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04/04/2024 | FRANCE | N°22LY03702

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 04 avril 2024, 22LY03702


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SARL CS de Til-Châtel a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision implicite de refus de permis de construire opposée par le préfet de la Côte-d'Or à sa demande, portant sur la construction d'une centrale photovoltaïque sur la commune de Til-Châtel ainsi que l'arrêté du 5 juillet 2021 du préfet de la Côte-d'Or rejetant expressément cette demande.

Par un jugement n°2100195-2102309 du 17 octobre 2022, le tribunal administratif de Dijon, apr

ès avoir considéré que l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 5 juillet 2021 s'était substitué à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL CS de Til-Châtel a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision implicite de refus de permis de construire opposée par le préfet de la Côte-d'Or à sa demande, portant sur la construction d'une centrale photovoltaïque sur la commune de Til-Châtel ainsi que l'arrêté du 5 juillet 2021 du préfet de la Côte-d'Or rejetant expressément cette demande.

Par un jugement n°2100195-2102309 du 17 octobre 2022, le tribunal administratif de Dijon, après avoir considéré que l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 5 juillet 2021 s'était substitué à la décision implicite de rejet, a annulé cet arrêté du 5 juillet 2021 (article 1er), a enjoint audit préfet de reprendre l'instruction de la demande de permis de construire présentée par la SARL CS de Til-Châtel, et de prendre une nouvelle décision sur cette demande, dans un délai de six mois suivant la notification de son jugement (article 2), a condamné l'Etat à verser une somme de 1 300 euros à la SARL CS de Til-Châtel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3) et a rejeté le surplus des demandes de la SARL CS de Til-Châtel (article 4).

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 décembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la cour d'annuler les articles 1,2 et 3 de ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 17 octobre 2022.

Il soutient que :

- le tribunal administratif de Dijon a commis une erreur d'appréciation en jugeant que le préfet de la Côte-d'Or avait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme en se fondant sur l'absence de maintien d'une activité agricole significative sur le terrain d'assiette du projet pour refuser de délivrer le permis de construire demandé ;

- l'implantation dans les zones agricoles de constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs doit être compatible avec le maintien d'une activité agricole significative sur le terrain d'implantation du projet ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Dijon, le projet de parc photovoltaïque, objet de la demande, n'est pas compatible avec le maintien sur le terrain d'implantation du projet d'une activité agricole significative au sens des dispositions de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme tant au regard de la superficie de la parcelle concernée par le projet, soit 42,34 hectares, qu'au regard de l'emprise du projet, avec une zone clôturée de 34,29 hectares et des modules couvrant une surface projetée au sol de 13,67 hectares, qu'au regard du critère de la nature des sols qui accueillent depuis une dizaine d'année une grande variété de culture qui témoigne de leur potentiel agricole, qu'au regard du critère des usages locaux, la mise en place d'un projet de pâturage des surfaces en herbe par un troupeau de deux cents ovins confié à un berger n'étant pas représentative des types et des modes de culture pratiqués dans le secteur et eu égard à la taille réduite du cheptel et à des opérations de simple entretien du parc photovoltaïque.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2023, la SARL CS de Til-Châtel, représentée par Me Versini-Campinchi conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente ;

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;

- les observations de Me Duclercq, représentant la SARL CS de Til-Châtel ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 2 avril 2024, présentée pour la SARL CS de Til-Châtel ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 7 décembre 2018, la SARL CS de Til-Châtel a déposé une demande de permis de construire en vue de la réalisation d'une centrale photovoltaïque de 29,1 mega watt-crêtes, implantée sur deux parcelles d'une superficie de 35,73 ha, situées sur la commune de Til-Châtel. Estimant qu'en l'absence de réponse, cette demande avait été implicitement rejetée, le pétitionnaire en a demandé l'annulation au tribunal administratif de Dijon. Toutefois, par un arrêté du 5 juillet 2021, le préfet de la Côte-d'Or a pris une décision expresse de refus de délivrance du permis de construire sollicité. Par un jugement du 17 octobre 2022, le tribunal administratif de Dijon, après avoir considéré que l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 5 juillet 2021 s'était substitué à la décision implicite de rejet, a annulé cet arrêté du 5 juillet 2021 (article 1er), a enjoint audit préfet de reprendre l'instruction de la demande de permis de construire présentée par la SARL CS de Til-Châtel, et de prendre une nouvelle décision sur cette demande, dans un délai de six mois suivant la notification de son jugement (article 2), a condamné l'Etat à verser une somme de 1 300 euros à la SARL CS de Til-Châtel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3) et a rejeté le surplus des demandes de la SARL CS de Til-Châtel (article 4). Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la cour d'annuler les articles 1, 2 et 3 de ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 17 octobre 2022.

2. Aux termes de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme : " I. Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, le règlement peut : 1° Autoriser les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages (...) ".

3. Ces dispositions ont pour objet de conditionner l'implantation de constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dans des zones naturelles, agricoles ou forestières à la possibilité d'exercer des activités agricoles, pastorales ou forestières sur le terrain où elles doivent être implantées et à l'absence d'atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages.

4. Pour vérifier si la première de ces exigences est satisfaite, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si le projet permet l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière significative sur le terrain d'implantation, au regard des activités qui sont effectivement exercées dans la zone concernée du plan local d'urbanisme ou, le cas échéant, auraient vocation à s'y développer, en tenant compte notamment de la superficie de la parcelle, de l'emprise du projet, de la nature des sols et des usages locaux.

5. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires soutient, que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le projet litigieux est incompatible avec le maintien, sur le terrain d'implantation, d'une activité agricole significative au sens des dispositions précitées de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme, compte tenu du caractère substantiel de sa superficie, de l'importance de son emprise, de la valeur agronomique des sols ainsi que des types et des modes de culture pratiqués dans le secteur, caractérisés par la culture des céréales et d'oléoprotéagineux, et enfin, du caractère peu significatif de l'activité agricole envisagée.

6. Il ressort des pièces du dossier que le site d'implantation du projet se situe en zone A du plan local d'urbanisme de la commune de Til-Châtel, approuvé le 5 septembre 2019 dont le règlement indique que les zones A concernent les " secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ".

7. Si l'article A1 du règlement du plan local d'urbanisme (Destinations et sous-destinations autorisées) autorise la construction dans cette zone des " équipements d'intérêt collectif et services publics ", l'article A2 précise, ainsi que le fait le 1° de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme que ces constructions ne doivent pas être incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées.

8. Le projet en cause a pour objet la réalisation d'une centrale photovoltaïque d'une puissance de 29,1 mega watt-crêtes, comprenant 74 560 modules photovoltaïques, implantée sur deux parcelles classées en zone A du plan local d'urbanisme, d'une surface cumulée de 42,34 hectares, la zone d'implantation clôturée occupant une surface de 34.29 hectares, comprenant des tables de modules couvrant environ 13.67 hectares en surface projetée au sol et d'autres éléments tels des onduleurs, des transformateurs et postes de livraison.

9. Il ressort de l'étude préalable agricole réalisée à la demande du pétitionnaire, en juin 2020, que le site d'implantation du projet est situé au sein d'une exploitation agricole de 525 hectares, cultivée en vue de la production de céréales de diverses variétés, en agriculture biologique, à hauteur de 40 % de sa surface agricole utile, comprenant notamment les surfaces d'assiette du projet. Cette étude précise que les sols de ces parcelles, qui représentent 35,73 hectares, soit 6,3 % de la surface agricole utile de l'exploitation, ont été converties en agriculture biologique, afin d'en accroître les revenus, l'exploitant ayant déclaré que leur potentiel agronomique limité, justifiait l'abandon d'une agriculture conventionnelle, qui a été maintenue pour le reste des terrains. Il ressort également des pièces du dossier que cette culture céréalière répond à la vocation de la région de la Plaine au sein de laquelle s'insère le terrain d'implantation du projet et dont la culture des céréales et des oléoprotéagineux occupe plus de 76 % de la surface agricole utile. Cette culture céréalière s'observe également sur les parcelles situées au droit du terrain d'assiette du projet, laissant supposer la vocation de ce terrain à permettre le développement de cette culture, que ce soit sous forme conventionnelle ou en agriculture biologique. Alors que ces éléments permettent de constater que le projet litigieux entraînera la réduction de 35,73 hectares de surface agricole effectivement consacrée à la culture céréalière, la SARL CS de Til-Châtel fait valoir qu'il est prévu, sur le terrain d'implantation, une activité d'élevage d'ovins permettant l'entretien doux du parc et la création de valeur ajoutée agricole en relevant les différents points forts de l'éco-pâturage pour la biodiversité et la qualité paysagère sur le site.

10. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, que cette activité se rapporterait à un type de culture localement pratiqué, alors que le projet se situe au sein d'une petite région agricole, dite de la Plaine dijonnaise, accueillant une grande variété de cultures et représentant 24 % de la surface agricole utile de Côte-d'Or composées majoritairement de grandes cultures céréalières (blé, colza, orge), que les exploitations agricoles présentes sur le territoire de la commune de Til-Châtel sont orientées vers la production de cultures céréalières et oléoprotéagineuses et que l'élevage qui y est très peu présent, concerne l'élevage bovin. Ainsi, et alors même qu'une pratique d'élevage d'ovins aurait pu préexister à celle d'une culture céréalière, sur le terrain d'implantation du projet avant sa mise en culture, l'activité de substitution proposée par le projet litigieux ne peut être regardée comme correspondant aux activités ayant vocation à se développer dans la zone considérée. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que cette activité de substitution concernera un cheptel réduit de 200 ovins qui ne sera présent sur le site d'implantation que par intermittence et dont la présence destinée à permettre d'assurer un entretien du parc ne devrait pas assurer une rémunération suffisante de l'éleveur ainsi que la viabilité de cette activité agricole, ainsi que l'a d'ailleurs constaté la commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers qui a rendu des avis défavorables au projet, les 28 février et 7 juillet 2020. Dans ces conditions, même en tenant compte du fait que les terres agricoles considérées seraient de qualité assez médiocre notamment en ce qui concerne la présence d'éléments fertilisants du sol et de réserves hydriques, le ministre est fondé à soutenir que le projet en litige ne pourrait permettre le maintien d'une activité agricole significative sur le terrain d'implantation de l'équipement collectif envisagé. Dès lors, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur la méconnaissance par le préfet de la Côte-d'Or des dispositions précitées de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme pour annuler l'arrêté en litige.

11. Il y a lieu, par suite, d'examiner au titre de l'effet dévolutif les autres moyens soulevés par la SARL CS de Til-Châtel à l'encontre de la décision du 5 juillet 2021.

12. Aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6. ".

13. En indiquant dans son arrêté du 5 juillet 2021, qui cite notamment le 1° du I de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme sur lequel il se fonde, que le projet litigieux, localisé au lieu-dit " la Petite forêt ", à Til-Châtel, qui prévoit une activité agricole résiduelle d'éco-pâturage d'ovins, n'est pas compatible avec le maintien d'une activité agricole significative sur le terrain d'assiette, compte tenu de son emprise sur ce terrain et des cultures qui y sont actuellement pratiquées ou qui pourraient s'y développer, au vu des pratiques culturales environnantes, le préfet de la Côte-d'Or qui a, ce faisant, énoncé les considérations de droit et de fait qui fondent à cet égard sa décision, a respecté l'exigence de motivation posée par les dispositions citées au point précédent. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions L. 424-3 du code de l'urbanisme n'est donc pas fondé.

14. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande présentée par la SARL CS de Til-Châtel devant le tribunal administratif de Dijon.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1, 2 et 3 du jugement n°°2100195-2102309 du 17 octobre 2022 du tribunal administratif de Dijon sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par la SARL CS de Til-Châtel devant le tribunal administratif de Dijon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la SARL CS de Til-Châtel fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la SARL CS de Til-Châtel.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.

La rapporteure,

P. Dèche

L'assesseure la plus ancienne,

A.- G. Mauclair,

La greffière,

C. Driguzzi

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique de la cohésion des territoires en ce qui les concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03702


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03702
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : LPA CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;22ly03702 ?
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