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14/05/2024 | FRANCE | N°23LY03648

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 14 mai 2024, 23LY03648


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 juin 2023 par lequel le préfet de la Drôme lui a refusé un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois.



Par un jugement n° 2304455 du 17 octobre 2023, le tribunal administratif a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 27 novembre 2023, M. A..., rep

résenté par Me Dalançon, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du 17 octobre 2023 ;



2°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 juin 2023 par lequel le préfet de la Drôme lui a refusé un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois.

Par un jugement n° 2304455 du 17 octobre 2023, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Dalançon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 octobre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 juin 2023 par lequel le préfet de la Drôme lui a refusé un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " et, subsidiairement, " salarié ", et, à défaut, de réexaminer sa situation en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'erreur de fait ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 de ce code et est entachée d'erreur de droit ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 14 février 2024, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Mauclair, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 15 février 1963 à Hoa Binh (Vietnam) et de nationalité vietnamienne, est entré sur le territoire français le 26 avril 2011 sous couvert d'un visa de court séjour. Le préfet de la Drôme, par un arrêté du 7 juin 2023 pris après un avis défavorable de la commission du titre de séjour émis le 13 avril 2023, lui a refusé la délivrance du titre de séjour qu'il a sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 17 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. M. A... a invoqué devant le tribunal l'erreur manifeste qu'aurait commise le préfet dans l'appréciation de sa situation personnelle en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. Les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que les premiers juges ont entaché leur jugement d'une irrégularité et à en demander l'annulation.

3. Il y a lieu pour la cour de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. A....

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

5. M. A..., entré en France le 26 avril 2011 sous couvert d'un visa de court séjour, à l'âge de quarante-huit ans, soutient qu'il a une vie privée intense et stable en France, où réside sa fille, majeure et en situation régulière, ainsi que sa nièce et son époux, de nationalité française, et les enfants de ces deniers dont il s'occupe au quotidien depuis 2015. Si, comme M. A... le fait valoir, l'arrêté attaqué retient à tort " qu'il n'a aucune attache familiale en France " et que " l'examen de sa situation ne révèle pas l'existence de liens intenses, stables et anciens qu'il aurait tissés sur le territoire ", cette erreur de fait est, en l'espèce, sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué dès lors que le préfet, pour refuser à l'intéressé la délivrance du titre de séjour sollicité, a également retenu que le lien de parenté avec des membres de sa famille en France n'était pas établi, qu'il n'était pas dépourvu d'attaches familiales au Vietnam où résident son épouse, sa seconde fille et ses sept frères et sœurs, qu'il n'a sollicité la régularisation de sa situation que le 3 janvier 2023, qu'il ne démontre pas son insertion dans la société française dès lors qu'il ne comprend ni ne parle la langue française alors qu'il est présent en France depuis 2011, qu'il n'a plus exercé d'activité professionnelle depuis 2015, et qu'il ne conteste pas être sans ressources et domicile propre. Ainsi, eu égard à la précarité des conditions de son séjour en France et de la durée de ce dernier, au regard du temps passé dans son pays d'origine, et alors qu'une partie de sa famille réside toujours au Vietnam, M. A... ne saurait être regardé comme ayant sur le territoire français une vie privée et familiale suffisante et ancrée dans la durée. Dans ces circonstances, et compte tenu également de l'avis défavorable rendu par la commission du titre de séjour le 13 avril 2023, le préfet de la Drôme n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision de refus de titre de séjour. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent ainsi être écartés. Pour les mêmes motifs, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.

6. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

7. Si M. A..., dont la demande a également été examinée au titre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entré en France en 2011 et indique y résider depuis lors, tant cette résidence habituelle sur le territoire français que les éléments précités ne constituent des considérations humanitaires ou ne traduisent des motifs exceptionnels d'admission au séjour au titre de sa vie privée et familiale. Par ailleurs, l'intéressé, qui se prévaut de plus de quatre années d'expérience en tant que commis de cuisine de 2011 à 2015, fait état d'une demande d'autorisation de travail renseignée par une société de restauration dont sa fille et sa nièce sont les co-gérantes, pour exercer, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, des fonctions de commis de cuisine dans un restaurant vietnamien. Toutefois, son expérience en qualité de commis de cuisine est ancienne et ne permet pas de caractériser une situation exceptionnelle ou un motif humanitaire susceptible de justifier son admission exceptionnelle au séjour. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 4, M. A..., qui a résidé au Vietnam jusqu'à l'âge de quarante-huit ans, n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident son épouse, l'une de ses filles et sa fratrie. Dans ces conditions, ni la durée de son séjour en France ni ses conditions d'emploi ne permettent de caractériser l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à justifier la délivrance d'un titre de séjour mention " salarié " sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A cet égard, si le préfet de la Drôme, qui a examiné la demande d'admission au séjour du requérant au regard des dispositions précitées de cet article, a relevé, dans sa décision, par un motif surabondant, que le métier pour lequel M. A... a produit une demande d'autorisation de travail ne figure pas dans la liste des métiers en tension fixés par l'arrêté du 1er avril 2021, il ne saurait se déduire de cette mention qu'il aurait commis une erreur de droit dans l'application de cet article L. 435-1.

8. En dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

9. En l'espèce, si M. A... soutient qu'il doit rester en France auprès des enfants de sa nièce, dont il s'est quotidiennement occupé depuis 2015 et dont l'un d'eux est malade, il ne fait état d'aucun obstacle à ce qu'il revienne les visiter, étant relevé que ces enfants résident en France avec leurs deux parents. Dès lors, la décision portant refus de séjour n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de ces enfants au sens du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, en admettant même qu'il aurait créé des liens affectifs avec eux.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision de refus de titre de séjour, soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondé et doit, par suite, être écarté.

11. En deuxième lieu, le requérant ne peut utilement se prévaloir à l'encontre de la mesure d'éloignement des dispositions de l'article L. 432-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui régissent la délivrance des titres de séjour. Par suite, ce moyen est inopérant et doit être écarté.

12. En troisième lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation pour les motifs exposés au point 4.

13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2023 pris par le préfet de la Drôme à son encontre. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2304455 du 17 octobre 2023 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024.

La rapporteure,

A.-G. MauclairLa présidente,

M. B...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 23LY03648 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03648
Date de la décision : 14/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Anne-Gaëlle MAUCLAIR
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : DALANÇON

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-14;23ly03648 ?
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