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02/07/2024 | FRANCE | N°23LY02669

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 02 juillet 2024, 23LY02669


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler les décisions du 16 mars 2023 par lesquelles la préfète du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et aurait prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français, d'autre part, d'enjoindr

e à la préfète du Rhône, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler les décisions du 16 mars 2023 par lesquelles la préfète du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et aurait prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français, d'autre part, d'enjoindre à la préfète du Rhône, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou à titre subsidiaire de procéder au réexamen de sa situation.

Par un jugement n° 2302757 du 21 juillet 2023, le tribunal administratif de Lyon rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 août 2023, M. C... D..., représenté par Me Cambla, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2302757 du 21 juillet 2023 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions du 16 mars 2023 par lesquelles la préfète du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit ainsi que la décision par laquelle la préfète du Rhône aurait prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou à titre subsidiaire de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- cette décision est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la décision l'obligeant à quitter le territoire :

- il n'est pas établi que cette décision a été prise par une autorité compétente ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle est insuffisamment motivée en fait ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

La préfète du Rhône, régulièrement mise en cause, n'a pas produit.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien né le 17 octobre 1985, est entré en France le 6 octobre 2018, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour valable jusqu'au 23 octobre 2018. Il s'est vu délivrer un titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française pour la période du 23 juillet 2021 au 22 juillet 2022. Le 5 octobre 2022, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations de l'article 7 bis, a) de l'accord franco-algérien susvisé. Par un arrêté du 16 mars 2023, la préfète du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office. Par le jugement attaqué du 21 juillet 2023, dont M. D... interjette appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de ces décisions en considérant comme irrecevables ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant interdiction sur le territoire français à raison de l'inexistence d'une telle décision.

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre une décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

2. Il ressort du dispositif de l'arrêté du 16 mars 2023 qu'après avoir refusé le titre de séjour sollicité par M. D... en l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et en fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai, la préfète du Rhône s'est bornée à informer l'intéressé qu'elle édicterait à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français dans l'hypothèse où il se maintiendrait irrégulièrement sur le territoire national au-delà dudit délai de départ volontaire, sans toutefois prononcer une telle interdiction. Par suite, ainsi que l'ont à juste titre relevé les premiers juges, les conclusions à fin d'annulation présentées à l'encontre d'une décision portant interdiction de retour sur le territoire français, matériellement inexistante, sont irrecevables et doivent être rejetées pour ce motif, qui n'est d'ailleurs pas contesté.

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

3. Aux termes de stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1-Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. M. D..., se prévaut de sa présence ininterrompue sur le territoire français depuis le 6 octobre 2018, soit depuis 4 ans et 5 mois à la date de la décision contestée. Il fait valoir qu'il est marié avec une ressortissante française depuis plus de deux ans, qu'il travaille à temps plein en qualité de déménageur, et dispose d'un logement. Cependant, si M. D... est marié avec une ressortissante française depuis le 5 avril 2021, il ressort des pièces du dossier, notamment des conclusions de l'enquête administrative effectuée à la demande de la préfète du Rhône pour l'instruction de la demande de titre de séjour de l'intéressé, que la communauté de vie n'a pu être établie par les visites domiciliaires et il n'est pas contesté que, bien qu'ayant déclaré une adresse commune à Villeurbanne, M. D... et son épouse résident pour l'un à Villeurbanne et pour l'autre à Paris. Il ressort en outre du procès-verbal d'audition de l'épouse du requérant du 20 février 2023 que cette dernière a déclaré qu'il s'agissait d'un " faux mariage " destiné à faciliter le séjour en France de M. D... et ces déclarations ont été corroborées par les échanges de messages électroniques entre les intéressés relevés sur le téléphone mobile de M. D... par les services de police. Les pièces produites à l'instance par M. D..., notamment les quelques justificatifs d'achats de billets de train non nominatifs pour des voyages effectués entre Paris et Lyon au cours des années 2020 à 2023, les factures de téléphonie pour les mois de janvier à mars 2023, les deux attestations de contrats d'énergie pour le logement de Villeurbanne et une attestation de paiement de la caisse d'allocations familiales du Rhône du 20 mars 2023, mentionnant les noms des deux époux et une même adresse ou les quelques photographies non datées du couple, ne sont pas à elles seules de nature à établir l'effectivité de sa communauté de vie avec son épouse. Il en est de même de l'attestation justifiant d'une demande de logement social en région Ile de France déposée par l'épouse de M. D... en mars 2022 et renouvelée en mars 2023 mentionnant le nom de M. D... en qualité de codemandeur. Dans ces conditions, M. D... n'établit ni l'intensité, ni la stabilité de ses liens familiaux en France. Par ailleurs, la circonstance que M. D... ait occupé un emploi de déménageur au sein de la même société du mois de juillet 2021 au mois de février 2023, ainsi qu'en attestent les bulletins de salaire produits à l'instance, n'est pas de nature à démontrer une insertion professionnelle durable en France. Enfin, l'intéressé ne conteste pas disposer d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 33 ans et où résident notamment ses parents. Dans ces circonstances, compte tenu de la durée et de ses conditions de séjour en France, la préfète du Rhône n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. D... en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet du Rhône n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. D....

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, par un arrêté du 30 janvier 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture du Rhône du même jour, la préfète du Rhône a donné délégation de signature à Mme A... B..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer d'une manière permanente les actes administratifs établis par sa direction à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions portant obligation de quitter le territoire français. Le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision contestée doit en conséquence être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. (...) ".

7. L'arrêté du 16 mars 2023, qui comporte les considérations de droit et les circonstances de fait sur lesquelles se fonde notamment le refus de délivrance d'un titre de séjour opposé à M. D..., mentionne en outre que la décision portant obligation de quitter le territoire français se fonde sur les dispositions de l'article L. 611-1 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé au regard de sa situation particulière et ne contrevient donc pas aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si M. D..., d'une part, conteste la réalité des déclarations, notamment de son épouse, qui sont retranscrites dans cet arrêté, et d'autre part, reproche à la préfète d'avoir mentionné qu'il n'avait pas produit de justificatif relatif à son expérience professionnelle et ne justifiait pas d'une vie privée et familiale ancienne, stable et intense en France, ces circonstances sont sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation des décisions contenues dans l'arrêté critiqué, qui s'apprécie indépendamment du bien-fondé de leurs motifs. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

8. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposé au point 4 du présent arrêt, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle doit également être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

9. Les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision fixant le pays de destination et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés pour les motifs retenus à bon droit par le jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 juillet 2023.

10. Il résulte de tout ce qui précède, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,

M. Gros, premier conseiller,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

H. Stillmunkes

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02669


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02669
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. STILLMUNKES
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : CAMBLA JENNIFER

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;23ly02669 ?
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