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02/07/2024 | FRANCE | N°23LY02491

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 02 juillet 2024, 23LY02491


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 31 mai 2023 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par un jugement n° 2303502 du 29 juin 2023, le président du tribunal

administratif de Grenoble a rejeté ces conclusions.





Procédure devant la cour :



Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 31 mai 2023 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2303502 du 29 juin 2023, le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 juillet 2023, M. A... B..., représenté par Me Issa, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2303502 du 29 juin 2023 du président du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 31 mai 2023 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la mise à disposition de l'arrêt à intervenir.

M. B... soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence ; elle méconnait son droit d'être entendu au sens du droit de l'Union européenne ; elle n'est pas motivée ; elle a été édictée sans examen de sa situation ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le refus de délai de départ volontaire est entaché d'incompétence ; il n'est pas motivé ; il a été édicté sans examen de sa situation ; il méconnait l'article L. 511-1, II, 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de risque de fuite ;

- la fixation du pays de destination n'est pas motivée ; elle est entachée d'incompétence ; elle ne lui a pas été notifiée dans une langue qu'il comprend ; elle est illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'incompétence ; elle n'est pas motivée ; elle a été édictée sans examen de sa situation ; sa durée est excessive ; elle est injustifiée et c'est à tort que le préfet s'est cru tenu de l'édicter au seul motif de l'existence d'une précédente mesure d'éloignement et a retenu l'existence d'une menace pour l'ordre public ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation des circonstances humanitaires ; elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le préfet de la Haute-Savoie, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.

Par décision du 13 septembre 2023, la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B... a été rejetée

.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2008/115/CE, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 28 avril 1996, a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 31 mai 2023 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par le jugement attaqué du 29 juin 2023, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, la décision a été signée par Mme C..., cheffe du bureau de l'asile et de l'éloignement de la préfecture, sur le fondement de la délégation de signature prévue à l'article 5 de l'arrêté préfectoral du 26 avril 2023, régulièrement publié le même jour. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit en conséquence être écarté.

3. En deuxième lieu, le préfet a visé les dispositions de l'article L. 611-1, 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et exposé en quoi la situation du requérant relevait des prévisions de ce texte, qui constitue la base légale de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Le moyen tiré de l'absence de motivation doit en conséquence être écarté.

4. En troisième lieu, il ressort des motifs de l'arrêté préfectoral que le préfet a régulièrement examiné la situation de M. B... avant de prononcer son éloignement. Le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle du requérant doit dès lors être écarté.

5. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été interpelé le 30 mai 2023 et a fait l'objet d'une vérification du droit de circulation ou de séjour. Il ressort du procès-verbal d'audition par un agent de police judiciaire qu'il a été mis à même d'exposer de façon approfondie sa situation personnelle et administrative, et notamment les motifs éventuels pour lesquels il souhaitait séjourner en France. Il a également été interrogé sur la possibilité d'un éloignement et sur les éléments qu'il souhaitait exposer à cet égard. Le préfet, qui a statué au vu de ces éléments d'information, qu'il vise dans son arrêté, a ainsi été à même de prendre connaissance de tous les éléments que M. B... souhaitait faire valoir et n'a dès lors pas méconnu le droit de M. B... d'être entendu au sens du droit de l'Union.

6. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... est né le 28 avril 1996 en Algérie et qu'il est de nationalité algérienne. La date et les conditions de son entrée, qui est irrégulière, ne sont pas établies et il serait entré en France au plus tôt, d'après ses déclarations, en juillet 2021. Il a indiqué durant l'audition citée au point précédent que sa famille demeure en Algérie et il ne fait valoir aucune attache familiale en France en dehors d'un cousin. Il a indiqué exercer l'activité de coiffeur et a produit des fiches de paie de juillet 2021 à mai 2023. Cette activité, exercée irrégulièrement en l'absence de tout droit au séjour et de toute autorisation de travail, demeure toutefois très récente. Eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. B..., le préfet n'a pas, en décidant son éloignement, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts que cette décision poursuit. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B....

Sur la légalité du refus de délai de départ volontaire :

7. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence doit être écarté pour les motifs qui ont été exposés au point 2.

8. En deuxième lieu, le préfet a visé les dispositions des articles L. 612-2, 3° et L. 612-3, 1°, 4° et 8°du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il a exposé en quoi les prévisions de ces textes étaient en l'espèce satisfaites. La décision, qui expose ainsi ses motifs de droit et de fait, est dès lors régulièrement motivée.

9. En troisième lieu, il ressort des motifs de l'arrêté préfectoral que le préfet a régulièrement examiné la situation de M. B... avant de lui refuser le bénéfice d'un délai de départ volontaire. Le moyen tiré du défaut d'examen doit dès lors être écarté.

10. En quatrième lieu, le requérant, qui invoque les dispositions de l'article L. 511-1, II, 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquelles se sont substituées les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 par l'effet de l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020, doit être regardé comme invoquant ces derniers articles.

11. Pour retenir l'existence d'un risque de soustraction à la mesure d'éloignement, au sens du 3° de l'article L. 612-2, le préfet a tout d'abord relevé, sans que ce point ne soit contesté, que M. B... ne peut justifier de la régularité de son entrée et n'a pas demandé la délivrance d'un titre de séjour, au sens du 1° de l'article L. 612-3. Au surplus, M. B... ne conteste pas avoir explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la mesure d'éloignement, au sens du 4° de l'article L. 612-3. Enfin, M. B... n'a pas justifié de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ni d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale au sens du 8° de l'article L. 612-3. Par ailleurs, M. B... ne fait valoir aucune circonstance particulière permettant d'établir que le risque de soustraction à la mesure d'éloignement ne serait pas caractérisé. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 612-2, 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant le bénéfice d'un délai de départ volontaire.

Sur la légalité de la fixation du pays de renvoi :

12. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence doit être écarté pour les motifs qui ont été exposés au point 2.

13. En deuxième lieu, le préfet a visé les dispositions de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi en outre que les articles L. 721-3 à L. 721-5 du même code. Il a par ailleurs relevé la nationalité de M. B... et indiqué en outre qu'aucun risque n'était établi en cas de retour dans son pays d'origine. Le préfet a ainsi régulièrement motivé le choix de l'Algérie comme pays de destination.

14. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français que M. B... n'est pas fondé à exciper de son illégalité.

15. En quatrième lieu, compte tenu de la situation personnelle exposée au point 6 et en l'absence de tout autre argument, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le choix du pays dont il a la nationalité et où il a vécu l'essentiel de son existence comme pays de destination méconnaitrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

16. En cinquième lieu, si M. B... invoque la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ne fournit pas la moindre précision permettant d'apprécier le bien-fondé de son moyen. Il a en réalité indiqué lors de l'audition citée au point 5 qu'il n'a quitté l'Algérie pour venir en France que dans le but de trouver du travail. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit en conséquence être écarté.

17. En sixième lieu, les conditions de notification d'une décision sont normalement sans incidence sur sa légalité. Dès lors, si M. B... allègue que la décision lui aurait été notifiée dans une langue qu'il ne comprend pas, ce moyen est inopérant. En outre, il ressort en réalité du procès-verbal de l'audition citée au point 5 qu'il comprend, parle et écrit le français, ce moyen manque donc au surplus en fait.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

18. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence doit être écarté pour les motifs qui ont été exposés au point 2.

19. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour fixer la durée des interdictions de retour, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. En l'espèce, le préfet, qui a visé les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a exposé dans son arrêté les éléments dont il pouvait avoir connaissance sur la durée de présence de M. B... et relevé son caractère récent. Il a souligné la faiblesse de ses attaches privées et familiales sur le territoire français. Contrairement à ce qu'allègue M. B..., le préfet n'a pas fait état d'une menace pour l'ordre public. Enfin, en l'absence de précédente mesure d'éloignement, le préfet n'était pas tenu d'en faire état. La décision, qui expose ainsi ses motifs de droit et fait pour l'application des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10, est dès lors régulièrement motivée.

20. En troisième lieu, il ressort des motifs de l'arrêté préfectoral que le préfet a régulièrement examiné la situation de M. B... avant d'édicter une interdiction de retour sur le territoire français. Le moyen tiré du défaut d'examen doit dès lors être écarté.

21. En quatrième lieu, eu égard notamment à l'irrégularité de l'entrée et du séjour en France de M. B... et à l'absence d'attaches privées et familiales réelles sur le territoire français, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en lui faisant interdiction de retour sur le territoire français, pour une durée qu'il a limitée à un an au regard de la durée maximale de trois ans prévue par l'article L. 612-6 dans sa rédaction alors applicable. Le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne retenant pas de circonstances humanitaires au sens du premier alinéa de l'article L. 612-6.

22. En cinquième lieu, les moyens tirés de ce que le préfet se serait à tort cru tenu de prononcer une interdiction de retour sur le territoire français au vu d'une précédente mesure d'éloignement et aurait à tort retenu une menace pour l'ordre public manquent en fait.

23. En sixième lieu, compte tenu de la situation personnelle exposée au point 6 et en l'absence de tout autre argument, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français dont il a fait l'objet méconnaitrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

24. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02491


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02491
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : ISSA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;23ly02491 ?
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