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12/06/2024 | FRANCE | N°23LY02583

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 12 juin 2024, 23LY02583


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 13 mars 2023 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2300817 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les décisions

du préfet du Puy-de-Dôme du 13 mars 2023, enjoint audit préfet de réexaminer la situation de M. B......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 13 mars 2023 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2300817 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les décisions du préfet du Puy-de-Dôme du 13 mars 2023, enjoint audit préfet de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour, mis à la charge de l'Etat le versement à l'avocat du requérant d'une somme de 900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. B....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 août 2023, le préfet du Puy-de-Dôme demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 juillet 2023 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- la présence en France de M. B... constitue une menace pour l'ordre public ;

- l'intéressé, célibataire et sans charge de famille, et entré en France récemment, a maintenu des liens avec sa famille dans son pays d'origine et n'établit pas l'existence de liens particuliers noués en France.

Par des mémoires enregistrés le 5 septembre 2023 et le 14 mai 2024, M. A... B..., représenté par Me Vaz de Azevedo, conclut au rejet de la requête, et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né en octobre 2002, déclare être entré en France en mars 2019 alors qu'il était mineur. Confié au service de l'aide sociale à l'enfance, il a sollicité le 15 juin 2020 la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " étudiant ". Par des décisions du 13 mars 2023, le préfet du Puy-de-Dôme a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Ledit préfet relève appel du jugement du 7 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ses décisions du 13 mars 2023, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour, et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 900 euros à l'avocat de M. B... en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur la légalité des décisions préfectorales attaquées :

2. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. (...) ". Aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire (...) ".

3. D'une part, pour estimer que la présence de M. B... en France menaçait l'ordre public, le préfet du Puy-de-Dôme a relevé qu'il avait été condamné le 9 janvier 2023 par le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis, à une amende délictuelle de 300 euros et à une amende contraventionnelle de 150 euros pour des faits de refus d'obtempérer à une sommation de s'arrêter émanant d'un fonctionnaire ou agent chargé de constater les infractions et muni des insignes extérieurs et apparents de sa qualité, avec cette circonstance que les faits ont été commis dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente, des faits de conduite sans permis et de conduite à une vitesse excessive eu égard aux circonstances. A supposer même que, comme le soutient le requérant, les faits de vol ne soient pas établis, ceux-ci lui ayant été imputés à tort alors qu'il avait été autorisé par la propriétaire du véhicule à l'utiliser, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur cette infraction. Par ailleurs, le requérant fait valoir que les infractions de refus d'obtempérer, de conduite sans permis et de conduite à une vitesse excessive, commises le même jour, sont isolées et il produit des attestations d'agents de la structure qui l'a accueilli, d'un hôtel où il a été hébergé, d'enseignants et d'un employeur soulignant son sérieux et son comportement irréprochable. Toutefois, eu égard aux circonstances entourant la première infraction reprochée, le préfet a pu déduire de ces faits, graves et encore récents à la date de la décision attaquée, que la présence en France du requérant menaçait l'ordre public.

4. D'autre part, lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées ci-dessus, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et de dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. En l'espèce, le préfet du Puy-de-Dôme ayant à bon droit estimé que la présence en France de M. B... constituait une menace pour l'ordre public, il pouvait sans erreur de droit fonder son refus de lui délivrer une carte de séjour sur ce motif, sans être tenu de porter une appréciation globale sur sa situation, et notamment le suivi de sa formation.

5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand s'est fondé sur les motifs tirés de ce que la présence de M. B... en France ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, et de ce que le préfet du Puy-de-Dôme n'aurait pas examiné l'ensemble de la situation de l'intéressé, pour annuler les décisions du 13 mars 2023.

6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

7. En premier lieu, les décisions attaquées ont été signées par M. Laurent Lenoble, secrétaire général de la préfecture du Puy-de-Dôme, auquel le préfet de ce département avait délégué sa signature pour prendre de tels actes par un arrêté du 27 décembre 2022, publié le jour même au recueil des actes administratifs de la préfecture. Le moyen tiré de l'incompétence de ce signataire doit dès lors être écarté.

8. En deuxième lieu, il ressort des termes des décisions attaquées que celles-ci ont été prises après un examen de la situation personnelle de M. B....

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. M. B... déclare être entré en France en 2019, alors qu'il était encore mineur. Il y a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance et y a suivi une formation professionnelle, d'abord dans le domaine de la maintenance des équipements industriels, puis dans celui de conducteur d'engins. Le requérant fait en outre valoir qu'il a noué une relation amoureuse avec une Française avec laquelle il aurait un projet de mariage. Toutefois, à la date de la décision attaquée, il vivait en France depuis à peine plus de quatre ans. Sa relation amoureuse restait très récente et il ressort du rapport social établi en avril 2023 par la structure qui l'a accueilli qu'il maintenait des liens avec sa famille au Maroc. Dans ces circonstances, en refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour pour un motif tenant à l'ordre public, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préfet du Puy-de-Dôme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ses décisions du 13 mars 2023.

12. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions du conseil de M. B... tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2300817 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 7 juillet 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif et ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2014, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

M. Joël Arnould, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2024.

Le rapporteur,

Joël ArnouldLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02583


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02583
Date de la décision : 12/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Joël ARNOULD
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : VAZ DE AZEVEDO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-12;23ly02583 ?
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