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14/05/2024 | FRANCE | N°22LY03422

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 14 mai 2024, 22LY03422


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



La société A... B... Investissements a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler, d'une part, l'arrêté du 24 décembre 2019 par lequel le maire de Saint-Just-de-Claix a opposé un sursis à statuer à la demande de permis de construire n° PC 038 409 19 20015 portant sur l'édification de deux maisons jumelées sur le lot A de la parcelle cadastrée section ZB n° ..., d'autre part, l'arrêté du 24 décembre 2019 par lequel le maire de Saint-Just-de-Claix a opposé un sursis à stat

uer à la demande de permis de construire n° PC 038 409 19 20016 portant sur l'édificati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société A... B... Investissements a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler, d'une part, l'arrêté du 24 décembre 2019 par lequel le maire de Saint-Just-de-Claix a opposé un sursis à statuer à la demande de permis de construire n° PC 038 409 19 20015 portant sur l'édification de deux maisons jumelées sur le lot A de la parcelle cadastrée section ZB n° ..., d'autre part, l'arrêté du 24 décembre 2019 par lequel le maire de Saint-Just-de-Claix a opposé un sursis à statuer à la demande de permis de construire n° PC 038 409 19 20016 portant sur l'édification de deux maisons jumelées sur le lot B de la parcelle cadastrée section ZB n° ....

Par un jugement n° 2002756 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les arrêtés du 24 décembre 2019 et a enjoint au maire de la commune de Saint-Just-de-Claix de délivrer à la société A... B... Investissements deux certificats de permis de construire tacites en application des dispositions de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 novembre 2022, la commune de Saint-Just-de-Claix, représentée par Me Muridi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 septembre 2022 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter la requête présentée par la société A... B... Investissements ;

3°) de mettre à la charge de la société A... B... Investissements une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société SASU HP Investissements n'a pas, dans le délai de deux mois, contesté les arrêtés de sursis à statuer du 24 décembre 2019 ; le recours gracieux concernait M. B... A... et ne peut être regardé comme présenté pour le compte de la société au motif que M. A... en était le président, et le recours contentieux de la société HP Investissement est ainsi irrecevable ;

- à titre subsidiaire, les arrêtés en litige sont suffisamment motivés ; les sursis à statuer opposés par les deux arrêtés du 24 décembre 2019 ont été notifiés, dans une seule enveloppe et dans les délais requis, et aucune décision tacite n'a ainsi pu naître le 27 décembre 2019 ; au surplus, La Poste a notifié les deux arrêtés dans un délai anormalement long, étant relevé qu'un délai de 24 heures aurait permis un acheminement du courrier le premier jour ouvrable suivant le 24 décembre, soit le jeudi 26 décembre 2019 ; les sursis à statuer étaient justifiés au regard de la destination de la zone UI telle qu'arrêtée dans le futur plan local d'urbanisme.

Par un mémoire enregistré le 14 février 2023, la société A... B... Investissements, représentée par le Cabinet AVOCODE, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au maire de Saint-Just-de-Claix de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite en application des dispositions de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme et sous astreinte de 100 euros à compter du jugement du 22 septembre 2022, et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Just-de-Claix au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés et que la commune de Saint-Just-de-Claix n'a pas exécuté le jugement en litige.

Par une ordonnance du 12 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 mars 2024.

Par une lettre du 28 mars 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de fonder sa décision sur l'irrecevabilité des conclusions présentées par la société A... B... Investissements et tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de Saint-Just-de-Claix de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite en application des dispositions de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme et ce, sous astreinte de 100 euros à compter du jugement du 22 septembre 2022, de telles conclusions relevant d'un litige distinct de l'appel introduit par la commune de Saint-Just-de-Claix.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère,

- les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique,

- et les observations de Me Balestas substituant Me Murini pour la commune de Saint-Just-de-Claix.

Considérant ce qui suit :

1. La société A... B... Investissements (HP Investissements), représentée par M. B... A..., a déposé le 26 septembre 2019 deux demandes de permis de construire pour la construction de deux maisons jumelées sur chacun des deux lots A et B, issus de la division de la parcelle cadastrée section ZB n° .... Par deux arrêtés du 24 décembre 2019, le maire de Saint-Just-de-Claix a opposé, dans chacune des demandes en cause, un sursis à statuer. Par un jugement du 22 septembre 2022 le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces arrêtés du 24 décembre 2019 et a enjoint au maire de la commune de délivrer à la société pétitionnaire, en application des dispositions de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme, deux certificats de permis de construire tacites. La commune relève appel de ce jugement. Dans son mémoire en défense, la société A... B... Investissements demande à la cour à ce qu'il soit enjoint au maire de Saint-Just-de-Claix de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite en application des dispositions de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme, sous astreinte de 100 euros à compter du jugement du 22 septembre 2022.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Il ressort des pièces du dossier que le conseil de M. B... A..., représentant la société HP Investissements, a adressé au maire de Saint-Just-de-Claix un courrier daté du 17 février 2020 et reçu le 19 février suivant, et ce dernier a expressément rejeté cette demande le 26 mai 2020. Ce courrier, dénué d'ambiguïté dans son objet, doit être regardé comme un recours gracieux dirigé contre les arrêtés de sursis à statuer du 24 décembre 2019, d'ailleurs joints en annexe. Il a été régulièrement introduit pour la société par M. B... A..., unique associé de la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) au sens de l'article L. 227-1 du code du commerce, et qui en est également, selon l'extrait Kbis produit au dossier de première instance, le président et qui la représente dès lors à l'égard des tiers en application de l'article L. 227-6 du code de commerce. Dans ces conditions, ce recours gracieux a prorogé les délais de recours contentieux, lesquels ont par ailleurs été suspendus jusqu'au 23 juin 2020 en application de l'article 7 de l'ordonnance du 25 mars 2020. La fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de première instance, enregistrée au tribunal administratif le 18 mai 2020, ne peut dès lors être accueillie.

Sur l'appel de la commune de Saint-Just-de-Claix :

3. Aux termes de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction ". Aux termes de l'article R. 423-23 du même code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : /(...)/b) Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation, ou ses annexes ; /c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager. " (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 423-19 du même code : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'un permis tacite naît à l'expiration du délai fixé pour l'instruction de la demande qui est de deux mois pour une maison individuelle et trois mois pour la construction de plusieurs maisons comme en l'espèce, si aucune décision ne lui a été notifiée avant l'expiration du délai réglementaire d'instruction de son dossier. Il incombe à l'administration d'établir la date à laquelle le pli accompagnant sa décision a régulièrement fait l'objet d'une première présentation à l'adresse de l'intéressé.

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les demandes de permis ont été déposées par la société HP Investissements le 26 septembre 2019. Le délai d'instruction de chacune de ces demandes, qui était de trois mois, expirait ainsi le 26 décembre 2019. En l'absence de décision expresse avant l'expiration de ce délai, des permis de construire tacites sont intervenus. Si la commune de Saint-Just-de-Claix, en réponse à une mesure d'instruction diligentée par le tribunal, a produit l'accusé de réception de l'enveloppe qui aurait, selon elle, contenu les deux arrêtés de sursis à statuer en litige, il ressort en tout état de cause des indications portées sur cette enveloppe que le pli a été présenté le 27 décembre puis mis à disposition au bureau de poste le 28 décembre 2019, soit après la naissance des permis tacites. Par ailleurs, si les pièces du dossier démontrent que le pli recommandé a été posté le mardi 24 décembre 2019, l'indication produite ne permet pas de déterminer l'heure de remise du pli, alors que, compte tenu de ce que le 25 décembre était un jour férié, la première présentation du pli le 27 décembre 2019 au siège de la société HP Investissements, puis la mise à disposition du pli à partir du 28 décembre 2019, ne peut traduire un délai d'acheminement anormalement long. Il en résulte que des permis tacites sont nés le 26 décembre 2019 et que les arrêtés du 24 décembre 2019, notifiés le 28 décembre suivant, doivent être regardés comme retirant ces autorisations. D'autre part, la commune de Saint-Just-de-Claix ne conteste pas que ces retraits sont intervenus sans mettre en œuvre la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration.

6. La commune de Saint-Just-de-Claix n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les arrêtés du 24 décembre 2019 notifiés le 28 décembre suivant, qui retirent les permis tacites nés le 26 décembre 2019, sont illégaux en l'absence de mise en œuvre de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration.

Sur les conclusions présentées par la société A... B... Investissements :

7. Si la société A... B... Investissements, qui n'a pas fait appel, présente des conclusions en injonction de délivrance des certificats de permis de construire tacites prévus à l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme au motif que le jugement du 22 septembre 2022 qui contenait de telles injonctions de délivrance n'a pas été exécuté, le litige qu'elle porte ainsi devant la cour porte sur l'exécution de ce jugement, et est, par suite, distinct de l'appel formé par la commune de Saint-Just-de-Claix contre ce jugement. Les conclusions présentées sont, dès lors, irrecevables.

Sur les frais du litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société HP Investissements, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, la somme que la commune de Saint-Just-de-Claix demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société HP Investissement en application de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Saint-Just-de-Claix est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société HP Investissements tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de la commune de Saint-Just-de-Claix de délivrer à la société A... B... Investissements deux certificats de permis de construire tacites et celles tendant à la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Just-de-Claix et à la société HP Investissements.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024.

La rapporteure,

C. Burnichon

La présidente,

M. C...La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY03422

N° 22LY03422 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03422
Date de la décision : 14/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : SELARL BALESTAS - GRANDGONNET - MURIDI & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-14;22ly03422 ?
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