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06/06/2024 | FRANCE | N°23LY00956

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 06 juin 2024, 23LY00956


Vu la procédure suivante :





Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 mars 2023 et le 15 mai 2024, la société anonyme (SA) Immobilière européenne des Mousquetaires, représentée par Me Debaussart, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision implicite de refus ainsi que l'arrêté du 24 janvier 2023 par lesquels le maire de Brassac-les-Mines a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, en vue de la création d'un magasin à l'enseigne " Bricomarché ", sur un terrain situé sur

le territoire de cette commune ;

2°) d'enjoindre au maire de Brassac-les-Mines de ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 mars 2023 et le 15 mai 2024, la société anonyme (SA) Immobilière européenne des Mousquetaires, représentée par Me Debaussart, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision implicite de refus ainsi que l'arrêté du 24 janvier 2023 par lesquels le maire de Brassac-les-Mines a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, en vue de la création d'un magasin à l'enseigne " Bricomarché ", sur un terrain situé sur le territoire de cette commune ;

2°) d'enjoindre au maire de Brassac-les-Mines de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ou, subsidiairement, de statuer à nouveau sur sa demande ou, encore plus subsidiairement, d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial et au maire de Brassac-les-Mines de statuer à nouveau sur sa demande, dans un délai de quatre mois, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à charge de l'Etat, une somme de 2 000 euros, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la SAS Brico Brioude, de la SAS Brico Issoire, de la SAS Castorama France et de la SAS Etablissement F. Dumeil et Cie, une somme de 5 000 euros chacune, sur le fondement de ces mêmes dispositions.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- c'est à tort que la Commission nationale d'aménagement commercial a admis le recours des sociétés Brico Brioude et Brico Issoire ;

- l'intervention de la SAS Etablissement F. Dumeil et Cie ne peut être admise ;

- alors que le caractère prématuré ou précipité d'un projet n'est pas en soi un motif justifiant qu'un avis défavorable soit rendu, le projet est prévu de longue date et mis en œuvre par la communauté d'agglomération du Pays d'Issoire et la commune de Brassac-les-Mines ;

- le projet conduira incontestablement à l'amélioration de la desserte du secteur concerné par les modes de transports alternatifs ;

- il ne comporte aucun risque de déstabilisation des centralités ;

- il présente des mesures environnementales suffisantes.

Par un mémoire enregistré le 3 juillet 2023, la SAS Castorama France, représentée par Me Courrech, conclut à l'admission de son intervention volontaire et au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- elle a qualité pour intervenir volontairement à l'instance ;

- c'est à bon droit que la Commission nationale d'aménagement commercial a émis un avis défavorable au projet.

Par des mémoires enregistrés le 18 septembre 2023 et le 20 mai 2024, dont le dernier n'a pas été communiqué, la SAS Brico Brioude et la SAS Brico Issoire, représentées par Me Renaux, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros à verser à chacune d'entre elles soit mise à la charge de la requérante, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 27 novembre 2023, la SAS Etablissement F. Dumeil et Cie, représentée par Me Camus, conclut à l'admission de son intervention volontaire et au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- elle a qualité pour intervenir volontairement à l'instance ;

- c'est à bon droit que la Commission nationale d'aménagement commercial a émis un avis défavorable au projet.

Par un mémoire enregistré le 7 mars 2024, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente,

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,

- les observations de Me Debaussart, représentant la SA Immobilière européenne des Mousquetaires, Me Carteret, représentant la SAS Castorama France, Me De Cirugeda, représentant la SAS Brico Brioude et la SAS Brico Issoire et Me Camus, représentant la SAS Etablissement F. Dumeil et Cie ;

Une note en délibéré, enregistrée le 31 mai 2024, a été présentée par la commune de commune de Brassac-les-Mines ;

Considérant ce qui suit :

1. La SA Immobilière européenne des Mousquetaires a déposé, le 19 mars 2022, une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création d'un magasin à l'enseigne " Bricomarché ", sur un terrain situé sur le territoire de la commune de Brassac-les-Mines. La commission départementale d'aménagement commercial du Puy-de-Dôme a rendu, le 1er juin 2022, un avis favorable à ce projet. Saisie de recours contre cet avis par la SAS Castorama France, la SAS Brico Brioude et la SAS Brico Issoire, la Commission nationale d'aménagement commercial a, lors de sa séance du 27 octobre 2022, émis un avis défavorable sur le projet porté par la SA Immobilière européenne des Mousquetaires. En application du h de l'article R. 424-2 du code de l'urbanisme, une décision implicite de refus de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale est intervenue le 19 janvier 2023, terme du délai d'instruction de la demande. Par un arrêté du 24 janvier 2023, le maire de Brassac-les-Mines a refusé de délivrer à la requérante le permis de construire sollicité, valant autorisation d'exploitation commerciale. La SA Immobilière européenne des Mousquetaires demande à la cour d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande ainsi que cet arrêté du 24 janvier 2023.

Sur l'intervention de la SAS Etablissement F. Dumeil et Cie :

2. La SAS Etablissement F. Dumeil et Cie qui exploite un magasin à l'enseigne " Gedimat ", magasin spécialisé dans la vente de matériaux de constructions, situé dans la commune de Brassac-les-Mines sur laquelle est implanté le projet litigieux, a intérêt au maintien des décisions contestées et au rejet de la requête présentée par la SA Immobilière européenne des Mousquetaires. Par suite, son intervention est recevable.

Sur les " interventions " de la SAS Castorama France, la SAS Brico Brioude et la SAS Brico Issoire :

3. La personne qui, en application de l'article L. 752-17 du code de commerce, saisit la Commission nationale d'aménagement commercial d'un recours administratif préalable obligatoire contestant l'avis favorable délivré par la commission départementale sur un projet soumis à autorisation d'exploitation commerciale, a la qualité de partie en défense à l'instance devant la cour administrative d'appel en ce qu'elle concerne la décision du maire en tant qu'elle refuse l'autorisation d'exploitation commerciale sollicitée.

4. Il est constant que la SAS Castorama France, la SAS Brico Brioude et la SAS Brico Issoire ont saisi la Commission nationale d'aménagement commercial de recours contre l'avis favorable, rendu le 1er juin 2022, par la Commission départementale d'aménagement commercial du Puy-de-Dôme. Il s'ensuit que ces sociétés ont la qualité de parties et non d'intervenants à l'instance.

Sur la recevabilité des recours de la SAS Castorama France, de la SAS Brico Brioude et de la SAS Brico Issoire devant la commission nationale d'aménagement commercial :

5. Aux termes des premier et deuxième alinéas de l'article L. 752-17 du code de commerce : " Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'État dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial / (...) / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. ". Aux termes de l'article R. 752-3 du même code : " Pour l'application du présent titre, constitue la zone de chalandise d'un équipement faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale l'aire géographique au sein de laquelle cet équipement exerce une attraction sur la clientèle. Elle est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'équipement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelles barrières géographiques ou psychologiques et de la localisation et du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants. ". Selon l'article R. 752-31 du même code : " (...) A peine d'irrecevabilité, le recours est motivé et accompagné de la justification de la qualité et de l'intérêt donnant pour agir de chaque requérant. (...) ".

6. Pour l'application de l'article L. 752-17 du code de commerce, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise d'un projet, est susceptible d'être affectée par celui-ci, a intérêt à former un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'autorisation donnée à ce projet par la commission départementale. S'il en va ainsi lorsque le professionnel requérant est implanté dans la zone de chalandise du projet, un tel intérêt peut également résulter soit de ce que le territoire sur lequel il exploite un commerce aurait dû, au regard des critères fixés à l'article R. 752-3 du code de commerce, être inclus dans cette zone de chalandise, son activité étant ainsi susceptible d'être affectée par ce projet, soit de ce que, alors même que le professionnel requérant n'est pas implanté dans la zone de chalandise du projet, ce dernier est susceptible, en raison du chevauchement de sa zone de chalandise et de celle de l'activité commerciale du requérant, d'avoir sur cette activité une incidence significative.

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la société requérante a délimité une zone de chalandise au regard d'un temps de déplacement en voiture d'environ 15-20 minutes et qu'elle en a exclu les communes de Brioude et d'Issoire, notamment au regard de l'importance des pôles commerciaux présents sur ces communes les rendant de ce fait particulièrement attractives. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les magasins des sociétés Brico Brioude et Brico Issoire sont situés chacun, à moins de vingt minutes en voiture du site du projet et que le projet, situé le long de la D 76, sera aisément accessible en voiture depuis les communes de Brioude et d'Issoire, en raison des liaisons routières facilitées par la présence de l'autoroute A75, de la route nationale N102 et des routes départementales D76 et D14, au sein de cette zone. Par ailleurs, l'établissement projeté présente des caractéristiques équivalentes à celles des magasins situés sur les communes de Brioude et Issoire, tant en termes de surfaces de vente (proches de 4 000 m²) et de produits commercialisés dans le domaine spécialisé du bricolage, et se situe à proximité d'un magasin Intermarché. Dans ces circonstances, il est susceptible d'attirer la clientèle des établissements " Weldom ", alors même que les communes de Brioude et d'Issoire disposeraient d'équipements commerciaux plus importants que celui de Brassac-les-Mines. Ainsi, c'est sans aucune erreur d'appréciation que la commission nationale d'aménagement commercial a décidé d'inclure les communes de Brioude et Issoire dans la zone de chalandise du projet. Dès lors, la SAS Brico Brioude et la SAS Brico Issoire étaient, ne serait-ce qu'à ce titre, recevables à introduire leur recours devant la commission nationale d'aménagement commercial.

8. En second lieu, il ressort des études géomarketing réalisées pour les magasins " Weldom ", que l'établissement situé à Issoire comprend dans sa zone d'influence des communes situées dans la partie nord de la zone de chalandise déterminée par la requérante, et que l'établissement de Brioude comprend, dans sa zone d'influence, des communes mentionnées dans la partie sud de cette zone de chalandise. S'agissant des taux de fréquentation des habitants de ces communes, ces études révèlent qu'ils peuvent atteindre 40 à 70 % en ce qui concerne le magasin de Brioude et 25 à 40 %, en ce qui concerne le magasin d'Issoire. De même, il ressort des simulations effectuées par ces sociétés que le magasin de Brioude réalise 26 % de son chiffre d'affaires sur les communes incluses dans la zone de chalandise établie par le pétitionnaire et que le magasin d'Issoire réalise 15 % de son chiffre d'affaires sur les communes incluses dans cette même zone. Ainsi, le projet litigieux apparaît susceptible, en raison du chevauchement de sa zone de chalandise et de celles de l'activité commerciale des sociétés Brico Brioude et Brico Issoire, d'avoir sur cette activité une incidence significative. Dès lors, la SAS Brico Brioude et la SAS Brico Issoire étaient, également à ce titre, recevables à introduire leur recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial.

9. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que la Commission nationale d'aménagement commercial, qui pouvait légalement fonder son appréciation sur ces deux motifs sans entacher son avis d'aucune contradiction de motifs, a admis la recevabilité du recours conjoint formé par ces deux sociétés.

Sur la légalité du rejet implicite de la demande de permis de construire et celle de l'arrêté du maire de Brassac-les-Mines du 24 janvier 2023 :

10. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial ". Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. (...) ". L'article L. 752-6 du même code prévoit que : " I. - La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; (...) / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre (...), du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / (...) / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; (...) / III. - La commission se prononce au vu d'une analyse d'impact du projet, produite par le demandeur à l'appui de sa demande d'autorisation. (...) ".

11. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce que l'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation visés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

12. En premier lieu, le projet porte sur la création d'un magasin au sein de la future zone d'activités " La Coussonnière ", située en périphérie de la commune de Brassac-les-Mines, à 1,5 kilomètre du centre-ville. La requérante soutient que, contrairement à ce qu'a estimé la Commission nationale d'aménagement commercial, son projet ne présente aucun caractère précipité, dès lors que le document d'aménagement artisanal et commercial du schéma de cohérence de l'agglomération du pays d'Issoire identifie le site des " Coussonnières " comme la future zone de développement commercial de la commune de Brassac-les-Mines afin de répondre aux futurs besoins des habitants, que ce site constitue un projet de développement majeur pour le territoire, engagé il y a plus de quinze ans par la collectivité de Brassac-les-Mines, qu'un permis d'aménager la zone d'activité a été délivré le 15 juillet 2021, que les aménagements routiers ont fait l'objet d'une délibération du conseil communautaire de l'agglomération du pays d'Issoire le 7 avril 2022 et qu'une convention de financement et d'aménagement tripartite a été conclue, le 13 avril 2022, entre le conseil départemental du Puy-de-Dôme, la communauté d'agglomération " Agglo Pays d'Issoire " et la commune de Brassac-les-Mines. Toutefois, ainsi que l'a relevé la commission nationale d'aménagement commercial, il ressort des pièces du dossier que le site du projet, qui est inscrit à l'intérieur d'une orientation d'aménagement et de programmation toujours en cours de rédaction, n'est actuellement desservi ni par les transports en commun ni par un cheminement piétonnier sécurisé et adapté aux personnes à mobilité réduite. Si la requérante se prévaut de la présence d'un giratoire, réalisé au titre de ces mesures, et de la construction à venir d'aménagements routiers dans le cadre de la mise en œuvre de la future zone d'activités " la Coussonnière ", elle ne produit aucun élément susceptible de permettre une estimation de la date et des conditions de réalisation de ces travaux dont elle affirme qu'ils porteraient notamment sur l'aménagement de voies piétonnières et de pistes cyclables. Il ressort également des pièces du dossier que l'arrêt de bus le plus proche se situe à 10 minutes à pied du projet et qu'il est desservi par deux lignes de bus qui n'effectuent au maximum que six rotations journalières. Si la requérante se prévaut de ce que cette insuffisance de desserte sera palliée par la présence d'un arrêt de bus situé à 300 mètres du site, elle admet que cet arrêt n'est pas encore desservi et n'apporte aucune précision sur l'éventuelle mise en service de cet équipement, ainsi que sur la fréquence de sa desserte. Dans ces conditions, eu égard notamment aux incertitudes liées à la date et aux conditions de réalisation des aménagements de la zone d'implantation concernée, la Commission nationale d'aménagement commercial a pu, sans être tenue de demander à la SA Immobilière européenne des Mousquetaires de compléter sa demande, qui était suffisante sur ce point pour lui permettre de se prononcer sans erreur d'appréciation et sans erreur de droit, fonder son refus, sur le motif tiré du caractère prématuré du projet en cause.

13. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la zone de chalandise du projet connaît une évolution démographique d'une moyenne de 3,6 %, alors qu'elle comporte un taux important de vacance commerciale, s'élevant à 27,8 % à Brassac-les-Mines, à 20,8 % à Sainte-Florentine et allant jusqu'à 45,5 % dans la commune d'Auzat-La-Combelle et que la commune de Brassac-les-Mines bénéficie du programme " Petites villes de demain ", tout comme les communes d'Ardes-sur-Couze, Champeix, Saint-Germain-Lembron et Sauxillanges, ce qui révèle la grande fragilité et le déclin du tissu commercial de ces communes. Il ressort également des pièces du dossier que le site d'implantation du projet est facilement accessible par la D76, laquelle permet tout aisément de rejoindre l'autoroute A75 située à 3,7km du projet, ce qui, contrairement à ce que soutient la requérante, reste de nature à favoriser l'évasion commerciale vers ce nouveau pôle, alors qu'il existe, au sein des centres-villes susceptibles d'être impactés, six commerces de proximité relevant du même secteur d'activité que ceux concernés par le projet (bricolage, jardinage, animalerie et équipement de la maison). Le projet litigieux conduira ainsi nécessairement au renforcement d'un pôle commercial de périphérie, au détriment de ces centres-villes. Par suite, la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 752-6 du code de commerce en estimant, après avoir recueilli les avis défavorables des ministres respectivement chargés du commerce et de l'urbanisme, en se fondant sur le deuxième motif tiré de ce que le projet en cause risquait de nuire à la revitalisation du tissu commercial des centres-villes de ces communes.

14. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet en litige, qui représente une emprise au sol de 3 394 m², est situé sur un terrain d'assiette antérieurement à usage agricole d'une surface de 1 4394 m², non artificialisée à ce jour et aura ainsi pour effet d'imperméabiliser 58,65% de ce terrain d'assiette. S'il ressort des pièces du dossier que le projet respecte les exigences réglementaires posées par la règlementation technique 2012, alors applicable, et que plus de 30 % de la surface de la toiture sera recouverte de panneaux photovoltaïques et d'une couverture végétale, il n'est pas sérieusement contesté que des efforts plus importants auraient pu être accomplis pour augmenter la présence de panneaux photovoltaïques, notamment en l'absence d'obstacles architecturaux s'y opposant, alors, qu'ainsi il a été dit, ce projet aura pour effet d'imperméabiliser près de 60 % d'un terrain d'assiette, antérieurement à usage agricole. Dès lors, ainsi que l'a estimé la Commission nationale d'aménagement commercial, ce projet sera de nature à porter atteinte au critère lié à la consommation économe de l'espace. Par ailleurs, alors que le projet s'insère dans un environnement de plaines, constitué de vastes espaces et d'un habitat pavillonnaire, il s'impose dans le paysage, par sa construction massive, " monobloc ", de plus de 8 mètres de hauteur et de couleur majoritairement sombre sans faire référence à aucun élément de l'architecture locale. Ce bâtiment sera ainsi particulièrement visible depuis la RD 76, qui constitue un axe de circulation très fréquenté. Dès lors, et en dépit des efforts accomplis en cours d'instruction du dossier concernant l'augmentation du nombre d'arbres plantés, la construction projetée n'est pas de nature à permettre de regarder le projet comme satisfaisant à l'objectif d'intégration architecturale et paysagère, ainsi que l'a relevé d'ailleurs, le ministre en charge de l'urbanisme. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la Commission nationale d'aménagement commercial aurait commis une erreur d'appréciation en fondant son refus sur ce dernier motif tiré de l'atteinte à l'objectif de développement durable mentionné à l'article L. 752-6 du code de commerce.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite de refus ainsi que celle de l'arrêté du 24 janvier 2023 par lesquels le maire de Brassac-les-Mines a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, en vue de la création d'un magasin à l'enseigne " Bricomarché ", sur un terrain situé sur le territoire de cette commune.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la société requérante et n'appelle pas de mesure d'exécution particulière au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. En conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par la société requérante doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par la société requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

18. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SA Immobilière européenne des Mousquetaires, le versement d'une somme de 1 500 euros à la SAS Brico Brioude et une somme de 1 500 euros à la SAS Brico Issoire au titre des frais exposés par elles dans cette instance.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la SAS Etablissement F. Dumeil et Cie est admise.

Article 2 : La requête de la SA Immobilière européenne des Mousquetaires est rejetée.

Article 3 : La SA Immobilière européenne des Mousquetaires versera à la SAS Brico Brioude une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La SA Immobilière européenne des Mousquetaires versera à la SAS Brico Issoire une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Immobilière européenne des Mousquetaires, à la SAS Brico Brioude, à la SAS Brico Issoire, à la SAS Castorama France, à la SAS Etablissement F. Dumeil et Cie, à la commune de Brassac-les-Mines et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la présidente de la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

Mme Vergnaud, première conseillère,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2024.

La rapporteure,

P. DècheL'assesseure la plus ancienne,

E. Vergnaud

Le greffier en chef,

C. Gomez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier en chef

2

N° 23LY00956

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00956
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Réglementation des activités économiques. - Activités soumises à réglementation. - Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : SCP COURRECH ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-06;23ly00956 ?
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