Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 4 juillet 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune de Tullins-Fures a approuvé son plan local d'urbanisme.
Par un jugement n° 1907960 du 17 février 2022, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette délibération du 4 juillet 2019 en tant qu'elle porte sur le classement en zone agricole des parcelles bâties au sein du hameau " Gabinot " dont fait partie la parcelle cadastrée section AV n°40 et, dans cette mesure, la décision rejetant le recours gracieux de Mme B....
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 15 avril 2022 et le 19 octobre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Tullins-Fures, représentée par Me Fiat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 février 2022 ;
2°) de rejeter la requête de Mme B... présentée en première instance ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le classement en zone A de la parcelle en litige n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;
- le classement retenu est cohérent avec le projet d'aménagement et de développement durables.
Par un mémoire enregistré le 25 juillet 2022, Mme B..., représentée par la Selas Seban Armorique, conclut, à titre principal, à la réformation du jugement du 17 février 2022 en tant qu'il n'a pas accueilli les autres moyens soulevés en première instance et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête, et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Tullins-Fures au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le plan local d'urbanisme en litige comporte des incohérences entre son rapport de présentation et son règlement graphique ;
- le classement des parcelles du hameau " Gabinot " en zone A du plan local d'urbanisme est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un courrier du 14 mars 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité, pour défaut d'intérêt à agir, des conclusions présentées par Mme B... tendant à la réformation du jugement qui a fait droit à sa demande de première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mauclair, première conseillère,
- les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique,
- et les observations de Me Poncin, représentant la commune de Tullins-Fures.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 4 juillet 2019, modifiée le 26 septembre suivant, le conseil municipal de Tullins-Fures a approuvé la révision du plan local de l'urbanisme (PLU) de la commune. A l'issue de cette procédure, la parcelle bâtie cadastrée section AV n° 40, d'une contenance d'environ 7 000 m², appartenant à Mme B... et faisant partie du hameau nommé " Gabinot " situé au sud-est de la commune de Tullins-Fures, a été classée en zone agricole. Mme B..., après avoir sollicité auprès du maire de la commune le retrait de cette délibération, notamment en tant qu'elle classe sa parcelle en zone agricole, a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation de cette délibération. Aux termes du jugement du 3 février 2022, dont la commune de Tullins-Fures relève appel, le tribunal administratif a annulé cette délibération du 4 juillet 2019 en tant qu'elle porte sur le classement en zone agricole des parcelles bâties au sein du hameau " Gabinot " dont fait partie la parcelle cadastrée section AV n°40 et, dans cette mesure, la décision rejetant le recours de gracieux de Mme B....
Sur la recevabilité des conclusions d'appel présentées par Mme B... :
2. D'une part, les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué. Par suite, n'est pas recevable - quels que soient les motifs retenus par les premiers juges - l'appel dirigé contre un jugement qui, par son dispositif, fait intégralement droit aux conclusions de la demande qu'avait présentée l'appelant en première instance.
3. En l'espèce, Mme B... demande la réformation du jugement en tant qu'il n'a pas accueilli ses autres moyens soulevés en première instance. Le tribunal administratif de Grenoble a toutefois annulé la délibération du 4 juillet 2019 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune de Tullins-Fures en tant qu'elle porte sur le classement en zone agricole des parcelles bâties au sein du hameau " Gabinot ", dont fait partie la parcelle cadastrée section AV n°40, ainsi que la décision du 11 octobre 2019 rejetant le recours gracieux de Mme B.... L'annulation ainsi prononcée par le tribunal administratif de Grenoble, quel que soit le motif d'annulation retenu par les premiers juges, a ainsi eu pour effet de faire droit aux conclusions de Mme B... telles qu'elle les a formulées dans sa demande de première instance. Dans ces conditions, et quel que soit le motif sur lequel s'est fondé le tribunal administratif pour annuler la délibération du 4 juillet 2019, Mme B... est sans intérêt et sans qualité pour demander la réformation du jugement qui lui a donné satisfaction.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
4. En vertu de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme définit notamment " Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ". En vertu de l'article L. 151-9 du même code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ".
5. Les zones agricoles sont définies par l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme dans les termes suivants : " (...) Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". L'article R. 151-23 du même code précise que : " Peuvent être autorisées, en zone A : 1° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ou au stockage et à l'entretien de matériel agricole par les coopératives d'utilisation de matériel agricole agréées au titre de l'article L. 525-1 du code rural et de la pêche maritime ; 2° Les constructions, installations, extensions ou annexes aux bâtiments d'habitation, changements de destination et aménagements prévus par les articles L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13, dans les conditions fixées par ceux-ci. ".
6. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de définir des zones urbaines normalement constructibles et des zones dans lesquelles les constructions peuvent être limitées ou interdites. Ils ne sont pas liés par les modalités existantes d'utilisation du sol dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme ou par la qualification juridique qui a pu être reconnue antérieurement à certaines zones sur le fondement d'une réglementation d'urbanisme différente. L'appréciation à laquelle ils se livrent ne peut être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir que si elle repose sur des faits matériellement inexacts, si elle est entachée d'erreur manifeste ou de détournement de pouvoir.
7. Par ailleurs, si, pour apprécier la légalité du classement d'une parcelle en zone A, le juge n'a pas à vérifier que la parcelle en cause présente, par elle-même, le caractère d'une terre agricole et peut se fonder sur la vocation du secteur auquel cette parcelle peut être rattachée, en tenant compte du parti urbanistique retenu ainsi que, le cas échéant, de la nature et de l'ampleur des aménagements ou constructions qu'elle supporte, ce classement doit cependant être justifié par la préservation du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles de la collectivité concernée, à plus forte raison lorsque les parcelles en cause comportent des habitations voire présentent un caractère urbanisé.
8. D'une part, il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de présentation du PLU, que la commune de Tullins-Fures comprend une zone urbaine importante, centrée autour des deux bourgs originels de Bourg de Tullins et de Fures, avec un grand nombre de hameaux plus ou moins significatifs et de maisons isolées sur le reste du territoire, dans un cadre très fortement rural et supportant des exploitations effectives. Le parti d'urbanisme retenu par les auteurs du document d'urbanisme, qui ont identifié les enjeux du territoire, consiste à se concentrer sur l'objectif de densification en centralité, dans une logique de lutte contre l'étalement urbain et de développement maîtrisé et économe en consommation d'espace, et celui de préservation du cadre de vie par la préservation des espaces naturels et agricoles. Le secteur de Gabinot, situé à plus d'un kilomètre du centre bourg de la commune, ne comporte quant à lui qu'une dizaine de constructions éparses et espacées les unes des autres, entrecoupées d'espaces exploités. Dans ce contexte, les quelques constructions d'habitation existantes de ce secteur, qui ne se traduisent que par une artificialisation des sols limitée et espacée, ne peuvent être regardées comme lui donnant un caractère urbanisé, ni comme se rattachant à l'espace urbanisé de la commune de Tullins-Fures. D'autre part, ce secteur est situé au sein d'une partie importante du sud-est du territoire de la commune, présentant un caractère agricole avéré et classée en zone A, étant relevé que cette zone y admet la réhabilitation dans le volume existant ou l'extension limitée des habitations existantes. La seule circonstance que quelques parcelles du secteur du Gabinot supporteraient des constructions ne suffit pas à établir qu'elles ne feraient pas partie de la vaste zone agricole dans laquelle elles s'insèrent et au potentiel de laquelle elles participent et que le secteur ne présenterait plus de potentiel agronomique, biologique ou économique au sens des dispositions précitées de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme. A cet égard, si Mme B... soutient que les parcelles du " hameau Gabinot " ne supporteraient pas de siège d'exploitation agricole, une telle exploitation est toutefois implantée à proximité immédiate, à environ 150 mètres de la maison d'habitation de l'intéressée, et cette dernière ne conteste pas utilement l'exploitation effective de ces parcelles, étant d'ailleurs relevé qu'il ressort du registre parcellaire graphique qu'elles relèvent de zones de cultures déclarées. Si la parcelle cadastrée section AV n°40 appartenant à Mme B..., d'une superficie d'environ 7 000 m², supporte une maison d'habitation et une annexe de 50 m² et est contigüe, au sud, à deux parcelles elles aussi bâties, elle jouxte toutefois des parcelles à l'est et à l'ouest dépourvues de toute construction et s'insère également dans ce même secteur de Gabinot et dans ce vaste secteur agricole, s'ouvrant au nord-ouest et situé au-delà de la voie publique. Enfin, Mme B... ne peut utilement soutenir que le secteur agricole en litige aurait dû être classé en zone UD " tissus pavillonnaires excentrés " dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur l'opportunité du classement retenu par les auteurs d'un document local d'urbanisme. Dans ces conditions, le classement en zone A de la parcelle appartenant à Mme B... et des autres parcelles bâties du hameau " Gabinot " apparaît justifié par la préservation du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles dans le prolongement desquelles elles se trouvent et auxquelles elles se rattachent, et ce classement, qui correspond tant à la situation et à la nature des terrains qu'au parti d'urbanisme retenu, ne procède d'aucune erreur manifeste d'appréciation.
9. Dès lors, la commune de Tullins-Fures est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la délibération en litige en tant qu'elle classe en zone agricole les parcelles bâties au sein du " hameau Gabinot " incluant la parcelle cadastrée section AV n°40, les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.
10. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme B... tant devant le tribunal administratif que devant la cour.
Sur l'autre moyen dirigé contre la délibération du 4 juillet 2019 :
11. Ainsi qu'il a été dit au point 8, le classement en zone A de la partie sud-est du territoire de la commune de Tullins-Fure, laquelle est par ailleurs divisée par le PLU en zones urbaines, zones à urbaniser, zones agricoles et zones naturelles, en vue de répondre aux objectifs du PADD, répond au parti d'urbanisme retenu, visant notamment à lutter contre l'étalement urbain, en adoptant un développement maîtrisé et économe en consommation d'espace et à préserver le cadre de vie par la préservation des espaces naturels et agricoles. La circonstance que le rapport de présentation identifie, dans sa première partie consacrée au diagnostic, la présence de hameaux dans cette partie du territoire de la commune ne traduit pas d'incohérence, dès lors qu'il les décrit comme des hameaux " isolés " ou des constructions diffuses insérées dans la plaine de l'Isère et qu'il relève que ces groupes d'habitations s'inscrivent dans un cadre fortement rural qui a su être préservé d'un développement urbain important, avec le choix exposé dans sa partie III de les classer systématiquement en zone agricole dans le règlement graphique, afin de tenir mieux compte de l'usage réel des sols et d'une meilleure préservation de l'environnement. Dès lors, Mme B..., qui se borne à une contestation d'ordre général, n'est pas fondée à soutenir que le rapport de présentation contredirait le règlement graphique, duquel il ressort que la totalité du territoire sud-est de la commune est classé en zone agricole à l'exception des corridors écologiques et aurait ainsi ignoré les hameaux existants dont l'existence est par ailleurs mentionnée.
12. Il résulte de ce qui précède que la commune de Tullins-Fure est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du 4 juillet 2019 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune de Tullins-Fures en tant qu'elle porte sur le classement en zone agricole des parcelles bâties au sein du " hameau Gabinot ", dont fait partie la parcelle cadastrée section AV n°40.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Tullins-Fures, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de Mme B... la somme de
2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Tullins-Fures.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1907960 du 17 février 2022 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande de Mme B... devant le tribunal administratif de Grenoble et le surplus de ses conclusions en appel sont rejetés.
Article 3 : Mme B... versera à la commune de Tullins-Fures la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Tullins-Fures et à Mme C... B....
Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,
Mme Claire Burnichon, première conseillère,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2024.
La rapporteure,
A.-G. Mauclair La présidente,
M. D...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 22LY01157