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09/07/2024 | FRANCE | N°22LY00054

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 09 juillet 2024, 22LY00054


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision née le 28 février 2019 par laquelle le maire de la commune de Morillon a refusé de constater la caducité du permis de construire accordé le 8 mars 2011 à Mme C....



Par un jugement n° 1902897 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision née le 28 février 2019 et a enjoint au maire de Morillon de constater la caducité du permis de construire d

élivré le 8 mars 2011.



Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire, enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision née le 28 février 2019 par laquelle le maire de la commune de Morillon a refusé de constater la caducité du permis de construire accordé le 8 mars 2011 à Mme C....

Par un jugement n° 1902897 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision née le 28 février 2019 et a enjoint au maire de Morillon de constater la caducité du permis de construire délivré le 8 mars 2011.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 janvier 2022 et le 21 août 2023, Mme A... C..., représentée par Me Philippe, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 novembre 2021 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter la demande de première instance présentée par Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance n'est pas recevable, Mme B... n'ayant pas intérêt à agir ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'interruption du délai de validité par le fait de l'administration ;

- le permis de construire n'était pas périmé, les travaux entrepris à compter du mois de mars 2013, dans son délai de validité de trois ans, étant réels et suffisants et n'ayant pas été interrompus pendant un délai supérieur à une année ;

- le délai a, en tout état de cause, été interrompu par le fait d'un tiers, eu égard aux agissements de sa voisine faisant obstacle au passage avec la mise en place de divers obstacles puis d'une chaîne ; il a également été interrompu par le fait de l'administration ainsi que par les différentes instances judiciaires qui ont dû être introduites, portant notamment sur son droit de passage, qui ont une incidence directe sur la validité du permis de construire ; il a également été interrompu sur le fondement de l'article R. 424-20 du code de l'urbanisme, la reconnaissance d'un droit de passage ayant été nécessaire ; dans ces conditions, le délai de validité du permis, qui avait commencé à courir à compter du 18 février 2013, a été interrompu et n'a pu reprendre qu'à compter du jugement du 15 septembre 2021 établissant une servitude légale de passage ;

- la réalisation des travaux de construction étant subordonnée à l'obtention du droit de passage, le délai de trois mois courrait dès lors, en application de l'article R. 424-20 du code de l'urbanisme, à compter de la date à laquelle les travaux pouvaient commencer ;

- saisie par l'effet dévolutif du litige, la cour devra rejeter la demande de première instance, le permis de construire n'étant pas périmé.

Par des mémoires enregistrés le 31 août 2022 et le 11 septembre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme B..., représentée par le cabinet d'avocats Merotto, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge respective de Mme C... et de la commune de Morillon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a un intérêt à agir contre la décision en litige ;

- les moyens ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 22 décembre 2022, la commune de Morillon, représentée par Me Duraz, conclut à l'annulation du jugement du 9 novembre 2021 du tribunal administratif de Grenoble, au rejet de la demande de première instance et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les travaux ont été suffisants pour constituer un commencement de construction de nature à interrompre le délai de validité du permis de construire.

Par une ordonnance du 23 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 2014-1661 du 29 décembre 2014 ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mehl-Schouder, présidente-rapporteure,

- les conclusions de Mme Mauclair, rapporteure publique,

- les observations de Me Philippe, pour Mme C..., de Me Frigière, substituant le cabinet Merotto, pour Mme B....

1. Par un arrêté du 8 mars 2011, le maire de la commune de Morillon a délivré à Mme C... un permis de construire portant sur la réalisation d'une maison d'habitation d'une surface de plancher de 239 m² sur des parcelles cadastrées section B .... Mme B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision née le 28 février 2019 par laquelle le maire de la commune de Morillon a refusé de constater la caducité de ce permis de construire. Par un jugement du 9 novembre 2021, le tribunal a annulé ce refus et a enjoint au maire de Morillon de constater cette caducité, dans un délai de deux mois. Mme C... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Mme C... soutient, dans son mémoire ampliatif du 21 août 2023, que le tribunal a omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce que le fait de l'administration a interrompu le délai de validité du permis de construire. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que ce moyen, qui serait au demeurant irrecevable en ce qu'il relèverait d'une causalité juridique distincte, ait été présenté en première instance. Il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. Mme B... justifie être propriétaire d'une maison d'habitation située sur les parcelles mitoyennes du terrain d'assiette du projet autorisé par le permis de construire délivré le 8 mars 2021. Elle a une vue directe sur ce projet, qui porte sur la réalisation d'une construction de 239 m² de surface hors œuvre, et l'accès s'opère par son tènement. Elle a enfin demandé au maire de la commune de Morillon de constater la caducité de cette autorisation d'urbanisme, le litige portant sur le rejet implicite de sa demande. Elle a, dans ces conditions, et en admettant même qu'elle ne soit pas domiciliée à cette adresse, un intérêt lui donnant un intérêt à agir contre ce rejet implicite. La fin de non-recevoir opposée par Mme C... ne peut, dès lors, être accueillie.

Sur la légalité du refus de constater la caducité du permis de construire :

4. Aux termes de l'article R.424-17 du code de l'urbanisme, dans sa version en vigueur à la date de délivrance du permis de construire litigieux : " Le permis de construire (...) est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. / Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année (...) ". Aux termes de cet article R. 424-17, dans sa version modifiée par le 1° de l'article 3 du décret n° 2016-6 du 5 janvier 2016 : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. / Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. (...) ". L'article 7 de ce décret du 5 janvier 2016 précise que " Les dispositions prévues aux articles 3 et 6 du présent décret s'appliquent aux autorisations en cours de validité à la date de publication du présent décret. (...) ".

5. Aux termes de l'article 1er du décret du 29 décembre 2014 : " Par dérogation aux dispositions figurant aux premier et troisième alinéas de l'article R. 424-17 et à l'article R. 424-18 du code de l'urbanisme, le délai de validité des permis de construire (...) intervenus au plus tard le 31 décembre 2015 est porté à trois ans (...) ". Aux termes de l'article 2 de ce même décret : " Le présent décret s'applique aux autorisations en cours de validité à la date de sa publication (...) ".

6. Aux termes de l'article R. 424-19 du même code : " En cas de recours devant la juridiction administrative contre le permis (...) ou de recours devant la juridiction civile en application de l'article L. 480-13, le délai de validité prévu à l'article R. 424-17 est suspendu jusqu'au prononcé d'une décision juridictionnelle irrévocable ".

7. En l'espèce, d'une part, le permis de construire délivré le 8 mars 2011 à Mme C... a fait l'objet d'un recours contentieux introduit le 13 juillet 2011 devant le tribunal administratif de Grenoble et rejeté par une ordonnance du 18 février 2013 devenue définitive. Le délai de validité du permis de construire a, par suite, été suspendu pendant cette instance en vertu des dispositions précitées de l'article R. 424-19 du code de l'urbanisme. S'il n'est pas justifié de la date de notification de ce permis, Mme C..., mise en cause dans cette instance devant le tribunal, a produit le 30 septembre 2011 une défense d'où il résulte qu'elle avait, au plus tard à cette date, reçu notification de ce permis de construire. Le délai de validité, qui était encore alors de deux ans, expirait ainsi en principe le 18 février 2015. Ce permis de construire était de ce fait encore en cours de validité à la date de publication du décret du 29 décembre 2014 et le délai de péremption, désormais fixé à trois ans, expirait ainsi le 18 février 2016.

8. Si Mme C... se prévaut du comportement de la commune, et plus particulièrement de son abstention à mettre fin à des agissements, qu'elle estime irréguliers, de sa voisine, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que l'absence d'exécution des travaux ou l'arrêt des travaux serait imputable à un fait du maire de Morillon de nature à interrompre le délai de validité du permis de construire.

9. Par ailleurs l'intéressée invoque également le fait du tiers ou l'existence d'un évènement de force majeure en raison de l'opposition de sa voisine, qui, contestant l'existence d'une servitude de passage, aurait mis en place de nombreux obstacles, notamment matériels, afin d'empêcher la réalisation des travaux, et se prévaut également des contentieux civils introduits et, notamment, du jugement du 18 novembre 2013 par lequel le tribunal de grande instance de Bonneville a constaté la caducité de la servitude de passage conventionnelle originelle mais lui a reconnu l'existence d'une tolérance de passage, et du jugement du 15 septembre 2021 par lequel le tribunal judiciaire de Bonneville, saisi d'une procédure en désenclavement par acte d'huissier signifié le 6 juin 2017, a institué une servitude de passage sur le fondement réactualisé du tracé de la tolérance de passage. Toutefois, les procédures civiles engagées sont étrangères à l'action en démolition de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, seule prise en compte par l'article R. 424-17 du même code, et la reconnaissance d'un droit de passage ou d'une servitude de passage par le juge judiciaire ne relève pas non plus du délai particulier de péremption prévu par les dispositions de l'article R. 424-20 du code de l'urbanisme. Par ailleurs, ni ces circonstances, ni ces procédures civiles ne constituent, alors même qu'elles sont étroitement liées à la bonne mise en œuvre de l'autorisation d'urbanisme, un fait du tiers de nature à suspendre ou interrompre le délai de validité du permis.

10. D'autre part, il ressort d'une lecture combinée des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de constat d'huissier du 1er mars 2013, des factures établies les 16 juillet 2013, 26 février 2015 et 24 octobre 2015 ou encore des photographies produites, que les seuls travaux réalisés, qui n'impliquaient pas d'ailleurs de démolition préalable, ont essentiellement porté, avant le 18 février 2016, sur le décapage de terre végétale, sur le raccordement du terrain à des réseaux et sur du terrassement. Dans ces conditions, et sans qu'y fasse obstacle la déclaration d'ouverture de chantier du 1er mars 2013, ces travaux ne peuvent être regardés comme étant d'une importance suffisante pour faire regarder la construction d'habitation autorisée, qui portait sur une surface de plancher de 239 m², comme ayant été entreprise et, par suite, comme ayant interrompu le délai de validité de trois ans du permis. En l'absence de commencement d'exécution des travaux, Mme C... ne peut pas plus utilement soutenir que les travaux n'auraient pas été interrompus pendant plus d'un an. Le permis de construire du 8 mars 2011 s'étant dès lors trouvé atteint par la péremption, le maire de la commune de Morillon a méconnu les dispositions de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme en refusant de constater la caducité de ce permis.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision refusant de constater la caducité du permis et a enjoint au maire de la constater.

Sur les frais liés au litige :

12. Les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par Mme C... et la commune de Morillon tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante, doivent être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge respective de Mme C... et de la commune de Morillon, le versement à Mme B..., chacune, d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés liés à l'instance et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Morillon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La commune de Morillon versera à Mme B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Mme C... versera à Mme B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à la commune de Morillon et à Mme D... B....

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Christine Psilakis, première conseillère,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.

La présidente-rapporteure,

M. Mehl-SchouderL'assesseure la plus ancienne,

C. Psilakis

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY00054 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00054
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-04-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Régime d'utilisation du permis. - Péremption.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Monique MEHL-SCHOUDER
Rapporteur public ?: Mme MAUCLAIR
Avocat(s) : LIOCHON DURAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;22ly00054 ?
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