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23/04/2024 | FRANCE | N°23LY03650

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 23 avril 2024, 23LY03650


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 juin 2023 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2304763 du 19 octobre 2023 le tribunal administratif a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée l

e 27 novembre 2023, M. C... A..., représenté par Me Huard, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du 19 o...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 juin 2023 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2304763 du 19 octobre 2023 le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 novembre 2023, M. C... A..., représenté par Me Huard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 octobre 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 9 juin 2023 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour et, à défaut, de réexaminer sa situation en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il entre dans le champ d'application des dispositions de l'accord d'association Union Européenne-Turquie du 12 septembre 1963 et des stipulations de l'article 6 de la décision n°1/80 du 19 septembre 1980 dès lors qu'il a travaillé régulièrement pendant un an auprès du même employeur et que la DIRECCTE lui a délivré de manière continue, de janvier 2020 à août 2021, des autorisations de travail ;

- le refus de séjour en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord instituant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie en date du 12 septembre 1963, approuvé et confirmé par la décision 64/732/CEE du Conseil du 23 décembre 1963 ;

- la décision n°1/80 du 19 septembre 1980 du conseil d'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;

- la décision C-237/91 du 16 décembre 1992 de la Cour de justice des Communautés européennes ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Burnichon, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., né le 20 mars 1986 à Erzincan (République de Turquie) et de nationalité turque, est entré une première fois sur le territoire français le 3 mai 2019 pour y déposer une demande d'asile, laquelle a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 12 janvier 2021, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) par une décision du 21 juin 2021. Il a fait l'objet, le 22 juillet 2021, d'un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Grenoble le 10 septembre 2021, puis par la cour administrative d'appel de Lyon le 14 juin 2022. M. A... a quitté le territoire français pour y revenir le 22 février 2023, date à laquelle il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Il relève appel du jugement du 19 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juin 2023 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

2. En premier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la décision n° 1/80 du 19 septembre 1980 du conseil d'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie : " Sous réserve des dispositions de l'article 7 relatif au libre accès à l'emploi des membres de sa famille, le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l'emploi d'un État membre : / - a droit, dans cet État membre, après un an d'emploi régulier, au renouvellement de son permis de travail auprès du même employeur, s'il dispose d'un emploi ; / - a le droit, dans cet État membre, après trois ans d'emploi régulier et sous réserve de la priorité à accorder aux travailleurs des États membres de la Communauté, de répondre dans la même profession auprès d'un employeur de son choix à une autre offre, faite à des conditions normales, enregistrée auprès des services de l'emploi de cet État membre ; - bénéficie, dans cet État membre, après quatre ans d'emploi régulier, du libre accès à toute activité salariée de son choix ".

3. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, devenue Cour de justice de l'Union européenne, que l'article 6, paragraphe 1 précité, qui est d'effet direct, doit être interprété en ce sens qu'un travailleur turc ne remplit pas la condition d'avoir occupé un emploi régulier, prévue par cette disposition, lorsqu'il a exercé cet emploi sous le couvert d'un droit de séjour qui ne lui a été reconnu que par l'effet d'une réglementation nationale permettant de résider dans le pays d'accueil pendant la procédure d'octroi du titre de séjour, dès lors que la régularité de l'emploi d'un ressortissant turc dans l'État membre d'accueil, au sens de l'article 6, paragraphe 1, premier tiret, de la décision nº 1/80, suppose une situation stable et non précaire sur le marché du travail dudit État membre et implique, à ce titre, un droit de séjour non contesté. Il résulte également de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le bénéfice des droits énumérés aux trois tirets de l'article 6, paragraphe 1, de la décision n° 1/80 est subordonné à la condition que le travailleur turc ait respecté la législation de l'État membre d'accueil régissant l'entrée sur son territoire et l'exercice d'une activité salariée.

4. En l'espèce, si M. A... fait valoir qu'il est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 6 janvier 2020 et que la DIRECCTE lui a donné de manière continue, de janvier 2020 à août 2021, des autorisations de travail, ces autorisations de travail lui ont été délivrées dans le seul cadre de l'examen de sa demande d'asile et sa dernière autorisation a en outre été abrogée, suite au rejet de sa demande d'asile par la CNDA, par un arrêté du préfet de l'Isère du 22 juillet 2021, date à partir de laquelle il s'est retrouvé en situation irrégulière. Par ailleurs, si l'intéressé a bénéficié d'autorisations de travail, d'une part, à compter du 10 novembre 2022 et, d'autre part, à compter du 1er mars 2023, ces autorisations lui ont été délivrées respectivement dans le cadre de la demande d'autorisation de travail présentée par son employeur puis sur le fondement du 1° de l'article R. 431-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le cadre d'un récépissé remis en raison du dépôt de sa demande de titre de séjour " salarié ". Il s'ensuit que ces différentes autorisations de travail ont été délivrées sous couvert d'un récépissé de demandeur d'asile ou de demandes de titre de séjour l'autorisant provisoirement à travailler, par le seul effet de la réglementation nationale le lui permettant pendant l'instruction de la procédure d'octroi d'un titre de séjour. S'il a occupé un emploi pendant plus d'une année à compter de la même date, il ne peut toutefois être regardé comme ayant ainsi exercé un emploi régulier au sens de la décision 1/80 précitée, en l'absence, non contestée, de droit au séjour. Il suit de là qu'il ne bénéficiait d'aucun droit à la prorogation de son droit au travail ni, par voie de conséquence, d'aucun droit au séjour dérivant de l'accord d'association entre l'Union européenne et la Turquie, et que le moyen tiré de la méconnaissance de l'accord d'association et de l'article 6 précité de la décision n° 1/80 doit, en conséquence, être écarté.

5. En second lieu, les moyens tirés de ce que l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation personnelle doivent, en l'absence d'autres éléments invoqués en appel, être écartés par les motifs retenus par les premiers juges, qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2024.

La rapporteure,

C. BurnichonLa présidente,

M. D...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 23LY03650 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03650
Date de la décision : 23/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-23;23ly03650 ?
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