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04/07/2024 | FRANCE | N°23LY03046

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 04 juillet 2024, 23LY03046


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



La société Kéwalé a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler une décision du 21 septembre 2020 par laquelle la directrice de l'Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) a retiré de son site internet la formation " tutorat : encadrement des stages des étudiants infirmiers " que la société proposait et a demandé à cette dernière de rembourser une somme de 150 769 euros, d'enjoindre à cette agence de réenregistrer sur son site cette for

mation, d'annuler le remboursement de la somme de 150 769 euros et d'en prononcer la décharge, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Kéwalé a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler une décision du 21 septembre 2020 par laquelle la directrice de l'Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) a retiré de son site internet la formation " tutorat : encadrement des stages des étudiants infirmiers " que la société proposait et a demandé à cette dernière de rembourser une somme de 150 769 euros, d'enjoindre à cette agence de réenregistrer sur son site cette formation, d'annuler le remboursement de la somme de 150 769 euros et d'en prononcer la décharge, de régler les factures en attente du 1er semestre 2020, d'un montant de 191 940,28 euros, de verser les indemnités aux stagiaires 2020 de cette formation et d'annuler les demandes de remboursement d'indus aux stagiaires déjà indemnisés, de verser les indemnités aux professionnels non indemnisés pour les formations réalisées au premier semestre 2020 et de ne pas exiger de ceux déjà indemnisés le remboursement d'un indu, de communiquer le jugement aux professionnels inscrits à la formation en 2020 ; la société Kéwalé a également demandé au tribunal de condamner l'agence à lui verser une somme de 302 506 euros au titre de son manque à gagner et une somme de 276 990 euros au titre de sa perte de chiffre d'affaires en 2020.

Par un jugement n° 2007040 du 21 juillet 2023, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions des 6 août 2020 et 21 septembre 2020 de la directrice de l'Agence nationale du développement professionnel continu, enjoint à cette agence de publier sur son site internet, dans un délai d'un mois, mais sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit, l'action de développement professionnel continu intitulée " tutorat : encadrement des stages des étudiants infirmiers " proposée par la société Kéwalé, a mis à la charge de l'agence une somme de 1 200 euros au titre des frais de procès et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés, respectivement, le 21 septembre 2023 et le 11 juin 2024, la société Kéwalé, représentée par la société d'avocats Fidal, agissant par Me Charvin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 juillet2023 du tribunal administratif de Grenoble en ce qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'injonction autres que celles tendant à la publication sur le site de l'ANDPC de l'action de formation " tutorat : encadrement des stages des étudiants infirmiers " et en ce qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires, et de confirmer ce jugement en ce qu'il a annulé les décisions de la directrice de l'agence des 6 août et 21 septembre 2021 ;

2°) d'enjoindre à l'agence d'annuler le remboursement de la somme de 150 769 euros et de l'en décharger du paiement, de lui régler les factures en instance, dont le montant s'élève à 191 940,28 euros, correspondant à des sessions de la formation " tutorat : encadrement des stages des étudiants infirmiers " réalisées durant le premier semestre 2020, de communiquer l'arrêt à venir à l'ensemble des professionnels de santé inscrits en 2020 à une session de cette formation ;

3°) de condamner l'agence à lui verser une somme de 302 506 euros au titre de son manque à gagner et une somme de 276 990 euros au titre de sa perte de chiffre d'affaires pour l'exercice 2020.

La société Kéwalé soutient que :

- l'orientation pluriannuelle prioritaire de développement professionnel continu n° 22 et l'instruction du 4 novembre 2016 établissant un cahier des charges, au contenu minimal, pour les professionnels de santé autres que médecins, ne faisaient pas obstacle à ce qu'elle dispense une formation sur la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) au sein de l'action de formation n° 11342000001 intitulée " tutorat : encadrement des stages des étudiants infirmiers ", laquelle avait d'ailleurs été préalablement validée par l'Agence nationale du développement professionnel continu ;

- le retrait de cette formation ayant été jugé illégal par le tribunal pour n'avoir pas été précédé d'une évaluation défavorable de la commission scientifique indépendante, l'Agence nationale du développement personnel continu lui est redevable de la participation financière pour frais pédagogiques correspondant aux sessions de l'action de formation n° 11342000001 réalisées au premier semestre 2020, soit une somme de 150 769 euros qu'elle a reversée à l'agence suite à la décision de retrait et une somme de 191 940,28 euros totalisant les montants des factures en attente pour la même période ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la moitié de la durée des quatre jours de l'action de formation n° 11342000001 a été consacrée à l'examen de la nomenclature générale des actes professionnels, alors que la commission scientifique indépendante, si elle avait été saisie par l'agence des observations qu'elle, société Kéwalé, avait présentées le 31 juillet 2020, aurait constaté que cet examen représentait une part très limitée de la durée de la formation ;

- en cas de retrait de l'action de formation, le refus de prise en charge des frais pédagogiques ou le remboursement des prises en charge effectuées ne présente pas de caractère automatique.

Par mémoires en défense enregistrés le 7 février 2024 et le 13 juin 2024, ce dernier non communiqué, l'Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC), représentée par le cabinet Aristee Avocats, agissant par Me Gonzalez, demande à la cour :

1°) de rejeter les " demandes de la société Kéwalé " ;

2°) de mettre à la charge de la société Kéwalé une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'agence fait valoir que :

- elle a retiré de son site la formation n° 11342000001 car cette action de formation portait, sans, frauduleusement, que cela ait été déclaré par la société Kéwalé, sur la nomenclature générale des actes professionnels, thème qui n'entrait pas dans le champ des objectifs poursuivis par le développement professionnel continu ni dans celui de l'orientation pluriannuelle prioritaire de développement professionnel continu faisant l'objet de la fiche de cadrage n° 22 " maîtrise de stage et tutorat en ambulatoire " ;

- la société Kéwalé ne peut pas prétendre à la prise en charge des frais pédagogiques, préjudice qui est dépourvu de lien avec la décision de retrait annulée en raison de l'absence de consultation préalable de la commission scientifique indépendante ;

- elle était tenue de refuser de prendre en charge les frais pédagogiques correspondant à cette formation, non conforme aux orientations pluriannuelles prioritaires, lesquels en outre ne sont pas matériellement établis ; par ailleurs, le préjudice tiré d'un manque à gagner est purement éventuel et n'est pas étayé ;

- le contrôle qu'elle a exercé, fondé sur l'article R. 4021-7 du code de la santé publique, n'était soumis à aucun formalisme et elle a respecté le principe du contradictoire ;

- il ressort des propos mêmes de la requérante que le thème de la nomenclature générale des actes professionnels couvrait la moitié de la durée de la formation ;

- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement car elle pouvait contrôler l'exécution de l'action de formation aussi bien que sa conformité, sans requérir l'avis d'une commission scientifique indépendante, laquelle évalue la qualité scientifique et pédagogique de la formation ;

- la directrice générale de l'agence était compétente, en application de l'article L. 4021-6 du code de la santé publique, pour, suite à signalement, prendre la mesure de retrait en litige, intervenue au terme d'une procédure régulière qui n'imposait pas d'accorder à la société Kéwalé un délai de quinze jours pour produire des observations sur cette mesure, ni de saisir pour avis une commission scientifique indépendante ;

- c'est à bon droit qu'elle a exigé le remboursement de la somme de 150 769 euros ;

- elle ne peut pas déférer à l'injonction prononcée le 21 juillet 2023 par le tribunal de publier sur son site internet l'action de formation en litige, qui était proposée dans le cadre de l'orientation pluriannuelle prioritaire de développement professionnel continu faisant l'objet de la fiche de cadrage n° 22 " maîtrise de stage et tutorat en ambulatoire ", laquelle orientation n'a pas été reprise par un arrêté interministériel du 7 septembre 2022, complété le 8 décembre 2022 et le 10 février 2023, qui définit de nouvelles orientations.

Par courrier du 30 mai 2024, les parties ont été informées, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour est susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, selon lequel la base légale tirée du pouvoir dont dispose l'administration, même sans texte, pour faire obstacle à la fraude, de retirer une action déposée sur le site de l'ANDPC, doit être substituée à la base légale erronée tirée de l'article R. 4021-5, III, 3° du code de la santé publique.

L'ANDPC a produit des observations le 7 juin 2024 ;

La société Kéwalé a produit des observations le 11 juin 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 17 juin 2024 :

- le rapport de M. Gros, premier conseiller ,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

- et les observations de Me Charvin, représentant la société Kéwalé, et celles de Me Gonzalez, représentant l'Agence nationale du développement professionnel continu.

Une note en délibéré, présentée pour l'ANDPC, a été enregistrée le 20 juin 2024.

Deux notes en délibéré ont été présentées pour la société Kéwalé, la première enregistrée le 20 juin, la seconde le 25 juin 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par courrier en date du 22 juillet 2020, la directrice générale de l'Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) a informé la société Kéwalé qu'elle retirerait l'enregistrement de cette dernière auprès de l'agence, et, conséquemment l'ensemble des actions de formation de la société publiées sur le site internet de l'agence, dans un délai de dix jours suivant la notification de ce courrier, délai durant lequel la société Kéwalé était invitée à présenter ses observations. La directrice générale a également demandé à cette société de reverser une somme de 150 769 euros correspondant à la prise en charge de frais pédagogiques pour neuf sessions d'une formation n° 11342000001 intitulée " tutorat : encadrement des stages des étudiants infirmiers ". Après que la société a produit des observations, la directrice générale de l'agence, par une décision en date du 6 août 2020, confirmée le 21 septembre 2020, a retiré cette formation du site internet de l'agence et maintenu son exigence de reversement de la somme de 150 769 euros. Le 17 novembre suivant, la société Kéwalé a réclamé à l'agence nationale du développement professionnel continu le versement d'une indemnité d'un montant total de 771 436 euros en réparation de préjudices nés de ce retrait qu'elle a estimé illégal. Elle relève appel du jugement du 21 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, tout en annulant les décisions des 6 août et 21 septembre 2020, n'a pas fait droit à une partie de ses conclusions en injonction ni à ses conclusions indemnitaires. Quant à l'ANDPC, eu égard à l'ensemble de ses écritures en défense, elle doit être regardée comme demandant, non seulement le rejet de la requête d'appel, mais également, à titre incident, l'annulation du jugement et le rejet des demandes de première instance et d'appel de la société Kéwalé.

Sur le bien-fondé du jugement

2. Aux termes de l'article L. 4021-1 du code de la santé publique : " Le développement professionnel continu a pour objectifs le maintien et l'actualisation des connaissances et des compétences ainsi que l'amélioration des pratiques. Il constitue une obligation pour les professionnels de santé. (...) ". Aux termes de l'article L. 4021-2 de ce code : " Un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale (...) définit les orientations pluriannuelles prioritaires de développement professionnel continu. Ces orientations comportent : / 1° Des orientations définies par profession ou par spécialité (...) / 2° Des orientations s'inscrivant dans le cadre de la politique nationale de santé ; (...) ". Aux termes de l'article L. 4021-7 du même code : " Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités selon lesquelles : / 1° Les organismes ou les structures peuvent présenter des actions ou des programmes s'inscrivant dans le cadre des orientations définies à l'article L. 4021-2 ; / 2° Les actions ou programmes mentionnés au 1° du présent article font l'objet d'une évaluation avant d'être mis à la disposition des professionnels de santé ; / 3° L'Agence nationale du développement professionnel continu contribue à la gestion financière des programmes et actions s'inscrivant dans le cadre des orientations pluriannuelles prioritaires définies à l'article L. 4021-2 ; / 3° bis L'Agence nationale du développement professionnel continu établit et met en œuvre le plan de contrôle du dispositif ; / 4° Des sanctions à caractère financier ou administratif peuvent être prises en cas de manquements constatés dans la mise en œuvre des actions et des programmes ".

3. Aux termes de l'article R. 4021-7 du code de la santé publique, dans sa version alors en vigueur : " Les missions de l'Agence nationale du développement professionnel continu sont les suivantes : / 1° Assurer le pilotage du dispositif de développement professionnel continu des professionnels de santé (...) : / a) Evaluer les organismes et structures qui souhaitent présenter des actions conformément aux dispositions des articles L. 4021-1 à L. 4021-2 (...) ". Aux termes du III de l'article R. 4021-13 de ce code, dans sa version alors en vigueur : " Les commissions scientifiques indépendantes exercent, dans le cadre des dispositions de l'article R. 4021-25 relatives au contrôle des actions de développement professionnel continu, les missions suivantes : / 1° Elles sont chargées de l'évaluation scientifique et pédagogique des actions s'inscrivant dans le cadre des orientations pluriannuelles prioritaires définies à l'article L. 4021-2 ; (...) ".

4. Aux termes de l'article R. 4021-24 du code de la santé publique : " Tout organisme ou structure qui souhaite présenter des actions de développement professionnel continu s'inscrivant dans le cadre des orientations définies à l'article L. 4021-2 dépose une demande d'enregistrement auprès de l'Agence nationale du développement professionnel continu. / L'Agence procède à l'enregistrement si l'organisme ou la structure satisfait à des critères, fixés par arrêté du ministre chargé de la santé, relatifs à sa capacité à proposer des actions de développement professionnel continu et à son indépendance à l'égard des entreprises fabriquant ou distribuant des produits de santé. / L'Agence peut mettre fin à l'enregistrement lorsqu'il est constaté que l'organisme ou de la structure ne remplit plus les critères mentionnés à l'alinéa précédent. Lorsqu'elle envisage de mettre fin à l'enregistrement, l'Agence en informe, par tout moyen permettant d'apporter la preuve de sa réception, l'organisme ou la structure, qui dispose d'un délai de quinze jours pour faire valoir ses observations ".

5. Aux termes de l'article R. 4021-25 du même code, dans sa version alors en vigueur : " I.- L'organisme ou la structure enregistré en application de l'article R. 4021-24 peut proposer des actions de développement professionnel continu, présentées sous forme dématérialisée conformément au modèle défini par un arrêté du ministre chargé de la santé. / Ces actions sont évaluées par les commissions scientifiques indépendantes, (...), sous la responsabilité de l'Agence nationale du développement professionnel continu. / Dans le cadre du plan national annuel de contrôle (...), des vérifications sont effectuées pour s'assurer que les actions mises en œuvre par les organismes ou structures et éligibles au financement de l'Agence sont conformes aux critères de qualité (...). / II.- Lorsque l'évaluation ou le contrôle défini au I est négatif, l'organisme ou la structure est informé, par tout moyen permettant d'apporter la preuve de sa réception, des manquements constatés lors de ces différents contrôles et des sanctions éventuelles encourues. Il dispose d'un délai de quinze jours francs pour faire valoir ses observations. / III.- Les sanctions d'une évaluation défavorable ou d'un contrôle qui laisse apparaître un manquement dans l'exécution de l'action sont : / 1° Le retrait de l'action ayant fait l'objet d'une évaluation défavorable de la liste des actions déposées sur le site internet de l'Agence nationale du développement professionnel continu ; / 2° Le retrait de l'enregistrement de l'organisme ou de la structure concerné s'il s'avère que la majorité des actions contrôlées au cours des trois derniers mois par les commissions scientifiques indépendantes ne satisfont pas les critères requis ; / 3° Le retrait de l'enregistrement de l'organisme ou de la structure concernée en cas de fausse déclaration ou de manœuvre frauduleuse. / La sanction est prononcée par le directeur général de l'Agence. / (...) / IV.- En cas de retrait prononcé conformément aux 1° à 3° du III, l'organisme ou de la structure concernée en informe sans délai les bénéficiaires de ses prestations. Chacun d'eux est informé que sa participation à de nouvelles sessions de l'action ou des actions en cause ne pourra pas être prise en compte pour valider son obligation de développement professionnel continu. / La prise en charge des frais pédagogiques exposés peut être refusée ou, le cas échéant, leur remboursement exigé. / (...) ".

6. Les dispositions précitées du 3° du III de l'article R. 4021-25 du code de la santé publique n'ont pas pour objet ni pour effet de faire obstacle au pouvoir général dont dispose l'ANDPC, pour faire obstacle à la fraude, de retirer un acte qui n'a été obtenu qu'au moyen d'une manœuvre frauduleuse, y compris s'agissant du dépôt d'une action sur le site internet de l'ANDPC.

7. Il est exact que l'objet des décisions contestées, prises les 6 août et 21 septembre 2020 par la directrice générale de l'ANDPC, qui consiste à retirer l'action " tutorat : encadrement des stages des étudiants infirmiers " du site de l'agence, en en tirant les conséquences sur les financements accordés, ne correspond pas à l'objet prévu par les dispositions précitées du 3° du III de l'article R. 4021-25 du code de la santé publique, qui réside dans le retrait de l'enregistrement d'un organisme ou d'une structure.

8. Il résulte toutefois de l'instruction et notamment des informations obtenues par l'ANDPC et qu'elle a produites en première instance que la société Kéwalé proposait aux stagiaires inscrits à la session de formation portant sur le tutorat des élèves infirmiers une mise à jour sur la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP), qui, s'étendant sur deux journées, occupait une part prédominante de cette formation d'une durée totale de quatre journées, alors que ce thème, qui n'est pas éligible, n'avait pas été annoncé dans le programme de formation que la société Kéwalé avait notifié pour validation à l'ANDPC, et qu'il n'était pas prévu, en tant que tel, dans les orientations pluriannuelles prioritaires de développement professionnel continu. En agissant de la sorte, la société Kéwalé doit être regardée comme s'étant livrée à une manœuvre frauduleuse qui seule lui a permis d'obtenir, d'abord l'inscription de la formation sur le site de l'agence, ensuite son financement par l'agence. La base légale tirée du pouvoir général dont dispose l'administration, même sans texte, de retirer un acte obtenu par fraude, qui permet de fonder la décision de retrait prise par l'ANDPC et ne prive la société requérante d'aucune garantie de procédure, doit dès lors être substituée à la base légale erronée sur laquelle s'est appuyée l'ANDPC pour procéder au retrait en litige.

9. Il résulte de ce qui précède que le tribunal ne pouvait pas, pour annuler les décisions contestées et prononcer une injonction, se fonder sur le moyen tiré d'un défaut de base légale affectant ces décisions. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens invoqués par la société, tant en première instance qu'en appel.

10. En premier lieu, la directrice générale de l'ANDPC, qui, selon l'article R. 4021-9 du code de la santé publique, " règle les affaires de l'agence, à l'exception de celles réservées aux autres instances ", était compétente, en l'absence de disposition attribuant compétence à une autre autorité, pour prendre les décisions contestées, en vertu du pouvoir général dont elle disposait, même sans texte, pour retirer un acte obtenu par fraude, tel qu'énoncé au point 6.

11. En deuxième lieu, le moyen de vice de procédure tiré de l'absence d'évaluation de l'action de formation en cause par une commission scientifique, telle que prévu par l'article R. 4021-25 du code de la santé publique, est inopérant.

12. En troisième lieu, la société Kéwalé a été invitée, par un courrier de l'agence en date du 22 juillet 2020, à présenter, sous dix jours, des observations sur le reproche exposé dans ce courrier, relatif au thème de la NGAP. La société a présenté ses observations le 31 juillet 2020 et la décision a été prise le 6 août suivant. Le moyen tiré d'un non-respect de la procédure contradictoire doit par conséquent être écarté.

13. En dernier lieu, ainsi qu'il a été exposé, la formation telle que proposée et dispensée par la requérante, qui ne correspondait pas au programme de cette action déposé sur le site de l'agence, n'entrait pas dans le champ des orientations pluriannuelles prioritaires de développement professionnel continu.

14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'ANDPC est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a fait droit partiellement aux conclusions de la société Kéwalé.

Sur les frais liés au litige :

15. L'ANDPC n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées à son encontre par la société requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'ANDPC sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2007040 du 21 juillet 2023 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les conclusions de première instance et d'appel de la société Kéwalé sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'Agence nationale du développement professionnel continu sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Kéwalé et à l'Agence nationale du développement professionnel continu.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Stillmunkes, président,

M. Gros, premier conseiller,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

Le rapporteur,

B.Gros

Le président,

H. Stillmunkes

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY03046


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03046
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

61-09 Santé publique. - Administration de la santé.


Composition du Tribunal
Président : M. STILLMUNKES
Rapporteur ?: M. Bernard GROS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : AG AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23ly03046 ?
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