 7 mars 2024, la SCI Fonvan, représentée par la Selarl Conseil Affaires Publiques, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 décembre 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler la décision du 26 juin 2020 par laquelle le maire de la commune d'Annecy a exercé le droit de préemption urbain sur les lots appartenant à Mme A... situés ... à Annecy (Cran-Gevrier), ensemble la décision du 11 mars 2021 refusant de retirer la décision de préemption ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Annecy une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle confirme le maintien de sa requête, conformément aux dispositions de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative ;
- la décision de préemption est entachée d'incompétence en l'absence de justification de l'existence et du caractère exécutoire de la délégation donnée le 24 septembre 2018 par le conseil municipal ; le conseil municipal de Cran Gevrier n'a pu donner compétence qu'à son maire, et le maire de la commune nouvelle d'Annecy ne justifie nullement de sa substitution dans les pouvoirs que ce dernier détenait ; en tout état de cause, l'agglomération du Grand Annecy est compétente en matière de droit de préemption depuis le 1er janvier 2017 ;
- le caractère exécutoire de la délibération du 13 janvier 2017 du conseil de communauté n'est pas démontré ;
- la décision de préemption est tardive dès lors que la commune ne pouvait légalement préempter le bien qu'avant le 10 avril 2020 ; à cet égard, la réception de la déclaration d'intention d'aliéner le 10 février 2020 laissait à la commune jusqu'au 10 avril pour notifier sa décision de préempter, en ce que le délai, suspendu au 12 mars en application de l'article 12 quater de l'ordonnance du 25 mars 2020, a repris son cours au 24 mai ; rien n'indique que cette décision a été transmise au contrôle de légalité ; le délai n'a pas pu être suspendu à deux reprises par une demande de pièces puis par une visite ;
- la préemption en litige ne comporte pas de projet réel et elle contrarie les objectifs de l'orientation d'aménagement et de programmation du Pont Neuf ;
- la préemption en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 213-1 du code de l'urbanisme ;
- l'exercice du droit de préemption ne comporte pas un intérêt général suffisant.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 avril 2024, la commune d'Annecy, représentée par la Selarl CDMF-Avocats Affaires Publiques, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la requête d'appel est irrecevable, faute pour la SCI de justifier d'un intérêt à agir ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 29 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 29 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère,
- les conclusions de Mme Mauclair, rapporteure publique,
- et les observations de Me Djeffal substituant Me Mollion représentant la SCI Fonvan et de Me Métier substituant Me Fiat représentant la commune d'Annecy.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Fonvan, en tant qu'acquéreur évincé, relève appel du jugement du 11 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 26 juin 2020 du maire de la commune d'Annecy exerçant le droit de préemption urbain sur les lots appartenant à Mme A... situés ... à Annecy (Cran-Gevrier), ensemble la décision du 11 mars 2021 refusant de retirer la décision de préemption.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme : " Lorsque la commune fait partie d'un établissement public de coopération intercommunale y ayant vocation, elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer tout ou partie des compétences qui lui sont attribuées par le présent chapitre. / Toutefois, la compétence d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, d'un établissement public territorial créé en application de l'article L. 5219-2 du code général des collectivités territoriales, ainsi que celle de la métropole de Lyon en matière de plan local d'urbanisme, emporte leur compétence de plein droit en matière de droit de préemption urbain ". Aux termes de l'article L. 213-3 du même code : " Le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l'Etat, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement. Cette délégation peut porter sur une ou plusieurs parties des zones concernées ou être accordée à l'occasion de l'aliénation d'un bien. Les biens ainsi acquis entrent dans le patrimoine du délégataire. Dans les articles L. 211-1 et suivants, L. 212-1 et suivants et L. 213-1 et suivants, l'expression " titulaire du droit de préemption " s'entend également, s'il y a lieu, du délégataire en application du présent article ". Aux termes de l'article R. 213-1 dudit code : " La délégation du droit de préemption prévue par l'article L. 213-3 résulte d'une délibération de l'organe délibérant du titulaire du droit de préemption. / Cette délibération précise, le cas échéant, les conditions auxquelles la délégation est subordonnée (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales dispose que le maire peut, " par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (...) 15° D'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues au premier alinéa de l'article L. 213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 14 juillet 2016, la commune de Cran-Gevrier a fusionné avec les communes d'Annecy, d'Annecy-le-Vieux, Meythet, Pringy et Seynod en une seule et même commune dénommée la commune d'Annecy, laquelle relève de l'agglomération du Grand Annecy, compétente depuis le 1er janvier 2017 en matière de plan local d'urbanisme et donc de préemption en application des dispositions précitées de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme. Par une délibération du 13 janvier 2017 la communauté d'agglomération du Grand Annecy a délégué le droit de préemption aux communes membres. Cette délibération, produite en première instance, a été reçue en préfecture et affichée le 23 janvier 2017 comme l'indiquent les mentions qu'elle comporte et qui ne sont pas sérieusement contestées, et est donc exécutoire depuis cette date, comme l'a relevé le tribunal qui s'est prononcé sur ce caractère exécutoire, contrairement aux allégations de la société requérante. Par ailleurs, par une délibération du 24 septembre 2018, le conseil municipal d'Annecy a délégué l'exercice du droit de préemption au maire, et le caractère exécutoire de cette délibération, signée pour extrait conforme par le directeur général des services, comporte la mention " Délibération publiée le 1er octobre 2018 " et un cachet de réception en préfecture le 1er octobre 2018, et aucune disposition législative ou règlementaire ne fait ainsi obstacle à ce qu'un directeur général de services certifie de ces formalités. Il suit de là que la décision de préemption du 26 juin 2020 n'est pas entachée d'incompétence.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée ou, en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix, ainsi que les informations dues au titre de l'article L. 514-20 du code de l'environnement. Le titulaire du droit de préemption peut, dans le délai de deux mois prévu au troisième alinéa du présent article, adresser au propriétaire une demande unique de communication des documents permettant d'apprécier la consistance et l'état de l'immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière. (...) Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au premier alinéa ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / Lorsqu'il envisage d'acquérir le bien, le titulaire du droit de préemption transmet sans délai copie de la déclaration d'intention d'aliéner au responsable départemental des services fiscaux. La décision du titulaire fait l'objet d'une publication. Elle est notifiée au vendeur, au notaire et, le cas échéant, à la personne mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner qui avait l'intention d'acquérir le bien. (...) / Le titulaire du droit de préemption peut demander à visiter le bien dans des conditions fixées par décret. (...) ".
5. L'article 12 quater de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période dispose que : " Sans préjudice de la faculté de prévoir, pour les mêmes motifs que ceux énoncés à l'article 9, une reprise des délais par décret, les délais relatifs aux procédures de préemption, prévues au titre Ier du livre II du code de l'urbanisme et au chapitre III du titre IV du livre Ier du code rural et de la pêche maritime, à l'issue desquels une décision, un accord ou un avis de l'un des organismes ou personnes mentionnés à l'article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020, sont, à cette date, suspendus. Ils reprennent leur cours à compter du 24 mai 2020 pour la durée restant à courir le 12 mars 2020. / Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et le 23 mai 2020 est reporté à l'achèvement de celle-ci ".
6. Aucune disposition légale ou réglementaire ne s'oppose à ce que le titulaire du droit de préemption présente une demande de documents et une demande de visite, soit au même moment, soit successivement, dès lors que celles-ci interviennent dans le délai légal de deux mois laissé au titulaire pour exercer son droit de préemption. Par ailleurs, le délai laissé au titulaire du droit de préemption pour exercer ce droit, lorsqu'il a été régulièrement suspendu par la réception par le propriétaire de la demande de visite du bien ou de communication des documents permettant d'apprécier la consistance et l'état de l'immeuble, reprend son cours, selon le cas, soit à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, soit du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption, soit du plus tardif de ces événements en cas de demande à la fois de visite et de communication de documents.
7. Il ressort des pièces du dossier que la déclaration d'intention d'aliéner du bien en litige a été réceptionnée le 10 février 2020. Compte tenu de la suspension du délai de deux mois prévue par les dispositions précitées pendant la période d'urgence sanitaire, le délai de la décision de préemption en litige courrait jusqu'au 24 mai 2020, période pendant laquelle l'administration a au demeurant présenté une demande de pièces complémentaires le 17 mars 2020 et à laquelle il a été répondu le 6 avril suivant. Compte tenu de la demande de visite des lieux présentée le 5 juin 2020, pour une visite réalisée le 16 juin suivant, emportant un nouveau délai d'un mois pour préempter, ce délai expirait le 16 juillet 2020. En application des dispositions précitées, la notification de la décision de préemption en date du 6 juillet 2020 n'est ainsi pas tardive.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 213-1 du code de l'urbanisme, est soumis au droit de préemption urbain, notamment : " 1° Tout immeuble ou ensemble de droits sociaux donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance d'un immeuble ou d'une partie d'immeuble, bâti ou non bâti, lorsqu'ils sont aliénés, à titre onéreux, sous quelque forme que ce soit ". Il énumère également les immeubles ou opérations de cession qui ne sont pas soumis au droit de préemption. L'article L. 213-2 du même code précise que : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée (...) ".
9. Il résulte de ces dispositions que la circonstance qu'une parcelle soit grevée d'un bail, qui ne figure pas au nombre des exemptions prévues à l'article L. 213-1 du code de l'urbanisme, ne fait pas, par elle-même, obstacle à l'exercice du droit de préemption lorsqu'elle fait l'objet d'une aliénation soumise au droit de préemption en vertu de cet article.
10. La commune d'Annecy a manifesté le 26 juin 2020 son intention d'acquérir les lots à usage commercial appartenant à Mme A... situés dans une copropriété qui a été érigée sur des terrains appartenant à la congrégation des sœurs de Saint-Joseph d'Annecy en vertu d'un bail à construction consenti en 1935 et régulièrement renouvelé depuis. Il ressort du compromis de vente signé le 9 janvier 2020 entre Mme A... et la SCI Fonvan que cette société acquiert la pleine propriété des lots 2 à 6 de l'ensemble immobilier dénommé Groupe E situé au .... Le bail du 7 octobre 2013 conclu entre la province des sœurs de Saint-Joseph d'Annecy et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 16 avenue du Pont Neuf mentionne que Mme A... est nue-propriétaire des constructions formant les groupes A, B, C, D et rez-de-chaussée du groupe E de l'immeuble. Il indique également qu'il existe sur ce terrain un ensemble de bâtiments en copropriété dont les parties communes appartiennent au preneur, c'est-à-dire le syndicat des copropriétaires, et dont les parties privatives appartiennent à différentes personnes pendant la durée du bail. Contrairement à ce que soutient la SCI Fonvan, la préemption litigieuse ne porte donc pas sur un droit au bail mais sur un transfert de propriété de plusieurs lots d'un immeuble et relève bien du champ d'application de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 213-1 du code de l'urbanisme doit être écarté.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, à préserver la qualité de la ressource en eau et à permettre l'adaptation des territoires au recul du trait de côte, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser la mutation, le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels, notamment en recherchant l'optimisation de l'utilisation des espaces urbanisés et à urbaniser ".
12. Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de vérifier si le projet d'action ou d'opération envisagé par le titulaire du droit de préemption est de nature à justifier légalement l'exercice de ce droit.
13. D'une part, la décision de préemption relève que le projet de renouvellement urbain du secteur des Trois Fontaines intègre le secteur du Pont Neuf dont les enjeux sont retranscrits dans une OAP identifiant ce secteur comme étant destiné à recevoir des programmes de logements, qu'une première phase de concertation engagée sur le renouvellement du secteur des Trois Fontaines a eu lieu en 2019 aboutissant à des scénarii d'aménagements et que le programme local de l'habitat (PLH) prévoit en moyenne 1 600 logements par an dont 80 % à édifier dans le cœur de l'agglomération. D'autre part, le PLU de la commune déléguée de Cran-Gevrier sur laquelle se situe le bien objet de la préemption litigieuse identifie comme secteur stratégique de renouvellement urbain le quartier du Pont neuf, dont les enjeux sont retranscrits dans une OAP de deux hectares identifiant ce secteur comme destiné à réaliser un front bâti mixte (logements/commerces). L'article 1.2 du programme local d'habitat pour la période 2020-2025 approuvé en décembre 2019 prévoit un plan pluriannuel d'action foncière. La commune d'Annecy a, quant à elle, communiqué les secteurs à enjeux à inscrire au titre de ce plan pluriannuel d'action foncière, dont fait partie l'ensemble du secteur des Trois Fontaines. Enfin, la commune déléguée de Cran-Gevrier et l'agglomération d'Annecy ont précédemment acquis des bâtiments dans ce secteur - et plus particulièrement avenue du Pont Neuf - pour accueillir des logements sociaux. Ainsi, la commune d'Annecy justifie, à la date de la décision contestée, d'un projet de renouvellement urbain dans le secteur du Pont Neuf répondant aux objectifs de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme.
14. En dernier lieu, la préemption porte sur des locaux à usage commercial pour un montant de 690 000 euros et vise à construire un bâtiment en R+5 dans un secteur à proximité immédiate du centre-ville de la commune nouvelle d'Annecy soumise à une forte pression foncière. La SCI Fonvan fait valoir que l'opération s'élève à un budget conséquent, pour l'acquisition unique d'un local commercial et d'un tènement modeste, et grevé au surplus d'un bail civil pour dix-huit ans. Il ressort effectivement de l'OAP du secteur que le quartier appartient en grande partie à la congrégation des sœurs de Saint-Joseph ce qui conduit le plus souvent, voir exclusivement, à des opérations de construction sur terrain d'autrui avec gestion dans le temps par des baux. Toutefois, le bail civil qui grève le local commercial a été consenti en 1935 tel que cela ressort du compromis de vente et a été constamment renouvelé depuis lors. Par un courrier du 3 juillet 2009, la responsable de cette congrégation a indiqué à la commune d'Annecy que la province de France des sœurs de Saint-Joseph était disposée à consentir des baux à long terme permettant de créer les droits nécessaires à la construction de projets neufs de logements sociaux ou mixtes. Ainsi, la seule circonstance que le local préempté soit édifié sur un terrain grevé d'un bail civil n'est pas un obstacle à la réalisation du projet recherché par la commune dès lors que ce bail a été consenti depuis 1935 et n'a cessé jusqu'à aujourd'hui d'être reconduit et que dans l'hypothèse où le bail ne serait pas renouvelé le bailleur devrait, en application de l'article 555 du code civil mentionné d'ailleurs dans le bail, indemniser le propriétaire des constructions. Enfin, si la SCI Fonvan souligne le prix excessif de cet achat, elle ne l'établit pas alors qu'elle souhaitait d'ailleurs faire l'acquisition à ce même prix, et que ce montant a été validé par les services de France Domaine. Dans ces conditions, la préemption, qui permet de poursuivre l'action de renouvellement urbain menée dans ce secteur par la commune, répond à un intérêt général suffisant et le moyen doit, dès lors, être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la SCI Fonvan n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Fonvan le versement à la commune d'Annecy de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI Fonvan est rejetée.
Article 2 : La SCI Fonvan versera à la commune d'Annecy la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Fonvan et à la commune d'Annecy.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,
Mme Christine Psilakis, première conseillère,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.
La rapporteure,
C. Burnichon
La présidente,
M. B...La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 24LY00139 2