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16/05/2024 | FRANCE | N°23LY00869

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 16 mai 2024, 23LY00869


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2208991 du 28 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du préfet du Rhône du 24 octobre 2022 prises à l'encontre de Mme A..., portant refus de s

éjour, obligation de quitter le territoire français, fixation du délai de départ volontaire et fixat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2208991 du 28 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du préfet du Rhône du 24 octobre 2022 prises à l'encontre de Mme A..., portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français, fixation du délai de départ volontaire et fixation du pays de destination (article 1er), enjoint à la préfète du Rhône de réexaminer la demande de Mme A... de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi - création d'entreprise ", dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement (article 2), mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3) et rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme A... (article 4).

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 8 mars 2023, la préfète du Rhône demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 28 février 2023 et de rejeter la demande de Mme A... devant le tribunal administratif de Lyon.

La préfète soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'en opposant une condition de production d'un diplôme obtenu dans l'année universitaire de l'année de demande de délivrance du titre de séjour, alors qu'une telle condition n'est pas imposée par les dispositions législatives ou réglementaires du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile régissant les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " en vigueur depuis le 1er mai 2021, le préfet du Rhône a entaché sa décision d'une erreur de droit ;

- cette condition résulte de l'arrêté du 4 mai 2022 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance des titres de séjour prévus par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette condition figurait à l'article R. 313-11-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et résulte de la recodification à droit constant de ce code en mai 2011 précisée par voie réglementaire ;

- aucun des autres moyens articulés en première instance par la requérante n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Lantheaume, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance non compris dans les dépens.

Mme A... soutient que :

- aucun des moyens de l'appel du préfet n'est fondé dès lors que la condition de diplôme obtenu dans l'année n'était prévue que par une disposition réglementaire abrogée, n'est prévue par aucune disposition législative ou réglementaire en vigueur et n'est davantage prévue ni par la directive 2016/801/UE du 11 mai 2016 (directive " étudiants-chercheurs "), ni, surtout, par l'instruction du 28 février 2019 relative à l'application de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie - dispositions relatives au séjour et à l'intégration entrant en vigueur le 1'' mars 2019 (NOR : INTV1906328J) ;

- elle reprend ses autres moyens de première instance.

Par lettre du 25 mars 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office les moyens tirés de l'abrogation de l'article R. 313-11-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par les dispositions de l'article 1er du décret n° 2020-1734 du 16 décembre 2020, de l'absence de codification à droit constant opérée par la recodification intervenue au 1er mai 2021, et de l'incompétence du ministre de l'intérieur pour réparer ce qui est présenté comme une erreur de codification en ajoutant, dans l'arrêté du 4 mai 2022 une condition d'ancienneté de diplôme non prévue par les dispositions législatives et réglementaires.

Un mémoire a été présenté pour Mme A..., le 25 mars 2024 en réponse au moyen soulevé d'office.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon du 12 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1734 du 16 décembre 2020 ;

- l'arrêté du 4 mai 2022 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance des titres de séjour prévus par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante ouzbèke née le 14 avril 1991, est entrée sur le territoire français pour la première fois le 30 août 2019, munie d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour en qualité d'étudiante valable du 29 août 2019 au 29 août 2020. Elle s'est vue délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " étudiant " valable du 1er août 2020 au 30 novembre 2021, dont elle a sollicité le renouvellement le 26 novembre 2021. Le 11 août 2022, Mme A... a par ailleurs demandé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise ", sur le fondement des dispositions de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par décisions du 24 octobre 2022, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 28 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions du préfet du Rhône du 24 octobre 2022, a enjoint à la préfète du Rhône de réexaminer la demande de Mme A... de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi - création d'entreprise ", dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La préfète du Rhône relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issu de l'ordonnance du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur depuis le 1er mai 2021 : " L'étranger titulaire d'une assurance maladie qui justifie (...) avoir été titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " délivrée sur le fondement des articles L. 422-1, L. 422-2 ou L. 422-6 et avoir obtenu dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret (...), se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " d'une durée d'un an dans les cas suivants : 1° Il entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle, sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur (...) ". Aux termes de l'article R. 313-11-1 du même code, dans sa rédaction applicable jusqu'au 1er mai 2021 : " Pour l'application du 1° du I de l'article L. 313-8, l'étranger qui sollicite la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " présente à l'appui de sa demande, outre les pièces prévues aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les pièces suivantes (...) 2° Un diplôme, obtenu dans l'année, au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret (...) La liste des diplômes au moins équivalents au grade de master est établie par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche ". Enfin, aux termes du point 26 de l'annexe 10 au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issu de l'arrêté du 4 mai 2022 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance des titres de séjour prévus par le livre IV de ce code, doit être présenté, à l'appui d'une demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi/création d'entreprise ", un : " (...) - diplôme de grade au moins équivalent au master ou diplômes de niveau I labellisés par la Conférence des grandes écoles ou diplôme de licence professionnelle obtenu dans l'année dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national ou attestation de réussite définitive au diplôme (...) ".

3. Pour refuser de délivrer à Mme A... le titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " prévu par les dispositions précitées de l'article L. 422-10 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Rhône, après avoir relevé que le titre de séjour sollicité avait pour objet de permettre à l'étudiant étranger venant d'obtenir un des diplômes requis de prolonger son séjour en France afin d'acquérir une première expérience professionnelle, s'est fondée sur la circonstance que le dernier diplôme de Mme A... n'avait pas été obtenu en 2021/2022, mais en 2019/2020 et qu'il était ainsi trop ancien.

4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a obtenu le master mention " Business, Economie et Droit " délivré par l'Université Aix-Marseille au titre de l'année universitaire 2019-2020, qu'elle a obtenu un diplôme d'études françaises niveau B1 en 2021 puis niveau B2 en 2022 et qu'elle a sollicité un titre de séjour " recherche d'emploi ou création d'entreprise " en vue d'exercer une première expérience professionnelle en France dans la continuité des études qu'elle a accomplies. Elle répondait ainsi aux conditions fixées par les dispositions de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'exigent pas que le diplôme requis pour obtenir ce titre de séjour ait été obtenu l'année précédant la demande. Si la préfète du Rhône se prévaut des dispositions de l'article R. 313-11-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoyait cette condition, cet article a été abrogé par le décret du 16 décembre 2020 portant partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, une telle condition ne saurait résulter du seul arrêté du 4 mai 2022 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance des titres de séjour prévus par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le ministre de l'intérieur et le ministre des outre-mer n'étant pas compétents pour réparer ce que la préfète du Rhône présente comme une erreur de codification. Par suite, le préfet qui a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a entaché le rejet de la demande présentée par Mme A... d'une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Rhône n'est pas fondée à se soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 28 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 24 octobre 2022 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français, fixation du délai de départ volontaire et fixation du pays de destination et lui a enjoint de réexaminer la demande de Mme A... de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi - création d'entreprise ", dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Mme A... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Lantheaume, conseil de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Lantheaume, de la somme de 1 500 euros.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la préfète du Rhône est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Lantheaume, conseil de Mme A..., une somme de 1 500 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., à Me Lantheaume et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2024.

La rapporteure,

P. Dèche

L'assesseur le plus ancien

H. Stillmunkes

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00869

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00869
Date de la décision : 16/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : LANTHEAUME

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-16;23ly00869 ?
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