Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 18 avril 2023 par lesquelles le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et d'enjoindre au préfet, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Par un jugement n° 2303221 du 13 juillet 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 18 avril 2023 par laquelle le préfet de l'Essonne a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an à M. A..., a enjoint au préfet de l'Essonne de faire procéder à l'effacement du signalement aux fins de non-admission de M. A... dans le système d'information Schengen dans un délai d'un mois et a rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 août 2023, M. B... A..., représenté par la SELURL Garcia Avocats, agissant par Me Garcia, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 2303221 du 13 juillet 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions du 18 avril 2023 par lesquelles le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'absence de communication de l'ensemble des pièces du dossier méconnait son droit à un procès équitable ainsi que les dispositions de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions attaquées ont été prises en violation de son droit à être entendu, reconnu par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; l'administration a fait preuve à cet égard de déloyauté en ne le mettant pas à même de produire des éléments sur sa situation personnelle ;
Sur l'obligation de quitter le territoire :
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 200-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur de droit ;
- elle méconnait les stipulations des 2° et 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation, en l'absence de risque de fuite établi ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 septembre 2023, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête et s'en rapporte à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 13 janvier 1989, est entré irrégulièrement en France en 2015 selon ses déclarations. Par un arrêté du 18 avril 2023, le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans Par le jugement attaqué du 13 juillet 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 18 avril 2023 par laquelle le préfet de l'Essonne a fait, à M. A..., interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, a enjoint au préfet de l'Essonne de faire procéder à l'effacement du signalement aux fins de non-admission de M. A... dans le système d'information Schengen, dans un délai d'un mois et a rejeté le surplus des conclusions.
2. M. A... interjette appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions tendant à l'annulation des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination.
Sur la régularité du jugement :
3. Il ressort des pièces du dossier que le procès-verbal d'audition du 18 avril 2023 a bien été produit par le préfet en première instance et communiqué à l'intéressé par le tribunal administratif le 22 juin 2023. Par suite, et en l'absence de toute précision quant aux pièces du dossier qui n'auraient pas été communiquées au requérant et auraient servi de base à l'arrêté en litige, les moyens tirés de la méconnaissance des droits de la défense de M. A... et des dispositions de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
Sur le moyen commun aux décisions contestées :
4. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, au sens de l'article 41, 2°, a) de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été entendu par les services de gendarmerie, le 18 avril 2023, à la suite de son interpellation. Selon le procès-verbal produit au dossier, il a été interrogé sur sa situation administrative et familiale en France, ainsi que sur les motifs pouvant faire obstacle à un retour en Algérie. Au surplus, le requérant ne fait valoir aucun élément pertinent qui, s'il avait été connu de l'administration, aurait pu faire obstacle à la mesure d'éloignement en litige. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté dans toutes ses branches, y compris la circonstance que le préfet aurait fait preuve de " déloyauté ".
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., il ne ressort ni des termes de la décision contestée, ni des pièces du dossier que le préfet de l'Essonne n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle avant de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français.
7. En deuxième lieu, M. A... ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 200-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lesquelles : Le présent livre détermine les règles applicables à l'entrée, au séjour et à l'éloignement : (...) 3° Des membres de famille des citoyens de l'Union européenne, tels que définis à l'article L. 200-4." qui n'ont pas vocation à s'appliquer aux membres de famille d'un ressortissant français.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".
9. Si M. A... fait valoir qu'il est marié à une ressortissante française depuis le 19 septembre 2020, il ne conteste pas être entré irrégulièrement sur le territoire français antérieurement à son mariage, par suite, le préfet de l'Essonne pouvait, sans commettre d'erreur de droit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions lui sont applicables.
10. En quatrième lieu, indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée, des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une telle mesure à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit, ou qu'une convention internationale stipule, que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
11. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ".
12. M. A... ne conteste pas être entré irrégulièrement en France. Dans ces conditions, la circonstance qu'il soit marié depuis le 19 septembre 2020 avec une ressortissante française ne lui permet pas de prétendre à la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations précitées. Le moyen tiré de la violation de ces stipulations doit par suite être écarté.
13. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
14. Si M. A... soutient être entré en France en novembre 2015 et ainsi y résider depuis plus de sept années à la date de la décision en litige, il ne produit aucun élément permettant d'établir sa présence en France antérieurement à juin 2017. Par ailleurs, s'il fait valoir qu'il est marié avec une ressortissante française depuis le 19 septembre 2020, les documents qu'il produit, ne permettent pas d'établir sa communauté de vie avec son épouse. En outre, il ne conteste pas avoir fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement prise par le préfet de police de Paris le 10 juillet 2018 qui n'a pas été exécutée. Dans ces conditions, et eu égard aux conditions de séjour en France de l'intéressé, qui n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie, où résident ses parents, un frère et plusieurs sœurs, la décision en litige ne porte pas au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la violation des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.
15. En cinquième lieu pour les mêmes motifs qu'exposés au point précédent, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent également être écartés.
Sur la légalité de la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :
16. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".
17. Il est constant que M. A... est entré irrégulièrement en France et qu'il s'y est maintenu sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour. Par ailleurs, il ne conteste pas s'être soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, prise le 10 juillet 2018 par le préfet de police de Paris. Dans ces conditions, le préfet de l'Essonne pouvait, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, considérer que le risque de fuite était caractérisé et refuser, pour ce motif, d'accorder un délai de départ volontaire à l'intéressé.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
18. Si M. A... soutient que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'il n'établissait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Ce moyen doit donc être écarté.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du 18 avril 2023 par lesquelles le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 17 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY02639