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09/04/2024 | FRANCE | N°22LY00386

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 09 avril 2024, 22LY00386


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La société civile immobilière (SCI) du Couter, M. C... A..., Mme B... F..., M. et Mme D... G... et Mme H... E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 20 juin 2019 par lequel le maire de Val d'Isère a délivré un permis de construire à la société Le Yule ainsi que les décisions implicites de rejet de leurs recours gracieux.



Par un jugement avant-dire-droit n° 1907528 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a, su

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile immobilière (SCI) du Couter, M. C... A..., Mme B... F..., M. et Mme D... G... et Mme H... E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 20 juin 2019 par lequel le maire de Val d'Isère a délivré un permis de construire à la société Le Yule ainsi que les décisions implicites de rejet de leurs recours gracieux.

Par un jugement avant-dire-droit n° 1907528 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a, sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer sur cette demande pendant un délai de trois mois aux fins de régularisation du vice tiré de la méconnaissance de l'article Ub 12 du règlement du plan local d'urbanisme.

Par un jugement n° 1907528 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble, estimant que le vice mentionné ci-dessus avait été régularisé par l'arrêté modificatif du 21 septembre 2021, a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 février 2022, Mme H... E..., M. C... A..., Mme B... F..., M. et Mme D... G... et la société civile immobilière (SCI) du Couter, représentés par Me Lebeau, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1907528 du 7 décembre 2021 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 juin 2019 par lequel le maire de la commune de Val d'Isère a délivré un permis de construire à la société Le Yule, ensemble les décisions implicites de rejet de leur recours gracieux ;

3°) d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2021 par lequel le maire de la commune de Val d'Isère a délivré un permis de construire modificatif à la société Le Yule ;

4°) de mettre respectivement à la charge de la commune de Val d'Isère et de la société Le Yule le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

S'agissant de l'arrêté de permis de construire initial du 20 juin 2019 :

- il méconnaît les dispositions de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, dès lors que la société pétitionnaire n'avait pas qualité pour déposer une demande de permis de construire et n'a pas sollicité l'accord du groupe immobilier Le Grand Paradis ;

- il méconnaît les dispositions de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme à défaut d'indiquer la surface de plancher créée à destination d'habitation ;

- il méconnaît les dispositions de l'article Ub 12 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- il méconnaît les dispositions de l'article Ub 2.1 du règlement du plan local d'urbanisme.

S'agissant de l'arrêté de permis de construire modificatif du 21 septembre 2021 :

- il méconnaît les dispositions de l'article Ub 12 du règlement du plan local d'urbanisme, dès lors que les ponts hydrauliques ne peuvent constituer des places de stationnements ; il n'a ainsi pas pour effet de régulariser le permis de construire initial du 20 juin 2019 ;

- il méconnaît les dispositions des articles L. 425-3 et R. 431-30 du code de l'urbanisme et L. 122-3 du code de la construction et de l'habitation ;

- il méconnaît les dispositions des articles R. 111-2 et R. 111-25 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire enregistré le 13 octobre 2023, la société Le Yule, représentée par Me Fiat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge solidaire des requérants le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de l'absence d'avis de la sous-commission de sécurité au titre des établissements recevant du public est inopérant, et, en tout état de cause, il y aura lieu de mettre en œuvre les dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

- les autres moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 26 octobre 2023, la commune de Val d'Isère, représentée par Me Petit, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que soit prononcé un sursis à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le projet n'étant pas soumis à la législation relative aux établissements recevant du public, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 122-3 du code de la construction et de l'habitation ne peut qu'être écarté ;

- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mauclair, première conseillère ;

- les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique ;

- les observations de Me Vallé, pour Mme E... et autres, de Me Roussel, pour la commune de Val d'Isère, et de Me Vincent, pour la société Le Yule.

Une note en délibéré, présentée pour la société Le Yule, a été enregistrée le 20 mars 2024.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI du Couter, M. C... A..., Mme B... F..., M. D... et Mme I... G... et Mme H... E... ont saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 juin 2019 par lequel le maire de Val d'Isère a délivré à la société Le Yule, qui exploite un hôtel-restaurant, un permis de construire en vue de la surélévation d'une partie des bâtiments hôteliers. Par un jugement du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a sursis à statuer, sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, dans l'attente de la régularisation par la société Le Yule du vice tiré de la méconnaissance de l'article Ub 12 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU), relatif au stationnement des véhicules. A la suite de ce jugement avant-dire-droit, dont les requérants ne relèvent pas appel, un permis modificatif a été délivré à la société le Yule le 21 septembre 2021. Par un jugement du 7 décembre 2021, dont la SCI du Couter, M. C... A..., Mme B... F..., M. D... et Mme I... G... et Mme H... E... relèvent appel, le tribunal administratif, mettant fin à l'instance, a rejeté leur demande après avoir constaté que l'irrégularité relevée dans le jugement avant-dire-droit du 29 juin 2021 avait été régularisée par le permis de construire modificatif.

Sur les moyens dirigés contre le permis de construire initial du 20 juin 2019 :

2. A compter du jugement prononçant un sursis à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, seuls des moyens dirigés contre les mesures de régularisation notifiées par les parties suite à ce jugement peuvent être invoqués. Aucun autre moyen, qu'il s'agisse d'un moyen déjà écarté par la décision avant-dire-droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation, ne peut être soulevé. Il en va de même en appel, dans le cadre de la contestation du jugement mettant fin à l'instance lorsqu'il n'est pas relevé appel du jugement prononçant un sursis à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

3. En l'espèce, les requérants ont relevé appel du jugement du 7 décembre 2021 mettant fin à l'instance mais n'ont pas relevé appel du jugement du 29 juin 2021 prononçant, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, un sursis à statuer sur leurs conclusions dirigées contre le permis construire initial, alors pourtant qu'il leur était loisible de le faire dans le même délai. Par suite, ils ne peuvent utilement mettre en cause la légalité du permis de construire initial en faisant valoir des moyens étrangers à la régularisation du vice relevé par le tribunal administratif dans son jugement avant-dire-droit du 29 juin 2021. Il y a lieu, dès lors, d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles R. 423-1 et R. 431-5 du code de l'urbanisme et des articles Ub 12 et Ub 2.1 du règlement du plan local d'urbanisme comme inopérants.

Sur la légalité du permis de construire modificatif du 21 septembre 2021 :

4. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire modificatif porte sur la réalisation, dans le parking souterrain de l'établissement, de places de stationnement supplémentaires par la seule mise en place de sept ponts automobile (sur vérins) afin de créer des places en duplex, en doublement des places de stationnement existantes, lesquelles seront accessibles par un ascenseur à voitures, et dont la gestion relève exclusivement de la charge d'un voiturier qui procède ensuite au stationnement des véhicules. Cependant, un tel système de stationnement, dépendant d'un tiers et sans concrétisation physique dans le bâtiment autre qu'un dispositif mobile, dont la pérennité est au demeurant incertaine, ne peut être considéré comme répondant à l'exigence de création de places de stationnement au sens de la règlementation d'urbanisme. Au surplus, et à supposer même qu'un tel système de stationnement puisse être pris en compte, il ne ressort pas des pièces du dossier que les places prévues par le permis de construire modificatif en litige puissent être considérées comme étant accessibles compte tenu de la configuration du parking souterrain, eu égard à son exiguïté et à la complexité des manœuvres qui devraient être effectuées par le voiturier avec plusieurs véhicules afin de procéder au stationnement ou à la sortie des véhicules, étant au demeurant également relevé qu'il n'est pas non plus établi que l'ensemble des places situées en duplex dans le pont automobile seraient accessibles à tout type de véhicule. Dans ces conditions, le permis de construire modificatif délivré le 21 septembre 2021 n'a pas régularisé le vice retenu par le jugement avant-dire-droit du 29 juin 2021 et tiré de la violation de l'article Ub 12 précité du règlement du PLU de la commune de Val d'Isère et il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Par suite, Mme E... et autres sont fondés à demander l'annulation des arrêtés du maire de Val d'Isère des 20 juin 2019 et 21 septembre 2021, ainsi que des décisions implicites rejetant leurs recours gracieux.

5. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, les autres moyens de la requête tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 425-3 et R. 431-30 du code de l'urbanisme et L. 122-3 du code de la construction et de l'habitation et des dispositions des articles R. 111-2 et R. 111-25 du code de l'urbanisme ne sont pas susceptibles, en l'état du dossier, de fonder l'annulation prononcée.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme E... et autres sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui doit être annulé, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Sur les frais du litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme E... et autres, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, versent une somme à la société Le Yule et à la commune de Val d'Isère au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

8. En revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge solidaire de la société Le Yule et de la commune de Val d'Isère une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par les requérants.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 7 décembre 2021 et les arrêtés des 20 juin 2019 et 21 septembre 2021, ainsi que les décisions implicites rejetant les recours gracieux sont annulés.

Article 2 : La société Le Yule et la commune de Val d'Isère verseront, solidairement, une somme de 2 000 euros aux requérants au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière (SCI) du Couter, en qualité de mandataire unique, à la commune de Val d'Isère et à la société Le Yule.

Copie en sera adressé au procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Albertville en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.

La rapporteure,

A.-G. Mauclair La présidente,

M. J...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY00386 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00386
Date de la décision : 09/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Anne-Gaëlle MAUCLAIR
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : ADALTYS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-09;22ly00386 ?
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