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26/03/2024 | FRANCE | N°23LY02414

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 26 mars 2024, 23LY02414


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 20 avril 2022 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé un pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant deux ans.



Par un jugement n° 2200901 du 29 avril 2022 la magistrate désignée du tr

ibunal administratif de Clermont-Ferrand, a, d'une part, annulé les décisions portant obligation...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 20 avril 2022 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé un pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant deux ans.

Par un jugement n° 2200901 du 29 avril 2022 la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, a, d'une part, annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire sans délai, fixant le pays de renvoi et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant deux ans et, d'autre part, renvoyé à une formation collégiale les conclusions dirigées contre la décision de refus de titre de séjour.

Par un jugement n° 2200901 du 26 mai 2023, le tribunal, qui n'a statué que sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision portant refus de séjour du 20 avril 2022, a rejeté la demande d'annulation de la décision de refus de titre de séjour.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 juillet 2023, M. B... A..., représenté par Me Khanifar, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 mai 2023 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) d'annuler la décision du 20 avril 2022 par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme a rejeté sa demande de titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme, dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt et sous astreinte de 20 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'un an mention " vie privée et familiale ", sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil le versement de la somme de 1 200 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- que le tribunal ne pouvait estimer qu'il n'avait pas contesté le motif de refus de titre de séjour fondé sur le fait qu'il ne remplit pas les conditions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce que, à l'audience du 29 avril 2022, son conseil avait oralement soutenu à l'encontre des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français que le préfet du Puy-de-Dôme n'avait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle, qu'il avait commis une erreur manifeste d'appréciation, que l'intérêt supérieur de leurs enfants était méconnu et qu'il était porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

- le refus de séjour méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants et porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.

La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme qui n'a pas présenté d'observations.

Par une décision du 27 septembre 2023, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Burnichon, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 10 novembre 1979 à Adiyaman (Turquie) et de nationalité turque, est entré irrégulièrement sur le territoire français en septembre 2015. Suite au rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 11 février 2016 et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 15 avril 2016, il a fait l'objet, le 1er juillet 2016, d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours prise par le préfet du Val d'Oise, qu'il n'a pas exécutée. Il a déposé devant le préfet du Puy-de-Dôme, le 23 octobre 2020, une demande de titre de séjour pour motif familial. Par un arrêté du 20 avril 2022, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a pris une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Par un arrêté du même jour, il a été assigné à résidence. Par un jugement nos 2200901, 2200902, 2200929, 2200930 du 19 avril 2022, devenu définitif, la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, a annulé les décisions du 20 avril 2022 portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, interdiction de retour sur le territoire français et assignation à résidence et, d'autre part, a renvoyé devant une formation collégiale les conclusions et moyens soulevés par M. A... contre le refus de titre de séjour qui lui a été opposé. M. A... relève appel du jugement du 26 mai 2023 par lequel la formation collégiale du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour opposé le 20 avril 2022 par le préfet du Puy-de-Dôme.

Sur la régularité du jugement :

2. La magistrate désignée ne s'est prononcée dans son jugement du 19 avril 2022 que sur la légalité des décisions du 20 avril 2022 portant mesure d'éloignement, refus de délai de départ volontaire, interdiction de retour sur le territoire français et assignation à résidence, et a renvoyé les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour à la formation collégiale. Si le requérant peut être regardé comme soutenant que son conseil a soulevé oralement des moyens contre le refus de titre de séjour, il n'appartenait à la formation collégiale, se prononçant sur ce refus, d'y répondre que dans la mesure où ils ont été repris par l'intéressé dans ses écritures dans le litige porté devant cette formation collégiale et dont elle avait à connaître.

Sur la légalité du refus de titre de séjour du 20 avril 2022 :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Aux termes du I de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

5. En premier lieu, si la magistrate désignée du tribunal de Clermont-Ferrand, dans son jugement du 29 avril 2022 devenu définitif, a annulé les décisions du 20 avril 2022 portant mesure d'éloignement, refus de délai de départ volontaire, interdiction de retour sur le territoire français et assignation à résidence au motif qu'elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen et du I de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, ce jugement n'a pas d'autorité de la chose jugée sur la décision, distincte, de refus de titre de séjour, sur laquelle elle ne s'est pas prononcée.

6. En second lieu, M. A... se prévaut de sa présence sur le territoire français depuis septembre 2015, aux côtés de sa compagne, de nationalité marocaine, et de leurs deux enfants nés en 2017 et 2019, en arguant de l'impossibilité de reconstituer leur cellule familiale hors de France compte tenu de leur différence de nationalités. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A... est entré sur le territoire français à l'âge de trente-six ans, qu'il a une épouse et une fille mineure en Turquie et qu'il n'est ainsi pas dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine. Par ailleurs, sa compagne sur le territoire français ne dispose d'aucun titre de séjour et il ne ressort pas des pièces du dossier que la vie privée et familiale de leur couple et leur cellule familiale avec leurs deux jeunes enfants ne pourrait pas se reconstituer dans le pays d'origine de M. A..., la Turquie, ou encore, dans celui de sa compagne, le Maroc. Enfin, l'intéressé, qui n'apporte aucun élément quant à son insertion sociale ou professionnelle, a par ailleurs reconnu avoir présenté à son employeur deux fausses cartes d'identité bulgare pour obtenir un contrat de travail, un faux permis de conduire bulgare, un faux passeport bulgare, et une fausse carte d'identité française. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Puy-de-Dôme n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les stipulations du I de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

7. Il résulte de tout ce qui précède, étant relevé qu'il ne conteste pas l'autre motif du refus de séjour opposé par le préfet ni ne reprend ses moyens développés en première instance, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.

La rapporteure,

C. BurnichonLa présidente,

M. C...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02414
Date de la décision : 26/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : KHANIFAR

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-26;23ly02414 ?
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