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11/06/2024 | FRANCE | N°22LY02649

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 11 juin 2024, 22LY02649


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les Hospices civils de Lyon et leur assureur la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser une somme de 179 068 euros, en réparation de préjudices consécutifs à une prise en charge médicale du 16 mars 2015.



Par un jugement n° 2100591 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.





Procédure devant la

cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 29 août 2022 et le 23 février 2024, Mme B......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les Hospices civils de Lyon et leur assureur la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser une somme de 179 068 euros, en réparation de préjudices consécutifs à une prise en charge médicale du 16 mars 2015.

Par un jugement n° 2100591 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 29 août 2022 et le 23 février 2024, Mme B... A..., représentée par Me Parison, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100591 du 28 juin 2022 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner les Hospices civils de Lyon et leur assureur, la société Relyens Mutual Insurance, anciennement Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), à lui verser la somme de 179 068 euros en réparation de ses préjudices ;

3°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon et de leur assureur une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Mme A... soutient que :

- la photophobie dont elle souffre est liée à l'intervention chirurgicale du 16 mars 2015 et à ses suites ;

- l'indication thérapeutique du remplacement du cristallin de son œil droit par un implant est fautive ;

- les HCL ont manqué à leur devoir d'information, qui devait porter notamment sur les risques de complications de cette intervention, qu'elle pouvait refuser de subir s'agissant d'une opération de confort ;

- ses préjudices s'élèvent à :

* 958 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire ;

* 1 500 euros au titre des souffrances endurées ;

* 11 360 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent ;

* 1 000 euros au titre de frais divers ;

* 164 250 euros au titre de frais d'assistance par une tierce personne.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 janvier 2024, les Hospices civils de Lyon (HCL) et leur assureur, la société Relyens Mutual Insurance, anciennement Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés par le cabinet d'avocats Le Prado - Gilbert, concluent au rejet de la requête.

Les HCL et la société Relyens Mutual Insurance font valoir que :

- aucune faute tenant au choix de la technique opératoire ou à la réalisation du geste chirurgical ne peut être imputée à l'établissement ;

- la requérante a été informée des risques liés aux interventions subies, ce qu'elle a reconnu lors de l'expertise ;

- en tout état de cause, il n'existe pas de lien entre sa photophobie bilatérale et ces interventions sur l'œil droit ;

- à titre subsidiaire, le chef de préjudice au titre de frais d'assistance par une tierce personne n'est pas justifié.

Par une ordonnance du 26 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 18 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 21 mai 2024 :

- le rapport de M. Gros, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Parison pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., née en 1962, a subi, le 16 mars 2015, à l'hôpital Edouard Herriot dépendant des Hospices civils de Lyon (HCL), une extraction du cristallin de l'œil droit, remplacé par un implant torique. Le 25 juin suivant, une intervention chirurgicale par laser sur la cornée a modifié la réfraction de cet œil. Mme A..., ultérieurement affectée par une photophobie et un blépharospasme, a recherché la responsabilité des HCL et de leur assureur, la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) devenue la société Relyens Mutual Insurance. Elle relève appel du jugement du 28 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon n'a pas fait droit à sa demande tendant à la condamnation des HCL et de leur assureur à lui verser une indemnité totale de 179 068 euros en réparation des préjudices allégués en lien avec sa prise en charge hospitalière.

Sur la responsabilité des Hospices civils de Lyon :

En ce qui concerne l'indication opératoire et le geste chirurgical :

2. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ".

3. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport, daté du 26 février 2021, de l'expertise judiciaire réalisée par un praticien hospitalier ophtalmologue, qu'était légitime, pour le rétablissement d'une vision de près sans gêne et pour la cure d'une cataracte récemment diagnostiquée, le choix de la technique dite de monovision ou bascule, objet de l'intervention du 16 mars 2015 sur l'œil droit de Mme A.... Les lentilles étant mal tolérées par la requérante, l'expert a également validé le choix de la chirurgie cristalline, c'est-à-dire l'ablation du cristallin et la pose d'un implant torique, de préférence à une chirurgie cornéenne soustractive, laquelle comportait un risque d'ectasie, qui est une déformation irréversible de la cornée pouvant conduire à cécité. L'expert a encore validé la kératectomie photo-réfractive du 25 juin 2015, qui est un acte chirurgical réalisé par laser sur la surface de la cornée. Enfin, aucun geste fautif lors des interventions chirurgicales des 16 mars et 25 juin 2015 n'a été relevé par l'expert. La requérante ne produit pas de pièce de nature médicale susceptible de remettre en cause l'expertise. Par suite, en l'absence de faute, elle n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité des HCL est engagée sur le fondement des dispositions visées ci-dessus du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.

En ce qui concerne le devoir d'information :

4. L'article L. 1111-2 du code de la santé publique dispose que : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ". Il résulte de ces dispositions que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence.

5. En cas de manquement à cette obligation d'information, si l'acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, compte tenu de ce qu'était l'état de santé du patient et son évolution prévisible en l'absence de réalisation de l'acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu'il aurait fait, qu'informé de la nature et de l'importance de ce risque, il aurait consenti à l'acte en question.

6. Il résulte du rapport d'expertise du 26 février 2021 qu'à l'occasion de consultations précédant de quinze jours chacune des deux interventions chirurgicales en cause, Mme A... s'est vu remettre des documents d'information émanant de la société française d'ophtalmologie. Elle a déclaré à l'expert judiciaire avoir pris connaissance de ces documents, notamment des risques de complications, non exposés oralement il est vrai. Si elle pointe la photophobie bilatérale qui l'affecte, dont le risque de survenance n'aurait pas été porté à sa connaissance, il ne résulte pas de l'instruction que cette pathologie entrerait dans le champ des risques connus des interventions chirurgicales des 16 mars et 25 juin 2015. D'ailleurs, l'expert a écarté tout lien entre cette photophobie bilatérale et la chirurgie oculaire en cause, laquelle ne peut entraîner qu'une photophobie au niveau de l'œil opéré, appelée à disparaître en quelques jours ou semaines et, s'il admet que le blépharospasme, qui affecte également Mme A..., est une cause extraoculaire de la photophobie, il ne retient pas davantage de lien entre ce blépharospasme et les interventions chirurgicales de 2015. La requérante ne peut donc pas reprocher aux HCL un manquement à leur devoir d'information.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions indemnitaires présentées sur le fondement de la responsabilité pour faute et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les frais liés au litige :

8. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ". Et aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (...) ".

9. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de mettre les dépens, constitués par les frais et débours de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal, taxés et liquidés à la somme de 1 200 euros par une ordonnance du 10 mai 2021, à la charge des HCL. En revanche, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des HCL la somme que réclame la requérante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les frais de l'expertise diligentée par le tribunal, taxés et liquidés à la somme de 1 200 euros, sont mis à la charge définitive des HCL.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 28 juin 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., aux Hospices civils de Lyon, à la société Relyens Mutual Insurance, à la MGEN et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.

Le rapporteur,

B. Gros

Le président,

F. Pourny

La greffière,

B. Berger

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY02649


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