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11/06/2024 | FRANCE | N°23LY02333

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 11 juin 2024, 23LY02333


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de la décision tacite née le 27 mars 2020 par laquelle le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et de la décision du ministre de l'intérieur et des outre-mer du 14 septembre 2021 rejetant son recours hiérarchique.



Par un jugement n° 2109181 du 8 juin 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.





Procé

dure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 13 juillet 2023, M. A... B..., représenté par Me Adas, demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de la décision tacite née le 27 mars 2020 par laquelle le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et de la décision du ministre de l'intérieur et des outre-mer du 14 septembre 2021 rejetant son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 2109181 du 8 juin 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 juillet 2023, M. A... B..., représenté par Me Adas, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2109181 du 8 juin 2023 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision tacite née le 27 mars 2020 par laquelle le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et la décision du ministre de l'intérieur et des outre-mer du 14 septembre 2021 rejetant son recours hiérarchique ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- le refus est illégal en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour ;

- il méconnait l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnait l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- le tribunal ne pouvait lui opposer, pour apprécier l'incidence des décisions sur son droit au respect de sa vie privée et familiale, une exigence de regroupement familial.

Le préfet du Rhône, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- a convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur ;

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 6 novembre 1980, a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de la décision tacite née le 27 mars 2020 par laquelle le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et de la décision du ministre de l'intérieur et des outre-mer du 14 septembre 2021 rejetant son recours hiérarchique. Par le jugement attaqué du 8 juin 2023, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il appartient à l'autorité administrative qui envisage de refuser le séjour à un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise. La circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé. Cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par la mesure d'éloignement, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est né en Algérie le 6 novembre 1980 et qu'il est de nationalité algérienne. Il est entré régulièrement en France le 29 septembre 2014 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 3 septembre 2016, il a épousé en France une compatriote en situation régulière, titulaire d'un certificat de résidence algérien valable dix ans. Le couple a eu une enfant, née en France le 16 avril 2017. Il ressort par ailleurs des pièces médicales produites que l'épouse de M.B... est atteinte d'un cancer des ovaires, détecté en 2018. Le certificat médical du 23 juillet 2019 d'un praticien hospitalier qui est produit à l'appui de la requête fait état d'une forme particulièrement agressive ayant nécessité une intervention chirurgicale puis la mise en œuvre de cures répétées et lourdes de chimiothérapie et requérant la poursuite d'un traitement. Ce certificat précise que l'ensemble de ces soins génère des effets secondaires invalidants rendant particulièrement nécessaire la présence de son conjoint. Le sérieux et la récurrence de cet état de santé sont au demeurant corroborés par un certificat du même praticien hospitalier du 24 mars 2023 qui retrace le suivi de sa patiente. S'il est vrai que M. B... a fait l'objet le 10 mars 2017 d'une mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré, il résulte ainsi de l'ensemble de ces éléments qu'à la date de la décision préfectorale, soit le 27 mars 2020, eu égard à la durée du séjour en France de M. B..., à la durée de son mariage, à l'installation durable de son épouse en France, au très jeune âge de leur enfant et, enfin, à l'état de santé très dégradé de son épouse à laquelle il apporte l'aide et l'assistance que cet état requiert, les attaches privées et familiales de M. B... doivent être regardées comme étant en France, de telle sorte que, dans ces circonstances, le refus de séjour qui lui a été opposé porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnait en conséquence l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. La décision tacite née le 27 mars 2020 par laquelle le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ainsi que la décision du ministre de l'intérieur et des outre-mer du 14 septembre 2021 rejetant son recours hiérarchique, doivent être annulées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif qui fonde l'annulation prononcée par le présent arrêt et alors qu'il ne résulte pas que la situation de droit ou de fait aurait changé, cette annulation implique nécessairement que la préfète du Rhône délivre à M. B... un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ". Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2109181 du 8 juin 2023 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La décision tacite née le 27 mars 2020 par laquelle le préfet du Rhône a refusé à M. B... la délivrance d'un titre de séjour et la décision du ministre de l'intérieur et des outre-mer du 14 septembre 2021, rejetant son recours hiérarchique, sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Rhône de délivrer à M. A... B... un certificat de résidence algérien d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La somme de 1 500 euros, à verser à M. A... B..., est mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

B. Berger

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02333


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02333
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : ADAS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;23ly02333 ?
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