La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2024 | FRANCE | N°22LY03512

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 04 avril 2024, 22LY03512


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire enregistrés le 30 novembre 2022 et le 16 février 2024, la SAS Distribution Casino France, représentée par Me Bolleau, demande à la cour :

1°) d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, l'arrêté du 21 avril 2022 par lequel le maire de Saint-Etienne a délivré à la société Lidl un permis de construire en vue de la démolition d'un magasin existant d'une surface de vente de 990 m² et de la construction d'un nouveau magasin d'une surface de vente de 1 428,73 m²

;

2°) de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 3 000 euros, au titre ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 30 novembre 2022 et le 16 février 2024, la SAS Distribution Casino France, représentée par Me Bolleau, demande à la cour :

1°) d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, l'arrêté du 21 avril 2022 par lequel le maire de Saint-Etienne a délivré à la société Lidl un permis de construire en vue de la démolition d'un magasin existant d'une surface de vente de 990 m² et de la construction d'un nouveau magasin d'une surface de vente de 1 428,73 m² ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle dispose d'un intérêt à agir, sa requête est recevable et la cour est compétente pour connaître du litige ;

- l'avis de la commission nationale d'aménagement commercial a été rendu dans des conditions irrégulières ; il n'est pas justifié du respect des prescriptions des articles R. 732-35 et 36 du code de commerce ;

- le dossier de demande du projet que le pétitionnaire a communiqué ne comporte aucune étude suffisante concernant les flux de véhicules, la présentation des aménagements publics routiers nécessaires pour assurer la desserte sécurisée du site et la présentation de la qualité environnementale du projet ;

- en ce qui concerne l'aménagement du territoire, le projet qui ne répond pas à une demande supplémentaire, impactera négativement les petits commerces de la zone de chalandise déjà en difficulté, il va aggraver les conditions de circulation et créer des risques sécuritaires importants, enfin, il ne répond pas au critère de la consommation économe de l'espace ;

- le projet présente des efforts insuffisants, en terme de développement durable.

Par des mémoires enregistrés le 30 août 2023 et le 14 mars 2024, la commune de Saint-Etienne, représentée par Me Nguyen, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête n'est pas recevable en l'absence de production des justificatifs prévus par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- le recours préalable de la SAS Distribution Casino France devant la commission nationale d'aménagement commercial était irrecevable au visa des articles R. 752-30 et R. 752-32 du code de commerce ;

- la requête est tardive ;

- les dispositions des articles R. 732-35 et 36 du code de commerce n'ont pas été méconnues ;

- le dossier de demande est suffisamment complet ;

- le projet ne méconnaît ni l'objectif d'aménagement du territoire, ni celui du développement durable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2024, la commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que l'avis qu'elle a rendu est régulier et elle justifie de la bonne convocation de ses membres ainsi que de la mise à disposition des documents requis.

Par des mémoires enregistrés le 22 janvier 2024 et le 23 février 2024, la SNC Lidl, représentée par Me Bozzi, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions des articles R. 732-35 et 36 du code de commerce ont été respectées ;

- l'avis de la commission nationale d'aménagement commercial a été rendu au vu d'un dossier complet ;

- le projet qui contribuera à l'animation de la vie urbaine, n'aggravera pas les conditions de circulation, et fera une utilisation économe de l'espace, ne méconnaît pas l'objectif d'aménagement du territoire ;

- ce projet comprend d'importantes mesures en matière de développement durable et comporte une bonne insertion paysagère.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente ;

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;

- les observations de Me Bolleau, représentant la SAS Distribution Casino France, de Me Nguyen, représentant la commune de Saint-Etienne et de Me Bozzi, représentant la SNC Lidl ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 30 décembre 2021, la SNC Lidl a déposé auprès de la mairie de Saint-Etienne une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la démolition d'un magasin existant d'une surface de vente de 990 m² et de la construction d'un nouveau magasin d'une surface de vente de 1 428,73 m². Saisie d'un recours contre l'avis favorable rendu par la commission départementale d'aménagement commercial de la Loire, le 22 mars 2022, la commission nationale d'aménagement commercial a émis, le 8 septembre 2022, un avis favorable au projet. Par un arrêté du 21 avril 2022, le maire de Saint-Etienne a délivré à la SNC Lidl un permis valant autorisation d'exploitation commerciale. La SAS Distribution Casino France, qui exploite deux supermarchés dans la zone de chalandise du projet demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la légalité de l'arrêté du maire de Saint-Etienne du 21 avril 2022 :

En ce qui concerne la convocation des membres de la commission nationale d'aménagement commercial :

2. Aux termes de l'article R. 752 35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. "

3. Il ressort des pièces du dossier que, le 22 août 2022, la secrétaire de la commission nationale d'aménagement commercial a adressé de façon simultanée aux membres de cette commission une convocation pour la réunion du 8 septembre 2022, à laquelle était joint l'ordre du jour et où il était mentionné que tous les documents visés à l'article R. 752-35 sont disponibles, au moins cinq jours avant la tenue de la séance, sur la plateforme de téléchargement. La commission nationale d'aménagement commercial a produit au présent dossier une attestation de la société Dematis, qui exploite le site " e-convocations.com ", attestant du fait que les convocations ont bien été adressées à leurs destinataires le 22 août 2022. En outre, elle produit un document justifiant du partage des fichiers annoncés dans les convocations avec les membres de la commission nationale d'aménagement commercial qui est une capture d'écran de la plateforme dédiée Sofie faisant apparaitre le partage de ces fichiers intitulés " CNAC 542 et 543 du 8 septembre 2022 " le 15 septembre 2022 ainsi qu'une attestation du 12 décembre 2023 de la secrétaire de la Commission nationale d'aménagement commercial attestant de l'envoi et la mise à disposition des convocations aux membres de cette commission et des documents exigés en vue de la séance du 8 septembre 2022, le 1er septembre 2022, soit plus de cinq jours avant la date de la séance. Contrairement à ce que prétend la requérante, l'ensemble de ces documents permettent de justifier que les membres de la commission nationale d'aménagement commercial ont été régulièrement convoqués à la séance du 8 septembre 2022 au moins cinq jours avant celle-ci et qu'ils ont reçu l'ensemble des éléments de dossiers pour la séance en cause conformément à l'article R. 732-35 du code de commerce. Il est constant qu'aucun membre de la commission nationale d'aménagement commercial ne s'est plaint de ne pas avoir été destinataire de la convocation et/ou des documents nécessaires à l'examen des dossiers. Par suite, la SAS Distribution Casino France n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article R. 732-35 ont été méconnues.

En ce qui concerne l'avis des ministres intéressés :

4. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 752 36 du code de commerce : " Le secrétariat de la commission nationale instruit et rapporte les dossiers. Le commissaire du Gouvernement présente et communique à la commission nationale les avis des ministres chargés de l'urbanisme et du commerce. Après audition des parties, il donne son avis sur les demandes. ".

5. L'article 1er du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement prévoit que " à compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions (...), peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...) 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au deuxième alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du ministre chargé de l'urbanisme auprès de la ministre de la transition écologique du 6 septembre 2022 a été signé par M. D... C..., adjoint au sous-directeur de la qualité du cadre de vie, au sein de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages de la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature, à l'administration centrale du ministère de la transition écologique de la cohésion des territoires qui a reçu délégation pour ce faire en raison de sa nomination en cette qualité par arrêté du 15 mars 2022 publié le 20 mars 2022 au Journal Officiel. L'avis du ministre chargé du commerce du 24 août 2022 a été signé par Mme A... B..., cheffe du service du tourisme, du commerce, de l'artisanat et des services de la direction générale des entreprises, à l'administration centrale du ministère de l'économie et des finances, qui a reçu délégation pour ce faire en raison de sa nomination en cette qualité par arrêté du 30 septembre 2019 publié le 1er octobre 2019 au Journal Officiel. Il s'en suit que ces personnes avaient respectivement qualité pour signer, au nom du ministre chargé de l'urbanisme, d'une part, et, d'autre part, du ministre chargé du commerce les avis recueillis par le commissaire du gouvernement auprès de la commission nationale d'aménagement commercial au titre de l'article R 752-36 du code de commerce. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence des signataires de ces avis doit être écarté.

En ce qui concerne la complétude du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale :

7. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : / (...) / 4° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : / a) Contribution à l'animation des principaux secteurs existants ; / (...) / c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; / d) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules ; / e) Indication de la distance du projet par rapport aux arrêts des moyens de transports collectifs, de la fréquence et de l'amplitude horaire de la desserte de ces arrêts ; / (...) / g) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial ; / 5° Effets du projet en matière de développement durable. Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de développement durable, incluant les éléments suivants : / a) Présentation des mesures, autres que celles résultant d'obligations réglementaires, destinées à réduire la consommation énergétique des bâtiments ; / b) Le cas échéant, description des énergies renouvelables intégrées au projet et de leur contribution à la performance énergétique des bâtiments ; / (...) / e) Description des mesures propres à limiter les pollutions associées à l'activité, notamment en matière de gestion des eaux pluviales et de traitement des déchets ; / (...) / 6° Effets du projet en matière de protection des consommateurs. / (...) / d) Evaluation des risques naturels, technologiques ou miniers et, le cas échéant, description des mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs ; (...) ".

8. La circonstance que le dossier de demande d'autorisation ne comporterait pas l'ensemble des éléments exigés par les dispositions précitées, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité l'autorisation qui a été accordée que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

9. D'une part, en l'espèce, le projet a fait l'objet d'une étude d'accessibilité réalisée par le bureau d'études Egis, le 27 septembre 2021 qui estime les flux supplémentaires générés par ce projet en se fondant sur un ratio entre ce trafic et la surface de vente existante aux heures de pointe du jeudi soir et du samedi après-midi et évalue cette augmentation à 60 véhicules par heure le jeudi soir et 50 véhicules par heure le samedi après-midi. Par ailleurs, l'étude relève l'existence de difficultés de circulation, le jeudi soir, au niveau du " triangle " Rue Auguste Guitton/Rue des Trois Glorieuses/Rue Montyon avec des temps d'attente supérieurs à 60 secondes. Elle indique que ces difficultés seront accentuées par l'extension du supermarché, qui pourront être levées par une réorganisation des sorties. La requérante ne critique pas sérieusement la pertinence de cette étude en se bornant à faire valoir qu'elle se fonde sur des données datant de 2018, sans démontrer qu'elles seraient obsolètes.

10. D'autre part, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas des pièces que le projet en cause nécessiterait des aménagements routiers, l'étude réalisée par le bureau Egis se bornant notamment à préconiser une orientation des sorties en semaine vers l'allée Marcel Paul et une inversion du sens de priorité au carrefour Auguste Guitton/Rue des Trois Glorieuses/Rue Montyon. Dès lors, le pétitionnaire n'était pas tenu de transmettre de document garantissant le financement de travaux d'aménagement ainsi que leur réalisation effective à la date d'ouverture du magasin.

11. Enfin, si la requérante fait valoir que le pétitionnaire n'a transmis aucune évaluation environnementale portant sur les émissions de gaz à effet de serre induites par la démolition/construction envisagée et sur le devenir des déchets liés à l'opération de démolition et à l'activité du bâti, les dispositions de l'article R. 752-6 du code de commerce ne prescrivent pas la réalisation d'une évaluation environnementale ni n'imposent au pétitionnaire de présenter les mesures de traitement des déchets ou de limitation des émissions de gaz à effet de serre en phase de chantier. En outre, le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale versé au dossier comprend plusieurs pages consacrées à la description des émissions de gaz à effet de serre qui ont été évaluées par le pétitionnaire ainsi que des actions envisagées pour les réduire ou les limiter, dont des mesures concernant les déchets. Par ailleurs, le dossier comprend également plusieurs pages décrivant les mesures propres à limiter les pollutions liées à l'activité par le traitement et la valorisation des déchets. Enfin, ce dossier présente dans ses documents annexes, le bilan des émissions de gaz à effet de serre prévu au premièrement de l'article L. 229-25 du code de l'environnement.

12. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que la commission nationale d'aménagement commercial, qui a disposé de l'ensemble des informations nécessaires à l'analyse du dossier, a pu statuer en toute connaissance de cause sur la demande qui lui était soumise. Par suite, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 752-6 du code de commerce :

13. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au dernier alinéa de l'article L. 123-1-4 du code de l'urbanisme. La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs.(...) ".

14. D'une part, il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la compatibilité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

15. D'autre part, les dispositions ajoutées au I de l'article L. 752-6 du code de commerce par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2019-830 QPC du 12 mars 2020, poursuivent l'objectif d'intérêt général de favoriser un meilleur aménagement du territoire et, en particulier, de lutter contre le déclin des centres-villes. Elles se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l'appréciation globale par les commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) des effets du projet sur l'aménagement du territoire et ne subordonnent pas la délivrance de l'autorisation à l'absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes. L'analyse d'impact prévue par le III du même article vise à faciliter l'appréciation des effets du projet sur l'animation et le développement économique des centres-villes et de l'emploi et n'institue aucun critère d'évaluation supplémentaire d'ordre économique. Enfin, les dispositions du IV de l'article L. 752-6, relatives à l'existence d'une friche en centre-ville ou en périphérie, ont pour seul objet d'instituer un critère supplémentaire permettant d'évaluer si, compte tenu des autres critères, le projet compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Ces dispositions n'ont pas pour effet d'interdire toute délivrance d'une autorisation au seul motif qu'une telle friche existerait.

S'agissant de l'aménagement du territoire :

16. En premier lieu, en ce qui concerne la consommation économe de l'espace, d'une part, la SAS Distribution Casino France ne peut utilement se prévaloir, s'agissant d'un permis de construire délivré au vu d'un dossier de demande déposé le 30 décembre 2021, des dispositions du V de l'article L. 752-6 du code de commerce issues de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dès lors qu'en vertu de l'article 9 du décret n° 2022-1312 du 13 octobre 2022 relatif aux modalités d'octroi de l'autorisation d'exploitation commerciale pour les projets qui engendrent une artificialisation des sols, ces dispositions ne sont susceptibles d'être entrées en vigueur que dans le cadre de dossiers de demandes déposés à compter du 15 octobre 2022. La requérante ne peut pas plus utilement se prévaloir de la circulaire ministérielle n° 6206/SG du 24 août 2020 qui, dans le cadre de la lutte contre l'artificialisation des sols, demande aux préfets de faire preuve de la plus grande vigilance dans la conduite des procédures d'autorisation des exploitations commerciales au sein des commissions départementales d'aménagement commercial et dont les termes ne s'imposaient pas à la commission nationale d'aménagement commercial. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit la réalisation de 118 places de stationnement, dont 112 seront réalisées en matériaux perméables, que la surface des espaces verts qui passera de 17 % à 25 % du foncier, sera ainsi augmentée de 2 399 m² et qu'il permettra la reprise d'un bâtiment qui, contrairement à ce que prétend la requérante, n'est plus en activité. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet litigieux serait de nature à compromettre la réalisation des objectifs énoncés par la loi en matière de consommation économe de l'espace.

17. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet en litige qui consiste en l'extension, après démolition et reconstruction sur le même site, d'un magasin d'alimentation se situe à proximité de quartiers d'habitation, dont notamment le quartier prioritaire et la zone franche urbaine de Montreynaud répondant ainsi aux besoins alimentaires de la population de la commune et permettant une offre de proximité. Par suite, et alors même que le centre-ville de Saint-Etienne comporte un taux de vacance commerciale supérieur à la moyenne, que cette ville aurait l'intention de bénéficier d'une opération de revitalisation du territoire et que l'évolution démographique de la zone de chalandise serait en baisse, la requérante qui n'est par ailleurs pas fondée à soutenir que l'offre commerciale du territoire d'implantation est suffisante, dès lors qu'il n'appartient pas à la commission nationale d'aménagement commercial d'apprécier la densité commerciale des surfaces soumises à autorisation commerciale dans le secteur, n'est pas fondée à soutenir que le projet aurait un impact négatif sur l'animation de la vie urbaine de Saint-Etienne.

18. En dernier lieu, en se bornant à faire valoir que le projet en litige sera de nature à aggraver les conditions de circulation et à créer des risques sécuritaires importants, la requérante ne critique pas sérieusement les conclusions de l'étude de flux réalisée par le cabinet Egis qui indique que la réalisation du projet n'aurait pas d'impact sur le fonctionnement du giratoire et qui propose une modification des priorités au niveau du " triangle " Rue Auguste Guitton/Rue des Trois Glorieuses/Rue Montyon afin de lever les difficultés de circulation qui pourront se poser le jeudi soir en particulier.

S'agissant du développement durable :

19. En premier lieu, si la requérante soutient que le projet ne justifie pas d'une qualité environnementale suffisante, il ressort des pièces du dossier que les espaces perméables s'étendront sur 41 % de l'emprise foncière, que le projet prévoit une augmentation de 811 m² des espaces verts de pleine terre, qu'il utilisera des matériaux de construction et du matériel technique permettant de dépasser la norme de construction " réglementation technique 2012 " (RT 2012), qu'il prévoit un éclairage en LED, que 36,42 % de la toiture sera équipée de 887 m² de panneaux photovoltaïques et qu'il intègre le traitement des déchets et des eaux pluviales.

20. En second lieu, alors qu'il ressort des pièces du dossier que bien qu'il consiste en une simple extension, après démolition et reconstruction sur un même site qui ne présente pas de caractère particulier, le projet prévoit une façade avant largement vitrée et une façade latérale avec une nuance de parement ton brique et de végétalisation ainsi que la réalisation de 2 399 m² d'espaces verts et la plantation de 27 arbres supplémentaires, dont 7 arbres sur les rangées de stationnement centrales. Par suite, le projet litigieux permet une insertion paysagère et architecturale satisfaisante.

21. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, la SAS Distribution Casino France n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2022 par lequel le maire de Saint-Etienne a délivré à la SNC Lidl un permis en vue de la démolition de plusieurs bâtiments suivie de la reconstruction de son supermarché avec extension de sa surface commerciale, sur le territoire de cette commune.

Sur les frais liés à l'instance :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée par la SAS Distribution Casino France au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion de cette instance.

23. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société le versement d'une somme de 2 500 euros à la commune de Saint-Etienne et une somme de 2 500 euros à la SNC Lidl au titre des frais exposés par elles dans cette instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Distribution Casino France est rejetée.

Article 2 : La SAS Distribution Casino France versera à la commune de Saint-Etienne une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La SAS Distribution Casino France versera à la SNC Lidl une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Distribution Casino France, à la SNC Lidl, à la commune de Saint-Etienne et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la présidente de la commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.

La rapporteure,

P. Dèche

L'assesseure la plus ancienne,

A.- G. Mauclair,

La greffière,

C. Driguzzi

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03512


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03512
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Réglementation des activités économiques. - Activités soumises à réglementation. - Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : LEONEM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;22ly03512 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award