Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 16 janvier 2023 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2304536 du 19 septembre 2023, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 octobre 2023, Mme A..., représentée par Me Caron, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 septembre 2023 ;
2°) d'annuler les décisions du 16 janvier 2023 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour, ainsi qu'une autorisation provisoire de séjour à délivrer dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que les stipulations de l'article 7 de la convention relative aux droits des personnes handicapées ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que les stipulations de l'article 23 de la convention relative aux droits des personnes handicapées ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas présenté d'observations.
Par une ordonnance du 19 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention relative aux droits des personnes handicapées ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mauclair, première conseillère ;
- et les observations de Me Caron, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., née le 23 juin 1988 à Libreville (Gabon) et de nationalité gabonaise, est entrée en France le 2 décembre 2021 avec l'un de ses trois enfants mineurs, B... C..., né le 12 janvier 2015. Elle a sollicité le 7 avril 2022 la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Rhône, par un arrêté du 16 janvier 2023, a refusé son admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 19 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le refus d'admission au séjour :
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 7 de la convention relative aux droits des personnes handicapées : " 1. Les États Parties prennent toutes mesures nécessaires pour garantir aux enfants handicapés la pleine jouissance de tous les droits de l'homme et de toutes les libertés fondamentales, sur la base de l'égalité avec les autres enfants. / 2. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants handicapés, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".
3. Pour refuser l'admission au séjour de Mme A..., le préfet du Rhône s'est fondé sur l'avis émis le 4 juillet 2022 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) selon lequel, si l'état de santé de son fils B... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge n'est pas susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour ce dernier. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du certificat médical du 28 avril 2023, que B... présente une déficience motrice et cognitive avec une quadriparésie spastique, prédominante aux membres inférieurs, pour laquelle il bénéficie d'un suivi en neuropédiatrie et en médecine physique et de réadaptation (MPR) ainsi que d'un appareillage et qu'il poursuit des séances de rééducation. Le certificat médical du 7 janvier 2022 établi par un médecin de l'hôpital Femme-mère-enfant de Lyon relève quant à lui que la réalisation d'injections de toxines botuliques au niveau des membres inférieurs à visée orthopédique devrait être envisagée. Enfin, le certificat médical du 3 juillet 2023 indique que l'état de santé de son fils " nécessite une prise en charge spécialisée. Des soins et des appareillages sont en cours de réalisation et de mise en place et sont indispensables pour qu'il puisse progresser. Il doit bénéficier d'une prise en charge en rééducation libérale régulière. Il va prochainement bénéficier d'injections pour le traitement de sa spasticité. Dans le cas contraire, B... ne pourra pas progresser dans ses acquisitions psychomotrices et il s'expose à un risque de déformations orthopédiques majeures, rétractation articulaire, dont la sanction serait chirurgicale ". Ces certificats médicaux ne suffisent toutefois pas à établir que le défaut de prise en charge médicale de B... devrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par ailleurs, la requérante ne peut utilement se prévaloir de l'indisponibilité dans son pays d'origine des soins appropriés à l'état de santé de son fils, qui ne constitue pas le motif de la décision de refus en litige. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Rhône, qui pouvait légalement s'approprier l'avis du collège de médecins de l'OFII, a méconnu tant l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, que l'article 7, paragraphe 2, de la convention relative aux droits des personnes handicapées, dont les principes, et plus particulièrement le respect du développement des capacités de l'enfant handicapé, sont rappelés à l'article 3. Par ailleurs, à les supposer invoqués, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 4 et des 1. et 3. de l'article 7 de cette dernière convention ne peuvent être utilement invoqués.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision de refus de titre de séjour, soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondé et doit, par suite, être écarté.
5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône aurait omis de procéder à un examen particulier de la situation de la requérante avant de prendre à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
7. Ainsi qu'il a notamment été dit au point 3, Mme A... est entrée en France le 2 décembre 2021 avec son fils B..., qui a huit ans et souffre d'un handicap lourd, et ses deux autres enfants, nés en 2010 et 2012, les ont rejoints sur le territoire français le 19 juillet 2022 et sont depuis scolarisés au collège. Toutefois, ainsi qu'il a été exposé au point 3, il n'est pas établi que le défaut de prise en charge médicale de B... devrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni d'ailleurs qu'il doive poursuivre son traitement en France. Il n'est pas davantage établi que les enfants de Mme A... ne pourraient pas poursuivre leur scolarité, récente, dans leur pays d'origine. Par ailleurs Mme A... ne justifie d'aucune intégration socio-professionnelle. Ainsi, le préfet du Rhône n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision de refus de titre de séjour. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ainsi être écarté.
8. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 7, le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en raison de l'état de santé de B... doit être écarté. La requérante ne peut utilement se prévaloir du droit à l'éducation des autres enfants, aucune pièce du dossier ne permettant d'établir qu'ils ne pourraient pas poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine.
9. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 23 de la convention internationale des droits de l'enfant, qui ne crée des obligations qu'entre Etats, ne peut être utilement invoqué.
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
10. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation ".
11. Les dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'imposent pas au préfet d'indiquer les motifs pour lesquels il s'abstient d'user de la faculté d'accorder à l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. En tout état de cause, après avoir décrit la situation personnelle de Mme A..., l'arrêté attaqué précise, dans son dernier paragraphe et avec une motivation suffisante, que " eu égard à la situation personnelle de Mme A... D..., il n'a pas paru justifié de lui accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ", étant relevé qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A..., alors qu'elle en avait la possibilité lors du dépôt de sa demande ou durant la période d'instruction de cette dernière, ait fait état de circonstances particulières propres à justifier qu'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours lui soit accordé. La requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que la décision contestée est entachée d'un défaut de motivation.
12. En se bornant à faire état de la scolarisation de ses enfants et de l'état de santé de B..., Mme A..., eu égard aux précisions apportées aux points 3 et 7, ne justifie pas de circonstances particulières nécessitant l'octroi d'un délai supérieur à trente jours. Par suite, le préfet du Rhône, en fixant à trente jours le délai de départ imparti à Mme A... pour quitter volontairement le territoire français, n'a pas entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de destination :
13. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
14. Mme A... n'apporte aucune précision à l'appui de ce moyen, ne permettant ainsi pas à la cour d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, ainsi qu'il a été dit, il n'est pas établi que le défaut de prise en charge médicale de B... entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le préfet du Rhône n'a pas méconnu les stipulations précitées.
15. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2024.
La rapporteure,
A.-G. MauclairLa présidente,
M. E...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 23LY03225 2