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23/04/2024 | FRANCE | N°23LY01965

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 23 avril 2024, 23LY01965


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2208809 du 9 mars 2023 le magistrat désigné du tribunal administratif a rejeté sa requête.



Procédure devant la cour



Par une requête et un m

moire, enregistrés le 5 juin 2023 et le 23 janvier 2024, Mme B... A..., représentée par la SCP Robin Vernet, demande à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2208809 du 9 mars 2023 le magistrat désigné du tribunal administratif a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 juin 2023 et le 23 janvier 2024, Mme B... A..., représentée par la SCP Robin Vernet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 mars 2023 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'un an, mention " vie privée et familiale ", et, à tout le moins, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours est illégale en ce qu'elle est fondée sur un refus de titre de séjour lui-même illégal ; elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- l'annulation des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours rend illégale la décision fixant le pays de destination ; cette dernière méconnaît également les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par courrier enregistré le 12 décembre 2023, Mme A... a accepté de lever le secret médical.

L'Office français de l'immigration et de l'intégration a communiqué l'entier dossier médical de la requérante et a présenté des observations, enregistrés respectivement le 27 décembre 2023 et le 12 février 2024 et qui ont été communiqués aux parties.

La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas présenté d'observations.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Burnichon, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., née le 3 mars 1956 à Kinshasa (République démocratique du Congo) et de nationalité congolaise, est entrée irrégulièrement sur le territoire français le 5 janvier 2018. Sa demande d'asile a été rejetée le 12 juin 2019 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et le 20 septembre 2019 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Elle a alors fait l'objet d'une première mesure d'éloignement, le 16 juillet 2020, qui a toutefois été annulée par le tribunal administratif de Lyon, lequel a enjoint au préfet du Rhône de réexaminer sa situation. Mme A... a par ailleurs sollicité, le 7 décembre 2020, un titre de séjour en invoquant son état de santé. Mme A... relève appel du jugement du 9 mars 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 juillet 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur le refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Par ailleurs, l'article R. 425-11 du même code dispose que : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

3. Par un avis du 18 mars 2021, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que, si l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, et son état de santé lui permet également de voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... présente plusieurs pathologies, et plus particulièrement un diabète de type II, une hypertension et de l'arthrose. D'une part, si Mme A... fait état de l'absence de traitements appropriés dans son pays d'origine pour son diabète, elle ne conteste pas sérieusement, et cela résulte également des observations produites dans l'instance par l'OFII, que les traitements médicamenteux qui lui sont prescrits pour sa pathologie diabétique, à savoir la vildapgiptine, le gliclazine et le dulaglutide, sont disponibles dans des pharmacies à Kinshasa. D'autre part, Mme A... conteste également l'accessibilité à ces traitements pour le diabète, estimant ne pas y avoir accès compte tenu de leurs coûts et alors qu'elle est sans ressources et sans famille en République démocratique du Congo. Toutefois, l'article de la revue " Santé publique " de février 2022 sur l'accès aux soins et la prise en charge des personnes diabétiques en République Démocratique du Congo qu'elle produit constate lui-même l'existence de centres de santé médicalisés urbains (CSMU) qui proposent un suivi médical et une tarification forfaitaire subventionnée par l'Etat et des contributions extérieures, ce qui divise par plus de dix le coût du traitement et permet ainsi une accessibilité financière. Par ailleurs, s'agissant de la prise en charge financière de son traitement, Mme A... ne donne pas d'éléments suffisants de nature à établir l'absence de famille dans son pays d'origine et l'absence de patrimoine propre suffisant, ni encore qu'elle ne pourrait bénéficier de l'aide, plus particulièrement financière, de ses cinq enfants, dont deux résident en Grande-Bretagne et trois au Brésil. Il suit de là que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

5. Si Mme A... fait valoir qu'elle est entrée en France en 2018 et qu'elle n'a plus d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine compte tenu du décès de son mari et d'un de ses enfants, elle n'est entrée en France qu'à l'âge de soixante-deux ans et n'établit pas y avoir des attaches privées ou familiales ni y avoir établi le centre de ses intérêts. Par ailleurs, elle n'apporte aucun élément sur son éventuelle insertion sociale ou culturelle. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, Mme A... ne démontre pas que le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations précitées, ni, en l'absence d'autres éléments, qu'il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le délai de départ volontaire :

6. En premier lieu, en l'absence d'illégalité du refus de titre de séjour, Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette dernière décision à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours qui lui a été opposée.

7. En second lieu, pour les motifs exposés respectivement aux points 3 et 5 et en l'absence d'autres éléments, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou encore qu'elle serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

Sur la décision fixant le pays de destination :

8. En premier lieu, en l'absence d'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de ces dernières décisions à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

9. En second lieu, si Mme A... soutient que les ressortissants de la République démocratique du Congo qui sont renvoyés dans leur pays sont systématiquement interrogés à leur arrivée à l'aéroport par la direction générale des migrations, elle ne l'établit pas par les pièces produites, étant au demeurant relevé qu'elle n'allègue pas être une opposante au régime en place ou avoir été identifiée comme telle, et elle n'apporte au surplus pas d'éléments suffisants sur un risque de mauvais traitements en cas de retour dans son pays d'origine.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée à la préfète du Rhône et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2024.

La rapporteure,

C. BurnichonLa présidente,

M. C...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 23LY01965 6

N° 23LY01965 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01965
Date de la décision : 23/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-23;23ly01965 ?
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