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06/06/2024 | FRANCE | N°22LY03814

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 06 juin 2024, 22LY03814


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 décembre 2022 et le 26 octobre 2023, la SCI Badlocq, représentée par Me Courrech, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 par lequel le maire de Saint-Jean-en-Royans a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, en vue de l'extension de 2 618 m² d'un ensemble commercial, par création d'un " Bricomarché ", sur le territoire de la commune de Saint-Jean-en-Royans ;

2°) d'enjoindre

la Commission nationale d'aménagement commercial d'émettre un avis favorable à sa deman...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 décembre 2022 et le 26 octobre 2023, la SCI Badlocq, représentée par Me Courrech, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 par lequel le maire de Saint-Jean-en-Royans a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, en vue de l'extension de 2 618 m² d'un ensemble commercial, par création d'un " Bricomarché ", sur le territoire de la commune de Saint-Jean-en-Royans ;

2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial d'émettre un avis favorable à sa demande, dans un délai de deux mois, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et d'enjoindre au maire de la commune de Saint-Jean-en-Royans de statuer à nouveau sur sa demande, dans un délai de deux mois, à compter de l'intervention du nouvel avis rendu par la Commission nationale d'aménagement commercial ;

3°) de mettre à charge de la Commission nationale d'aménagement commercial, une somme de 3 000 euros, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le projet se situe sur un terrain qui n'est pas construit, mais qui a été aménagé dans le cadre d'un lotissement ;

- la Commission nationale d'aménagement commercial aurait dû rejeter sa demande pour irrecevabilité et non l'examiner au fond, si elle estimait que l'étude d'impact était trop lacunaire ;

- le taux de vacance commerciale de 83 % relevé sur la commune de Pont-en-Royans ne peut être opposé au projet ;

- l'imperméabilisation très limitée des sols ne peut justifier un avis défavorable.

Par des mémoires, enregistrés le 29 septembre 2023 et le 14 novembre 2023, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- au regard du caractère lacunaire de l'analyse d'impact produite par le porteur du projet sur les questions de l'animation de la vie urbaine et sur la question de la revitalisation du tissu commercial, le pétitionnaire a délibérément méconnu les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce ;

- le projet méconnaît les objectifs fixés au I,1° c) et e) de l'article L. 752-6 du code de commerce ;

- le taux de vacance commerciale méconnait les objectifs fixés à l'article L. 752-6 du code de commerce ;

- le projet méconnait le critère de gestion économe de l'espace, dès lors qu'il conduit à une consommation de surface non urbanisée.

Par des mémoires enregistrés le 6 octobre 2023 et le 17 mai 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la SAS Didier, la SARL Société d'exploitation des établissements Blanc Michel, la SA Comptoir Plus et la SARL Royans Elec, représentées par Me Gautier, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le terrain d'assiette du projet est situé en contiguïté d'espaces naturels (cours d'eau et bois) et, bien que classé en zone urbaine (UE), il est lui-même à l'état naturel et dans la zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique de type 2 " Royans et Vallée de la Bourne " ; dès lors, le projet va à l'encontre de l'orientation du projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme de Saint-Jean-en-Royans tendant à la préservation de l'urbanisation des sites naturels et d'intérêt écologique ; il ne peut être considéré que le terrain serait effectivement aménagé ;

- les lacunes et erreurs de l'étude d'impact justifient la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial ;

- la zone de chalandise omet de prendre en compte la commune de Saint-Just-de-Claix ;

- le projet va contribuer à augmenter la vacance commerciale constatée, qui est particulièrement importante.

Par un mémoire enregistré, le 16 mai 2024, la commune de Saint-Jean-en-Royans, représentée par son maire, a présenté des observations en réponse à la communication de la requête de la SCI Badlocq.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente ;

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;

- les observations de Me Carteret, représentant la SCI Badlocq, Me Gautier, représentant la SAS Didier, la SARL Société d'exploitation des établissements Blanc Michel, la SA Comptoir Plus et la SARL Royans Elec.

Une note en délibéré, enregistrée le 24 mai 2024, a été présentée pour la SAS Didier, la SARL Société d'exploitation des établissements Blanc Michel, la SA Comptoir Plus et la SARL Royans Elec.

Une note en délibéré, enregistrée le 24 mai 2024, a été présentée pour la SCI Badlocq ;

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Badlocq a déposé, le 10 décembre 2021, une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, pour un projet d'extension de 2 618 m² d'un ensemble commercial, par création d'un " Bricomarché ", sur le territoire de la commune de Saint-Jean-en-Royans. La commission départementale d'aménagement commercial de la Drôme a rendu, le 3 mai 2022, un avis favorable à ce projet. Saisie par la SAS Didier, la SARL Société d'exploitation des établissements Blanc Michel, la SA Comptoir Plus et la SARL Royans Elec d'un recours conjoint contre cet avis, la Commission nationale d'aménagement commercial a, lors de sa séance du 29 septembre 2022, émis un avis défavorable sur le projet porté par la SCI Badlocq. Par un arrêté du 21 novembre 2022, le maire de Saint-Jean-en-Royans, prenant acte de cet avis défavorable, a refusé de délivrer le permis de construire sollicité valant autorisation d'exploitation commerciale. La SCI Badlocq demande à la cour d'annuler cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 21 novembre 2022 du maire de Saint-Jean-en-Royans :

En ce qui concerne les motifs retenus par la Commission nationale d'aménagement commercial :

2. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable à la date de l'avis de la Commission nationale : " I. L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports ; / (...)/ III. La commission se prononce au vu d'une analyse d'impact du projet, produite par le demandeur à l'appui de sa demande d'autorisation. Réalisée par un organisme indépendant habilité par le représentant de l'Etat dans le département, cette analyse évalue les effets du projet sur l'animation et le développement économique du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre, ainsi que sur l'emploi, en s'appuyant notamment sur l'évolution démographique, le taux de vacance commerciale et l'offre de mètres carrés commerciaux déjà existants dans la zone de chalandise pertinente, en tenant compte des échanges pendulaires journaliers et, le cas échéant, saisonniers, entre les territoires. (...) ".

3. Aux termes de l'article R. 756-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable à la date de l'avis de la Commission nationale : " I. La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments mentionnés ci-après ainsi que, en annexe, l'analyse d'impact définie au III de l'article L. 752-6. / 1° Informations relatives au projet : (...) b) Pour les projets de création d'un ensemble commercial : / (...) / - la surface de vente et le secteur d'activité de chacun des magasins de plus de 300 mètres carrés de surface de vente ; - l'estimation du nombre de magasins de moins de 300 mètres carrés de surface de vente et de la surface de vente totale de ces magasins ; (...) 3° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : a) Prise en compte de l'objectif de compacité des bâtiments et aires de stationnement ; b) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules ; d) Indication de la distance du projet par rapport aux arrêts des moyens de transports collectifs, de la fréquence et de l'amplitude horaire de la desserte de ces arrêts ; e) Analyse prévisionnelle des flux de déplacement dans la zone de chalandise, tous modes de transport confondus, selon les catégories de clients ; f) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial pour les aménagements pris en charge au moins pour partie par les collectivités territoriales, la mention des principales caractéristiques de ces aménagements, une estimation des coûts indirects liés aux transports supportés par les collectivités comprenant la desserte en transports en commun, ainsi qu'une présentation des avantages, économiques et autres, que ces aménagements procureront aux collectivités ; 4° Effets du projet en matière de développement durable. Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de développement durable, incluant les éléments suivants : a) Présentation des mesures, autres que celles résultant d'obligations réglementaires, destinées à réduire la consommation énergétique des bâtiments ; b) Le cas échéant, description des énergies renouvelables intégrées au projet et de leur contribution à la performance énergétique des bâtiments, et fourniture d'une liste descriptive des produits, équipements et matériaux de construction utilisés dans le cadre du projet et dont l'impact environnemental et sanitaire a été évalué sur l'ensemble de leur cycle de vie ; c) Le cas échéant, dans les limites fixées aux articles L. 229-25 et R. 229-47 du code de l'environnement, description des émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre que le projet est susceptible de générer et les mesures envisagées pour les limiter ; d) Description des mesures propres à limiter l'imperméabilisation des sols ; e) Description des mesures propres à limiter les pollutions associées à l'activité, notamment en matière de gestion des eaux pluviales et de traitement des déchets ; f) Description des nuisances visuelles, lumineuses, olfactives et sonores générées par le projet et des mesures propres à en limiter l'ampleur ; g) Le cas échéant, si le projet n'est pas soumis à étude d'impact, description des zones de protection de la faune et de la flore sur le site du projet et des mesures de compensation envisagées ; (...) 2° Présentation de la contribution du projet à l'animation des principaux secteurs existants, notamment en mat ère de complémentarité des fonctions urbaines et d'équilibre territorial ; en particulier, contribution, y compris en termes d'emploi, à l'animation, la préservation ou la revitalisation du tissu commercial des centres-villes de la commune d'implantation et des communes limitrophes incluses dans la zone de chalandise définie pour le projet, avec mention, le cas échéant, des subventions, mesures et dispositifs de toutes natures mis en place sur les territoires de ces communes en faveur du développement économique ; (...) ". Aux termes de l'article R. 752-2 du même code : " Au sens de l'article L. 752-1, constituent des secteurs d'activité : / 1° Le commerce de détail à prédominance alimentaire ; / 2° Les autres commerces de détail et les activités de prestation de services à caractère artisanal ".

4. L'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur un dossier de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet aux objectifs énoncés par la loi au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

5. Les commissions d'aménagement commercial ne peuvent pas légalement délivrer l'autorisation demandée sur la base d'un dossier qui, par ses insuffisances, ne leur permettrait pas d'apprécier l'impact du projet au regard des objectifs et des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

6. Lorsqu'elle estime qu'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale est incomplète, il appartient à la Commission nationale d'aménagement commercial, non de refuser d'emblée pour ce motif l'autorisation, mais d'inviter la société à compléter dans cette mesure son dossier afin de combler les insuffisances constatées, puis, le cas échéant, de rejeter la demande en raison de lacunes persistantes.

7. En premier lieu, en l'espèce, dans son avis du 29 septembre 2022, la Commission nationale a considéré que l'analyse d'impact versée au dossier était lacunaire, " ne permettant pas aux membres de la commission d'appréhender sa contribution à l'animation des secteurs existants et en particulier du centre-ville de Saint-Jean-en-Royans ; qu'en effet, présentant de multiples erreurs, incohérences et une présentation qui donnent une perception erronée des effets du projet, notamment en ce qui concerne la préservation ou la revitalisation du tissu commercial du centre-ville et des communes de la zone de chalandise, l'analyse d'impact ne répond pas aux exigences législatives du III de l'article L. 752-6 du code de commerce ".

8. La Commission nationale d'aménagement commercial se prévaut de l'avis défavorable rendu par la direction départementale des territoires, lequel relève le caractère " discutable " du contenu de l'analyse d'impact produite par le pétitionnaire, en soulignant en particulier, que la zone de chalandise n'est pas convenablement représentée, que la liste des commerces de Saint-Jean-en-Royans omet de citer trois activités commerciales de la commune exercées sur des secteurs directement concernés par l'objet du projet et occulte le caractère surdimensionné du projet par rapport à la moyenne de surface de l'offre départementale en magasin de bricolage. Si le rapport d'instruction du dossier devant la Commission nationale d'aménagement commercial relève également le manque de clarté et de précision de l'analyse d'impact en ce qui concerne notamment l'impact du projet sur le tissu commercial du centre-ville de Saint-Jean-en-Royans et de la zone de chalandise, il ressort de ce même rapport, que des compléments d'informations ont été apportés par le pétitionnaire à la demande de la Commission nationale d'aménagement commercial, que ces informations complémentaires concernaient notamment un relevé des commerces et services de Saint-Jean-en-Royans, qui affiche un taux de vacance à 20 %, et celui de Pont-en-Royans, qui affiche un taux de vacance à 83 %. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la Commission nationale d'aménagement commercial aurait demandé au pétitionnaire des compléments d'information supplémentaires auxquels il se serait abstenu de répondre. Dans ces conditions, la Commission nationale ne pouvait pas se fonder sur le caractère lacunaire de l'étude d'impact pour considérer qu'elle ne pouvait apprécier l'impact du projet au regard du critère de sa contribution à l'animation des secteurs existants et en particulier du centre-ville de Saint-Jean-en-Royans.

9. En deuxième lieu, la Commission nationale d'aménagement commercial a fondé son refus d'autorisation d'exploitation commerciale sur le motif tiré ce que le taux de vacance commerciale de 83 % relevé dans la commune de Pont-en-Royans, située dans la zone de chalandise du projet, laissait ressortir une " fragilité commerciale avérée rendant peu admissible le renforcement d'un pôle périphérique au détriment des centralités en souffrance ". Devant la cour, la Commission nationale d'aménagement commercial fait également valoir que le projet aura un impact négatif sur l'animation de la vie urbaine et qu'il ne contribuera pas à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre- ville de la commune d'implantation et des communes limitrophes.

10. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du relevé des commerces et services présents sur les communes de Saint-Jean-en-Royans et de Pont-en-Royans transmis par le pétitionnaire à la demande de la Commission nationale d'aménagement commercial afin de compléter l'analyse d'impact sur ce point, que les taux de vacance commerciale concernant ces deux villes s'élèvent respectivement à 20 % et 83 %. Ces pièces révèlent également que la commune de Saint-Jean-en-Royans participe au programme " Petites villes de demain ". Il ressort également des pièces du dossier que le ministre chargé de l'urbanisme a rendu un avis défavorable au projet en soulignant notamment que le projet renforce une zone commerciale périphérique au détriment des deux commerces de mêmes activités présents en centre-ville, alors qu'il aurait pu s'implanter en centre-ville, sur une friche correspondant à un ancien magasin Totem, même si la surface de vente est plus petite. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le projet concerne la création d'un magasin de bricolage, de décoration et jardinage d'une surface de vente de 2 618 m² dont la localisation en centre-ville, et notamment en lieu et place de la friche susmentionnée qui ne représente qu'une surface de 1 200 m², s'avère inadaptée et que les autres locaux vacants du centre-ville constituent des cellules de taille modeste. Si le centre-ville de la commune d'implantation comprend des commerces de quincaillerie, de jardinerie et de négoce de matériaux, les activités exercées concernent, pour certains, des domaines spécialisés ou réservés aux professionnels qui ne se trouveront pas en concurrence directe avec l'offre proposée par le projet litigieux, laquelle s'avère ainsi complémentaire. Par ailleurs, il ressort du programme " Petites villes de demain ", auquel participe la commune de Saint-Jean-en-Royans, que les objectifs attendus relèvent de l'aide aux logements et non aux commerçants. Enfin, la requérante fait valoir sans être sérieusement contredite que la commune de Pont-en-Royans, pour laquelle il a été relevé un taux de vacance commerciale de 83 % et qui n'est pas limitrophe de la commune d'implantation du projet, connaît une érosion considérable de sa population liée notamment à sa localisation entre des zones inondables et des falaises instables provoquant des éboulements et mettant en péril les bâtiments existants, ce qui explique l'importance de ce taux de vacance commerciale. Compte tenu de ces éléments, et alors que la société requérante se prévaut également de ce que son projet aura notamment pour effet de réduire le taux d'évasion commerciale vers les pôles extérieurs, notamment de Romans-sur-Isère, Saint-Marcellin-Chatte ou Valence, la Commission nationale d'aménagement commercial a entaché son avis d'erreur d'appréciation en considérant que le projet en litige aura un impact négatif sur l'animation de la vie urbaine et qu'il ne contribuera pas à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre- ville de la commune d'implantation et des communes limitrophes.

11. Enfin, la Commission nationale d'aménagement commercial a relevé, dans son avis du 29 septembre 2022, que " le projet sera localisé le long de la RD 76, à l'entrée nord de Saint-Jean-en-Royans, Lieudit les " Arods ", au sein de la zone d'activités de la " Roue Est ", à 1,25 km du centre-ville ; qu'il prendra place dans un lot destiné à la construction resté inoccupé depuis la création de cette zone il y a une douzaine d'années ; que ce lot constitue une parcelle à l'état naturel ".

12. Devant la cour, la Commission nationale d'aménagement commercial soutient que ces constats traduisent la méconnaissance, par le projet litigieux du critère de gestion économe de l'espace, dès lors qu'il conduit à une consommation de surface non urbanisée dont le changement d'affectation induirait une imperméabilisation importante du sol naturel. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le projet prendra place au sein d'une zone d'activité, dans un lotissement aménagé depuis 2006, sur lequel se situe également un magasin " Intermarché ". Aucun élément du dossier ne permet d'établir que les lots concernés, qui sont desservis et équipés, auraient perdu leur vocation à accueillir une activité commerciale, alors même qu'ils sont restés à l'état naturel et qu'ils se trouvent situés dans un secteur d'intérêt environnemental avéré. Enfin, si la Commission nationale d'aménagement commercial fait valoir que le projet, qui induit un changement d'affectation du sol, aboutira à une imperméabilisation importante, il ressort des pièces du dossier que ce projet, qui occupera un terrain nu de 9 447 m², comptera 5 007 m² d'espaces verts auxquels s'ajouteront 1 240 m² de pavés drainants pour les aires d'exposition/vente extérieur et 547 m² de places de stationnement en revêtement " Écovégétal ", soit un total de 6 794 m² de surfaces perméables représentant 72 % de l'emprise foncière totale du projet. Par ailleurs, le projet prévoit une mutualisation des places de stationnement avec le magasin " Intermarché " voisin.

En ce qui concerne les demandes des SAS Didier, la SARL Société d'exploitation des établissements Blanc Michel, la SA Comptoir Plus et la SARL Royans Elec :

13. Par leurs argumentations, la SAS Didier, la SARL Société d'exploitation des établissements Blanc Michel, la SA Comptoir Plus et la SARL Royans Elec peuvent être regardées comme demandant que les motifs tirés de ce que le projet va à l'encontre des orientations du projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme de Saint-Jean-en-Royans tendant à la préservation de l'urbanisation des sites naturels et d'intérêt écologique et à la revitalisation des centres-villes des villes moyennes, soient ajoutés aux motifs contenus dans l'avis du 29 septembre 2022 et, le cas échéant, substitués à ceux qui seraient erronés. Cependant, il n'y a pas lieu de procéder à une telle substitution dès lors, d'une part, qu'elle ne peut être demandée au juge de l'excès de pouvoir que par l'administration auteure de la décision attaquée et, d'autre part, que la délivrance d'une autorisation d'exploitation commerciale n'est, en tout état de cause, pas subordonnée au respect des orientations du projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme. De même, la SAS Didier, la SARL Société d'exploitation des établissements Blanc Michel, la SA Comptoir Plus et la SARL Royans Elec ne peuvent demander que soit substitué aux motifs contenus dans l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial, celui tenant à l'erreur commise par le pétitionnaire dans la définition de la zone de chalandise, dont la Commission nationale d'aménagement commercial ne fait nullement état dans ses écritures.

14. Il résulte de ce qui précède que l'intégralité des motifs de l'avis rendu par la Commission nationale d'aménagement commercial ayant été invalidés, la SCI Badlocq est fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué du 21 novembre 2022 du maire de Saint-Jean-en-Royans.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

15. Le présent arrêt, eu égard à ses motifs, implique seulement qu'il soit enjoint au maire de la commune de Saint-Jean-en-Royans, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, de prendre une nouvelle décision sur la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale présentée par la SCI Badlocq, après nouvel avis de la Commission nationale d'aménagement commercial.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SCI Badlocq, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SAS Didier, la SARL Société d'exploitation des établissements Blanc Michel, la SA Comptoir Plus et la SARL Royans Elec demandent à ce titre.

17. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à la SCI Badlocq d'une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté du 21 novembre 2022 du maire de Saint-Jean-en-Royans est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Saint-Jean-en-Royans, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, de prendre une nouvelle décision, après nouvel avis de la Commission nationale d'aménagement commercial, sur la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale présentée par la SCI Badlocq.

Article 3 : L'État versera à la SCI Badlocq une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la SAS Didier, la SARL Société d'exploitation des établissements Blanc Michel, la SA Comptoir Plus et la SARL Royans Elec sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Badlocq, à la SAS Didier, à la SARL Société d'exploitation des établissements Blanc Michel, à la SA Comptoir Plus, à la SARL Royans Elec, à la commune de Saint-Jean-en-Royans et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la présidente de la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

Mme Vergnaud, première conseillère,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.

La rapporteure,

P. Dèche

L'assesseure la plus ancienne,

E. Vergnaud

Le greffier en chef,

C. Gomez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier en chef

2

N° 22LY03814

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03814
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Réglementation des activités économiques. - Activités soumises à réglementation. - Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : SCP COURRECH ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-06;22ly03814 ?
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