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18/04/2024 | FRANCE | N°23LY03531

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 18 avril 2024, 23LY03531


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure

M. I... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 20 septembre 2023, par laquelle la préfète de l'Ardèche l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi, et l'arrêté du même jour par lequel la préfète du Rhône l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans le département du Rhône.



Par un jugement n° 2307919 du 26 septembre 2023, la magistrate désignée du tribunal admini

stratif de Lyon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête, enregistrée l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. I... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 20 septembre 2023, par laquelle la préfète de l'Ardèche l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi, et l'arrêté du même jour par lequel la préfète du Rhône l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans le département du Rhône.

Par un jugement n° 2307919 du 26 septembre 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2023, M. F... B..., représenté par Me Lantheaume, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision et l'arrêté du 20 septembre 2023 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, en le convoquant ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. F... B... soutient :

En ce qui concerne les décisions d'obligation de quitter le territoire français sans délais et fixant le pays de renvoi prises par la préfète de l'Ardèche que :

- le jugement est irrégulier en raison de la méconnaissance de l'article R. 741-3 du code de justice administrative et d'une omission à statuer sur le moyen de l'erreur de fait ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est entachée d'erreur de fait, dès lors qu'il réunit les conditions de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des justificatifs de présence qu'il fournit ;

- elle méconnaît le droit d'être entendu garanti au titre des principes généraux du droit de l'Union européenne dès lors qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter ces justificatifs ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- les décisions refusant un délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi sont illégales, en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence prise par la préfète du Rhône :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle a été prise par une autorité incompétente, compte tenu de la portée de la délégation accordée à sa signataire.

La requête a été adressée à la préfète de l'Ardèche et à la préfète du Rhône qui n'ont pas produit d'observations.

M. F... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2023.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Laval, premier conseiller et les observations de Me Lantheaume, représentant M. F... B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. F... B..., ressortissant algérien, né le 13 juillet 1981, est entré en France en 2010, selon ses déclarations. A la suite d'une interpellation, à l'issue d'un contrôle routier, pour vérification de son droit au séjour, il a fait l'objet, le 20 septembre 2023, d'une obligation de quitter le territoire français sans délais et fixant le pays de renvoi, prise par la préfète de l'Ardèche et, par la préfète du Rhône, d'une assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans le département du Rhône. Par un jugement du 26 septembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et de cet arrêté. M. F... B... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du dossier de première instance que M. F... B... a soutenu que la décision d'obligation de quitter le territoire français était entachée d'erreur de fait. La magistrate désignée n'a pas répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant. Par suite, M. F... B... est fondé à soutenir que le jugement attaqué, est, pour ce motif, irrégulier. Par suite, il y a lieu de l'annuler, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen tiré de l'irrégularité du jugement.

3. Il y a donc lieu, pour la cour, de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande de M. F... B... tendant à l'annulation de la décision et de l'arrêté attaqués.

Sur la légalité de la décision de la préfète de l'Ardèche :

4. En premier lieu, la décision a été signée par Mme Isabelle Arrighi, secrétaire générale, qui disposait d'une délégation de signature consentie par un arrêté de la préfète de l'Ardèche en date du 21 août 2023 régulièrement publié au recueil des administratifs spécial de cette préfecture. Le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision attaquée doit, par suite, être écarté.

5. En deuxième lieu, selon l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci (...) ". L'arrêté attaqué comportant la signature numérique ainsi que les mentions lisibles des prénoms, nom et qualité de Mme Isabelle Arrighi, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées doit être écarté. S'il est soutenu qu'il n'est pas " justifié de la validité de la signature numérique ", cette argumentation n'est pas assortie des précisions permettant d'en apprécier la portée.

6. En troisième lieu, selon le 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ". Lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Ainsi le requérant peut-il utilement faire valoir à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français en litige qu'il satisferait aux conditions posées par les stipulations précitées.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. F... B... a déclaré, lui-même, avoir quitté le territoire français en 2012 pour se rendre en Italie, pays qui lui a délivré, en 2022, un titre de séjour salarié valable jusqu'au 24 janvier 2024 et être entré, à nouveau, en 2017, sur le territoire français où il a déposé, le 6 décembre 2021, une première demande de titre de séjour. Il a résidé en 2013 sur le territoire algérien où il a épousé, le 13 octobre 2013, sur la commune de Chlef, Mme K.... Il se borne au titre de l'année 2013 à communiquer une attestation de dépôt de demande de titre au nom de Mme F... B..., une demande d'ouverture de compte et des relevés bancaires, sans retrait d'espèce, à l'adresse de sa sœur, une commande en ligne dans un magasin de sport et une facture non probante, qui ne permettent pas de retenir au cours de cette année une résidence habituelle et continue, d'autant qu'il s'est fait délivrer des médicaments au Canada, le 1er mars 2014. Le requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet a été prise en méconnaissance des stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien.

8. En quatrième lieu, M. F... B..., qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, invoque la violation de son droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne, dès lors qu'il n'a pas été en mesure de faire valoir qu'il réunissait les conditions de délivrance d'un certificat de résidence algérien de plein droit.

9. M. F... B..., a été interrogé, le 19 septembre 2023, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire, par les services de police de Privas, sur son identité, son pays d'origine, les conditions de son entrée et de son séjour en France, sa situation professionnelle et familiale ainsi que la perspective d'un éloignement vers son pays d'origine. Aussi l'intéressé a-t-il été mis à même de présenter ses observations sur l'irrégularité de son séjour et les motifs qui auraient été susceptibles de justifier que l'autorité préfectorale s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour, et, en particulier, de faire valoir qu'il a présenté une demande de rendez-vous en ligne, ainsi que la durée de son séjour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la violation du principe général du droit de l'Union européenne relatif au droit d'être entendu doit être écarté.

10. En cinquième lieu, selon l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

11. M. F... B..., qui se maintient en situation irrégulière sur le territoire français, est marié à une compatriote qui est également en situation irrégulière. Si le couple a deux enfants, nés en 2015 et 2019, il n'est ni établi ni même allégué que l'ensemble de sa cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer en Algérie dont son épouse et ses enfants ont la nationalité, quand bien même son père résiderait en France ainsi que ses sœurs, de nationalité française. Si M. F... B... s'est déclaré, en 2017, autoentrepreneur dans le secteur du bâtiment, il n'a pas déposé de demande de certificat de résidence en application de l'accord franco-algérien, pour exercer une activité professionnelle autre que salarié et exerce, par suite, son activité sur le territoire, sans titre de séjour délivré par la France. Il dispose, d'ailleurs, d'un titre de séjour au titre du travail en Italie, en tant que salarié. Si les enfants de M. F... B... sont scolarisés, la plus âgée est en classe de CE2 et peut, comme son petit frère, scolarisé en maternelle, poursuivre sa scolarité en Algérie. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants. Il n'est pas davantage fondé à soutenir que cette décision serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

12. En sixième lieu, dès lors, ainsi qu'il a été dit, que M. F... B... ne satisfait pas aux conditions posées par les dispositions précitées du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui indique qu'il n'entre dans aucun cas de délivrance d'un titre de séjour de plein droit, n'est pas entachée d'une erreur de fait.

13. En septième lieu, la décision d'obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, M. F... B... n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision refusant un délai de départ volontaire et la décision fixant le pays de renvoi.

Sur la légalité de l'arrêté de la préfète du Rhône :

14. Dès lors que le présent arrêt rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français sans délai, M. F... B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision par laquelle il a été assigné à résidence, par voie de conséquence.

15. L'arrêté a été signé par Mme E... D..., adjointe à la cheffe du bureau de l'éloignement de la préfecture du Rhône, qui disposait d'une délégation de signature pour signer les actes établis par son bureau, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme H... G..., consentie à cet effet par un arrêté du 29 août 2023 de la préfète du Rhône, publié le 1er septembre 2023 au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture du Rhône.

16. Il résulte de ce qui précède que M. F... B... n'est fondé à demander l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire sans délai de la préfète de l'Ardèche et de l'arrêté attaqué du 20 septembre 2023 par lequel la préfète du Rhône l'a assigné à résidence.

17. Par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur les frais liés au litige :

18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. F... B... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 septembre 2023 est annulé.

Article 2 : La demande de M. F... B... tendant à l'annulation des décisions d'obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et d'assignation à résidence ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée aux préfètes de l'Ardèche et du Rhône.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 avril 2024.

Le rapporteur,

J.-S. Laval

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

4

N° 23LY03531


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03531
Date de la décision : 18/04/2024

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Jean-Simon LAVAL
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : LANTHEAUME

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-18;23ly03531 ?
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