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04/07/2024 | FRANCE | N°22LY01919

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 04 juillet 2024, 22LY01919


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



L'association Préagir89, M. D... A..., M. I... F..., Mme E... C... et M. B... H... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 8 février 2021 par lequel le préfet de l'Yonne a accordé à la société Terres-Energies un permis de construire pour la réalisation d'une unité de méthanisation sur un terrain situé au lieudit J... à Pont-sur-Vanne ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.



Par un jugement n° 2101868 du 28 av

ril 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Préagir89, M. D... A..., M. I... F..., Mme E... C... et M. B... H... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 8 février 2021 par lequel le préfet de l'Yonne a accordé à la société Terres-Energies un permis de construire pour la réalisation d'une unité de méthanisation sur un terrain situé au lieudit J... à Pont-sur-Vanne ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 2101868 du 28 avril 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et cinq mémoires, enregistrés les 22 juin 2022, 18 octobre 2022, 2 avril 2023, 26 juillet 2023, 13 septembre 2023 et le 30 mai 2024 (non communiqué), l'association Préagir89, M. D... A..., M. I... F..., Mme E... C... et M. B... H..., représentés par la SCP CGCB et Associés, avocats, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté susvisés et les permis de construire modificatifs édictés les 27 juillet 2021 et 14 mars 2022 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier faute d'avoir examiné les fins de non-recevoir soulevées en défense par la SAS Terres-Energie ;

- le dossier de demande de permis de construire comporte plusieurs insuffisances qui ont induit en erreur les services instructeurs ;

- le permis délivré méconnaît les règles applicables aux lotissements et aux divisions primaires ;

- les prescriptions dont sont assorties le permis sont illégales et méconnaissent la servitude d'utilité publique de surplomb d'une ligne électrique aérienne ;

- le permis méconnaît les dispositions relatives à l'archéologie préventive ; à ce titre, l'autorité de police de l'archéologie préventive n'a pas été consultée et le permis délivré est de nature à compromettre la conservation ou la mise en valeur d'un site ou de vestiges archéologiques ;

- le projet aurait dû donner lieu à une autorisation au titre de la législation sur les ICPE dans la rubrique 2781 et non uniquement à une déclaration ;

- le projet aurait dû donner lieu à un enregistrement au titre de la rubrique 2716 de la même législation ;

- le projet aurait dû être soumis à une évaluation environnementale ;

- la délivrance du permis initial n'a pas été précédée d'un examen au cas par cas ;

- la demande de permis modificatif n°2 n'a pas été instruite par le préfet et le projet de décision n'a pas été transmis au maire en méconnaissance de l'article R. 423-74 du code de l'urbanisme ; en outre, le préfet n'a nullement vérifié la conformité du projet aux mesures et caractéristiques ayant justifié la décision de ne pas le soumettre à évaluation environnementale en méconnaissance de l'article R. 431-16 du même code ;

- les cinq silos en béton servant au stockage des matières entrantes seront construits avec un recul insuffisant par rapport à la RD 660 en méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-6 du cde de l'urbanisme ;

- le permis méconnaît les dispositions de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme ;

- le permis méconnaît les dispositions de l'article R.111-26 du code de l'urbanisme.

Par quatre mémoires en défense, enregistrés les 2 février 2023, 27 juin 2023, 11 septembre 2023 et 29 mai 2024 (non communiqué), la SAS Terres-Energies, représentée par Me Deharbe, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que la cour sursoit à statuer en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour lui permettre de régulariser d'éventuelles irrégularités et demande à la cour de mettre à la charge des appelants la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable en tant qu'elle émane de l'association Préagir89 dès lors que celle-ci n'a pas déposé ses statuts au moins un an avant la date d'affichage de la demande de permis ; en outre, il n'est pas produit de délibération habilitant le président de l'association à agir ;

- les requérants, personnes physiques, ne justifient pas de leur intérêt pour agir ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 29 juin 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 30 avril 2024 a fixé la clôture de l'instruction au 31 mai 2024.

Par un courrier du 3 juin 2024, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible, après avoir constaté l'illégalité de l'arrêté du 8 février 2021 en litige au vu du moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme et de la méconnaissance de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, de mettre en œuvre la procédure prévue à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Par un courrier enregistré le 13 juin 2024, le pétitionnaire a présenté des observations à ce courrier.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'énergie ;

- le code du patrimoine ;

- le décret n° 2011-190 du 16 février 2011 relatif aux modalités de production et de commercialisation agricoles de biogaz, d'électricité et de chaleur par la méthanisation ;

- l'arrêté du 10 novembre 2009 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées de méthanisation soumises à déclaration sous la rubrique n° 2781-1 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère ;

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Aldigier pour les requérants et de Me Deharbe pour la SAS Terres-Energies ;

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 8 février 2021, le préfet de l'Yonne a accordé un permis de construire à la société Terres-Energies pour la construction d'une unité de méthanisation sur un terrain constitué des parcelles cadastrées ZK 48, ZK 49 et ZK 50, au lieudit J... à Pont-sur-Vanne, pour une surface de plancher de 143 mètres carrés. L'association Préagir 89, M. A..., M. F..., Mme C... et M. H... ont formé un recours gracieux contre cet arrêté par un courrier du 12 mars 2021 demeuré sans réponse. Le 27 juillet 2021, le préfet de l'Yonne a délivré un permis de construire modificatif. Le 14 décembre 2021, une nouvelle demande de permis de construire modificatif a été déposée par le pétitionnaire laquelle a donné lieu à un permis délivré tacitement le 14 mars 2022. L'association Préagir 89, M. A..., M. F..., Mme C... et M. H... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 février 2021 et de la décision implicite de rejet de leur recours gracieux et sollicitent également l'annulation des permis de construire modificatifs délivrés les 27 juillet 2021 (permis modificatif n°1) et 14 mars 2022 (permis modificatif n°2).

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme : " Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu au moins un an avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'une association n'est recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision individuelle relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol que si elle a déposé ses statuts en préfecture au moins un an avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'association Prégir89 a déposé ses statuts en préfecture le 13 décembre 2020, soit postérieurement à la date à laquelle la demande de la SAS Terres-Energies a été affichée en mairie le 14 octobre 2020. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par la société pétitionnaire tirée de l'irrecevabilité de la requête en tant qu'elle est présentée par cette association doit être accueillie.

5. D'autre part, si la SAS Terres-Energies se prévaut de l'absence d'intérêt pour agir de M. A..., M. F..., Mme C... et M. H..., il ressort des pièces du dossier que ces requérants, personnes physiques, résident dans deux des trois habitations qui constituent le hameau dit J... au sein de la commune de Pont-sur-Vanne. Il n'est pas sérieusement contesté que leurs propriétés se situent entre 150 et 300 mètres du projet litigieux. Compte tenu des nuisances olfactives susceptibles d'être engendrées par le processus de méthanisation, en raison notamment du stockage des déchets avant incorporation dans le digesteur, et de la faible distance séparant les bâtiments autorisés des habitations des personnes physiques requérantes, leur intérêt pour agir est établi. Dès lors que les requérants, personnes physiques, sont recevables à demander l'annulation des arrêtés portant permis de construire et permis de construire modificatifs en litige, les conclusions de la requête collective tendant à l'annulation de ces arrêtés sont recevables dans leur ensemble.

Sur la régularité du jugement attaqué :

6. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le tribunal, n'ayant pas fait droit à leurs conclusions présentées à fin d'annulation, n'était pas tenu de statuer sur les fins de non-recevoir que leur avait opposées le défendeur de première instance. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué à ce titre doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. / Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. (...) ".

8. Il ressort de la notice figurant dans le dossier de demande de permis modificatif n°1 que " les réseaux AEP, télécoms et électricité sont raccordés aux réseaux publics en limite de propriété ". Si les requérants estiment que le réseau d'eau potable n'est pas situé en limite de propriété, il ressort du courrier du 18 décembre 2020 du président du Syndicat Mixte d'Adduction d'Eau Potable, gestionnaire du réseau, que le branchement, uniquement pour les besoins sanitaires tels que demandés par le pétitionnaire, est possible depuis la canalisation d'alimentation en eau située le long de la RD 660 afin de permettre l'alimentation du site en eau potable. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, dès lors que, tant le permis initial que les permis modificatifs sont contestés, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des pièces produites à l'appui de ces demandes, quand bien même l'objet des permis modificatifs n'aurait pas porté sur ces pièces. Par suite, et alors même que sur le plan de masse (PC 2b) figurant dans ce dossier de demande ne figurent pas les raccordements à opérer pour ce réseau, il ne ressort pas de ces pièces que l'appréciation des services instructeurs aurait été faussée par les pièces du dossier.

9. En deuxième lieu, la surface de plancher, seule surface autorisée par le permis de construire, désigne des surfaces closes et couvertes répondant à la définition visée à l'article L. 111-14 du code de l'urbanisme et ne se confond pas avec celle d'emprise au sol. Ainsi, le moyen, invoqué par les requérants, tiré de ce que la surface de plancher créée de 164,60 m² serait erronée au motif que l'emprise au sol du hangar à digestat est de 940 m² et du digesteur de 860 m² ne peut qu'être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme : " Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis ". Selon l'article R. 442-1 du même code : " Ne constituent pas des lotissements au sens du présent titre et ne sont soumis ni à déclaration préalable ni à permis d'aménager : / a) Les divisions en propriété ou en jouissance effectuées par un propriétaire au profit de personnes qui ont obtenu un permis de construire ou d'aménager portant sur la création d'un groupe de bâtiments ou d'un immeuble autre qu'une maison individuelle au sens de l'article L. 231-1 du code de la construction et de l'habitation ; (...) ".

11. Une autorisation d'occupation des sols délivrée sur l'un des lots issus d'une division foncière ayant donné lieu à une autorisation de lotir n'est pas prise pour l'application de la décision par laquelle l'administration a délivré l'autorisation de lotir, cette dernière ne constituant pas non plus la base légale de la première. Par suite, l'illégalité de la décision d'autorisation de lotir ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre l'autorisation d'occupation des sols. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à invoquer à l'appui de leur demande d'annulation des permis contestés l'illégalité de la décision du 6 mai 2022 de non-opposition à déclaration préalable de division prise par le maire de Pont-sur-Vanne au nom de l'Etat.

12. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles ZK 48, 49, 50, 51 et 84 appartenant à l'indivision G... ont fait l'objet d'une division consistant à créer deux lots 1 et 2, le premier ayant vocation à être bâti sur lequel s'implantera le projet litigieux alors que le second constituera un reliquat de propriété. Si une opération d'aménagement ayant pour effet la division en deux lots d'une propriété foncière au sens de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme est susceptible de constituer un lotissement s'il est prévu d'implanter des bâtiments sur l'un au moins de ces deux lots, il est constant que la décision de non-opposition de déclaration préalable de division a été accordée le 6 mai 2022 à l'indivision et est donc intervenue postérieurement à la délivrance des permis de construire et permis de construire modificatifs accordés. Par suite, le moyen tiré de ce que la société pétitionnaire aurait dû solliciter l'attribution d'un permis d'aménager ou que le permis de construire ne pouvait être délivré en l'absence de la déclaration préalable prévue par l'article L. 442-3 du code de l'urbanisme, est inopérant et ne peut qu'être écarté.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 323-10 du code de l'énergie : " Après déclaration d'utilité publique précédée d'une enquête publique, des servitudes d'utilité publique concernant l'utilisation du sol et l'exécution de travaux soumis au permis de construire, peuvent être instituées par l'autorité administrative au voisinage d'une ligne électrique aérienne de tension supérieure ou égale à 130 kilovolts. / Ces servitudes comportent, en tant que de besoin, la limitation ou l'interdiction du droit d'implanter des bâtiments à usage d'habitation et des établissements recevant du public. (...) ".

14. Si les requérants se prévalent de l'existence d'une servitude d'utilité publique référence " I4 " mentionnée sur le plan des servitudes d'utilité publique annexé au PLUi de la communauté de communes de la Vanne et du pays d'Othe, adopté le 26 mai 2021, et qui traverse le tènement litigieux, ce plan mentionne que cette servitude est relative à l'établissement des canalisations électriques et elle n'est donc pas relative à la ligne à haute tension qu'ils évoquent. En outre, il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a prévu d'enfouir la partie de ligne de haute tension qui traverse le terrain d'assiette du projet et a obtenu pour ce faire un devis d'Enedis, distributeur du réseau d'électricité, et une étude technique a été réalisée courant 2022. Enfin, l'article 3 de l'arrêté du 8 février 2021 prévoit des prescriptions relatives à cette ligne à haute tension.

15. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 523-6 du code du patrimoine : " Les projets d'aménagement affectant le sous-sol qui sont réalisés dans les zones prévues par les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 522-5 sont présumés faire l'objet de prescriptions archéologiques préalablement à leur réalisation. Ces zones sont définies dans le cadre de l'établissement de la carte archéologique nationale, par arrêté du préfet de région pris après avis de la commission territoriale de la recherche archéologique, en fonction des informations scientifiques conduisant à envisager la présence d'éléments du patrimoine archéologique ". Selon l'article R. 523-18 du même code : " Le préfet de région dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception d'un dossier complet pour prescrire la réalisation d'un diagnostic ou faire connaître son intention d'édicter une prescription de fouilles ou demander la modification de la consistance du projet. (...) / En l'absence de notification de prescriptions dans le délai applicable en vertu de l'alinéa précédent, le préfet de région est réputé avoir renoncé à édicter celles-ci. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-31 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet entre dans le champ d'application de l'article R523-4 du code du patrimoine, le dossier joint à la demande de permis comprend les pièces exigées à l'article R523-9 de ce code. La décision ne peut intervenir avant que le préfet de région ait statué, dans les conditions prévues à l'article R523-18 de ce code sur les prescriptions d'archéologie préventive. Dans le cas où le préfet de région a imposé des prescriptions, les travaux de construction ou d'aménagement ne peuvent pas être entrepris avant l'exécution de ces prescriptions. "

16. En l'espèce, il est constant que le préfet de région Bourgogne-Franche-Comté n'a pas été saisi dans le cadre de la demande de permis de construire initial mais dans le cadre du dossier de demande de permis de construire modificatif n°2 en vertu des dispositions de l'article R. 425-31 du code de l'urbanisme. Par courriel du 8 mars 2022, la direction départementale des territoires de l'Yonne, chargée d'instruire cette dernière demande portant sur le simple ajout au dossier de la décision de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement relative à l'assujettissement du projet à la formalité de l'évaluation environnementale, a transmis au service d'archéologie préventive de la direction régionale des affaires culturelles de Bourgogne-Franche-Comté le formulaire de cette demande, le plan de situation et le plan de masse du projet. Il ressort des pièces du dossier que, par courriel du 4 juillet 2022, ce service a indiqué qu'" au regard des délais réglementaires, aucune opération archéologique préventive ne sera prescrite. " Il en résulte qu'à réception de ce dossier dont il n'est pas contesté qu'il était complet, le préfet de région a été mis à même de se prononcer sur la nécessité de prescrire des mesures d'archéologie préventive.

17. En sixième lieu, aux termes de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme : " le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature, par sa localisation et ses caractéristiques, à compromettre la conservation ou la mise en valeur d'un site ou de vestiges archéologiques. "

18. Les requérants soutiennent également que le projet autorisé affectera un site d'intérêt archéologique et que des campagnes conduites dans les années 1980 au lieu-dit J... ont mis en évidence du matériel lithique (poteries, objets en pierres taillées) que le projet litigieux aura pour effet de recouvrir. Ils se prévalent à ce titre d'un courriel du 18 avril 2023 de la conservatrice du patrimoine à la DRAC de Bourgogne-Franche-Comté affirmant qu'une villa gallo-romaine est signalée par la carte archéologique nationale à quelques dizaines de mètres à l'ouest de la propriété de MM. F... et A.... Les parties ont été invitées à présenter des observations sur ce point par un courrier du 3 juin 2024 et n'ont apporté aucune précision à la cour. Dans ces conditions, et faute pour les requérants d'établir avec précision l'emplacement de cette villa gallo-romaine, ces derniers ne sont pas fondés à soutenir que le préfet aurait entaché ses arrêtés d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme.

19. En septième lieu, les requérants soutiennent que le projet litigieux aurait dû donner lieu à un enregistrement au titre de la rubrique 2781 de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement et non une déclaration. Toutefois, selon la rubrique n° 2781 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement annexée à l'article R. 511-9 du code de l'environnement, les unités de méthanisation qui traitent moins de 30 tonnes par jour relèvent du régime de la déclaration et, au-delà de ce seuil, du régime de l'enregistrement. Le dossier de déclaration déposé par la SAS Terres-Energies indique que la quantité totale annuelle de matière traitée est en moyenne annuelle de 10 910 tonnes, soit 29,9 tonnes par jour, valeur correspondant aux tonnages maximum que l'usine de méthanisation est en mesure de traiter. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, aucune disposition législative ou réglementaire ne s'oppose à ce que les quantités évaluées le soient selon une moyenne lissée sur l'année pour en déduire un tonnage de quantités traitées par jour. En outre, les requérants n'apportent pas d'élément de nature à démontrer que les quantités affichées seraient erronées. A ce titre, la quantité de matières traitées au sens de la législation en cause s'entend des matières entrantes dans le processus de méthanisation. Il n'y a dès lors pas lieu de tenir compte des eaux sales constituées par les eaux de lavage et les jus de stockage, issus du processus de méthanisation. Ainsi, la circonstance que le digestat brut produit sera supérieur à 10 900 tonnes par an affichées en entrée, à savoir 11 800 tonnes par an de digestat brut produit en sortie, n'a pas pour effet de regarder le seuil de la déclaration comme dépassé. Par suite, le projet de la SAS Terres-Energies relevait du régime de la déclaration et non de celui de l'enregistrement.

20. En huitième lieu, dès lors que le projet entrait dans la rubrique 2781 au titre de la législation ICPE, le pétitionnaire n'était pas tenu de soumettre une partie du projet à une autre rubrique en l'occurrence la rubrique 2716 de la même législation sur le transit et regroupement de déchets non dangereux, dès lors que les matières entrant dans le processus de méthanisation ne pouvaient être soumises à deux rubriques différentes. En outre, l'arrêté du 10 novembre 2009 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées de méthanisation soumises à déclaration sous la rubrique n° 2781-1 prévoit précisément des prescriptions particulières pour l'ensemble du processus de méthanisation et notamment le stockage du digestat.

21. En neuvième lieu, il ressort de l'annexe à l'article R. 122-2 du code de l'environnement que les ICPE soumises à une évaluation environnementale sont celles mentionnées à l'article L. 515-28 du code de l'environnement. Cet article renvoie aux installations énumérées à l'annexe I de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) qui vise notamment au point 5.3 b) " valorisation, ou un mélange de valorisation et d'élimination, de déchets non dangereux avec une capacité supérieure à 75 tonnes par jour et entraînant une ou plusieurs des activités suivantes, à l'exclusion des activités relevant de la directive 91/271/CEE : traitement biologique/prétraitement des déchets destinés à l'incinération ou à la coïncinération/traitement du laitier et des cendres/traitement en broyeur de déchets métalliques, notamment déchets d'équipements électriques et électroniques et véhicules hors d'usage ainsi que leurs composants. " Le projet litigieux qui est de capacité inférieure à 75 tonnes par jour n'entre pas dans le champ de l'évaluation environnementale à ce titre. En revanche, il ressort de l'arrêté du 11 octobre 2021 du préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté portant décision d'examen au cas par cas prise en application de l'article R. 122-3 du code de l'environnement que le projet relève de la catégorie 26 b) du tableau annexé à l'article R. 122-2 précité au titre des " b) Epandages d'effluents ou de boues relevant de l'article R. 214-1 du même code, la quantité d'effluents ou de boues épandues présentant les caractéristiques suivantes : azote total supérieur à 10 t/ an ou volume annuel supérieur à 500 000 m 3/ an ou DBO5 supérieure à 5 t/ an ". Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le projet était soumis à évaluation environnementale et qu'il n'a pas été soumis à un examen au cas par cas.

22. En dixième lieu, aux termes de l'article R. 423-72 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision est de la compétence de l'Etat, le maire adresse au chef du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction son avis sur chaque demande de permis et sur chaque déclaration. Cet avis est réputé favorable s'il n'est pas intervenu dans le délai d'un mois à compter du dépôt à la mairie de la demande de permis ou dans le délai de quinze jours à compter du dépôt à la mairie de la déclaration. " Aux termes de l'article R. 423-74 du code précité : " Le chef du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction adresse un projet de décision au maire ou, dans les cas prévus à l'article R. 422-2, au préfet. / Dans les cas prévus à l'article R. 422-2, il en adresse copie au maire et, lorsque la commune a délégué sa compétence à un établissement public de coopération intercommunale en application de l'article L. 422-3, au président de cet établissement. " Aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / a) L'étude d'impact ou la décision de l'autorité chargée de l'examen au cas par cas dispensant le projet d'évaluation environnementale ou, lorsqu'il s'agit d'une installation classée pour la protection de l'environnement pour laquelle une demande d'enregistrement a été déposée en application de l'article L. 512-7 du même code, le récépissé de la demande d'enregistrement. L'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme vérifie que le projet qui lui est soumis est conforme aux mesures et caractéristiques qui ont justifié la décision de l'autorité chargée de l'examen au cas par cas de ne pas le soumettre à évaluation environnementale (...). ".

23. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire modificatif n°2 déposée le 14 décembre 2021 par le pétitionnaire a donné lieu à un permis de construire tacite délivré le 14 mars 2022 par le préfet de l'Yonne. Il ressort des mêmes pièces que le préfet de l'Yonne a délivré le 17 août 2022 un certificat de permis tacite à la SAS Terres-Energies en visant la demande de certificat d'accord tacite déposée le 9 août 2022 par le pétitionnaire, et l'arrêté du 11 octobre 2021 du préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté portant décision d'examen au cas par cas relatif au projet en litige. Il en résulte que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que, dès lors qu'un permis tacite a été obtenu, le préfet de l'Yonne n'aurait pas instruit la demande de permis de construire modificatif n°2, laquelle avait uniquement pour objet l'ajout au dossier de permis de l'arrêté du 11 octobre 2021, ni que les prescriptions des articles R. 423-72 et R. 423-74 n'auraient pas été respectées.

24. En onzième lieu, l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable indique : " En dehors des espaces urbanisés des communes, les constructions ou installations sont interdites dans une bande de cent mètres de part et d'autre de l'axe des autoroutes, des routes express et des déviations au sens du code de la voirie routière et de soixante-quinze mètres de part et d'autre de l'axe des autres routes classées à grande circulation. / Cette interdiction s'applique également dans une bande de soixante-quinze mètres de part et d'autre des routes visées à l'article L. 141-19. " L'article L. 111-7 du même code dispose : " L'interdiction mentionnée à l'article L. 111-6 ne s'applique pas : (...) 3° Aux bâtiments d'exploitation agricole (...) ". Le règlement du Plan Local d'Urbanisme Intercommunal (PLUi) approuvé le 26 mai 2021 dispose en son article A4 que " En dehors des villages et hameau, une distance minimale de 5 m par rapport à l'alignement des voies doit être respectée. / Cette distance pourra être différente pour les constructions riveraines des routes départementales soit : / - un recul de 75 m de l'axe de la RD 660 sauf étude spécifique (...) / Les règles précédentes ne s'appliquent pas pour l'implantation des équipements d'intérêt collectif et services publics de faible emprise et pour des motifs de sécurité (...). ".

25. Il n'est pas contesté que les silos en béton du projet litigieux, et notamment les silos 3 et 4, seront implantés à moins de 75 mètres de la RD 660. Si les requérants soutiennent que le projet en litige est contraire à l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, les permis modificatifs litigieux ont été pris au visa du PLUi applicable et notamment son A4. Or, les équipements autorisés par les permis en litige constituent des équipements d'intérêt collectif au sens de ces dispositions, dès lors que la méthanisation a pour objectif de produire de l'énergie à partir de la valorisation de déchets d'origine biologique et d'injecter cette énergie dans le réseau public de gaz naturel. Par suite, en vertu de l'article A4 du PLUi applicable, la règle de recul de 75 m de l'axe de la RD 660 n'était pas applicable et le moyen soulevé doit être écarté.

26. En douzième lieu, les requérants réitèrent en appel le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de l'Yonne au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus à bon droit par les premiers juges aux points 16 et 17 de leur jugement. Si en appel, ils ajoutent que le projet n'est pas raccordé à un poteau incendie, aucune disposition législative ou réglementaire ne l'impose, alors qu'en outre le risque incendie n'est pas documenté par les requérants.

27. En treizième lieu, aux termes de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. Ces prescriptions spéciales tiennent compte, le cas échéant, des mesures mentionnées à l'article R. 181-43 du code de l'environnement. "

28. Si les requérants soutiennent que le préfet de l'Yonne a entaché ses arrêtés et décision d'une erreur manifeste d'appréciation en l'absence de toute prescription permettant d'assurer la prise en compte de l'environnement, il n'est pas contesté que le projet se situe à faible distance de la Zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 1 dite " Coteau de pont sur Vanne à Chigny " ainsi que de la ZNIEFF de type 2 dite " Vallée de la Vanne de Flacy à Mailly ", et qu'il est situé à plus de 700 mètres d'une zone Natura 2000 et en dehors de toute zone humide. Les requérants n'apportent aucun élément de nature à démontrer les atteintes à l'environnement qu'ils revendiquent. S'ils se prévalent d'un prélèvement d'eau dans le milieu naturel par forage sans que le dossier n'indique clairement les quantités à prélever et leur usage, de ce que le projet a été dispensé à tort d'évaluation environnementale au vu d'un dossier insuffisant et de ce que l'épandage de digestat n'a pas été déclaré au titre de la loi sur l'eau, ces arguments ne permettent pas de démontrer qu'eu égard à son importance, sa situation ou sa destination, le projet serait de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement, nécessitant l'édiction de prescriptions spéciales.

29. Il résulte de ce qui précède que l'association Préagir89, M. D... A..., M. I... F..., Mme E... C... et M. B... H... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que les requérants demandent sur ce fondement soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

31. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des requérants une somme quelconque à verser à la SAS Terres-Energies sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association Préagir89, M. D... A..., M. I... F..., Mme E... C... et M. B... H... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la SAS Terres-Energies au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Préagir89, première dénommée dans la requête à défaut de personne désignée par le mandataire comme représentant unique avant la clôture d'instruction en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au préfet de l'Yonne, à la SAS Terres-Energies et à la commune de Pont-sur-Vanne.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

M. Gros, premier conseiller,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

V. Rémy-NérisLa présidente,

P. Dèche

Le greffier en chef,

C. Gomez

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01919

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01919
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : GREENLAW AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;22ly01919 ?
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