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04/04/2024 | FRANCE | N°23LY02672

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 04 avril 2024, 23LY02672


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 8 mars 2023 par lesquelles la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2302837 du 20 juillet 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête

, enregistrée le 17 août 2023, Mme E..., représentée par Me Praliaud, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 8 mars 2023 par lesquelles la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2302837 du 20 juillet 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 17 août 2023, Mme E..., représentée par Me Praliaud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, ou, subsidiairement, d'examiner à nouveau sa situation dans un délai de deux mois et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme E... soutient que :

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article 6-1) de l'accord franco-algérien ;

- il méconnaît l'article 6-5) de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- cette décision est illégale dès lors qu'elle dispose, de plein droit, d'un droit au séjour ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée à la préfète du Rhône, qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laval, premier conseiller,

- et les observations de Me Praliaud, représentant Mme E... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante algérienne née le 20 août 1979, déclare être entrée en France en juillet 2001. Par des arrêtés du 15 octobre 2002 et du 27 février 2003, confirmés par des arrêts de la cour administrative d'appel de Lyon des 7 novembre 2006 et 26 novembre 2009, le préfet de l'Isère a rejeté les demandes de titre de séjour présentées par l'intéressée. Une décision portant refus de séjour lui a de nouveau été opposée, le 6 septembre 2005, confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 25 septembre 2008. Mme E... a, ensuite, fait l'objet, le 7 avril 2010, d'un arrêté de reconduite à la frontière, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 9 décembre 2010, puis, le 30 mai 2016, d'un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 18 janvier 2018. Le 10 décembre 2019, Mme E... a sollicité son admission au séjour en raison de sa présence en France depuis plus de dix ans. Par un jugement du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision implicite par laquelle le préfet du Rhône a refusé de faire droit à sa demande et lui a enjoint de réexaminer sa situation. Au terme de ce réexamen, la préfète du Rhône, le 8 mars 2023, a refusé le titre de séjour demandé par Mme E..., a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme E... relève appel du jugement du 20 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1) Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".

3. La préfète du Rhône a estimé que Mme E... ne justifiait pas résider habituellement sur le territoire français depuis dix ans, en particulier au cours des années 2021, 2020, 2015, 2014 et 2013. S'agissant de l'année 2013, Mme E... produit une attestation d'hébergement, établie le 11 novembre 2013 par M. A..., ressortissant français qu'elle présente comme son compagnon de l'époque, la copie d'un chèque de remboursement du Trésor Public, daté du 4 avril 2013, libellé à son nom et à celui de M. A..., des avis de réception de courriers postaux qui lui ont été adressés au domicile de ce dernier, une feuille de soins datée d'avril 2013 et un certificat établi par un médecin généraliste de Roubaix, daté du 13 septembre 2013, indiquant qu'elle se présente depuis huit ans au cabinet médical, des photographies sans date certaine ainsi que des factures et des tickets d'achat sur lesquels son nom a été ajouté de manière manuscrite. Ces documents, dont la plupart sont dépourvus de valeur probante, ne permettent d'établir, au mieux, qu'une présence ponctuelle, mais non une résidence habituelle en France au cours de cette année. Il en va de même concernant l'année 2020, pour laquelle elle produit des tickets de caisse avec ajouts manuscrits de son nom et ne justifie avoir reçu des soins médicaux qu'au cours des mois de juillet, août et octobre. Par suite, en refusant de délivrer un certificat de résidence algérien à Mme E..., la préfète du Rhône n'a pas méconnu le 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien.

4. En second lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

5. Mme E... fait état de la durée de sa présence en France, de sa maîtrise de la langue française, des attaches familiales dont elle dispose sur le territoire national, de la relation de concubinage qu'elle avait nouée avec un ressortissant français jusqu'au décès de ce dernier en 2017 et de la vie commune avec son nouveau compagnon, de nationalité française. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que Mme E... ne justifie pas avoir résidé de manière habituelle en France depuis plus de dix ans. Si elle fait état d'une relation de concubinage avec M. D..., ressortissant français résidant à Saint-Priest (Rhône), elle n'a conclu avec ce dernier un pacte civil de solidarité que postérieurement à la décision en litige, le 4 octobre 2023. Elle n'établit pas l'ancienneté de cette relation, dont elle indique qu'elle a débuté en décembre 2019, par la production d'une attestation d'hébergement établie par M. D... le 5 avril 2022, mentionnant qu'elle serait sa compagne et d'une nouvelle attestation de l'intéressé, datée du 5 avril 2023, alors que figurent au dossier plusieurs documents, postérieurs à l'année 2019, faisant état d'une adresse dans le département de l'Isère, chez son père. Si Mme E... benjamine d'une fratrie de six enfants, se prévaut de la présence en France de son père, de nationalité française, de ses trois sœurs, dont l'une est de nationalité française, et indique que l'un de ses deux frères est décédé, elle ne précise pas le lieu de résidence de son autre frère et n'établit pas être dépourvue de toute attache personnelle ou familiale en Algérie. Elle n'établit pas davantage que sa présence serait indispensable aux côtés de son père, désormais veuf, qui réside dans le département de l'Isère, et qui n'est pas isolé en France. Mme E..., qui a fait l'objet de nombreux refus de séjour, assortis de mesures d'éloignement dont la légalité a été confirmée par la juridiction administrative, et qu'elle n'a pas exécutées, ne justifie par ailleurs d'aucune insertion professionnelle autre que l'activité d'aide à domicile exercée auprès d'un ressortissant français, aujourd'hui décédé et qu'elle présente comme son ancien compagnon. Dans ces conditions, eu égard aux conditions du séjour en France de Mme E..., la préfète du Rhône, en refusant de l'admettre au séjour, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a donc, par suite, méconnu ni le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme E..., contrairement à ce qu'elle prétend, ne remplit pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour de plein droit, que ce soit sur le fondement du 1) ou sur celui du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de nature à faire obstacle à son éloignement.

7. En second lieu, la décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, Mme E... n'est pas fondée à exciper de son illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Sur la décision désignant le pays de renvoi :

8. En premier lieu, la décision fixant le pays de renvoi ne trouvant pas son fondement dans le refus de titre de séjour, Mme E... ne peut utilement exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ces conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.

9. En second lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, Mme E... n'est pas fondée à exciper de son illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mers. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,

M. Porée, premier conseiller,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2024.

Le rapporteur,

J-S. Laval

La présidente,

A. Courbon

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 23LY02672


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02672
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme COURBON
Rapporteur ?: M. Jean-Simon LAVAL
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : PRALIAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;23ly02672 ?
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