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30/04/2024 | FRANCE | N°23LY02300

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 30 avril 2024, 23LY02300


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme I... B... épouse H..., sa fille Mme I... H... épouse G..., son petit-fils M. E... G... agissant en son nom propre et au nom de son fils mineur C... G... K..., ainsi que sa petite fille Mme J... G... agissant en son nom propre et au nom de ses enfants mineurs A... et D... F..., ont demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier de Clamecy à leur verser, en réparation des préjudices consécutifs à la prise en charge de Mme H... par cet é

tablissement, les sommes respectives de :

- 522 932,37 euros pour Mme I... H... ;...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... B... épouse H..., sa fille Mme I... H... épouse G..., son petit-fils M. E... G... agissant en son nom propre et au nom de son fils mineur C... G... K..., ainsi que sa petite fille Mme J... G... agissant en son nom propre et au nom de ses enfants mineurs A... et D... F..., ont demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier de Clamecy à leur verser, en réparation des préjudices consécutifs à la prise en charge de Mme H... par cet établissement, les sommes respectives de :

- 522 932,37 euros pour Mme I... H... ;

- 72 058,28 euros pour Mme I... G... ;

- 12 960 euros pour M. E... G... ;

- 12 960 euros pour Mme J... G... ;

- 10 800 euros pour C... G... K... ;

- 10 800 euros pour A... F... ;

- et 10 800 euros pour D... F....

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Côte-d'Or a conclu à ce que le centre hospitalier de Clamecy soit condamné à lui verser la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 2101239 du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier à verser :

- à Mme I... H... une somme de 60 650,40 euros et une rente trimestrielle d'un montant de 8 126,70 euros revalorisé annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, sous déduction, le cas échéant, des sommes perçues par elle au titre des aides financières à la tierce personne et des montants correspondant aux périodes durant lesquelles elle bénéficiera d'une prise en charge hors de son domicile ;

- à Mme I... G... une somme de 1 400 euros ;

- à M. E... G... une somme de 1 000 euros ;

- à Mme J... G... une somme de 1 000 euros ;

- à M. C... G... K... une somme de 500 euros ;

- à Mme A... F... une somme de 500 euros ;

- à M. D... F... une somme de 500 euros ;

- et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or une somme de 48 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Procédure devant la cour :

I°) Sous le n° 23LY02300, par une requête sommaire enregistrée le 11 juillet 2023, ensemble un mémoire ampliatif et des mémoires complémentaires enregistrés les 2 octobre 2023, 24 novembre 2023 et 17 janvier 2024, le centre hospitalier de Clamecy, représenté par le Cabinet Le Prado - Gilbert, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer le jugement n° 2101239 du 12 mai 2023 du tribunal administratif de Dijon, d'une part, en prévoyant la suspension de la rente en cas d'hospitalisation ou de placement de Mme I... H... et, d'autre part, en réduisant les montants alloués ;

2°) de rejeter les conclusions incidentes des consorts H... - G....

Le centre hospitalier de Clamecy soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas prévu la suspension de la rente versée au titre du besoin d'assistance par une tierce personne en cas d'hospitalisation ou de placement en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Mme I... H..., comme tel est le cas;

- c'est également à tort que les premiers juges n'ont pas déduit des sommes allouées au titre du besoin d'assistance par une tierce personne les aides susceptibles d'avoir été perçues et qui ont pour objet de couvrir ce besoin, comme la prestation de compensation du handicap (PCH) ;

- c'est enfin à tort que les premiers juges n'ont pas déduit de ce même poste l'avantage fiscal prévu à l'article 199 sexdecies du code général des impôts ;

- le placement de Mme H... en EHPAD est lié à son état antérieur et non aux séquelles résultant de la perte de chance causée par le retard de diagnostic, de telle sorte qu'aucun montant ne peut lui être réclamé à ce titre ;

- subsidiairement, l'existence de montants restés à charge doit être établie et il faut par ailleurs déduire toute aide perçue au titre du besoin d'assistance ;

- les préjudices futurs ne doivent pas être capitalisés en l'espèce ;

- son appel n'est ni dilatoire ni abusif.

Par un courrier enregistré le 3 août 2023, la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or a indiqué ne pas souhaiter intervenir dans l'instance.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 octobre 2023, ensemble un mémoire complémentaire enregistré le 6 janvier 2024, Mme I... B... épouse H..., Mme I... H... épouse G..., M. E... G... et Mme J... G..., représentés par Me Bedois, concluent, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre incident, au remplacement du montant alloué à Mme I... H... au titre des frais d'assistance par une tierce personne, par un montant au titre cette assistance puis du placement en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), à hauteur d'une somme supplémentaire de 323 105,26 euros, outre une somme de 3 000 euros ;

3°) à ce que la somme de 4 000 euros lui soit allouée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les consorts H... - G... soutiennent que :

- Mme H... n'a été ni hospitalisée ni placée en EHPAD avant le 1er juin 2022 et ce n'est ainsi qu'à compter de cette date que les sommes allouées au titre du besoin d'assistance par une tierce personne deviennent sans objet ;

- le placement en EHPAD à compter du 1er juin 2022 doit être regardé comme en lien avec les séquelles résultant de la faute hospitalière, de telle sorte que le centre hospitalier doit être condamné, en lieu et place des sommes définies par le tribunal au titre du besoin d'assistance par une tierce personne, à lui rembourser les montants restés à sa charge au titre du placement en EHPAD ;

- les sommes dues au titre des préjudices futurs doivent être capitalisées ;

- elle ne perçoit que l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et aucune autre déduction ne se justifie donc ;

- elle n'a pas bénéficié de l'avantage fiscal prévu par l'article 199 sexdecies du code général des impôts, dès lors que l'assistance requise était prodiguée dans un cadre familial ;

- l'appel interjeté par le centre hospitalier, qui n'a pour objet que de faire obstacle à l'exécution du jugement, constitue un abus de droit qui doit donner lieu à indemnisation.

Par courrier du 28 août 2023, les consorts H... - G... ont été invités, sur le fondement du dernier alinéa de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à désigner un représentant unique sauf à ce que le premier dénommé soit regardé comme tel.

Par ordonnance du 6 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 8 janvier 2024 à 16h30. Par ordonnance du 8 janvier 2024, la clôture d'instruction a été reportée au 9 février 2024 à 16h30.

II°) Sous le n° 24LY00272, par un courrier enregistré le 31 octobre 2023 au greffe du tribunal administratif de Dijon, transmis par ce dernier et enregistré au greffe de la cour le 14 novembre 2023, Mme I... H... a demandé que soit assuré l'exécution du jugement n° 2101239 du 12 mai 2023 du tribunal administratif de Dijon en ce qui concerne la rente prévu au titre de l'assistance par une tierce personne.

Par un courrier enregistré le 12 décembre 2023, le centre hospitalier de Clamecy a indiqué qu'il a versé les sommes dues en capital mais qu'il a réservé le paiement de la rente dont les modalités de définition lui apparaissent erronées en l'absence de prise en compte du placement de Mme H... en EHPAD.

Par un courrier enregistré le 29 janvier 2024, Mme H... a indiqué qu'elle ne partageait pas l'analyse du centre hospitalier et qu'elle maintenait sa demande d'exécution du jugement.

Par une ordonnance n° EDJA 23-86 du 2 février 2024, le président de la cour a ouvert une procédure juridictionnelle d'exécution sur le fondement de l'article R. 921-6 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 février 2024, le centre hospitalier de Clamecy, représenté par le Cabinet Le Prado et Gilbert, conclut au rejet de la requête en exécution.

Le centre hospitalier de Clamecy soutient qu'il a exécuté le jugement, dès lors qu'il a réglé la somme fixée en capital et que la rente au titre de l'assistance par une tierce personne a perdu son objet en raison du placement de la patiente en EHPAD.

Un mémoire complémentaire, présenté pour Mme H... et enregistré le 24 mars 2024, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code civil ;

- le code général des impôts ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme H..., née le 27 juin 1933, a été prise en charge par le service des urgences du centre hospitalier de Clamecy le 12 mars 2018. Elle a été transférée au centre hospitalier de Nevers le 22 mars, où une maladie de Horton a été diagnostiquée, puis le 23 mars au centre hospitalier Simone Veil d'Eaubonne. Elle demeure atteinte d'une baisse majeure de l'acuité visuelle. Par le jugement attaqué du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier de Clamecy à verser à Mme H... une somme de 60 650,40 euros et une rente trimestrielle d'un montant de 8 126,70 euros revalorisé annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, sous déduction, le cas échéant, des sommes perçues par elle au titre des aides financières à la tierce personne et des montants correspondant aux périodes durant lesquelles elle bénéficiera d'une prise en charge hors de son domicile. Le centre hospitalier de Clamecy et Mme H... à titre incident en interjettent appel en tant que le tribunal a indemnisé le préjudice lié au besoin d'assistance par une tierce personne et notamment en tant que le tribunal n'a pas pris en compte un placement en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) survenu le 1er juin 2022.

2. L'appel interjeté par le centre hospitalier de Clamecy contre le jugement précité et la procédure d'exécution de ce jugement engagée par Mme H... et ayant donné lieu à ouverture d'une procédure juridictionnelle présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur la régularité du jugement :

3. Contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, le tribunal a régulièrement indiqué les motifs de droit et de fait sur lesquels il s'est fondé. Le jugement n'est ainsi entaché d'aucune irrégularité tenant à sa forme.

Sur le principe et l'étendue de la responsabilité :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".

5. D'autre part, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

6. Il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise diligentée par le juge des référés du tribunal et achevée le 27 novembre 2020, et il n'est d'ailleurs pas contesté par l'hôpital, que les symptômes présentés par Mme H... devaient immédiatement évoquer la maladie de Horton, le centre hospitalier de Nevers l'ayant d'ailleurs immédiatement diagnostiquée lorsque la patiente lui a été transférée en relevant " un tableau clinique assez typique ". IL en résulte également, sans contestation des parties, que cette faute de diagnostic a fait perdre à Mme H... une chance de 90 % d'échapper à l'aggravation de son état dont elle a été victime si le traitement requis lui avait été prodigué en temps utile dès sa prise en charge au centre hospitalier de Clamecy. Ni le principe de la responsabilité ni le taux de perte de chance ne sont en débat en appel, seule l'indemnisation du poste tenant au préjudice lié au besoin d'assistance par une tierce personne étant discutée.

Sur la réparation du préjudice tenant au besoin d'assistance par une tierce personne :

7. D'une part, lorsque le juge administratif indemnise la victime d'un dommage corporel du préjudice résultant pour elle de la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, il détermine d'abord l'étendue de ces besoins d'aide et les dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il fixe, ensuite, le montant de l'indemnité qui doit être allouée par la personne publique responsable du dommage, en tenant compte des prestations dont, le cas échéant, la victime bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. A ce titre, il appartient au juge, lorsqu'il résulte de l'instruction que la victime bénéficie de telles prestations, de les déduire d'office de l'indemnité mise à la charge de la personne publique, en faisant, si nécessaire, usage de ses pouvoirs d'instruction pour en déterminer le montant. Lorsque la personne publique n'est tenue de réparer qu'une fraction du dommage corporel, cette déduction ne doit toutefois être opérée que dans la mesure requise pour éviter que le cumul des prestations et de l'indemnité versée excède les dépenses nécessaires aux besoins d'aide par tierce personne, évaluées ainsi qu'il a été dit plus haut.

8. D'autre part, si le juge n'est pas en mesure de déterminer, lorsqu'il se prononce, si la victime résidera à son domicile, ou sera hébergée dans une institution spécialisée, il lui appartient de lui accorder une rente trimestrielle couvrant les frais de son maintien à domicile, en précisant le mode de calcul de cette rente, dont le montant doit dépendre du temps passé à son domicile au cours du trimestre, ainsi qu'une rente distincte, dont les modalités de calcul sont définies selon les mêmes modalités, ayant pour objet de l'indemniser des frais liés à son hébergement dans l'institution spécialisée. Il y a également lieu de prévoir l'actualisation régulière des montants respectifs des deux rentes, sous le contrôle du juge de l'exécution, au vu des justificatifs produits par la victime se rapportant au nombre de jours du trimestre au cours desquels celle-ci est prise en charge en institution spécialisée, de l'évolution du coût de cette prise en charge et également, le cas échéant, des prestations versées à ce titre ainsi qu'au titre de l'assistance par une tierce personne. Cette actualisation du montant des rentes ne peut cependant avoir pour effet ni de différer leur versement ni de conduire la victime à avancer les frais correspondant à l'indemnisation qui lui est due.

9. Il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise précitée et de l'avis du sapiteur qui est joint, qu'avant la dégradation de son état de santé lié à la faute hospitalière, Mme H... menait une vie tout à fait normale et était autonome avec une vie sociale qualifiée de riche. Elle a été victime d'une baisse de l'acuité visuelle sévère des deux côtés, lui permettant uniquement de distinguer quelques formes et un peu la couleur, soit une quasi cécité bilatérale, alors que sa vision était antérieurement de 8/10 à droite et 9/10 à gauche. Son déficit fonctionnel permanent en lien est évalué à 75 %. Cette perte brutale de la vision a remis en cause son autonomie, le rapport évoquant même un tableau immédiat de sidération, et l'expert évalue le besoin d'assistance à 7 heures par jour.

10. Il résulte de l'expertise ainsi que des pièces produites par la caisse primaire d'assurance maladie en première instance que Mme H... est initialement revenue à domicile le 11 mai 2018, aucune nouvelle période d'hospitalisation n'étant relevée. Il résulte par ailleurs des pièces produites, et notamment des factures produites en appel, qu'elle a été placée en EHPAD à compter du 1er juin 2021. Eu égard à la dégradation grave de son état dans les suites de la faute hospitalière, qui a conduit à ce placement en EHPAD, celui-ci doit être regardé comme entièrement imputable en l'espèce à la faute hospitalière. Il doit par ailleurs, eu égard à l'état de santé, à l'âge et à la situation de Mme H..., être regardé comme définitif, sous réserve de possibles périodes d'hospitalisation.

En ce qui concerne la période allant du retour au domicile jusqu'à l'admission en EHPAD :

11. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire permettant, dans les circonstances de l'espèce, le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, en prenant en compte, sous la forme d'une année portée à 412 jours, les majorations de rémunération dues les dimanches et jours fériés ainsi que des congés payés, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.

12. Ainsi qu'il a été dit, l'expert, dont les analyses ne sont pas sérieusement contestées, évalue le besoin d'assistance par une tierce personne à 7 heures par jour. Mme H... ne justifie pas du recours à un organisme spécialisé et il y a lieu en l'espèce d'évaluer le besoin d'assistance par une tierce personne par référence au coût salarial, à hauteur d'un taux horaire de 16 euros pour une année de 412 jours, soit un montant annuel de 46 144 euros. Ramené à un montant journalier sur une année de 365 jours, il s'agit d'un montant de 126,42 euros. Le montant échu du 11 mai 2018, date du retour à domicile de Mme H..., au 31 mai 2021, dernier jour à domicile avant son admission en EHPAD, est dès lors de 141 084,72 euros. Ainsi que l'a attesté sur l'honneur Mme I... G..., fille de Mme H..., celle-ci n'a bénéficié d'aucune allocation couvrant le besoin d'assistance par une tierce personne sur la période en cause et il ne résulte effectivement pas de l'instruction qu'elle en aurait perçu pour la période ici en cause. Il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction, alors que l'assistance requise a été assurée dans un cadre familial, qu'elle aurait bénéficié de l'avantage fiscal prévue par l'article 199 sexdecies du code général des impôts sous la forme du crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile ou le recours à une association ou à un autre organisme d'assistance à domicile. Compte tenu du taux de perte de chance de 90 % qui a été exposé, Mme H... peut donc prétendre à l'octroi d'une somme de 126 976,25 euros.

En ce qui concerne la période allant de l'admission en EHPAD à la date du présent arrêt.

13. Il résulte de l'instruction que Mme H... a été admise à l'EHPAD " Les promenades de A... " de Sainte-Maxime, à compter du 1er juin 2021. Il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait été hospitalisée durant cette période. Mme H... produit un ensemble non complet de factures, contenant de nombreuses corrections et mentionnant des chiffres variables sans cohérence. Elle produit toutefois une attestation de l'établissement datée du 16 mars 2023, qui expose que le montant annuel réglé à l'établissement par Mme H... est de 44 133,15 euros, soit un montant journalier de 120,91 euros. Du 1er juin 2021, date de son admission, à la date du présent arrêt, le montant échu est donc de 125 262,76 euros. Mme H... admet par ailleurs avoir perçu, pour la même période, l'allocation personnalisée à l'autonomie pour un montant mensuel de 252,76 euros, montant corroboré par la décision du président du conseil général de la Nièvre du 28 juillet 2022 produite par le centre hospitalier. Le montant perçu au titre de cette allocation au titre de la même période est donc de 8 593,84 euros, la somme restée à la charge de Mme H... étant dès lors de 116 668,92 euros. Eu égard au taux de perte de chance de 90 %, la somme due par le centre hospitalier est en conséquence de 112 736,48 euros. Ce dernier montant étant inférieur à la somme restée à charge, il doit dès lors être intégralement alloué à Mme H....

En ce qui concerne les préjudices futurs dans le cadre d'une prise en charge en EHPAD :

14. Ainsi qu'il a été dit, eu égard à son état de santé, à son âge et à sa situation, le placement de Mme H... en EHPAD doit être regardé comme définitif, sous réserve de possibles périodes d'hospitalisation. Si le juge n'est pas en mesure de déterminer, lorsqu'il se prononce, si la victime demeurera en établissement spécialisé, ou sera hospitalisée, il lui appartient de lui accorder une rente couvrant les frais restés à charge liés à son placement, revalorisée par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale, sous déduction des montants correspondant au nombre de jours durant lesquels l'intéressée aura pu être hospitalisée. Chaque jour d'hospitalisation devra être déduit à hauteur d'un 365e de la rente et 1/366e les années bissextiles. En l'absence de toute prise en charge, il appartiendra à Mme H... d'en attester sur l'honneur, cette attestation devant être regardée comme suffisante, et au surplus de fournir tout élément justificatif dont elle disposerait. Les montants futurs seront versés en début d'année, à hauteur de la somme totale, la déduction des jours éventuels d'hospitalisation pouvant s'effectuer ultérieurement et au plus tard au titre de l'annuité suivante. Eu égard aux montants qui ont été indiqués, le coût annuel du placement doit être évalué à 44 133,15 euros, sous déduction d'un montant annuel d'allocation personnalisée à l'autonomie de 3 033,12 euros, soit un montant resté à charge de 41 100,03 euros. Eu égard au taux de perte de chance de 90 %, le montant dû par le responsable est dès lors de 39 719,84 euros. Ce dernier montant étant inférieur à la somme restée à charge, il doit être retenu comme base de la rente annuelle de prise en charge.

15. Il résulte de ce qui vient d'être dit dans les points 11 à 14 que les sommes dues par le centre hospitalier de Clamecy au titre du préjudice lié au besoin d'assistance (par) tierce personne s'élèvent à un montant échu de 239 712,73 euros, outre une rente annuelle de 39 719,84 euros revalorisée par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale, versée en début d'année sous les déductions qui ont été exposées au point 14.

16. Les autres montants alloués par le tribunal n'étant pas en litige, la somme de 134 026,07 euros allouée par ce dernier au titre de l'assistance par une tierce personne doit ainsi être portée à 239 712,73 euros, soit une majoration de 105 686,66 euros. La somme totale d'indemnité de 60 650,40 euros retenue par le tribunal procède par ailleurs de la déduction erronée de la provision de 172 000 euros précédemment allouée par le juge des référés, qui ne s'impute pas sur les droits définitifs de la victime, mais doit plutôt être déduite, pour l'exécution du jugement définitif, des sommes matériellement versées en exécution de cette décision définitive. Ainsi le tribunal doit être regardé comme ayant alloué à titre définitif une somme totale de 232 650,40 euros, qui doit être portée à 338 337,06 euros, sous déduction pour son paiement des montants versés à titre provisionnel. A la rente allouée par le tribunal doit, par ailleurs, se voir substituée la rente qui a été définie aux points 14 et 15 du présent arrêt.

Sur le caractère abusif de l'appel du centre hospitalier :

17. Aux termes de l'article R. 811-14 du code de justice administrative : " Sauf dispositions particulières, le recours en appel n'a pas d'effet suspensif s'il n'en est autrement ordonné par le juge d'appel dans les conditions prévues par le présent titre ". Il en résulte que, contrairement à ce que soutient Mme H..., le centre hospitalier de Clamecy ne peut sérieusement être regardé comme ayant fait appel dans le seul objectif de faire abusivement obstacle à l'exécution du jugement, alors que cet appel n'est pas suspensif. Il résulte par ailleurs de ce qui a été dit que le centre hospitalier était fondé à contester l'appréciation par le tribunal du préjudice lié au besoin d'assistance par une tierce personne, sur laquelle se concentrent ses critiques. Mme H... n'est dès lors pas fondée à réclamer une indemnité au titre de l'exercice abusif d'une voie de recours.

18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme H... est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon n'a pas porté les sommes que le centre hospitalier de Clamecy a été condamné à lui verser à hauteur du montant total de 338 337,06 euros, sous déduction pour son paiement des montants versés à titre provisionnel, outre une rente annuelle de 39 719,84 euros revalorisée par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale, versée en début d'année sous les déductions qui ont été exposées au point 14 du présent arrêt.

Sur les dépens :

19. Les dépens correspondant à l'expertise diligentée par le juge des référés du tribunal sont maintenus à la charge du centre hospitalier.

Sur les frais de l'instance :

20. Le centre hospitalier étant tenu aux dépens, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge une somme de 1 000 euros à verser à Mme H... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la procédure d'exécution du jugement :

21. La cour ayant, par le présent arrêt, réformé le jugement en ce qui concerne la rente en litige, il n'y a plus lieu de statuer sur la procédure d'exécution de ce jugement engagée par Mme H... qui est devenue sans objet.

DECIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier de Clamecy est condamné à verser à Mme I... H... une somme de 338 337,06 euros, sous déduction pour son paiement des montants versés à titre provisionnel en exécution de l'ordonnance du juge des référés de la cour n° 22LY00959 du 16 novembre 2022.

Article 2 : L'article 1er du jugement n° 2101239 du 12 mai 2023 du tribunal administratif de Dijon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier de Clamecy est condamné à verser à Mme I... H... une rente annuelle de 39 719,84 euros revalorisée par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale, versée en début d'année sous les déductions qui ont été exposées au point 14 du présent arrêt.

Article 4 : L'article 2 du jugement n° 2101239 du 12 mai 2023 du tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 5 : Les dépens sont maintenus à la charge du centre hospitalier de Clamecy.

Article 6 : Le centre hospitalier de Clamecy versera à Mme I... H... une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties dans l'instance n° 23LY02300 est rejeté.

Article 8 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 24LY00272 de Mme I... H....

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Clamecy, à Mme I... B... épouse H... représentante unique des consorts L... et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2024, à laquelle siégeaient :

M. Stillmunkes, président,

M. Gros, premier conseiller,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2024.

Le président-rapporteur,

H. Stillmunkes

L'assesseur le plus ancien,

B. Gros La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02300 - 24LY00272


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02300
Date de la décision : 30/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-04-02-01 Responsabilité de la puissance publique. - Réparation. - Modalités de la réparation. - Formes de l'indemnité. - Rente.


Composition du Tribunal
Président : M. STILLMUNKES
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SARL LE PRADO - GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-30;23ly02300 ?
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