La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2024 | FRANCE | N°22LY02661

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 04 avril 2024, 22LY02661


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner solidairement le centre hospitalier de Paray-le-Monial et son assureur la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM) à lui verser la somme de 750 017,10 euros en réparation de préjudices consécutifs à une prise en charge par ce centre hospitalier.

Pôle emploi a présenté des conclusions tendant à ce que le centre hospitalier de Paray-le-Monial et la SHAM soient solidairement c

ondamnés à lui verser une somme de 27 410,42 euros.

La caisse primaire d'assurance maladie ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner solidairement le centre hospitalier de Paray-le-Monial et son assureur la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM) à lui verser la somme de 750 017,10 euros en réparation de préjudices consécutifs à une prise en charge par ce centre hospitalier.

Pôle emploi a présenté des conclusions tendant à ce que le centre hospitalier de Paray-le-Monial et la SHAM soient solidairement condamnés à lui verser une somme de 27 410,42 euros.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Côte d'Or a présenté des conclusions tendant à ce que le centre hospitalier de Paray-le-Monial et la SHAM soient solidairement condamnés à lui verser une somme de 150 821,85 euros au titre de ses débours, outre l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1901147 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier de Paray-le-Monial devenu le centre hospitalier du pays Charolais-Brionnais et la SHAM à verser, d'une part, à M. A... une somme de 257 102,35 euros, outre intérêts au taux légal et capitalisation, sous déduction d'une rente d'invalidité à verser par Pro BTP Prévoyance et de l'allocation aux adultes handicapés perçue depuis le 1er août 2015 et, d'autre part, à la CPAM de la Côte d'Or une somme de 150 821,85 euros au titre de ses débours outre une somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête enregistrée le 31 août 2022 sous le n° 22LY02661, ensemble un mémoire complémentaire enregistré le 13 décembre 2022, M. B... A..., représenté par Me N'Diaye, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1901147 du 7 juillet 2022 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de condamner solidairement le centre hospitalier du pays Charolais-Brionnais et la SHAM à lui verser la somme de 722 653,01 euros, outre intérêts au taux légal doublé et capitalisé à compter du 9 juillet 2018, en réparation de préjudices consécutifs à une prise en charge par ce centre hospitalier ;

3°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier du pays Charolais-Brionnais et de la SHAM une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- il a engagé des dépenses de santé dont une partie restée à sa charge, ainsi que des frais de trajet, il a subi un déficit fonctionnel temporaire puis permanent, il a enduré des souffrances, il a subi un préjudice esthétique temporaire puis permanent, il a perdu des revenus professionnels actuels et futurs, et il a enfin subi un préjudice d'incidence professionnelle ;

- le taux des intérêts au taux légal doit être doublé en application des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances.

Par un mémoire enregistré le 5 janvier 2023, la CPAM de Côte d'Or, représentée par la SELARL BdL Avocats, conclut :

1°) à la confirmation du jugement en ce qui la concerne ;

2°) à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier du pays Charolais-Brionnais sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La CPAM de la Côte d'Or soutient que :

- c'est à juste titre que le tribunal a pris en compte les débours exposés sous la forme de frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de transport, ainsi que d'indemnités journalières, de pension d'invalidité et de capital invalidité ;

- c'est également à juste titre que le tribunal lui a alloué l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 janvier 2023, le centre hospitalier du pays Charolais-Brionnais et la SHAM devenue la société Relyens mutual insurance, représentés par le Cabinet Le Prado - Gilbert, concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre incident, à ce que le jugement soit réformé en réduisant les sommes allouées à M. A....

Le centre hospitalier du pays Charolais-Brionnais et la SHAM soutiennent que :

- l'existence de dépenses de santé restées à charge n'est pas établie ;

- les sommes allouées en première instance sont suffisantes pour ce qui concerne les frais de trajet, le déficit fonctionnel temporaire puis permanent, les souffrances endurées et le préjudice esthétique permanent ;

- les sommes allouées en première instance sont excessives en ce qui concerne le préjudice esthétique temporaire et l'incidence professionnelle ;

- l'existence de pertes de revenus professionnels actuels restées à charge n'est pas établie ;

- l'indemnisation d'une perte de revenus professionnels futurs ne se justifie pas en l'absence d'inaptitude à l'emploi ;

- les sommes déjà versées par la SHAM à titre provisionnel à hauteur de 1 748,82 euros doivent être déduites des montants alloués.

Par ordonnance du 22 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 25 janvier 2023 à 16h30. Par ordonnance du 28 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 30 octobre 2023 à 16h30.

II°) Par une requête sommaire enregistrée le 6 septembre 2022 sous le n° 22LY02699, ensemble un mémoire ampliatif enregistré le 12 octobre 2022 et un mémoire complémentaire enregistré le 10 janvier 2023, le centre hospitalier du pays Charolais-Brionnais et la SHAM devenue la société Relyens mutual insurance, représentés par le Cabinet Le Prado - Gilbert demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de réformer le jugement n° 1901147 du 7 juillet 2022 du tribunal administratif de Dijon en réduisant les sommes allouées à M. A... ;

2°) de rejeter les conclusions incidentes de M. A....

Le centre hospitalier du pays Charolais-Brionnais et la société Relyens mutual insurance soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- le tribunal a méconnu son office en prévoyant que des sommes échues au titre d'une rente invalidité versée par Pro BTP Prévoyance et de l'allocation aux adultes handicapés devraient être déduites, sans en liquider lui-même le montant ;

- l'existence de pertes de revenus professionnels actuels restées à charge n'est pas établie ;

- l'indemnisation d'une perte de revenus professionnels futurs ne se justifie pas en l'absence d'inaptitude à l'emploi ;

- les sommes allouées en première instance sont excessives en ce qui concerne l'incidence professionnelle et le préjudice esthétique temporaire ;

- l'existence de dépenses de santé restées à charge n'est pas établie ;

- les sommes allouées au titre des frais de trajet, du déficit fonctionnel temporaire puis permanent, des souffrances endurées et du préjudice esthétique permanent sont suffisantes ;

- les sommes déjà versées par la SHAM à titre provisionnel à hauteur de 1 748,82 euros doivent être déduites des montants alloués.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 décembre 2022, M. B... A..., représenté par Me N'Diaye, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre incident, à ce que le centre hospitalier du pays Charolais-Brionnais et la SHAM soient solidairement condamnés à lui verser la somme de 722 653,01 euros, outre intérêts au taux légal doublé et capitalisé à compter du 9 juillet 2018 ;

3°) à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge solidaire du centre hospitalier du pays Charolais-Brionnais et de la SHAM sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- il a engagé des dépenses de santé dont une partie restée à sa charge, ainsi que des frais de trajet, il a subi un déficit fonctionnel temporaire puis permanent, il a enduré des souffrances, il a subi un préjudice esthétique temporaire puis permanent, il a perdu des revenus professionnels actuels et futurs, et il a enfin subi un préjudice d'incidence professionnelle ;

- le taux des intérêts au taux légal doit être doublé en application des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 janvier 2023, la CPAM de la Côte d'Or, représentée par la SELARL BdL Avocats, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier du pays Charolais-Brionnais sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La CPAM de la Côte d'Or soutient que :

- c'est à juste titre que le tribunal a pris en compte les débours exposés sous la forme de frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de transport, ainsi que d'indemnités journalières, de pension d'invalidité et de capital invalidité ;

- c'est également à juste titre que le tribunal lui a alloué l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par ordonnance du 23 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 janvier 2023 à 16h30. Par ordonnance du 28 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 octobre 2023 à 16h30.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code des assurances ;

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale, ensemble l'arrêté du 15 décembre 2023 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2024 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me N'Diaye, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 8 août 1979, a été pris en charge au centre hospitalier de Paray-le-Monial le 24 octobre 2015 pour un abcès lié à une infection résistante. L'état de ses veines ne permettant pas de procéder aisément à une injection dans un bras de façon usuelle, une perfusion a été mise en place sur une petite veine frontale gauche. Les suites immédiates ont été marquées par des douleurs importantes et la constitution d'un œdème fronto-orbitaire. Le patient demeure atteint de troubles majeurs de l'œil gauche. Par le jugement attaqué du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier de Paray-le-Monial devenu le centre hospitalier du pays Charolais-Brionnais et la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM), devenue la société Relyens mutual insurance, à indemmiser M. A... et la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM). Tant M. A... que le centre hospitalier et la société Relyens interjettent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal a régulièrement motivé le jugement par lequel il a statué sur le litige.

Sur le principe de la responsabilité :

3. Il résulte de l'instruction et notamment des deux expertises diligentées par la commission de conciliation et d'indemnisation, achevées respectivement le 6 octobre 2015 avant consolidation et le 10 mai 2018 après consolidation, que si l'accès veineux était très limité, il n'était pas impossible. Cette situation était par ailleurs connue et aucune urgence n'existait. L'utilisation des veines frontales, de petit calibre, n'est en revanche pas usuelle et elles ne sont pas fiables pour une injection du type de celle pratiquée. Alors que d'autres options existaient, ce choix constituait ainsi une prise de risque inutile et non justifiée, qui caractérise dès lors une faute. Les experts estiment que c'est ce choix qui est à l'origine des dommages, par l'effet d'un processus de compression vasculaire à la suite d'une réaction locale inflammatoire, ou d'une lésion compressive du nerf optique, peut-être aggravées par une réaction locale aux produits. En outre, les experts relèvent une absence de prise en charge adaptée immédiate de la complication, qui n'a été prise en compte que le lendemain, sans que le patient soit immédiatement orienté vers un service spécialisé alors qu'il s'agissait d'une situation d'urgence. Ils estiment que le patient a ainsi entièrement perdu une chance d'obtenir une limitation de l'altération de son œil gauche. Le tribunal a en conséquence retenu à bon droit l'entière responsabilité pour faute du centre hospitalier, qui n'est d'ailleurs pas contestée, seul le chiffrage des préjudices étant en litige en appel.

Sur les préjudices.

4. Les experts relèvent que la faute commise a entrainé une perte de la vision de l'œil gauche outre des séquelles de brûlure cutanée. Ils fixent la consolidation au 27 février 2018.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

5. En premier lieu, les expertises précitées diligentées par la commission de conciliation et d'indemnisation évaluent le déficit fonctionnel temporaire en retenant un déficit fonctionnel temporaire total durant les périodes d'hospitalisation, du 26 octobre au 7 novembre 2024 pour la prise en charge dans les suites de la complication, puis du 3 au 4 octobre 2017 pour une intervention de pose d'une prothèse oculaire. Pour le reste et jusqu'à la consolidation, le déficit fonctionnel temporaire partiel atteint un taux évalué à 30 %. En allouant une somme de 6 275 euros le tribunal n'a en l'espèce pas fait une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice.

6. En deuxième lieu, la seconde expertise évalue le déficit fonctionnel permanent, tant physique que psychique, à 27 %, soit 25 % pour la perte de l'œil gauche et 2 % pour la brûlure cutanée avec nécrose de la peau au niveau frontal. M. A..., né le 8 août 1979, avait ainsi 38 ans à la date de la consolidation le 27 février 2018. En estimant ce chef de préjudice à hauteur d'une somme de 45 000 euros, le tribunal n'en a pas fait une évaluation insuffisante.

7. En troisième lieu, l'expert a évalué les souffrances endurées à hauteur de 4,5/7 avant consolidation, en raison notamment de la gravité des lésions, des interventions rendues nécessaires, ainsi que de la souffrance morale cumulée à la souffrance physique, durant une période prolongée. En évaluant ce chef de préjudice à hauteur d'une somme de 10 000 euros, le tribunal n'en a pas fait une évaluation insuffisante.

8. En quatrième lieu, la seconde expertise évalue le préjudice esthétique temporaire, qui affecte lourdement le visage du patient, à hauteur de 5,5/7. Compte tenu notamment de l'intervention de pose d'une prothèse, qui laisse toutefois des marques liées aux brûlures cutanées, elle évalue le préjudice esthétique permanent à hauteur de 3,5/7. En évaluant ces préjudices à hauteur de 18 000 euros pour la partie temporaire, qui correspond à une atteinte esthétique très forte, et de 5 000 euros pour la partie permanente, le tribunal n'en a pas fait une évaluation inexacte.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

9. En premier lieu, s'agissant des dépenses de santé, il résulte de l'instruction et notamment de l'état des débours de la CPAM de la Côte d'Or complété par une attestation de son médecin conseil, que celle-ci a pris en charge, en lien avec les fautes commises, des frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de transport médical à hauteur d'un montant total non contesté de 23 387,55 euros.

10. M. A... soutient par ailleurs qu'un montant total de 2 063,32 euros serait resté à sa charge dans le cadre d'une intervention de reprise esthétique. S'il est vrai que la seconde expertise évoque un complément d'honoraires, elle précise qu'elle se borne à transcrire les dires du patient sur ce point et n'évoque au demeurant qu'un montant de 1 200 euros. Elle ne peut donc être regardée comme probante à elle seule sur l'existence d'un dépassement resté à charge. Toutefois, M. A... produit également deux courriers d'information préalable du 25 septembre 2017 signés respectivement par un praticien et un anesthésiste d'une clinique, ainsi que par le patient, qui évoquent, au titre de cette intervention, des dépassements d'honoraires pratiqués et correspondant en l'espèce aux montants respectifs de 1 200 euros pour le chirurgien et 413,32 euros pour l'anesthésiste. En revanche, le troisième dépassement de 450 euros allégué par M. A... n'est pas mentionné, ce chiffre correspondant plutôt à ce qui est indiqué comme étant la base de remboursement par la sécurité sociale. La seconde expertise constate la réalisation d'une intervention en octobre 2017 dans une clinique. Enfin, le requérant produit un courrier du praticien du 15 mai 2020 qui confirme qu'un dépassement d'honoraires a effectivement été pratiqué. Compte tenu de l'ensemble précis, sérieux et concordant d'éléments constitué par les actes de 2017 et 2020, il y a lieu en l'espèce d'admettre que M. A... a conservé à sa charge des dépassements d'honoraires pour un montant total de 1 613,32 euros.

11. En deuxième lieu, s'agissant des frais divers, M. A... demande le remboursement de frais de transport pour un montant total de 996,26 euros. Il se borne cependant à produire une convocation à une réunion d'expertise prévue à Annecy le 26 avril 2018, qui ne justifie pas les cinq trajets invoqués et non explicités, dont chacun correspond à un kilométrage distinct non expliqué. Le tribunal, compte tenu des déplacements nécessités par les expertises de 2015 et 2018, a évalué par référence à la distance parcourue, au barème kilométrique et au coût du péage, les déplacements correspondants en voiture à une somme de 609,31 euros, non contestée par le centre hospitalier et son assureur et qui n'apparait pas insuffisante.

12. En troisième lieu, s'agissant des préjudices professionnels, il résulte de l'instruction et notamment des fiches de paie produites par M. A... qu'il exerçait l'activité salariée de charpentier-couvreur, en contrat à durée indéterminée, pour un salaire mensuel de 1 766,96 euros au moment de la prise en charge hospitalière. Les expertises relèvent que le handicap visuel dont il est atteint le rend inapte à continuer son activité de charpentier-couvreur. L'atteinte visuelle liée aux fautes hospitalières a tout d'abord justifié des arrêts de travail, puis la perte de son emploi et une inscription au chômage, sans qu'il résulte de l'instruction qu'il aurait retrouvé depuis une activité. Il s'est par ailleurs vu reconnaitre la qualité de travailleur handicapé. Eu égard à la nature et à la gravité de l'atteinte subie, il est constant que M. A... ne peut plus exercer son activité. Eu égard à sa formation, à son expérience, à la nature des séquelles subies et à son état général, il ne résulte pas de l'instruction qu'il bénéficierait d'une perspective réelle de retrouver un emploi et pourrait accéder dans les conditions usuelles à une activité professionnelle, même si la seconde expertise n'exclut pas formellement toute éventualité théorique de reconversion professionnelle. Il doit, dès lors, être regardé comme ayant subi un préjudice professionnel tenant à la perte du salaire qu'il aurait perçu s'il avait continué à exercer son activité salariée.

13. D'une part, eu égard à la période écoulée entre la date des fautes médicales, soit la fin du mois d'octobre 2015, et la date du présent arrêt, ainsi qu'au salaire mensuel précité, les pertes de revenus échues à la date du présent arrêt s'élèvent à la somme totale de 178 462,96 euros. Par ailleurs, M. A..., né le 8 août 1979, est âgé de 44 ans à la date du présent arrêt. En retenant un départ à la retraite qui serait intervenu à l'âge de 62 ans, soit un taux de capitalisation de 16,575 en appliquant la table de capitalisation du référentiel dressé par l'ONIAM dans son édition du 22 mai 2023, les pertes de revenus futures capitalisées s'élèvent au montant de 351 448,34 euros. Les pertes de revenus subies par M. A... s'élèvent ainsi au montant total de 529 911,30 euros.

14. D'autre part, il résulte de l'instruction et notamment de l'état des débours de la caisse et de l'attestation d'imputabilité du médecin conseil, non contestés, que M. A... a perçu des indemnités journalières, pour la période du 27 octobre 2014 au 23 octobre 2017, imputables à hauteur d'un montant total de 35 609,94 euros. Il résulte par ailleurs d'attestations de BTP Prévoyance produites en première instance que cet organisme lui a versé des indemnités journalières complémentaires pour un montant total de 5 226,76 euros. M. A... a également perçu de la caisse de sécurité sociale une rente d'accident du travail pour un total d'arrérages échus de 9 078,81 euros, imputable à hauteur de 50 % soit à hauteur de 4 539,41 euros. La caisse lui a enfin versé un capital invalidité de 174 569,90 euros, également imputable à hauteur de 50 %, soit 87 284,95 euros. M. A... a par ailleurs bénéficié d'une rente complémentaire d'invalidité versée par BTP prévoyance. S'il n'a initialement produit, en dépit de mesures d'instruction et des moyens invoqués en défense, que des éléments partiels sur ce point, il résulte d'une attestation produite en appel et établie par cet organisme qu'au 8 septembre 2022 il a perçu une somme totale de 25 943,08 euros pour la période allant jusqu'à août 2022. Il résulte d'une nouvelle attestation de cet organisme du 2 juillet 2023 qu'au titre des mois de septembre 2022 à mai 2023, il a perçu un montant complémentaire de 7 388,15 euros. Le montant mensuel net de la prestation est par ailleurs en dernier lieu porté à 821,86 euros. Il a ainsi perçu un montant échu de 41 549,83 euros à la date du présent arrêt, en prenant en compte les montants mensuels alloués depuis juin 2023. Eu égard au montant mensuel de la prestation et taux de capitalisation qui a été évoqué au point précédent, il recevra par ailleurs un montant capitalisé de 163 467,95 euros. M. A... s'est également vu allouer le 18 mars 2016 l'allocation aux adultes handicapés de 2015 à 2020 pour un taux d'incapacité évalué entre 50 % et 80 %. Il s'est initialement borné, en dépit de mesures d'instruction et des moyens invoqués, à produire un relevé isolé faisant état d'un rappel de 99,18 euros pour le mois d'octobre 2016. En appel, il a produit un courrier de la caisse d'allocations familiales de Saône-et-Loire du 15 novembre 2022 récapitulant les sommes versées par cette caisse jusqu'à janvier 2020 et faisant état de sa radiation ultérieure. Il en résulte qu'il a perçu un montant total de 8 560,96 euros. Enfin, Pôle emploi a exposé en première instance lui avoir versé une somme totale de 27 410,42 euros d'allocation d'aide au retour à l'emploi en raison du préjudice professionnel lié aux fautes hospitalières. Le total des montants perçus de tiers payeurs par M. A... au titre de ses préjudices professionnels s'élève ainsi à 373 650,22 euros.

15. Il résulte de ce qui précède que le préjudice professionnel resté à la charge de M. A..., correspondant à la perte de revenus et à l'incidence professionnelle du handicap, s'élève au montant total de 156 261,08 euros.

En ce qui concerne les droits respectifs de M. A... et de la CPAM de la Côte d'Or :

16. Alors que la responsabilité du centre hospitalier est entière, il résulte de l'ensemble de ce qui a été dit précédemment que les préjudices restés à la charge de M. A... s'élèvent au montant total de 242 758,64 euros. Il résulte toutefois de l'instruction et il est d'ailleurs admis par M. A... que, dans le cadre de la procédure amiable d'indemnisation, la SHAM lui a versé une première provision de 10 000 euros en janvier 2016, puis une seconde provision de 30 000 euros en octobre 2018. En appel, la société Relyens établit en outre, sans être contestée, que la SHAM a également versé une provision de 1 748,52 euros en septembre 2017. Compte tenu de la somme totale de 41 748,52 euros ainsi versée, la somme restante due par le centre hospitalier et son assureur s'élève à 201 010,12 euros. Ce montant sera assorti d'intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2018, conformément à la demande expresse de M. A..., alors même qu'il résulte de l'avis de la commission de conciliation et d'indemnisation que sa saisine valant demande était complète au 21 juillet 2015. Contrairement à ce que M. A... soutient, il n'y a par ailleurs pas lieu de doubler le taux de l'intérêt légal en application des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances, qui concernent l'assurance des véhicules terrestres à moteur et ne trouvent pas à s'appliquer en l'espèce. Enfin, la capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois dans la demande de première instance enregistrée le 19 avril 2019. Une année d'intérêts n'étant pas due à cette date, la capitalisation interviendra au 9 juillet 2019 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

17. Il résulte par ailleurs de l'ensemble de ce qui a été exposé précédemment que les débours de la caisse s'élèvent au montant total non contesté de 150 821,85 euros, alloué par le tribunal, outre l'indemnité forfaitaire de gestion allouée également par le tribunal et non contestée.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier du pays Charolais-Brionnais et la société Relyens mutual insurance sont uniquement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon n'a pas limité à un montant de 201 010,12 euros, portant intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2018 avec capitalisation au 9 juillet 2019 et à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette dernière date, la somme qu'ils ont été solidairement condamnés à verser à M. A....

Sur les frais de l'instance :

19. M. A... et la CPAM de la Côte d'Or n'étant pas parties gagnantes dans la présente instance, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La somme que le centre hospitalier de Paray-le-Monial devenu le centre hospitalier du pays Charolais-Brionnais et la société hospitalière d'assurances mutuelles devenue la société Relyens mutual insurance ont été condamnés solidairement à verser à M. B... A..., est ramenée au montant de 201 010,12 euros, portant intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2018 avec capitalisation au 9 juillet 2019 et à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette dernière date.

Article 2 : L'article 1er du jugement n° 1901147 du 7 juillet 2022 du tribunal administratif de Dijon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au centre hospitalier du pays Charolais-Brionnais, à la société Relyens mutual insurance, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or, à BTP Prévoyance et à France travail.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,

M. Gros, premier conseiller,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.

Le président-rapporteur,

H. Stillmunkes

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

B. Gros

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02661 - 22LY02699


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02661
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. STILLMUNKES
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SARL LE PRADO - GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;22ly02661 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award